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Ce projet de recherche concerne l’expérience des proches en contexte d’aide médicale à mourir (AMM). Entre décembre 2015 et juin 2017, 805 AMM ont été administrées, un nombre important de proches sont donc touchés. Jusqu'à présent, les écrits scientifiques sur l’assistance à la mort se concentrent sur l’expérience de l’équipe médicale. Parmi ceux concernant les proches, il n’existe pas de consensus clair sur les effets de l’assistance médicale à la mort. Certains concluent en une expérience négative, qui peut provoquer des deuils compliqués, tandis que d'autres parlent d'une expérience positive et d'un deuil facilité. De plus, les diverses interactions avec l'environnement social pourraient influencer l'expérience.

Selon l'approche bioécologique, les résultats de ce projet suggèrent que l’environnement social est à considérer dans l'expérience des proches, mais également l'environnement physique des hôpitaux. L’accompagnement psychosocial est peu proposé par les professionnels. L'accès à l’information est difficile pour les proches. Les résultats suggèrent que le processus de deuil ne serait pas différent des morts "naturelles''. Les proches auraient aimé connaître les ressources d'aide pendant le processus d'AMM, en prévision des difficultés liées au deuil. Une demande de suivi en service social devrait être systématique et un outil destiné aux proches a été conçu afin de les informer sur l’AMM, sur les ressources d’aide et de leur permettre de noter leurs interrogations.

Alors qu’on célèbre ou dénonce la fin d'un universel, la lutte à la pauvreté, déclarée aux États-Unis en 1964, peut être vue comme une affirmation de cet universel.  Par contre, elle s’acharne contre ce qui pourrait être une conséquence inéluctable de la modernité : l’impossibilité pour tout le monde de satisfaire ses besoins par le travail lorsque la production excède la consommation (Hegel, § 248 Z).  Or, pourquoi la lutte à la pauvreté fait-elle si largement consensus?  Pourquoi ce consensus a-t-il pris forme en 1964?  Je soutiens que cette lutte est le symptôme de l’intériorisation généralisée de l’« éthique sociale » de la civilisation capitaliste fondée sur l’obligation de ressentir l’obligation de travailler (Weber).  Ce qui ne pouvait subvenir qu’une fois que la contradiction entre le travail et le capital fut suffisamment abstraite des prolétaires et des capitalistes pour que tous puissent désormais se reconnaître comme des sociétaires unis et individualisés sous l’égide d’un État social garant des lois et des procédures capables d’assurer le progrès et la mobilité sociale en fonction du mérite (Donzelot, Aron).  Symptôme donc, et catalyseur puisque cette éthique trouve, non seulement dans les personnes des pauvres une désaffection inacceptable à son égard, mais aussi un objet tout disposé pour confirmer, à travers le sous-système de l'assistance (Luhmann), sa moralité universelle d'inclusion et sa foi dans ses capacités techniques de résolution de ses problèmes..

L'amélioration des pratiques éducatives est une priorité politique dans les pays développés. Au Québec, une consultation publique a eu lieu en 2017 afin de discuter de la création d'un Institut national d'excellence en éducation (INEÉ) destiné à la synthèse et au transfert des meilleures connaissances dans le domaine de l'éducation. Malgré cette volonté de rendre accessibles les connaissances scientifiques sur les meilleures pratiques éducatives, l'INEÉ soulève au moins deux débats quant à sa légitimité et à sa pertinence, l'un politique et l'autre méthodologique. Sur le plan politique, les fonctions attribuées à l'INEÉ recoupent celles d'autres organisations dédiées à la réussite éducative au Québec, notamment le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) et le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ). Ainsi, la création de l'INEÉ entraînerait un nouveau partage des responsabilités politiques en éducation au Québec. Sur le plan méthodologique, le document de consultation présentant le projet de création de l'INEÉ recommande une approche dite « basée sur les données probantes » qui privilégie le recours aux données statistiques obtenues à l'aide d'essais randomisés contrôlés et qui minimise le rôle des méthodes qualitatives en recherche en éducation. Cependant, ces deux débats n'évoluent pas indépendamment l'un de l'autre. Je discute dans cette présentation de la dynamique sociologique qui les lie l'un à l'autre.

