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L’entrée dans l’ère de la modernité, si on peut appeler ainsi la rencontre de l’Afrique avec l’Europe industrielle et conquérante, n’a pas seulement été caractérisée par la violence. Celle-ci a aussi induit un renversement des systèmes faisant qu’à tous les tournants de l’histoire, les sociétés africaines se retrouvent obligées de changer les paradigmes de leur gestion, tout en tentant de préserver leurs cultures. Son émergence en terre africaine montre que la démocratie pluraliste constitue l’un des motifs de ce renversement et changement de paradigmes. Face aux multiples changements, plusieurs tentatives de solutions ont été proposées, en s’inspirant du modèle européen de la démocratie.

Étant entendu que l’on cherche sur quels fondements bâtir et consolider la démocratie constitutionnelle en terre africaine, la théorie rawlsienne de la justice comme équité ne pourrait-elle pas offrir une heureuse solution?

Pour atteindre notre objectif, dans la réalisation des indicateurs de la démocratie (justice distributive, égalité des chances, liberté d’expression et d’association, respect des droits humains, reconnaissance de la souveraineté des États…), nous articulerons la justice sociale rawlsienne avec les acquis de l’héritage traditionnel africain, source d’inspiration de l’organisation sociopolitique des États-nations postcoloniaux d’Afrique.



La sociologie se trouve de plain-pied impliquée au sein d'un processus d'interprétation, dès lors qu'elle se propose de comprendre un phénomène social. Pourtant, force est d'admettre que peu de théories herméneutiques satisfont aux critères d'objectivité auxquels cherche à adhérer la discipline. Les théories gadamérienne et ricoeurienne de l'interprétation, qui offrent à ce jour les percées les plus pénétrantes en matière d'herméneutique, s'avèrent d'un usage limité à l'égard de l'objet sociologique. Ces approches, en effet, accordent, selon nous, trop d'importance au vécu existentiel de l'interprète, négligeant de ce fait la valeur objective du fait social, tel que Durkheim nous invitait à le concevoir. Nous proposons, dans le présent article, de fusionner la théorie herméneutique ricoeurienne avec une conception dialogique du symbole, de manière à reconnaître, dans l'ethos, le principe directeur à partir duquel interpréter le phénomène social comme structure autonome, et donc objective.



De quoi sommes nous informés dans notre méditation au Collège de France pendant que Foucault expose son Herméneutique du sujet de Platon à Augustin ? Foucault y montre comment le sujet doit se constituer lui-même. Qu’est-ce que le sujet pour lui, quelle définition en donne-t-il alors qu’il s’aventure dans l’Antiquité tardive et qu’il ajoute au compte du sens l’apport des Pères de l’Église ? C’est là qu’il faut interpréter ou chercher à savoir.

Foucault refuse d’employer le terme de « substance » pour traiter du sujet. Cela oblige à déceler la perte de signification dans la mutation terminologique du grec au latin. En amont de la traduction de la notion de substance, il y a une structure qui explique le fonctionnement de l’âme dans son devenir. Foucault crypte ou élague l’héritage grec de cette structure pour mieux la transmettre dans ses enseignements. Sans ouvrir le dossier médiéval du sujet, il conviendra de penser l’avènement de la subjectivité moderne dans le passage du logos stoïcien au logos chrétien. Ce n’est qu’ainsi que peut être entendu, dans l’espace ouvert par le souci de soi, le verbe et le transfiguration « du logos en êthos ».

Dans Vices of the Mind, le philosophe Quassim Cassam développe un cadre théorique pour saisir les vices qui contaminent la pensée, ce qu’il conceptualise comme des « vices épistémiques », c’est-à-dire des traits de caractère, des attitudes ou des modes de pensée qui font obstacle à l’acquisition et au partage des connaissances. Par exemple, l’étroitesse d’esprit, les préjugés, le dogmatisme, le mensonge à soi-même et le biais de confirmation sont des vices épistémiques. Or, mis à part la thérapie cognitive individuelle, des mécanismes robustes et collectifs de dissolution de ces vices épistémiques ne sont pas proposés. Pour faire face à cette lacune, il nous intéresse d’arrimer le concept des vices épistémiques aux apports de la philosophie pour enfants et adolescents, notamment la méthodologie de la communauté de recherche philosophique (CRP) pour travailler à les reconnaître et à les dissoudre. J’avance ainsi que la CRP représente une avenue pédagogique prometteuse afin de lutter contre les raisonnements défectueux. À l’aide du cadre fourni par Cassam, je chercherai d’abord à cerner ces vices, particulièrement l’étroitesse d’esprit. Une fois ce diagnostic établi, j’examinerai si la pratique philosophique peut participer à dissoudre explicitement cette entrave à la connaissance dans des CRP réalisées lors de cours de philosophie au collégial. En somme, est-ce que cette praxis collective contribue à dissoudre ce vice, mais aussi à développer la vertu épistémique?

