Aller au contenu principal
Il y a présentement des items dans votre panier d'achat.

L’infertilité causée par l’absence de l’utérus ou par son dysfonctionnement et connue sous le terme d’infertilité absolue de l’utérus (AUFI) affecte 3-5% de la population. Traditionnellement, la maternité de substitution et l'adoption étaient les seules options disponibles pour les femmes désirant avoir un enfant et qui souffrent d’une infertilité causée par l’AUFI. Cependant, depuis la naissance en 2014 du premier enfant issu d’une transplantation utérine en Suède, la greffe d’utérus se présente comme une alternative médicale potentielle pour ces femmes.

La greffe d’utérus porte des risques importants entre autres médicaux et psychologiques en comparaison avec la maternité de substitution, l’adoption ainsi qu’avec la transplantation d’autres organes. En outre, elle requiert une plus grande justification éthique et médicale parce qu’elle ne vise pas à sauver la vie de la receveuse du transplant mais plutôt à améliorer sa qualité de vie.

Les « critères de Montréal pour la faisabilité éthique de la transplantation utérine », présente un ensemble de critères proposés pour qu'une femme soit considérée, sur le plan éthique, comme une candidate à la transplantation utérine. Cependant, ces critères prennent en considération la donneuse et la receveuse du transplant ainsi que l’équipe de soins tout en laissant « l’enfant potentiel à naître » en dehors de cette discussion.

En reposant sur une revue de la littérature, cette présentation offre un examen de ces critères tout en appelant à l’importance d’intégrer les intérêts de l’enfant à naître ainsi que les risques et les bénéfices potentiels de cette nouvelle technique en progrès.

Les médiations symboliques créées par l'homme pénètrent la totalité de l’expérience qu'il fait du monde et l’ouvrent aux choses qu’il cherche à comprendre, dont les autres et soi-même. Dans cet exposé, nous allons nous pencher sur la forme symbolique du langage, auquel Ernst Cassirer consacre le premier tome de sa Philosophie des formes symboliques, et tâcherons de montrer que le sujet humain se constitue dans l’acte de parler, en s’identifiant au discours qu’il produit et à celui des autres, dans le dialogue, où il donne une signification aux choses qui l’entourent et à son propre vécu. Nous verrons que le monde symbolique de la culture, et plus particulièrement du langage, est le médium universel dans lequel se déploient les processus de formation de la subjectivité, et où s’opère la différenciation des sphères du moi et du non-moi, puisque le sujet se reconnaît dans le monde de formes que sa langue lui transmet, avec ses multiples expressions, représentations et schématisations, et se saisit constamment par son reflet dans ces dernières. C’est en vertu de cette relation constitutive avec le monde du langage et ses interlocuteurs que le sujet sait quelque chose de lui-même et se forme comme une personne à part entière.

Alors qu’on célèbre ou dénonce la fin d'un universel, la lutte à la pauvreté, déclarée aux États-Unis en 1964, peut être vue comme une affirmation de cet universel.  Par contre, elle s’acharne contre ce qui pourrait être une conséquence inéluctable de la modernité : l’impossibilité pour tout le monde de satisfaire ses besoins par le travail lorsque la production excède la consommation (Hegel, § 248 Z).  Or, pourquoi la lutte à la pauvreté fait-elle si largement consensus?  Pourquoi ce consensus a-t-il pris forme en 1964?  Je soutiens que cette lutte est le symptôme de l’intériorisation généralisée de l’« éthique sociale » de la civilisation capitaliste fondée sur l’obligation de ressentir l’obligation de travailler (Weber).  Ce qui ne pouvait subvenir qu’une fois que la contradiction entre le travail et le capital fut suffisamment abstraite des prolétaires et des capitalistes pour que tous puissent désormais se reconnaître comme des sociétaires unis et individualisés sous l’égide d’un État social garant des lois et des procédures capables d’assurer le progrès et la mobilité sociale en fonction du mérite (Donzelot, Aron).  Symptôme donc, et catalyseur puisque cette éthique trouve, non seulement dans les personnes des pauvres une désaffection inacceptable à son égard, mais aussi un objet tout disposé pour confirmer, à travers le sous-système de l'assistance (Luhmann), sa moralité universelle d'inclusion et sa foi dans ses capacités techniques de résolution de ses problèmes..