Les logiques sous-structurelles sont un ensemble de logiques non-classiques définies par des variations sur les règles structurelles distinguées dans le calcul des séquents de Gentzen (1934). Dans son livre An Introduction to Substructural Logics (2000), Greg Restall effectue une première synthèse de ces différentes logiques, en développant une grammaire formelle qui sert de base commune à leur formalisme. Nous examinons la présentation unifiée des logiques sous-structurelles proposée par l'auteur, en nous concentrant plus spécifiquement sur l'interprétation de la ponctuation dans le formalisme des séquents, fondamentale à l'entreprise. Nous critiquons certaines notions logiques élémentaires laissées vaguement définies par l'auteur et proposons de les réinterpréter dans une perspective constructiviste, en utilisant certaines conceptions de la grammaire formelle au fondement de la sémiotique peircéenne. Nous envisageons finalement les conséquences générales de cette réinterprétation en ce qui a trait au développement d'une approche unifiée des logiques sous-structurelles.

Nous nous proposons de mettre en lumière le rôle que joue le corps dans la quête mystique de Georges Bataille. Ce dernier n’a en effet cessé de tendre vers ce qu’il appelle la communication sans bornes avec le cosmos, à savoir une communion qui est de l’ordre du sentiment océanique. Nous tâcherons plus précisément d’éclaircir l’horizon de sa quête en décryptant sa valorisation de l’ « acéphale »  (l’homme sans tête).

Nous nous pencherons tout d’abord sur le fait que Bataille opère un complet renversement du rôle joué par le corps dans la mystique chrétienne traditionnelle. Nous verrons que, bien loin de considérer le corps comme une prison pour l’âme, il préconise au contraire sa complète libération. Nous tenterons par la suite de comprendre en quoi l’expérience érotique, soit une expérience à la fois du corps et du dedans, frôle le champ de la mystique. Enfin, nous rapprocherons cette expérience d’une œuvre taoïste de la Chine ancestrale : le Zhuangzi, de façon à démontrer que la valorisation du corps ne se limite pas à l'oeuvre de Georges Bataille, mais épouse le coeur d'autres mystiques.



Dans le cadre de cette communication libre, j’entends me lancer dans la définition de l’« angoisse spirituelle » associée à la peur de mourir, et ce en dehors de la terminologie psycho-médicale qui se révèle souvent incapable de conceptualiser des agonies autres que l’agonie physique. La peur de mourir, en tant que phénomène foncièrement existentiel et/ou spirituel, ne peut être ni traitée, ni déconstruite par la médication ou la thérapie traditionnelles. C’est pourquoi il faut que la réponse clinique à l’anticipation de la mort fasse appel à des disciplines mieux outillées telles que la philosophie, voire même la théologie.

En m’inspirant de la perspective « pluraliste » de Paul Feyeraband, je compte mettre en lumière les limites que rencontrent les sciences médicales lorsqu’elles doivent composer avec l’anticipation angoissante de la mort qu’éprouvent les patients. Bien évidemment, il ne s’agit pas ici de s’en prendre à l’utilité (indiscutable, par ailleurs) des méthodes actuellement employées dans les unités de soins palliatifs, mais bien de démontrer que leurs outils et pratiques sont inefficaces face à un problème tel que celui qui nous intéresse et dont les paramètres ne sont pas réductibles à ce que l’on appelle une « maladie ». Afin de bien exposer mon propos, ma présentation sera divisée en deux parties : a) exposition de la nature « spirituelle » de la peur de mourir, b) de l’inefficacité de l’approche médicale face à la peur de mourir. 

Dès ses premiers traités inaugurant le néoplatonisme, Plotin expose son système métaphysique dont les trois hypostases culminent avec le principe de l’Un. Le Traité 9: Sur le Bien ou l’Un décrit la remontée de l’âme vers l’unité ultime, qui se situe au-delà de ce qui est ou peut être connu. L’originalité de Plotin consiste ici en ce qu’il démontre via l’intellect même son insuffisance pour s’unir à l’Un. Cette prise de conscience doit pousser l’intellect à désirer son propre dépassement vers l’unité principielle.