La plupart des éthiciens modernes et contemporains tentent de faire de l’éthique une science rigoureuse. Les différentes variantes contemporaines du conséquentialisme sont de bons exemples de cette tendance. Je me propose de montrer que cette recherche d’un fondement de type scientifique à la morale relève d’une méconnaissance de la nature même du savoir moral et conduit à des apories insurmontables.  À partir de l’interprétation que donne Hans-Georg Gadamer du concept aristotélicien de sagacité (phronésis) dans Vérité et méthode, je tenterai de montrer qu’il est possible d’éviter le relativisme éthique sans qu’il soit nécessaire de fonder la morale ou de disposer d’un critère moral absolu. En effet, d’après Gadamer, l’exigence de fondation absolue en morale n’est que l’importation illégitime du modèle épistémique des sciences de la nature. Selon l’interprétation gadamérienne d’Aristote, la vie humaine est trop complexe pour qu’il soit possible de la soumettre à des règles générales, ce qui ne veut pas dire pour autant que tout soit relatif en morale. Nous verrons avec Aristote qu’on ne peut jamais trancher théoriquement un dilemme moral, mais qu’on peut se laisser guider par la sagacité acquise par une longue expérience de la vie pour savoir reconnaître ce qui apparaît comme étant le plus juste.



Les rituels funéraires ont souvent comme fonction d'accompagner le corps et l'esprit, aider les endeuillés dans l'expression de leur douleur ainsi que de rétablir un certain équilibre social (Van Gennep 1960;Fellous 2001).Si le rituel permet l'expression ou le partage d'émotions liées à un deuil, il convient de se demander si de telles expériences peuvent être qualifiées de « thérapeutiques », puis si une institutionnalisation des émotions liées à la mort, comme cela se produit dans les soins palliatifs en Occident, est toujours dans l’orbe du thérapeutique. Il est en ce sens intéressant de comparer deux terrains, soit une maison de soins palliatifs québécoise ainsi que les pratiques d'un groupe de pleureuses situées au Brésil afin de qualifier les formes différentielles d’expression des émotions liées à la mort. Aux soins palliatifs, le patient est inscrit dans une série de « petits moments » qui peuvent ici être considérés comme les éléments d’une micro-ritualité axée sur l’individu plutôt que le collectif (Cheal 1998; Seale 1998). Les chants de lamentation permettent, pour leur part, une expression ponctuelle à la fois individuelle d'une émotion liée à la mort ainsi que la "communion de sens" autour d'un sentiment partagé (Turner 1986;Lea 2004).L'étude comparative nous permet donc de jeter un regard critique sur le rituel tel qu'il est vécu selon ses fonctions sociales en plus de comparer ses effets à l'intérieur ainsi qu'à l'extérieur d'un contexte institutionnel.

La communication proposée a comme objectif de comparer l’aspect prophétique du Zarathoustra de Nietzsche avec l’idéal-type du prophète tel que conceptualisé par Weber. Par une lecture attentive d’Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche et des passages sur le charisme dans Économie et société de Weber, je tenterai de mettre en lumière les harmonies et les dissonances résultant du rapprochement entre la parole de Zarathoustra et la parole charismatique du prophète wébérien. Je mettrai l’accent sur le statut du langage qui caractériserait la parole prophétique : une parole créatrice de nouvelles valeurs, auto-légitimante, en opposition à son époque (« inactuelle », dirait Nietzsche), bref, une parole qui ouvre les virtualités du langage. On peut aussi prévoir une différence fondamentale : la puissance de la parole prophétique trouve sa source, pour Weber, dans la reconnaissance des laïcs, tandis que Nietzsche associerait cette nécessité de reconnaissance à un « esprit grégaire », vivement critiqué par son personnage Zarathoustra. Cette comparaison devrait prendre en compte les postures propres aux deux auteurs : tandis que Weber cherche à comprendre le changement social par son concept de charisme, Nietzsche agit en donnant directement la parole à Zarathoustra. Pour finir, une telle comparaison contribuera à la compréhension du prophétisme chez Nietzsche et Weber, ainsi que du lien qui existe entre les pensées de ces deux auteurs.