Depuis une dizaine d'années, la Théologie du corps de Jean-Paul II rencontre un succès considérable tant dans les milieux universitaires que populaires. Certains n'hésitent pas à qualifier celle-ci de « tournant, non seulement dans la théologie catholique, mais aussi dans l'histoire de la pensée moderne1 ».

Devant ce succès de plus en plus incontestable, la question s’impose de savoir quelle pertinence a la Théologie du corps en dehors du christianisme. Est-il possible de dégager de la Théologie du corps une philosophie du corps, afin de la mettre en dialogue avec les philosophes contemporains qui ont réfléchi sur la question, entre autres Michel Henry, Michel Foucault et Judith Butler?

À l'opposé des thèses de Butler et Foucault, Jean-Paul II considère le corps comme l’expression de la personne. Le corps a la capacité de manifester les émotions et les intentions les plus profondes. Par son sexe, il a surtout la capacité unique d’exprimer l’amour. C'est par le corps que l’être humain s’extériorise et s’accomplit dans le monde. Pour Jean-Paul II, la masculinité et la féminité ont une signification profonde, soit la capacité d’exprimer le don de soi par lequel l’être humain s’accomplit comme personne. Certains aspects de sa pensée révèlent une proximité étonnante avec la phénoménologie du corps de Henry.

Cette confrontation avec la philosophie révèle sans conteste l'originalité de la Théologie du corps et sa pertinence pour la pensée moderne.

1G. Weigel, Jean Paul II, p. 427.

Dans le cadre de cette communication libre, j’entends me lancer dans la définition de l’« angoisse spirituelle » associée à la peur de mourir, et ce en dehors de la terminologie psycho-médicale qui se révèle souvent incapable de conceptualiser des agonies autres que l’agonie physique. La peur de mourir, en tant que phénomène foncièrement existentiel et/ou spirituel, ne peut être ni traitée, ni déconstruite par la médication ou la thérapie traditionnelles. C’est pourquoi il faut que la réponse clinique à l’anticipation de la mort fasse appel à des disciplines mieux outillées telles que la philosophie, voire même la théologie.

En m’inspirant de la perspective « pluraliste » de Paul Feyeraband, je compte mettre en lumière les limites que rencontrent les sciences médicales lorsqu’elles doivent composer avec l’anticipation angoissante de la mort qu’éprouvent les patients. Bien évidemment, il ne s’agit pas ici de s’en prendre à l’utilité (indiscutable, par ailleurs) des méthodes actuellement employées dans les unités de soins palliatifs, mais bien de démontrer que leurs outils et pratiques sont inefficaces face à un problème tel que celui qui nous intéresse et dont les paramètres ne sont pas réductibles à ce que l’on appelle une « maladie ». Afin de bien exposer mon propos, ma présentation sera divisée en deux parties : a) exposition de la nature « spirituelle » de la peur de mourir, b) de l’inefficacité de l’approche médicale face à la peur de mourir. 

Dans Vices of the Mind, le philosophe Quassim Cassam développe un cadre théorique pour saisir les vices qui contaminent la pensée, ce qu’il conceptualise comme des « vices épistémiques », c’est-à-dire des traits de caractère, des attitudes ou des modes de pensée qui font obstacle à l’acquisition et au partage des connaissances. Par exemple, l’étroitesse d’esprit, les préjugés, le dogmatisme, le mensonge à soi-même et le biais de confirmation sont des vices épistémiques. Or, mis à part la thérapie cognitive individuelle, des mécanismes robustes et collectifs de dissolution de ces vices épistémiques ne sont pas proposés. Pour faire face à cette lacune, il nous intéresse d’arrimer le concept des vices épistémiques aux apports de la philosophie pour enfants et adolescents, notamment la méthodologie de la communauté de recherche philosophique (CRP) pour travailler à les reconnaître et à les dissoudre. J’avance ainsi que la CRP représente une avenue pédagogique prometteuse afin de lutter contre les raisonnements défectueux. À l’aide du cadre fourni par Cassam, je chercherai d’abord à cerner ces vices, particulièrement l’étroitesse d’esprit. Une fois ce diagnostic établi, j’examinerai si la pratique philosophique peut participer à dissoudre explicitement cette entrave à la connaissance dans des CRP réalisées lors de cours de philosophie au collégial. En somme, est-ce que cette praxis collective contribue à dissoudre ce vice, mais aussi à développer la vertu épistémique?