Au XIXème siècle, S. Kierkegaard (alias J. Climacus) déploie une démarche similaire dans les Miettes philosophiques et dans leur Post-scriptum afin de démontrer par la raison la possibilité logique d’une vérité qui surpasse son domaine. Celle-ci correspondrait à la vérité chrétienne et c’est en parvenant depuis l’intérieur aux limites de la philosophie que Kierkegaard dessine la nécessité d’un passage dans la foi.

La similarités entre ces textes autant que leur originalité dans l’histoire de la philosophie tient à ce qu’une démarche rationnelle négative démontrant l’insuffisance de l’intellect doit accomplir un travail positif, c’est-à-dire pousser l’âme à renoncer au domaine de la raison afin d’atteindre au niveau supérieur. Notre propos interrogera l’étendue de ce rapprochement possible entre Plotin et Kierkegaard, mais ouvrira également des pistes quant au relais de ce type d’argument au travers de la théologie négative du Moyen-Âge.  

La pensée de Heidegger propose une nouvelle expérience du langage. Dans le cours d'été de 1934, La logique comme question de l'essence du langage (publié en 2020, Heidegger Gesamtausgabe 38A), Heidegger s'attaque à la conception nominaliste et logiciste du langage. Selon cette conception, le langage serait un outil de communication qui sert d'abord et avant tout à extérioriser (expression) un contenu intérieur (idées, sentiments, etc.). Contre cette conception, Heidegger pense plutôt le langage dans son caractère événementiel. N'étant pas un instrument de la subjectivité humaine, le langage serait alors un événement historique dans lequel émergerait le monde que nous habitons. À la fin de son cours, Heidegger s'intéressera à la poésie dans la mesure où elle révèle les puissances créatrices du langage. À travers la poésie, Heidegger tente de penser la possibilité de construction et de préservation du monde à partir de la puissance évocatrice du langage. Pour éclairer ces idées difficiles du cours de 1934, il est nécessaire de se référer au cours de l'hiver 1934-1935 portant sur la poésie de Friedrich Hölderlin (Heidegger, Gesamtausgabe 39) où la poésie se trouve thématisée pour elle-même. Lire les deux cours de manière conjointe nous permettra de montrer la continuité des questionnements logique et poétique dans la pensée de Heidegger. 

            Je vais interroger la problématique de la modernité à travers l’œuvre d’Albert Camus, c’est-à-dire avec un cadre théorique existentialiste (la condition humaine est l’existence) et nihiliste (un monde perdant ces autorités supérieures normatives).

            Je défendrais d'abord que la modernité occidentale doit être comprise comme étant le moment et le lieu où s’est mis en marche une déchirure entre la culture et la nature. Je défendrais ensuite que de la tradition philosophique occidentale en est venue à définir l’humain comme étant celui qui « existe », en opposition aux non-humains, qui eux, n’« exciteraient » pas. 

            Je proposerais d’analyser l’œuvre d’Albert Camus comme proposant un rapprochement, aussi possible que nécessaire, entre les humains-existants et le monde. Ce rapprochement se ferait à cause et grâce au nihilisme qui permet la remise en question radicale des normes passées. C’est ainsi que nous pourrions tendre vers ce que j’aimerais nommer un « appauvrissement existentiel ». Cette tempérance s’atteindrait à l’aide de « règles de vie » caractérisée par « l’indifférence clairvoyante », « l’inespoir » et le « consentement ». Enfin, cet appauvrissement s’accomplirait en s’ancrant dans notre territoire et notre corps, qui eux sont pleinement sensibles – réels. Nous diminuerons ainsi notre sentiment d’existence en tentant de nous fondre dans la nature. Cette osmose diminuerait l’espace problématique se trouvant entre l’humain et le monde.

Nous sommes dans une époque marquée par la décolonisation et de petites victoires pour les peuples autochtones. Ces derniers luttent pour la reconnaissance de leur existence, leurs droits, leurs territoires et leurs cultures ancestrales. À la suite de la clôture de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, l’heure est au bilan environnemental. Qu’a-t-il été fait pour la conservation et la souveraineté territoriales des Premières Nations? Sont-elles réellement consultées lors des discussions autour de l’exploitation des ressources en eau ou le développement d’industries polluantes? Dans plusieurs cas, c’est la culture occidentale dominante d’exploitation des ressources qui s’impose, au détriment de la qualité de vie même des nations autochtones. Comment remédier aux problèmes que ce type d'exploitation engendre?