Quelle est la source, dans notre imaginaire occidental, du fantasme d’immortalité qui motive le transhumanisme? Nous proposons que la quête de savoir, de contrôle, voire de puissance sans borne — et par corollaire d’immortalité — qui caractérise la technoscience est plus ancrée dans nos racines chrétiennes que nous le soupçonnons. En effet, la grande particularité de l’Évangile est de s’être imposé comme récit de vérité exhortant chacun à choisir entre l’adhésion totale à son message, qui mènerait à la vie éternelle, ou à subir la mort, posée comme châtiment. Le rapport à la mort, en Occident, est ainsi profondément marqué par sa matrice chrétienne.

Or le principe de vérité posé au coeur de l’Évangile ne s’est pas pour autant étiolé avec la sécularisation, il s’est plutôt déplacé vers le monde immanent, en investissant l’ambition humaine d’une puissance infinie. Ce principe de vérité s’est transféré, en outre, dans la technique et la science, notamment dans le transhumanisme qui, à la suite de la médecine, cherche à repousser au maximum l’échéance de la mort, voire à la vaincre complètement. Mais ce refus de la mort est aussi le refus de la limite, puisqu’elle s’impose comme rappel inéluctable des limites de notre savoir et de notre civilisation. Le transhumanisme se présenterait ainsi comme un espoir pour renouer avec une forme d'absolu dont le souvenir nous habite toujours. Ce mouvement serait-il devenu un discours de vérité promettant à ses adhérents la transcendance?

Qu'est-ce qu'une étude de cas? Pourquoi faire une étude de cas en histoire de la consommation? Sur quels critères peut-on choisir le groupe, la famille ou l'individu constitutif de l'étude de cas?

C'est à toutes ces questions que tentera de répondre ma communication.

Et pour cause, par le biais de ma thèse sur la consommation bourgeoise canadienne-française, en milieu urbain, au XIXe siècle, j'ai recours à une étude de cas (famille d'Antoine Gérin-Lajoie). Une telle approche semble tout indiquée puisque mon objectif est de comprendre, à l'échelle humaine, et sous différents angles, les rapports existants entre les hommes et la consommation. Une telle étude, qui combine méthodes quantitatives, en documentant les pratiques de consommation, et qualitatives, à travers l'analyse du ressenti des individus vis-à-vis de la consommation et des choses qui les entourent, vise alors à redonner sa place au consommateur en dessinant une histoire humaine et intime de la consommation.

Ainsi, à travers l'exemple de ma propre étude de cas, je soulignerais les apports théoriques et méthodologiques d'une telle approche, en même temps que je présenterais quelques résultats de recherches préliminaires, résultats qui prendront la forme d'une biographie commentée de la famille Gérin-Lajoie. Par cette association entre théorie et résultats, j'espère contribuer à l'avancement des méthodes et des connaissances dans le champ des études sur la culture matérielle, et des sciences humaines plus largement.

Usitée tant en théorie de la connaissance qu'en philosophie du langage, la notion de "signification" constitue un thème classique chargé moins par le poids du consensus que par celui de la pluralité des conceptions rivales alimentant maints débats. Nous souhaitons néanmoins porter notre attention sur un détail généralement passé sous silence dans la littérature, à savoir le statut logique de la notion de "signification-stimulus". Le naturalisme de Quine consiste à faire de la philosophie une partie de la science en substituant aux concepts mentalistes traditionnels des explications en termes de comportements verbaux. Or, dans Word and Object, Quine propose explicitement une définition de la notion de "signification-stimulus". Dans ces conditions, il est légitime de reconnaître si le système quinien permet à Quine d'être logiquement justifié à parler d'une définition de cette notion. Afin d'esquisser une réponse à cette question, nous proposons en premier lieu de procéder à une reconstruction de la notion de "signification-stimulus" en termes neurophysiologiques. Nous relèverons ensuite un emploi par Quine de la notion de signification. Ces considérations nous permettrons de mettre en lumière, d'une part, l'incongruité du caractère hybride de la notion de "signification-stimulus" ; d'autre part, le statut logique que l'on doit assigner à cette notion. En guise de conclusion ouverte, nous aborderons la possibilité pour le système quinien d'en offrir une définition implicite.