Le problème du mal occupe une place importante dans les écrits du pasteur, théologien et philosophe Joseph Priestley (1733-1804), de même que l’entreprise d’expliquer comment l’existence du Dieu chrétien parfaitement bon et juste est compatible avec la présence du mal dans le monde. Or, contrairement à ses contemporains, Priestley met en place une métaphysique qui l’amène à rejeter la distinction entre mal moral et mal naturel, ainsi que la distinction entre la permission du mal et la volonté divine de le produire, ce qui le mène à faire de Dieu l’auteur du péché, une conclusion étonnante pour un homme d’Église soucieux de préserver la perfection morale divine.

Par une étude des textes philosophiques de Priestley écrits entre 1765 et 1787, nous montrerons comment il est possible de considérer son traitement inusité du problème du mal comme étant une forme de théodicée, et ce même si elle se démarque de manière importante de théodicées classiques comme celles d’Augustin et de Leibniz. Notre analyse proposera du même coup une réflexion sur ce que nous devrions considérer comme étant les éléments constitutifs essentiels d’un discours de théodicée, et la forme que ce discours peut prendre dans un système nécessitariste comme celui de Joseph Priestley.

Si l'entreprise philosophique de Martin Heidegger se caractérise majoritairement par la tentative de destruction et dépassement de la pensée métaphysique telle que l'a connue l'histoire de la philosophie occidentale, son rapport à une certaine tradition médiévale est en vérité plus complexe qu'on ne peut généralement le croire. Bien que le paradigme aristotélico-thomasien  se trouve largement critiqué par Heidegger, une certaine orientation néo-platonisante à tendance mystique du penser médiéval incarnée principalement par Saint Augustin et Maître Eckhart  a su influencer abondamment l'ontologie heideggérienne, autant dans ses premiers développements qu'au cours du tournant entrepris après la publication d'Être et temps. Prenant pour ligne directrice de notre lecture la thèse soutenue dans l'ouvrage du philosophe américain John D. Caputo The mystical element in Heidegger's thought, nous exposerons quel rôle a pu jouer dans la pensée heideggérienne la notion de néant et quel type de filiation cette importance du néant dans le discours ontologique instaure entre les pensées de Heidegger et de Maître Eckhart. Notre objectif sera de comparer le traitement qu'il est fait du néant et l'importance accordée à la néantification de l'étant au sein de la construction de l'expérience spirituelle dans certains ouvrages-clés du corpus heideggérien tels que Être et temps, "Introduction à la métaphysique" et Le principe de raison ainsi et dans les Traités et sermons de Maître Eckhart.



La Loi concernant les soins de fin de vie est entrée en vigueur au Québec en décembre 2015. Cette étude porte sur un aspect peu abordé au sein du débat essentiellement médical et légal en amont de l’adoption de la loi et se questionne sur la place du soutien psychosocial dans la pratique de l’aide médicale à mourir au Québec. Cette étude comporte un devis mixte (qualitatif et quantitatif). L’analyse documentaire a permis d’étudier les 273 mémoires qui ont été déposés à l’Assemblée nationale du Québec lors du mandat «Consultation générale sur la question de mourir dans la dignité». L’approche par questionnement analytique (Paillé) a permis d’analyser en profondeur les 26 mémoires qui ont été sélectionnés pour notre échantillon, selon une grille de questions pré établie. Cette étude a fait ressortir que la place du soutien psychosocial a été abordée dans les mémoires, bien que dans des perspectives fort différentes, tant par des ordres professionnels dans le domaine de la santé et des services sociaux, que par des organismes communautaires ou des individus. Plusieurs constats et recommandations à cet égard n’ont pas été considérés dans la loi. En conclusion, dans le cas où la Loi devait être révisée ou modifiée, cette étude pourra servir à mettre de l’avant des pistes d’intervention pour redonner au soutien psychosocial la place qui lui revient dans l’accompagnement à l’aide médicale à mourir pour les personnes qui le demandent et pour leur famille.