 

L’éthique environnementale se penche sur ces questions, mettant particulièrement en lumière les failles du système actuel de négociations environnementales, ainsi que la discrimination systématique des cultures et savoirs traditionnels, le manque de reconnaissance de la souveraineté des peuples autochtones ainsi que la négligence des apports autochtones lors de la mise en application des solutions. Une éthique environnementale interculturelle met l’emphase sur le dialogue comme solution aux problèmes éthiques soulevés par l’exploitation excessive ou la pollution de cette ressource commune, dont l’importance est si essentielle à la vie.

Il existe bien des cas dans lesquels l’ignorance constitue une entrave à la connaissance : lorsque nous ne tenons pas compte de faits ou de données pertinentes, parce qu’elles ne sont pas en cohérence avec nos croyances déjà acquises, et nous obligeraient à les réviser. Nous avons en ce sens une responsabilité à l’égard de notre ignorance, puisque nos jugements peuvent avoir des conséquences pour nous comme pour autrui, a fortiori lorsqu’on dispose d’une forme d’autorité épistémique. La visée est de clarifier la nature de notre responsabilité, au regard de l’ignorance que nous produisons chez autrui, mais aussi en nous-mêmes. La pertinence et l’utilité de ce projet se comprennent en considérant que nous ne connaissons qu’en superficie l’ignorance alors qu’elle est présente sous plusieurs formes, en plus d’avoir des conséquences concrètes sur divers aspects de nos vies. Avec une conceptualisation sociale de l’ignorance, l’objectif principal est de proposer un volet utile en observant son application à des enjeux contemporains ayant à leurs sources des pratiques d’ignorances. Ce projet propose une analyse critique du privilège et de l’oppression épistémique, permettant une compréhension intégrée du rôle de l’ignorance au sein des injustices sociales et structurelles. Nous observerons l’ignorance comme un phénomène social découlant des dynamiques relationnels et ayant des ramifications sociostructurelles déterminantes quant au partage et à l’acquisition de connaissances.

Les dernières années ont vu fleurir de nombreux travaux portant sur les soins de santé dans le champ de la phénoménologie du corps (Vinit, 2007 ; Courtine, 2011, etc.). À l'instar de ces travaux, notre étude vise à étudier le phénomène de l'anorexie en y introduisant la question de la corporéité. En nous rattachant aux développements apportés par la tradition de la phénoménologie du corps (Merleau-Ponty, 1964 ; Patočka, 1985), notre contribution se veut l'amorce d'un travail reliant la dimension de la corporéité, pensée comme condition permanente de l'expérience (Merleau-Ponty, 1945), à la problématique de l'anorexie. Le corps est pensé comme un objet par le modèle médical, voire comme une chose, c’est-à-dire qu’il apparaît comme dévitalisé et coupé de la dimension psychique. Bien que l’efficacité des  méthodes scientifiques aient fait leurs preuves dans  le traitement des pathologies touchant le corps, la méthode phénoménologique apparaît comme une voie prometteuse pour penser les enjeux de l’anorexie et de son traitement, en particulier parce qu’elle permet de prendre en compte la dimension de l’expérience. Nous entendons ainsi toucher cette dimension en nous appuyant sur le concept de corporéité  entendu comme une modalité d’ouverture potentielle au monde et à son investissement. Partant de là, une avenue de réflexion sur l'anorexie est de la concevoir comme un dérèglement de cette modalité d'ouverture passant par le refus de s'alimenter.