Mon mémoire porte sur l’Expérience de Mort Imminente (EMI) et sur les neuroscientifiques qui l’étudient. L’EMI se réfère aux individus qui rapportent avoir vécu une décorporation et une expérience transcendantale significative alors qu’ils ont été déclarés cliniquement morts. Au cours des dernières décennies, la discipline de la neuroscience a entrepris de résoudre cette anomalie à partir de son savoir scientifique. L’EMI, que nous définirons, est devenue l’enjeu axiomatique d’une confrontation paradigmatique entre matérialiste et dualistes des neurosciences pour l’explication ontologique de l’être humain. À partir de paradigmes antinomiques les neuroscientifiques tentent de répondre à cette question : « Est-ce que la conscience humaine est de nature immortelle ou est-elle réductible aux processus neurologiques du cerveau ? » Voilà l’enjeu que se dispute deux groupes de neuroscientifiques que l’on peut classer en deux clans distincts, soit les matérialistes dominants et les dualistes émergents. Chaque groupe réalise des recherches scientifiques hétéroclites sur l’EMI et l’Expérience Hors Corps (EHC) qui visent à valider leur position paradigmatique respective. Les matérialistes luttent pour conserver leur position de domination dans ce champ scientifique, tandis que les dualistes cherchent à les supplanter et à imposer un nouveau paradigme qui métamorphoserait l’épistémé scientifique contemporaine.

           Notre exposé cherche à dégager la nature et le rôle stratégique de la métaphore de la lisibilité du monde dans l'économie de la pensée benjaminienne et son importance pour l'élaboration d'une métaphorologie (Blumenberg, 1960)

            De fait, la métaphore de la lisibilité du monde est le postulat qui permet de penser l'unité de sa méthode interprétative. Puisque c'est à partir d'un tel postulat que la proposition de Benjamin, exposée dans un fragment de 1917, percevoir c'est lire, peut être comprise. Si la lisibilité du monde est une métaphore, c'est bien parce que les premières formes de lecture se sont faites avant la naissance de l'écriture, dans la lecture des entrailles, dans les étoiles et dans les danses. C'est donc dire que la perception est un phénomène qui, loin d'être une réalité strictement empirique, relève en dernière instance du langage. D'ailleurs, dans un autre fragment de la même époque, il affirme que la perception est une modalité du langage. Ce qui nous permettra de comprendre sa théorie mimétique du langage comme production de ressemblance non sensible. Ces considérations nous permettront, d'une part, de démontrer que la position de Walter Benjamin permet d'écarter dans le domaine de l'interprétation deux paradigmes opposés : la stricte empiricité et la tradition herméneutique (Gadamer, 1960). D'autre part, nous démontrons que l'origine de la connaissance humaine s'inscrit dans un tissu métaphorique préalable.





La toxicomanie et la parentalité se posent souvent comme antinomiques, notamment aux yeux de la loi. Pourtant, du point de vue psychique, et particulièrement au regard du mode d’investissement de l’objet, l'objet-drogue et l’enfant pourraient partager certaines caractéristiques, ou encore s’inscrire dans une solution de continuité tout aussi révélatrice du passage possible pour les parents d’un mode de vie de consommation à une parentalité exempte de celle-ci. Une telle compréhension pourrait s’avérer fertile pour l’intervention auprès des parents toxicomanes.

Notre étude vise à explorer les fonctions de la prise de drogue dans le parcours de jeunes parents dits «en difficulté» et, en parallèle, les fonctions psychiques de l’enfant chez ces parents. Une seconde étape de la recherche s’intéresse aux parallèles possibles entre les fonctions accordées à ces deux objets par les jeunes parents.