La question de savoir si l’humanité est actrice dans le théâtre de l’histoire ou si elle peut revendiquer l’écriture de la pièce est associée à Hegel et à Marx. Pourtant, le concept de virtù de Machiavel peut lui donner des airs de précurseur. Bien qu’il ne soit pas question de l’humanité entière, la question demeure : le prince virtuose est-il acteur dans l’histoire ou est-il en mesure de revendiquer sa production ? L’hypothèse à vérifier est que Machiavel s’arrête au seuil de l’action historique sans le franchir, la virtù se limitant à l’action dans l’histoire. Les allures de production historique proviennent du contexte particulier d’urgence qui est la trame de fond explicite du philosophe florentin : l’équilibre y est si sensible que l’agir politique peut prendre des apparences de transformation de l’histoire comme si le prince en était l’auteur.

Pour la vérifier, il faudra bien définir les concepts de virtù et de fortuna ainsi que la relation qu’ils entretiennent. Ensuite, l’analyse nécessitera d’examiner la manière dont ils sont utilisés en se penchant sur le contraste entre le contexte de l’acte virtuose et la vision générale de l’histoire de Machiavel. La contribution académique de cette recherche concerne le raffinement de l’interprétation de l’œuvre du philosophe florentin, son concept de virtù et sa vision de l’histoire.

Nous sommes dans une époque marquée par la décolonisation et de petites victoires pour les peuples autochtones. Ces derniers luttent pour la reconnaissance de leur existence, leurs droits, leurs territoires et leurs cultures ancestrales. À la suite de la clôture de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, l’heure est au bilan environnemental. Qu’a-t-il été fait pour la conservation et la souveraineté territoriales des Premières Nations? Sont-elles réellement consultées lors des discussions autour de l’exploitation des ressources en eau ou le développement d’industries polluantes? Dans plusieurs cas, c’est la culture occidentale dominante d’exploitation des ressources qui s’impose, au détriment de la qualité de vie même des nations autochtones. Comment remédier aux problèmes que ce type d'exploitation engendre?

 

L’éthique environnementale se penche sur ces questions, mettant particulièrement en lumière les failles du système actuel de négociations environnementales, ainsi que la discrimination systématique des cultures et savoirs traditionnels, le manque de reconnaissance de la souveraineté des peuples autochtones ainsi que la négligence des apports autochtones lors de la mise en application des solutions. Une éthique environnementale interculturelle met l’emphase sur le dialogue comme solution aux problèmes éthiques soulevés par l’exploitation excessive ou la pollution de cette ressource commune, dont l’importance est si essentielle à la vie.

Quiconque se penche sur la question conservatrice se bute à quelques embûches, dont a) le peu de littérature savante consacrée à la circonscription conceptuelle du mouvement conservateur et b) la proposition répandue voulant que les dispositions conservatrices ne se théorisent pas. Il apparaît ainsi difficile de définir le rôle que le conservateur canadien confère à la raison, comme dispositif capable de discriminer le bien du mal, et tout aussi laborieux de circonscrire les formes de justice disponibles à l’esprit conservateur. De cette tension se dégage une question fondamentale : à travers l’histoire canadienne, quel rôle les conservateurs ont-ils octroyé à la raison et quelle forme de justice s’en est trouvée instituée? Pour répondre à cette question symptomatique du rapport ambigu des conservateurs à l’éternelle distinction « bien/mal » et au mécanisme capable de les départager, nous procèderons à une analyse du discours conservateur dans l’histoire canadienne depuis la Confédération jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Diefenbaker. Nous défendrons l’hypothèse selon laquelle le conservatisme s’assoit sur une épistémologie particulariste incapable de séparer le bon grain de l’ivraie avec méthode et système, mais que les formes de justice promues par elle ne s’en trouvent étonnamment pas moins définies. Nous en tirerons quelques conclusions pour la philosophie politique canadienne à partir du travail conceptuel entamé par Oakeshott (1962), Freeden (1996) et Dart (2004).

Cette présentation explore les liens entre l’ascétisme bouddhiste et la psychologie. Plus précisément, elle vise à illustrer comment les pratiques de renoncement associées au bouddhisme Theravada pouvaient être une forme de psychothérapie présentant des similitudes frappantes avec les techniques employées aujourd’hui. Alors que les liens entre psychologie et bouddhisme sont en vogue, il est très rare de trouver une véritable exploration des textes religieux permettant de comprendre ces similitudes. Une exploration du Dhammapada et des Jatakas, qui sont des textes importants de cette religion, permettra de voir comment l’ascétisme prend forme dans le bouddhisme Theravada. Ces écrits exposent des éléments centraux de cette tradition et illustrent à plusieurs endroits la place accordée à l’ascétisme. L’objectif de notre réflexion sera donc d’analyser le contenu de ces textes afin de démontrer comment l’ascétisme tel qu’il est présenté dans ces textes peut être considéré de manière positive par la psychologie actuelle et inspirer des comportements sains pour le bien-être de l’individu. Les sections de ces textes illustrant des pratiques liées au renoncement seront mises de l’avant en faisant ressortir des similitudes avec la psychologie positive et la thérapie de l’acceptation et de l’engagement (ACT). Nous soulignerons ainsi comment l’ascétisme tel qu’il est représenté dans le bouddhisme Theravada peut inspirer des pratiques saines pour le développement individuel. 