La fiction est, au premier abord, dénuée de référent : elle semble renvoyer à un travail libre de l’imagination qui, sans être complètement dissocié du réel, ne dit en fait rien du monde actuel. Or j’aimerais explorer, grâce à l’appareil conceptuel développé par Paul Ricœur dans La métaphore vive et le triptyque Temps et récit, l’hypothèse selon laquelle le discours fictionnel détient une référence et est à même de prétendre à une forme de vérité. Cette hypothèse est sous-tendue par l’idée que le langage porte toujours sur quelque chose, sur ce qui est. Comment soutenir cette assertion alors que le langage fictionnel, contrairement au discours ordinaire, fait advenir grâce à l’imagination cela même qu’il affirme? Il convient de se réapproprier, face à cette difficulté, le concept ancestral de mimèsis qui constitue, aux yeux de Ricœur, la dimension dénotative de la fiction. La mimèsis, loin d’être une pâle copie de la réalité, est à la fois soumission au réel et invention fabuleuse. C’est dire qu’une tension entre vérité et artifice est inscrite au cœur même de l’invention, auquel mot il faut restituer son double sens de découverte et de création. Il ne saurait y avoir de fiction sans une part de vérité. Le statut de cette vérité demeure toutefois ici indéterminé : il nous faudra tenter d’en asseoir le concept ailleurs que dans les sphères conventionnelles du vérificationnisme, de l’adéquation et de la cohérence logique, tout en en critiquant la portée.

Cette présentation explore les liens entre l’ascétisme bouddhiste et la psychologie. Plus précisément, elle vise à illustrer comment les pratiques de renoncement associées au bouddhisme Theravada pouvaient être une forme de psychothérapie présentant des similitudes frappantes avec les techniques employées aujourd’hui. Alors que les liens entre psychologie et bouddhisme sont en vogue, il est très rare de trouver une véritable exploration des textes religieux permettant de comprendre ces similitudes. Une exploration du Dhammapada et des Jatakas, qui sont des textes importants de cette religion, permettra de voir comment l’ascétisme prend forme dans le bouddhisme Theravada. Ces écrits exposent des éléments centraux de cette tradition et illustrent à plusieurs endroits la place accordée à l’ascétisme. L’objectif de notre réflexion sera donc d’analyser le contenu de ces textes afin de démontrer comment l’ascétisme tel qu’il est présenté dans ces textes peut être considéré de manière positive par la psychologie actuelle et inspirer des comportements sains pour le bien-être de l’individu. Les sections de ces textes illustrant des pratiques liées au renoncement seront mises de l’avant en faisant ressortir des similitudes avec la psychologie positive et la thérapie de l’acceptation et de l’engagement (ACT). Nous soulignerons ainsi comment l’ascétisme tel qu’il est représenté dans le bouddhisme Theravada peut inspirer des pratiques saines pour le développement individuel. 

Afin de pallier au manque d’études de la philosophie morale de Joseph Priestley (1733-1804), nous proposons de montrer en quoi ses écrits métaphysiques publiés entre 1777 et 1780 compromettent son projet de défense du nécessitarisme contre ses détracteurs, qui redoutent les implications morales d’une telle doctrine.

Priestley entame ce projet dans « The Doctrine of Philosophical Necessity Illustrated » (1777), et le poursuit dans sa volumineuse correspondance de 1778 avec Richard Price, dans laquelle il raffine sa doctrine en clarifiant sa distinction entre le nécessitariste « imparfait » et le nécessitariste « parfait », distinction qui met en évidence l’existence de deux stades dans la progression de l’individu vers une pleine compréhension de la nécessité et de ses implications morales et théologiques, dont le stade final correspond à l’identification de la perspective individuelle avec la perspective divine.

Or, si cette distinction est indispensable afin de rendre compte de plusieurs ambiguïtés présentes dans le traité de 1777, nous montrerons qu’elle met en péril le projet initial de Priestley, en affaiblissant considérablement ses arguments en faveur des conséquences morales désirables du nécessitarisme, de l’utilité du remords, de la motivation à agir vertueusement et de la responsabilité morale de l’homme en général. Notre analyse des textes de Priestley montrera que son nécessitarisme demeure exposé aux arguments moraux antidéterministes de ses contemporains.

Notre communication porte sur un aspect particulièrement important et peu abordé de la pensée postcoloniale de l'essayiste tunisien Albert Memmi (1920-2020). De ce fait, notre objectif ici est d'analyser les enjeux du racisme dans nos sociétés modernes, mais aussi d'aborder les différents aspects de la discrimination raciale à travers les perspectives de Memmi. Notre problématique de référence gravite autour d'une réflexion précise. Nous nous questionnons donc à savoir comment Memmi aborde la phénoménologie et les enjeux du racisme, soit de ses fondements, mais aussi de ses impacts dans les relations humaines et sociétales.