Pour ce, nous avons mené une analyse qualitative «à l’aide de catégories conceptualisantes» (Paillé et Mucchielli, 2012) d’entretiens semi-directifs recueillis dans le cadre d’une recherche du GRIJA portant sur la parentalité chez les jeunes adultes en difficulté. Nos résultats laissent entrevoir des croisements entre le mode d'investissement et les fonctions de l'objet-drogue et de l'enfant, lesquels permettent d’envisager des alternatives dans la compréhension des difficultés du maintien de l’abstinence chez ces parents, ainsi que de nouvelles voies pour l’intervention en ce domaine.

Mes recherches se concentrent spécifiquement sur la critique du concept de Raison dans l’œuvre d’Herbert Marcuse, célèbre théoricien de ce qu’on appelle maintenant l’« École de Francfort ». Ce sujet nous amène des fondements typiquement hégéliens de la Théorie critique jusqu’à leur renversement radical au courant de la Seconde guerre mondiale. À travers différents thèmes qui traversent la pensée de Marcuse, ma conférence entend retracer ses tentatives pour trouver un fondement de la critique autre que celui, absolument inévitable en philosophie, de la Raison. Refusant obstinément de nuancer ses constats allant dans le sens d’une régression de la critique et d’une atrophie des capacités de négation de l’ordre établi dans la société industrielle avancée, sans pour autant jamais cesser de chercher ce qui, « de l’intérieur », pouvait encore receler un potentiel subversif de transformation, Marcuse tente tant bien que mal d’échapper à l’aporie inhérente à cette critique radicale de la Raison en s’efforçant de trouver dans les différentes sphères de l’existence humaine une dimension encore capable de résister à son intégration totalitaire dans le capitalisme avancé. Cette réflexion nous amène à nous demander s’il existe ou non des alternatives pour une critique sociale qui ne prétend plus plonger dans la Raison ses racines. Dans le sillage de Marcuse, nous suivons un chemin hésitant mais audacieux qui nous conduit vers rien de moins que les limites de la modernité elle-même.

Notre communication porte sur la pensée du psychiatre martiniquais Frantz Fanon en lien avec la situation coloniale et « décoloniale » de l’Algérie entre 1954 et 1960. Nous étudions ici le portrait que Fanon dresse sur l’évolution du rôle social et du statut des Algériennes avant et pendant la guerre d’Algérie. Ce regard sur la marginalité est alors inédit parmi les penseurs anticoloniaux et nous soutenons que Fanon est véritablement le premier à prendre en considération l'histoire sociale des femmes dans le contexte des indépendances africaines. Notre problématique de référence gravite autour d'une réflexion précise. Nous nous questionnons à savoir comment Fanon analyse-t-il l’évolution du statut social et le rôle des Algériennes avant et durant la guerre d’Algérie?

Dans son portrait, il dénote une fissure causée par le conflit entre leur statut traditionnel et leur rôle de combattantes au sein de la lutte indépendantiste. Il perçoit que cet engagement crée un phénomène d'émancipation. C’est dans cette optique que nous analysons l'organisation et le fonctionnement du noyau familial algérien ainsi que la place des femmes dans cette société. Nous nous penchons ensuite sur leur rôle dans la lutte d’indépendance et nous verrons comment les réalités vécues par les combattantes diffèrent des propagandes révolutionnaires du FLN. Nous appuierons notre réflexion par le croisement des deux études de Fanon, soit L’An V de la révolution algérienne (1959) et Les damnés de la terre (1961).

Mon projet de recherche porte sur la création de la réserve innue de Nutashkuan dans les années 1950. À travers des entrevues d’histoire orale réalisées avec des membres de la communauté, et à l’aide de photographies d’époque et d’archives des missionnaires et des agences fédérale et provinciale, je tente de comprendre comment une réserve s'est établie à l’embouchure de la Grande rivière Natashquan, et comment les Innus qui l’habitent se souviennent de ces événements.

Dans le cadre de cette communication, je souhaite aborder plus spécifiquement le processus de recherche en lui-même et certaines questions méthodologiques liées à mon projet. En 2005, un protocole de recherche a été mis en place par l’APNQL pour encadrer la recherche en milieu autochtone et insister sur l’importance d'une collaboration avec les communautés. Comment cela se passe-t-il dans la réalité? Comment fait-on pour que la recherche soit réellement une «zone de convergence» entre une chercheure extérieure et une communauté? Est-ce possible?