Qu’est-ce qu’une raison d’agir ? Comment doit-on concevoir sa nature et sa fonction ? Le débat quant à la nature des raisons oppose les théories mentalistes, selon lesquelles les raisons sont constituées de croyances et de désirs, aux théories factualistes, qui considèrent qu’elles sont constituées par des faits. Maria Alvarez (2010) a récemment défendu une version du factualisme qui soulève plusieurs problèmes, d’ailleurs susceptibles d’affecter les théories factualistes en général. Le débat quant à la nature des raisons soulève des questions plus spécifiques sur leur fonction. On admet généralement que les raisons peuvent jouer trois rôles : elles peuvent être motivantes, explicatives ou normatives. La conception mentaliste s’accomode plutôt bien de cette tripartition. Mais qu’advient-il, au sein d’un modèle factualiste, de cette tripartition ? Pour Alvarez, celle-ci demeure pertinente puisque les faits peuvent être à la fois motivants, explicatifs et normatifs. Or, le cas des fausses croyances, non factuelles, pose un problème majeur : celles-ci sont suspectibles de motiver et d’expliquer les gestes de l’agent, sans pour autant être des raisons. Il y a manifestement discordance entre la théorie factualiste quant à la nature des raisons et la tripartition classique quant à leur fonction. Laquelle doit céder le pas à l’autre ? J’entends suggérer que c’est l’usage fonctionnel que l’on fait des raisons qui doit guider toute théorisation métaphysique quant à leur nature.

Une élite lettrée francophone a engagé une lutte contre l’Église catholique au Québec durant le XIXe siècle. L’anticléricalisme comme idéologie critique s’est buté aux biens pensants de l’Église générant une lutte sans merci où le devenir de la société était l’enjeu principal. Cette révolte intellectuelle naquit au moment même où l’Église devenait une puissance régulatrice de la société. En analysant les idéologies anticléricale et ultramontaine qui opposent deux groupes de la société canadienne-française et leur impact sur l’action politique, on est amené à conclure la disparition de l’espace politique de l’anticléricalisme à la fin du XIXe siècle. Pourquoi ? Les causes sont nombreuses : notons l’échec de l’expérience républicaine, l’apparition de la modération politique, le rejet du radicalisme. Or la raison forte réside sans aucun doute dans la transformation interne de la société vers une forme cléricalisée : s’opposer à l’Église, c’était s’opposer à la société tout entière. En proposant une nouvelle lecture sociohistorique des idéologies politiques des élites dominantes, nous sommes en mesure de comprendre le développement et le rôle puissant de l’Institution catholique jusqu’au début du XXe siècle. Notre relecture appréhende la condamnation totale et massive l’Église jusqu’à 1960. Notre étude enrichit l’histoire de l’Église et des contestations internes et place cette dynamique au cœur même du «processus de civilisation» du Canada français.

Les données relatives à la division des hémisphères cérébraux sont l'apport scientifique le plus pertinent pour le débat philosophique sur l'identité personnelle. Dans les années 60-70, des chercheurs ont observé que, lorsqu'on procédait à l'ablation du corps calleux assurant le transfert d'information entre les hémisphères, chaque hémisphère semblait avoir ses propres perceptions et intentions indépendantes. La division du cerveau donnerait donc lieu à une division de la conscience et de la personne. Derek Parfit, notamment, s'est appuyé sur cette apparente divisibilité de la personne pour défendre que nous sommes des êtres distincts de l'organisme vivant, n'ayant qu'une existence conceptuelle. Cependant, des expérimentations récentes contestent les résultats précédents, concluant que malgré que la division cérébrale donne effectivement lieu à une division de l'information perceptuelle accessible à chaque hémisphère, elle ne porte pas atteinte à l'unité de la conscience (Pinto 2017). La division des hémisphères ne fournirait donc pas de raison suffisante pour distinguer la personne de l'organisme et justifier le réductionnisme de Parfit. Pour cette présentation, nous proposons d'examiner les résultats de ces expérimentations, leurs implications philosophiques, de sorte à rétablir la possibilité que la conscience et la personne soient profondément rattachées à l'organisme vivant. Nous défenderons que nous sommes des animaux, ayant une existence réelle plutôt que conceptuelle.