Pour Memmi, le racisme se forme au moment où il y a une interprétation des différences individuelles, c'est-à-dire des premières perceptions des évidences physiques comme la couleur de peau, les pratiques religieuses ou les habitudes comportementales. Nous considérons que c'est dans la signification et les interprétations de ces différences, et ce dans l'optique de stigmatiser les certains individus ou groupes, que se caractérise l'essence même du racisme. C’est dans cette optique que nous analysons les fondements du racisme selon Memmi, pour nous pencher ensuite sur sa notion des rapports de pouvoirs qui permettent aux individus de l'exercer à travers un discours qui valorise les différences à leur profit. Nous appuierons notre réflexion par le croisement de trois études de Memmi, soit La terre intérieure (1976), La Dépendance (1979) et Le Racisme (1982).

L’infertilité causée par l’absence de l’utérus ou par son dysfonctionnement et connue sous le terme d’infertilité absolue de l’utérus (AUFI) affecte 3-5% de la population. Traditionnellement, la maternité de substitution et l'adoption étaient les seules options disponibles pour les femmes désirant avoir un enfant et qui souffrent d’une infertilité causée par l’AUFI. Cependant, depuis la naissance en 2014 du premier enfant issu d’une transplantation utérine en Suède, la greffe d’utérus se présente comme une alternative médicale potentielle pour ces femmes.

La greffe d’utérus porte des risques importants entre autres médicaux et psychologiques en comparaison avec la maternité de substitution, l’adoption ainsi qu’avec la transplantation d’autres organes. En outre, elle requiert une plus grande justification éthique et médicale parce qu’elle ne vise pas à sauver la vie de la receveuse du transplant mais plutôt à améliorer sa qualité de vie.

Les « critères de Montréal pour la faisabilité éthique de la transplantation utérine », présente un ensemble de critères proposés pour qu'une femme soit considérée, sur le plan éthique, comme une candidate à la transplantation utérine. Cependant, ces critères prennent en considération la donneuse et la receveuse du transplant ainsi que l’équipe de soins tout en laissant « l’enfant potentiel à naître » en dehors de cette discussion.

En reposant sur une revue de la littérature, cette présentation offre un examen de ces critères tout en appelant à l’importance d’intégrer les intérêts de l’enfant à naître ainsi que les risques et les bénéfices potentiels de cette nouvelle technique en progrès.

Un débat important est en train d’émerger en sciences humaines et sociales, au sujet des enjeux éthiques, sociaux et politiques du champ de recherche récent qu’est l'épigénétique. Avec le développement des connaissances de la programmation épigénétique – qu’influencent l’environnement naturel et social – et ses répercussions sur la santé des personnes, l’idée de « responsabilité morale épigénétique » a été proposée, en lien avec les principes de justice environnementale et d’équité intergénérationnelle. Le caractère sensible de telles revendications requiert, comme nous allons le démontrer dans cette présentation, une attention toute spéciale de la part des chercheurs en bioéthique. De façon générale, je ferai valoir qu’avant de tirer des conclusions prescriptives en lien avec ces nouvelles connaissances, il sera primordial d’accorder une attention particulière à la nature hautement complexe des mécanismes épigénétiques. De façon plus spécifique, j’expliquerai pourquoi et comment les notions très ambiguës de « normalité épigénétique » et « plasticité épigénétique » devraient être prises en considération lors de telles discussions. En somme, je m’écarterai de la tendance réductrice qui consiste à faire émerger l’implication des connaissances en épigénétique simplement de la comparaison entre la génétique et l’épigénétique. L’épigénétique possède ses propres contradictions internes, lesquelles doivent être caractérisées avant d’accorder à ce champ d’étude toute force normative.

Les personnes en situation d’itinérance qui le sont durant de nombreuses années vont vivre plusieurs deuils, souvent associés à des morts violentes : surdose, suicide, accident, meurtre, etc. Or, malgré le nombre grandissant de ces mortalités « yet little is known about the experiences and needs of those who are bereaved by such deaths » (Templeton et al., 2017). Encore moins, par rapport aux rituels dont disposent ces endeuillés (Wright et al., 1999).