Mon expérience m’a montré les difficultés de s’assurer que la communauté soit en accord avec la recherche. Par ailleurs, la collaboration demande beaucoup de temps, et peut impliquer une réorientation des intérêts de recherche, un choix parfois difficile à faire. Finalement, c’est parfois à l’extérieur de la recherche principale et du cadre universitaire que naît l’espace collaboratif et, peut-être, la recherche la plus utile pour la communauté.

Raymond Aron et Paul Ricœur ont tous deux développé des philosophies critiques de l’histoire, condamnant les totalisations des philosophies spéculatives de l’histoire (Hegel, Marx, Comte…). À partir de perspectives différentes, ils ont cherché à historiciser la raison, en déployant une pensée nécessairement compréhensive et pétrie du caractère contingent de l’histoire. Ils ont donc cherché à arrimer Raison et Histoire : Aron à partir d’un questionnement épistémologique sur l’histoire et Ricœur, d’une herméneutique de la narration historique. La fin de l’histoire, d’eschatologique qu’elle était, sous les philosophies spéculatives de l’histoire, a ainsi pris le sens d’une visée et d’une intention de raison, indissociables de la réflexivité du savant sur sa propre condition. Notre communication s’interrogera sur le statut que revêt, chez eux, la raison, en regard de ces inflexions du rationalisme et de l’idéalisme. Elle y prend la double forme, complémentaire plutôt que contradictoire, d’un idéal, voire d’une utopie nécessaire, ainsi que d’une raison incarnée dans le travail du savant, qu’il tire des raisons d’agir au sein du monde vécu. Situation paradoxale, mais non aporétique, où la Raison devient l’objet d’une croyance, d’un acte de foi et d’espérance, et guide la réflexion sur l’histoire. Aron et Ricœur ont en effet pensé une idée de la raison comme horizon régulateur et idée-limite kantienne, tout en prenant la pleine mesure des limites du rationalisme et de l’idéalisme.

L’objectif de la communication est de présenter une explication alternative de l'objectivité des valeurs à partir de la conception réaliste du philosophe John Searle.   La question de l'objectivité des valeurs est un enjeu fondamental qui fait l'objet de débats depuis plusieurs décennies en éthique et métaéthique.  L'élément original de la proposition tient en partie au fait que Searle n'oeuvre pas dans ces domaines et qu'il ne s'intéresse pas spécifiquement aux valeurs morales.   Il propose néanmoins une conception originale de l'objectivité et du réalisme qui peut très bien s'appliquer à la question des valeurs et qui a peut-être le mérite d'apporter un  éclairage nouveau dans le débat.  Pour lui, le réalisme n’est surtout pas une thèse, ce n’est rien d’autre qu’un présupposé, qu’une condition nécessaire à toute affirmation et toute action. Quant à son explication de l’objectivité et de la subjectivité, elle se caractérise par le fait que chacune de ces notions doit se comprendre dans un sens ontologique et épistémique.   L’hypothèse principale que je défends est que les valeurs peuvent être épistémiquement objectives dans la mesure où on les conçoit comme ontologiquement subjectives, et dans la mesure où on conçoit le réalisme comme n’étant qu’un simple présupposé.  Une hypothèse secondaire est qu'il n'y a pas de valeur sans jugement de valeur, et qu'il n'y a pas de jugement de valeur sans attribution de fonction. 

L’introduction du Test Prénatal Non-Invasif (TPNI) au sein des soins prénataux pour détecter les aneuploidies foetales tel la trisomie 21 rencontre actuellement un grand succès. Afin d'explorer les facteurs qui influencent la prise de décision des femmes enceintes et de leurs partenaires vis-à-vis du TPNI, nous avons conduit une étude qualitative basée sur des entrevues semi-dirigées à Montréal et au Liban.

Notre analyse a montré que la majorité des participants considèrent le test comme un progrès dans le cadre des technologies reproductives. Ils ont souligné les avantages d’un nouveau test non-invasif, ayant une spécificité élevée et pouvant être effectué dès la dixième semaine de grossesse. Cependant, ils ont soulevé divers facteurs jugés comme influençant leur choix de considérer le test. Ainsi, la comparaison des données a montré qu’il existe des facteurs similaires qui entrent en jeu tels le coût du test, ses caractéristiques, la perception concernant l’avortement et le désaccord potentiel entre le couple quant au choix de tester. Un élément mentionné uniquement par les couples Libanais était la recommandation du professionnel de la santé.