Le développement de l’intelligence artificielle (IA), tributaire du développement du numérique et des technologies de l’information et de la communication (TIC), bouleverse toutes les sphères de la société de l’information dans laquelle nous vivons. Les transports, l’emploi, l’économie, la santé, l’éducation, la sécurité publique, les médias d’information, la défense, etc.; aucun secteur d’activité n’est à l’abri des transformations radicales que provoque la croissance exponentielle de ces nouvelles technologies. Face à ces changements que plusieurs qualifient de révolution numérique, il apparaît essentiel de se demander quelles seront les conséquences de cette révolution et comment nous pouvons faire une utilisation responsable de l’IA. Bon nombre de questions éthiques quant aux utilisations spécifiques de l’IA sont discutées par plusieurs intervenants et intervenantes du milieu. Or, bien souvent les positions défendues dans ces débats s’appuient sur un arrière-plan en philosophie éthique qui demeure peu discuté. Partant de l’éthique de l’information développée par Luciano Floridi, je propose donc de réfléchir aux différentes approches théoriques des questions éthiques liées à l’IA, de mesurer la pertinence et les limites de chacune de ces approches et de proposer un modèle théorique qui puisse permettre de penser de manière satisfaisante nos obligations, compte tenu de l’ampleur des changements provoqués par l’IA (et les TIC) dans la société de l’information.

Un débat important est en train d’émerger en sciences humaines et sociales, au sujet des enjeux éthiques, sociaux et politiques du champ de recherche récent qu’est l'épigénétique. Avec le développement des connaissances de la programmation épigénétique – qu’influencent l’environnement naturel et social – et ses répercussions sur la santé des personnes, l’idée de « responsabilité morale épigénétique » a été proposée, en lien avec les principes de justice environnementale et d’équité intergénérationnelle. Le caractère sensible de telles revendications requiert, comme nous allons le démontrer dans cette présentation, une attention toute spéciale de la part des chercheurs en bioéthique. De façon générale, je ferai valoir qu’avant de tirer des conclusions prescriptives en lien avec ces nouvelles connaissances, il sera primordial d’accorder une attention particulière à la nature hautement complexe des mécanismes épigénétiques. De façon plus spécifique, j’expliquerai pourquoi et comment les notions très ambiguës de « normalité épigénétique » et « plasticité épigénétique » devraient être prises en considération lors de telles discussions. En somme, je m’écarterai de la tendance réductrice qui consiste à faire émerger l’implication des connaissances en épigénétique simplement de la comparaison entre la génétique et l’épigénétique. L’épigénétique possède ses propres contradictions internes, lesquelles doivent être caractérisées avant d’accorder à ce champ d’étude toute force normative.

 

Les sociétés occidentales sont de plus en plus en marquées par la diversité morale et religieuse. L’expression de cette diversité est cependant source de plusieurs frictions d’intensité variable. Dans ce contexte, la question qui nous intéresse prioritairement concerne les conditions de pensabilité et de plausibilité d’un Nous politique, dans lesquelles les citoyens libres et égaux, bien que profondément divisés entre eux en raison de leurs doctrines morales et religieuses (incompatibles entre-elles bien que raisonnables), souhaitent néanmoins vivre ensemble. Plus spécifiquement, on s’intéressera aux liens entre laïcité et vivre-ensemble dans les sociétés pluralistes contemporaines.

Ainsi, l'hypothèse que nous voulons risquer dans les limites étroites de notre communication est la suivante : La laïcité en tant que principe politique visant l’équilibre optimal entre le respect de l’égalité morale et la protection de la liberté de conscience, est la plus à apte à prendre en charge les difficultés liées à la construction du vivre-ensemble dans les sociétés pluralistes.Toutefois, on montrera que si un certain degré satisfaisant de stabilité et de cohésion sociale peut être atteint par cette forme de laïcité dite libérale, il reste que l’effet de cette dernière en ressortirait renforcé si elle était assortie d’unprojet éducatif conséquent qui repose en dernier ressort sur une éthique de la reconnaissance et du bien commun.                

