En réponse aux attentats terroristes survenus en 2014 à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa, le Québec s’est donné pour objectif de lutter contre l’engagement de certains jeunes dans le terrorisme. Au terme d’un long processus de réflexion et de débats collectifs, ce phénomène a été converti en problème public et désigné sous l’expression « radicalisation menant à la violence ». Or, une telle dénomination en exclut d’autres, limitant ainsi l’horizon de solutions possibles de ce problème. Pourquoi, par exemple, ce problème a-t-il été nommé en termes de radicalisation, mais pas en termes d’intégrisme, de fondamentalisme ou de terrorisme? Comment en est-on arrivé, au Québec, à formuler ce problème en termes de radicalisation? Qui sont les protagonistes de ce « on » qui ont décidé de signifier et de traiter ce problème selon cette dénomination?
Notre enquête montre que la définition de ce problème implique le travail interprétatif d’un public large, composé aussi bien d’experts, de scientifiques, de politiciens que de journalistes, de faiseurs d’opinion et de citoyens ordinaires. Elle révèle que la signification attribuée à ce problème, autant que les causes identifiées pour l’expliquer et les solutions envisagées pour le résoudre ne lui sont ni inhérentes, ni permanentes, ni décisives, ni objectives, mais socialement produites. En d’autres termes, le problème de la radicalisation menant à la violence pourrait être nommé, expliqué et résolu autrement.