Pour assurer une prise de décision éclairée par les femmes et leurs partenaires, les facteurs contextuels devraient être pris en considération afin de promouvoir leur autonomie reproductive ainsi que dans l’élaboration de politiques visant une implantation éthiquement et socialement acceptable du test en clinique.

Toute bonne monographie traitant du climat intellectuel en Europe de la fin du 19e ou encore de l’Affaire Dreyfus contiendra une référence à Lucien Herr. On lui reconnait généralement la conversion au socialisme et au dreyfusisme de générations d’étudiants de l’École normale supérieure dont font parti Léon Blum et Jean Jaurès. Cependant, dans l’historiographie cette reconnaissance n’est jamais suivie d’une explication et devient plutôt un raccourci commode. L’Affaire Dreyfus étant considérée comme le moment historique de la naissance de l’intellectuel moderne en France et Lucien Herr y ayant joué un rôle central de mobilisation, notre compréhension de l’émergence de l’intellectuel peut-elle être complète sans l’analyse de ce cas? Dans le cadre de cette communication nous nous proposons donc de présenter le cas de Herr par une analyse de son engagement intellectuel, de son parcours professionnel et de ses écrits. Il s’agit de dégager une philosophie de l’engagement ancrée dans une logique de soustraction collective et de voir son impact dans ses réseaux. Cette communication, basée sur les résultats de recherches effectuées dans le cadre de la maîtrise, permettra de présenter un cas important dont les travaux précédents remontent aux années 70 et qui bénéficie maintenant des avancements récents en histoire des intellectuels. L’historiographie peut-elle faire l’économie de l’étude d’un intellectuel dont on reconnait l’importance centrale dans la mobilisation? 

Au coeur de tout accès au monde, au coeur de tout comprendre et de tout affect - enchâssés au monde de par un principe d'intentionnalité - subsiste une conscience d'être indivisible. Une ipséité englobant chaque être humain pensant et ressentant. Paradoxalement, c'est au frontière du cadre de son monde, au détour d'une situation-limite, que l'être humain arrive à saisir, l'espace d'un instant, l'englobante impression d'être, authentiquement. Or que la conscience théorique de sa mort prochaine peut entraîner l'humain vers une angoisse qui soulèvera la question insigne de l'être, le processus de mort, comme personnellement, phénoménologiquement éprouvée, représenterait l'ultime situation-limite pour qui relate avoir vécu une EMI, une expérience de mort imminente (18% de ceux ayant survécu à un arrêt cardio-vasculaire garderaient souvenir d'une telle expérience selon l'étude de Pim Van Lommel publié dans le Lancet en 2001). Cette expérience phénoménologique, par delà son caractère réel ou illusoire, laisse chez qui l'expérimente une trace durable : l'expérience du surgissement de leur être, à la fois transcendant et immanent, semblant perdurer au delà de toute contingence, de matière, de temps, d'espace.

M'appuyant sur des études de cas décrites par Moody, Ring et Alexander, cette conférence s'attardera à tisser des ponts entre les vécus phénoménologiques rattachés aux EMI et le travail de réflexion de penseurs tels Heidegger, Arendt, Cioran, Jaspers, Jung, May et Van den Berg.

En 1641, quand Descartes publie les Méditations métaphysiques, celui-ci soutient une thèse qui semble être profondément contradictoire. Le corps et l’âme, affirme-t-il, sont deux substances irrémédiablement distinctes, mais sont malgré tout tellement confondues et mêlées qu’elles forment une union très étroite qu’on appelle l’être humain.

Cette surprenante thèse de l’union sera l’objet des premières lettres qu’Élisabeth de Bohême adresse à Descartes. Cette dernière lui demande d’expliquer comment une substance immatérielle peut interagir avec une substance matérielle.

La réponse de Descartes, loin d’éclaircir le rapport entre le corps et l’âme finiront de confondre la princesse. Apercevant l’insatisfaction de la princesse, Descartes cherchera à fournir une réponse plus complète. C’est ainsi que cet échange donnera naissance au Traité des passions de l’âme.

Toutefois, plusieurs affirment que la solution cartésienne n’est pas acceptable : il est impossible de colmater la rupture ontologique qui existe entre deux substances simplement grâce à la physiologie.