La forme catégorique impose une structure d'appréhension du monde qui ne rend pas compte du caractère flou et continu de l’expérience humaine – p.ex. les dimensions d'affect ou d'identité, la culture ou la signification. En posant la catégorie comme heuristique sémiotique et la catégorisation comme processus d’acculturation, j'ai adopté une perspective socio-sémiotique pour (dé/re)composer la catégorie. Je présenterai les éléments qui ont contribué à ma composition d’un modèle flouifié de la catégori(e/sation) humaine, en quoi ils sont pertinents et comment ils sont compatibles. La catégorie classique a été déconstruite, ses propriétés formelles réinterprétées en terme de logique floue. J'ai renommé ces catégories flouifiées « anagories » et tenté une modélisation de celles-ci inspirée de la proxémie chez E. T. Hall. Ceci m’a menée à redéfinir le concept comme émergence, reconstruire l’extension comme champ sémantique, et réinterpréter la sémiose et la catégorisation par analogie avec les systèmes dynamiques. Je soumettrai que ce modèle « anagorique » flou est en meilleure adéquation qu’un modèle « catégorique » classique avec les entités socio-construites qui constituent le monde humain. Il rend mieux compte des objets, des événements ou des signes dont le sens est en co-évolution constante avec la société. Il met en évidence plutôt les relations que les distinctions, et une dynamique de proximité/éloignement plutôt que d’inclusion/exclusion.

Par-delà le désir de s'aggriper vivement à ses récits pour statuer la preuve d'une vie psychique post-mortem, ou, à l'inverse, par-delà les tentatives pour démontrer que ses ressentis ne sont causés que par des débalancements hormonaux, l'expérience de mort imminente (EMI) demeure un moment prégnant dans l'existence du sujet l'ayant traversé et ayant été ramené à la vie.

S'éloignant des débats tournant autour de la part de réel et d'irréel que l'on tente respectivement de lui faire endosser, l'EMI mérite d'être abordée et confrontée sur le plan de cette trace qu'elle laisse dans le quotidien de l'expérienceur. L'EMI touche au noyau de l'expérience existentielle de l'homme. Elle est à même de participer à une secousse de l'existence, de l'être, sur le plan réflexif et perceptuel. Expérience en appelant au ressort de la phénoménologie, s'il en est une,  elle influe les quatre thèmes existentiaux tels que définis par le chercheur Max van Manen : l'espace vécu, le corps vécu, le temps vécu et la relation humaine vécue. 

À la lumière des 2èmes rencontres internationales sur les EMI se tenant à Marseille en mars dernier, prenant appui sur les réflexions éclairantes de Martin Buber (Confessions extatiques et Je et Tu) et la poésie bouillante, sollicitante du Livre de Job, nous entamerons un dialogue avec le sentiment de déréliction vécu par les expérienceurs, suite à leur retour au sein des vicissitudes quotidiennes, après leur rencontre intime avec une toute autre réalité psychique.

L’attribution à l’intellect humain d’un pouvoir constitutif sur le réel - que l’historiographie tend à considérer comme un philosophème appartenant en propre aux développements philosophiques postérieurs à la critique kantienne de la métaphysique – plonge ses racines dans le questionnement philosophique médiéval, majoritairement préoccupé par les problèmes appartenant aux domaines de l’ontologie et de la noétique. Rigoureusement soutenue par le maître dominicain Thierry de Freiberg (1250-1318/20), une telle fonction active et causatrice de l'intellect sur la réalité matérielle confère à la connaissance intellectuelle une antériorité ontologique par rapport à la chose « donnée » aux sens - antériorité qu’une lecture concordiste des conceptions aristotélicienne et augustinienne de l’intellect permet à Thierry de penser. La tâche que nous nous proposons consiste à exposer les aspects de la noétique du Fribourgeois permettant d'établir entre celle-ci et les philosophies transcendantales développées à l'époque moderne par des penseurs tels que Kant et Husserl une certaine filiation qui, par-delà les changements de paradigmes et la diversité des conceptualités, témoigne d'une continuité dans le discours noético-ontologique. Ce qu'il sera question de relever sera une certaine continuité entre la philosophie transcendantale kantienne ou postkantienne et une certaine tradition augustinienne que Thierry de Freiberg incarne à son époque.