Ce projet présenté vise notamment à éclaircir la question des deuilleurs de la rue à travers une compréhension de la profondeur des relations qu’ils tissent et qui les relient les uns aux autres jusque dans la mort. Les données préliminaires qui seront présenté émanent d'observations et d'entrevues réalisées en 2021-2022 au près de personnes concernées par les "morts de la rue". Ces données sont mises en relation pour l'analyse avec le contexte particulier de la mort dans le monde contemporain. 

La temporalité est une expérience fondamentale de l’existence humaine. Elle se confond avec le premier palier d’émergence de la conscience, soit le niveau qu’on appelle en anglais simple awareness (ou conscience immédiate, par opposition à conscience réflexive). Pour représenter le rapport de la personne au déroulement de son vécu, en contexte théorique comme en contexte d'intervention, nous proposons un modèle de la temporalité de la conscience humaine.

Sur la base d’un homomorphisme structurel, nous avons transposé le modèle arborescent de l’univers (développé par le philosophe des sciences, Storrs McCall, A Model of the Universe, 1994) à une conceptualisation opérationnelle de la nature temporelle de la conscience humaine. Cette conceptualisation se fonde dans une description neuropsychologique de l’expérience consciente du temps (Eagleman, Tononi & Edelman, John). Ceci permet de faire le pont entre la neuropsychologie et la représentation formelle de la conscience telle qu’elle apparait chez des théoriciens de la conscience, principalement dans les théorie des Multiple Minds de Robert Ornstein (1991), et que nous contrastons avec la théorie des Multiple Drafts de Daniel Dennett (1991).

Nous montrerons en quoi cette théorie de R. Ornstein est plus adéquate que celle de D. Dennett pour rendre compte de l’expérience humaine de la conscience immédiate et du temps. Nous  conclurons en présentant deux applications de nos résultats, l’une en intervention, l’autre théorique.

Dans le cadre de cette communication, mon objectif est d’esquisser les lignes directrices de l’‘expressivisme herméneutique’ de Charles Taylor en adoptant pour point de départ une brève analyse comparative du concept d’‘authenticité’ chez ce dernier et Heidegger. Cette discussion schématique me permettra de mettre en relief, en deçà des similitudes évidentes, les thèmes « expressivistes » (ex : « sources morales », « ressourcement », « identité », etc.) essentiels à ce qui pourrait être caractérisé comme son ‘hégélianisme modeste’. À l’encontre d’une interprétation influente de sa position (cf. Smith, 1997), je soutiendrai qu’une opposition trop forte entre les structures transcendantales formelles (les « cadres incontournables » ou « existentiaux ») et les identités historiques contingentes (les « ontologies morales » ou situations « existentielles » particulières) risque de rendre inintelligible ce que notre auteur décrit comme son « anthropologie de la liberté située » et sa problématique centrale de l’« individuation expressive ». Loin d’un simple exercice de relativisation historique, le dialogue herméneutique auquel invite toute l’œuvre de Taylor présuppose et exige tout autant l’articulation des limites concrètes de notre capacité de désengagement historique : essence et existence se nouent dans le « phénomène herméneutique » de manière beaucoup plus complexe que ce que pourrait laisser apercevoir une réflexion trop formaliste sur la finitude humaine.

La forme catégorique impose une structure d'appréhension du monde qui ne rend pas compte du caractère flou et continu de l’expérience humaine – p.ex. les dimensions d'affect ou d'identité, la culture ou la signification. En posant la catégorie comme heuristique sémiotique et la catégorisation comme processus d’acculturation, j'ai adopté une perspective socio-sémiotique pour (dé/re)composer la catégorie. Je présenterai les éléments qui ont contribué à ma composition d’un modèle flouifié de la catégori(e/sation) humaine, en quoi ils sont pertinents et comment ils sont compatibles. La catégorie classique a été déconstruite, ses propriétés formelles réinterprétées en terme de logique floue. J'ai renommé ces catégories flouifiées « anagories » et tenté une modélisation de celles-ci inspirée de la proxémie chez E. T. Hall. Ceci m’a menée à redéfinir le concept comme émergence, reconstruire l’extension comme champ sémantique, et réinterpréter la sémiose et la catégorisation par analogie avec les systèmes dynamiques. Je soumettrai que ce modèle « anagorique » flou est en meilleure adéquation qu’un modèle « catégorique » classique avec les entités socio-construites qui constituent le monde humain. Il rend mieux compte des objets, des événements ou des signes dont le sens est en co-évolution constante avec la société. Il met en évidence plutôt les relations que les distinctions, et une dynamique de proximité/éloignement plutôt que d’inclusion/exclusion.

