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Une élite lettrée francophone a engagé une lutte contre l’Église catholique au Québec durant le XIXe siècle. L’anticléricalisme comme idéologie critique s’est buté aux biens pensants de l’Église générant une lutte sans merci où le devenir de la société était l’enjeu principal. Cette révolte intellectuelle naquit au moment même où l’Église devenait une puissance régulatrice de la société. En analysant les idéologies anticléricale et ultramontaine qui opposent deux groupes de la société canadienne-française et leur impact sur l’action politique, on est amené à conclure la disparition de l’espace politique de l’anticléricalisme à la fin du XIXe siècle. Pourquoi ? Les causes sont nombreuses : notons l’échec de l’expérience républicaine, l’apparition de la modération politique, le rejet du radicalisme. Or la raison forte réside sans aucun doute dans la transformation interne de la société vers une forme cléricalisée : s’opposer à l’Église, c’était s’opposer à la société tout entière. En proposant une nouvelle lecture sociohistorique des idéologies politiques des élites dominantes, nous sommes en mesure de comprendre le développement et le rôle puissant de l’Institution catholique jusqu’au début du XXe siècle. Notre relecture appréhende la condamnation totale et massive l’Église jusqu’à 1960. Notre étude enrichit l’histoire de l’Église et des contestations internes et place cette dynamique au cœur même du «processus de civilisation» du Canada français.

Comme toute profession, l’ergothérapie se fonde sur des valeurs. Cette axiologie à la base de la profession constitue une part importante de son essence. Une recension des écrits montre des désaccords sur les valeurs au fondement de l'ergothérapie. De fait, différentes valeurs ont été mises de l’avant par divers auteurs. Que penser de ce pluralisme axiologique? Parmi la diversité de ces discours, peut-on repérer certaines valeurs partagées par l’ensemble des écrits? Le but de cette communication est de présenter les résultats d’une étude qui a analysé des discours sur les valeurs de l’ergothérapie. Afin de répertorier ces documents, une recension des écrits a été effectuée. Pour ce faire, plusieurs bases de données ont été consultées utilisant plusieurs mots clés. L’étude qualitative des documents a été effectuée suivant la méthode analytique usuelle en philosophie. L’analyse des écrits montre qu’aucune valeur n’est partagée par l’ensemble des textes étudiés. Cela dit, une valeur, la participation occupationnelle, est partagée par une majorité d’écrits. L’analyse des discours permet aussi de constater que cette valeur repose sur une conception de l’être humain qui s’inspire des philosophies de Marx, Rousseau, Sartre et Kant. L’analyse révèle également des confusions conceptuelles présentes dans les écrits quant à ce qu’est une valeur. Des clarifications conceptuelles sont proposées afin de distinguer les valeurs des croyances, attitudes, principes et concepts non évaluatifs.

La complexité de nombreux enjeux moderne suscite l'intérêt pour l'interdisciplinarité. On peut définir ce concept polymorphe comme une « pratique collective de recherche cherchant la mise en relation et l’intégration des savoirs ». Vue sous cette perspective, l’interdisciplinarité nécessite la transdisciplinarité, laquelle peut se traduire comme « une fonction d’ouverture et de recherche présente dans tout acte de connaissance, quel qu’il soit, et ce, dès le début » (Létourneau, 2008). Cette communication vise à souligner l’approche interdisciplinaire et transdisciplinaire de John Dewey dans sa conception même de l’éthique. Pour ce faire, nous nous pencherons dans un premier temps sur le projet de reconstruction de la philosophie de Dewey dans lequel la philosophie a comme tâche l’examen critique des connaissances provenant de toutes disciplines confondues afin d’en déterminer leurs conséquences pour « notre humanité commune» (Dewey, 1958). Par la suite, nous jetterons un regard sur sa théorie de la valuation à travers laquelle l’éthique devient une entreprise transdisciplinaire orientée vers la détermination de l’action humaine en situation problématique. Nous insisterons particulièrement sur la relation étroite entre l’éthique, la psychologie et la sociologie. Nous terminerons notre parcours en interrogeant la pertinence de Dewey pour notre réflexion contemporaine sur l’éthique.

La question de savoir si l’humanité est actrice dans le théâtre de l’histoire ou si elle peut revendiquer l’écriture de la pièce est associée à Hegel et à Marx. Pourtant, le concept de virtù de Machiavel peut lui donner des airs de précurseur. Bien qu’il ne soit pas question de l’humanité entière, la question demeure : le prince virtuose est-il acteur dans l’histoire ou est-il en mesure de revendiquer sa production ? L’hypothèse à vérifier est que Machiavel s’arrête au seuil de l’action historique sans le franchir, la virtù se limitant à l’action dans l’histoire. Les allures de production historique proviennent du contexte particulier d’urgence qui est la trame de fond explicite du philosophe florentin : l’équilibre y est si sensible que l’agir politique peut prendre des apparences de transformation de l’histoire comme si le prince en était l’auteur.