Plus pratique qu’un ordinateur et ayant les mêmes capacités technologiques, le téléphone intelligent contient une quantité de plus en plus considérable d’information personnelle, intime, confidentielle et privilégiée, plus grande parfois que celle contenue par les ordinateurs portables. L’accès de l’État au contenu des téléphones intelligents doit donc être encadré par des normes juridiques claires et bien définies. Or, si la Cour suprême du Canada s’est prononcée sur l’expectative de vie privée de l’ordinateur portable en affirmant qu’il est difficile d’imaginer une atteinte plus grave à la vie privée d’une personne que la fouille de son ordinateur personnel, la jurisprudence n’est pas aussi claire au regard du téléphone intelligent. Au contraire, on permet la fouille d’un téléphone non-verrouillé. Cette situation amène la question suivante : si le téléphone intelligent est protégé par un mot de passe bloquant l’accès à son contenu, existe-t-il une obligation de l’accusé de déverrouiller son appareil lorsque les policiers lui sollicitent un tel déverrouillage? Le citoyen est-il obligé d’obtempérer? Nous désirons apporter des clarifications au sujet de cette problématique en examinant la possibilité de l’existence d’une obligation de déverrouillage imposée au citoyen, mais aussi l’impact d’une telle obligation à l’égard de certains droits constitutionnels, dont le principe protégeant contre l’auto-incrimination, le droit de garder le silence, et le droit à la vie privée.

Quelle est la source, dans notre imaginaire occidental, du fantasme d’immortalité qui motive le transhumanisme? Nous proposons que la quête de savoir, de contrôle, voire de puissance sans borne — et par corollaire d’immortalité — qui caractérise la technoscience est plus ancrée dans nos racines chrétiennes que nous le soupçonnons. En effet, la grande particularité de l’Évangile est de s’être imposé comme récit de vérité exhortant chacun à choisir entre l’adhésion totale à son message, qui mènerait à la vie éternelle, ou à subir la mort, posée comme châtiment. Le rapport à la mort, en Occident, est ainsi profondément marqué par sa matrice chrétienne.

Or le principe de vérité posé au coeur de l’Évangile ne s’est pas pour autant étiolé avec la sécularisation, il s’est plutôt déplacé vers le monde immanent, en investissant l’ambition humaine d’une puissance infinie. Ce principe de vérité s’est transféré, en outre, dans la technique et la science, notamment dans le transhumanisme qui, à la suite de la médecine, cherche à repousser au maximum l’échéance de la mort, voire à la vaincre complètement. Mais ce refus de la mort est aussi le refus de la limite, puisqu’elle s’impose comme rappel inéluctable des limites de notre savoir et de notre civilisation. Le transhumanisme se présenterait ainsi comme un espoir pour renouer avec une forme d'absolu dont le souvenir nous habite toujours. Ce mouvement serait-il devenu un discours de vérité promettant à ses adhérents la transcendance?

Dans les dernières années, la Cour Suprême du Canada a eu à réévaluer, pour la première fois de son histoire, certaines décisions rendue durant les premières années de la Charte canadienne des droits et libertés. Que ce soit dans l’affaire Bedford sur la prostitution ou dans l’affaire Carter sur le suicide assisté, la cour s’est vue confronter à un nouveau dilemme; quel poids doit-on donner aux précédents face à de nouveaux faits sociaux ou à des consensus moraux qui ont évolués? À première vue, la réponse de la cour est désarmante tellement elle est désinvolte. Mais lorsqu’on y regarde de plus près, la désinvolture dont fait preuve la cour face à ses propres précédents s’inscrit dans un mouvement plus général de repositionnement dans la structure constitutionnelle accompagné d’un changement de paradigme en matière d’interprétation constitutionnelle. En adoptant la théorie du dialogue entre le judiciaire et le législatif à titre de récit constitutionnel, la Cour Suprême ne faisait qu’officialiser ce repositionnement. Dans cette perspective, l’autorité déchue des précédents constitutionnels n’apparaît plus comme un phénomène singulier et surprenant mais plutôt comme la dernière manifestation de ce repositionnement institutionnel et du rejet d’une conception positiviste du droit qui l’a accompagné.