Le problème du mal occupe une place importante dans les écrits du pasteur, théologien et philosophe Joseph Priestley (1733-1804), de même que l’entreprise d’expliquer comment l’existence du Dieu chrétien parfaitement bon et juste est compatible avec la présence du mal dans le monde. Or, contrairement à ses contemporains, Priestley met en place une métaphysique qui l’amène à rejeter la distinction entre mal moral et mal naturel, ainsi que la distinction entre la permission du mal et la volonté divine de le produire, ce qui le mène à faire de Dieu l’auteur du péché, une conclusion étonnante pour un homme d’Église soucieux de préserver la perfection morale divine.

Par une étude des textes philosophiques de Priestley écrits entre 1765 et 1787, nous montrerons comment il est possible de considérer son traitement inusité du problème du mal comme étant une forme de théodicée, et ce même si elle se démarque de manière importante de théodicées classiques comme celles d’Augustin et de Leibniz. Notre analyse proposera du même coup une réflexion sur ce que nous devrions considérer comme étant les éléments constitutifs essentiels d’un discours de théodicée, et la forme que ce discours peut prendre dans un système nécessitariste comme celui de Joseph Priestley.

La Loi concernant les soins de fin de vie est entrée en vigueur au Québec en décembre 2015. Cette étude porte sur un aspect peu abordé au sein du débat essentiellement médical et légal en amont de l’adoption de la loi et se questionne sur la place du soutien psychosocial dans la pratique de l’aide médicale à mourir au Québec. Cette étude comporte un devis mixte (qualitatif et quantitatif). L’analyse documentaire a permis d’étudier les 273 mémoires qui ont été déposés à l’Assemblée nationale du Québec lors du mandat «Consultation générale sur la question de mourir dans la dignité». L’approche par questionnement analytique (Paillé) a permis d’analyser en profondeur les 26 mémoires qui ont été sélectionnés pour notre échantillon, selon une grille de questions pré établie. Cette étude a fait ressortir que la place du soutien psychosocial a été abordée dans les mémoires, bien que dans des perspectives fort différentes, tant par des ordres professionnels dans le domaine de la santé et des services sociaux, que par des organismes communautaires ou des individus. Plusieurs constats et recommandations à cet égard n’ont pas été considérés dans la loi. En conclusion, dans le cas où la Loi devait être révisée ou modifiée, cette étude pourra servir à mettre de l’avant des pistes d’intervention pour redonner au soutien psychosocial la place qui lui revient dans l’accompagnement à l’aide médicale à mourir pour les personnes qui le demandent et pour leur famille.

Dans les dernières années, la Cour Suprême du Canada a eu à réévaluer, pour la première fois de son histoire, certaines décisions rendue durant les premières années de la Charte canadienne des droits et libertés. Que ce soit dans l’affaire Bedford sur la prostitution ou dans l’affaire Carter sur le suicide assisté, la cour s’est vue confronter à un nouveau dilemme; quel poids doit-on donner aux précédents face à de nouveaux faits sociaux ou à des consensus moraux qui ont évolués? À première vue, la réponse de la cour est désarmante tellement elle est désinvolte. Mais lorsqu’on y regarde de plus près, la désinvolture dont fait preuve la cour face à ses propres précédents s’inscrit dans un mouvement plus général de repositionnement dans la structure constitutionnelle accompagné d’un changement de paradigme en matière d’interprétation constitutionnelle. En adoptant la théorie du dialogue entre le judiciaire et le législatif à titre de récit constitutionnel, la Cour Suprême ne faisait qu’officialiser ce repositionnement. Dans cette perspective, l’autorité déchue des précédents constitutionnels n’apparaît plus comme un phénomène singulier et surprenant mais plutôt comme la dernière manifestation de ce repositionnement institutionnel et du rejet d’une conception positiviste du droit qui l’a accompagné.