Dans cette communication, nous allons nous intéresser particulièrement aux lettres qu’adresse Descartes à Élisabeth. Nous soutenons que cette correspondance permet d’éclaircir la thèse cartésienne de l’union du corps et l’âme et espérons que notre interprétation de celle-ci réhabilitera la solution cartésienne au problème de l’union.

Au cours des 10 dernières années, l’actualité a été riche en débats autour de la question de la laïcité au Québec. La laïcité dite ouverte, telle que décrite dans le rapport sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles (commission Bouchard-Taylor), m’a semblée porteuse d’une proposition originale pour gérer la diversité des croyances au sein d’une société pluraliste. Par l’étude d’un corpus bibliographique, j’analyse ce qui fonde le régime de laïcité ouverte comme une conception normative spécifique des relations entre État et religions dans le cadre de l’État québécois. J’en déduis que ce régime diffère des positions plus tranchées du débat actuel. D’une part, si les principes au fondement de la laïcité sont identiques pour les tenants de la laïcité ouverte comme pour ceux de la laïcité dite « stricte », leur hiérarchisation est différente : primauté de la neutralité pour les derniers, primauté du respect de la liberté de conscience et de l’égalité pour les premiers. D’autre part, ce qui se présente actuellement sous le terme de laïcité ouverte pourrait plutôt être considéré comme du pluralisme libéral en ce qu’il met l’accent uniquement sur la primauté des droits et libertés et en minimisant la reconnaissance de « la dimension spirituelle de l’existence » (Bouchard-Taylor, p. 141).  Cette reconnaissance est cependant porteuse de dialogue et de recherche du consensus qui semblent prometteur sur le plan du vivre-ensemble.

Nous croyons que la nature du pouvoir entre la Conquête et la période qui suit l’instauration du système parlementaire, doit être saisie dans son ensemble. L’instauration du système parlementaire en 1791-1792 a fait couler beaucoup d’encre parmi les historiens, la participation politique et surtout la représentation s’identifiant généralement avec les règles de jeu du parlementarisme. Pourtant, semble-t-il qu’aucune recherche ne s’est attardée de façon approfondie aux rapports entre le pouvoir local, la participation politique, la représentation populaire, dans la période précédente inaugurée par l’établissement du gouvernement civil en 1764. L’envergure de notre questionnement tient ainsi à l’identification des relations de pouvoir des groupes à l’intérieur de la société québécoise de la seconde moitié du XVIIIe siècle et début du XIXe. La délimitation du sujet dans l’espace et dans le temps répond davantage à deux critères : l’identification dans la « Province de Québec » de plusieurs formes de participation et de représentation populaire, documentées par des sources accessibles et, d’ailleurs, le commencement d’une période riche socio politiquement parlant, qui chevauche le manque d’institutions représentatives classiques et l’instauration du système parlementaire.

Il est difficile de ne pas voir dans le concept cartésien d'idea, par cause du tournant subjectiviste qu'il introduisit dans la pensée moderne, le signe d'une rupture vis-à-vis du réalisme médiéval des essentiis de Thomas d'Aquin. Bien que révolutionnaire par ce premier côté, l'ontologie des idées de Descartes ne s'est cependant pas développée sans subir, par un autre côté, l'influence de la métaphysique scolastique de Suárez. Une question se pose alors: la théorie cartésienne des idées est-elle au final tributaire ou non de la philosophie scolastique? Face à ce problème, les commentateurs se sont traditionnellement rangés au côté de l'une ou l'autre de deux interprétations, l'une discontinuiste et l'autre continuiste. C'est en contribuant au dépassement de cette dichotomie que notre thèse proposera une solution alternative. L'atteinte de cet objectif suivra une démarche méthodique en deux temps: (1) la doctrine cartésienne de l'idea sera tout d'abord comparée à celle thomasienne de la forma substantialis pour (2) ensuite être contrastée avec celle suarezienne du double conceptus. La conclusion qui résultera de cette analyse comparative sera celle-ci: il y a entre la conception cartésienne et la tradition scolastique à la fois continuité (les idées cartésiennes empruntant leur double réalité d'esse objectivum et d'esse formale à Suárez) et discontinuité (la subjectivation cartésienne des idées impliquant un rejet du réalisme thomasien de la forma substantialis).