Pour la vérifier, il faudra bien définir les concepts de virtù et de fortuna ainsi que la relation qu’ils entretiennent. Ensuite, l’analyse nécessitera d’examiner la manière dont ils sont utilisés en se penchant sur le contraste entre le contexte de l’acte virtuose et la vision générale de l’histoire de Machiavel. La contribution académique de cette recherche concerne le raffinement de l’interprétation de l’œuvre du philosophe florentin, son concept de virtù et sa vision de l’histoire.

L’idée de « sympathie » a connu maints déplacements
significatifs dans son histoire. Pour Hume et Smith, elle était l’opérateur
même de la moralité et de la bienveillance. La sympathie deviendra aux siècles
suivants une émotion morale parmi d’autres, de nature privée ou psychologique,
nullement garante de rationalité. La fin du 20e siècle témoigne d’un
nouveau renversement, et nous assistons au retour de la sympathie en
philosophie sociale et politique, à un véritable « tournant affectif »
(Ferry 2008, Hoggett 2012, Krause 2008, Morrell 2008, Marcus 2008, Nussbaum
2013).

Nous voudrions montrer, en suivant ces travaux, que le statut et le rôle
maintenant accordés à la sympathie dans la délibération et l’action publiques
engagent le citoyen dans une nouvelle avenue. Nous clarifierons d’abord la
notion de sympathie parmi les notions apparentées (empathie, pitié, compassion,
souci…). Cela nous permettra de dégager ensuite deux enjeux de ce retour :
la distribution sociale inégale de ses porteurs ou récipiendaires, et la
modification de l’acteur, désormais reconnu autant vulnérable qu’autonome. Dans
ce nouveau contexte, pourrait-on parler de « politique de la
sympathie », à l’instar de Closehy 2013 ? Le libéralisme classique ferait
valoir ici le risque de paternalisme, alors que le libéralisme social
soulignerait que la sympathie n’est pas la solidarité. Nous tenterons de monter
en conclusion que la catégorie renouvelée de « sympathie » est en
mesure de rencontrer ces objections.

Désert. Poussière de désert. C’est en ces termes que David Lapoujade, dans le commentaire qu’il propose de la philosophie deleuzienne, qualifie ce « paysage d’avant l’homme, en l’absence de l’homme » que Deleuze n’a eu de cesse de définir conceptuellement sous des formes diverses et variées. Champ préindividuel, corps sans organes, plan d’immanence, image-mouvement, matière-écoulement, espace lisse, chaosmos, autant de différenciations conceptuelles d’une seule et même intuition philosophique. L’homme-sujet n'est donc pas chez Deleuze la coordonnée originaire du monde. Non, il est second dans l’ordre du monde. C’est pourquoi il doit être défaitst, littéralement délitést, pour qu’émerge et apparaisse dans son en-soi la terre désertique originelle et sans fond sur laquelle il a pu se constituer à titre de de résultante, terre monadique tout autant que nomadique.

Or, comment Deleuze pense et conçoit ce « monde d’avant l’homme », cet univers désertique a-subjectif et a-centré ? Et quelle est la nature empirique de ce sol a-vitalisé sur lequel l'homme va surgir ? Autrement dit, par quel procédé de « dé-désertification » l’homme est-il possible ?

Notre communication, libre, se propose de repérer et de commenter les grandes étapes de cette [dé-]construction philosophique. Loin d'en définir généalogiquement toutes les variations conceptuelles, nous nous proposons seulement de nous arrêter sur quelques concepts centraux (Idée, CsO et image-mouvement) de cet itinéraire philosophique.

Dans Vices of the Mind, le philosophe Quassim Cassam développe un cadre théorique pour saisir les vices qui contaminent la pensée, ce qu’il conceptualise comme des « vices épistémiques », c’est-à-dire des traits de caractère, des attitudes ou des modes de pensée qui font obstacle à l’acquisition et au partage des connaissances. Par exemple, l’étroitesse d’esprit, les préjugés, le dogmatisme, le mensonge à soi-même et le biais de confirmation sont des vices épistémiques. Or, mis à part la thérapie cognitive individuelle, des mécanismes robustes et collectifs de dissolution de ces vices épistémiques ne sont pas proposés. Pour faire face à cette lacune, il nous intéresse d’arrimer le concept des vices épistémiques aux apports de la philosophie pour enfants et adolescents, notamment la méthodologie de la communauté de recherche philosophique (CRP) pour travailler à les reconnaître et à les dissoudre. J’avance ainsi que la CRP représente une avenue pédagogique prometteuse afin de lutter contre les raisonnements défectueux. À l’aide du cadre fourni par Cassam, je chercherai d’abord à cerner ces vices, particulièrement l’étroitesse d’esprit. Une fois ce diagnostic établi, j’examinerai si la pratique philosophique peut participer à dissoudre explicitement cette entrave à la connaissance dans des CRP réalisées lors de cours de philosophie au collégial. En somme, est-ce que cette praxis collective contribue à dissoudre ce vice, mais aussi à développer la vertu épistémique?

L’attribution à l’intellect humain d’un pouvoir constitutif sur le réel - que l’historiographie tend à considérer comme un philosophème appartenant en propre aux développements philosophiques postérieurs à la critique kantienne de la métaphysique – plonge ses racines dans le questionnement philosophique médiéval, majoritairement préoccupé par les problèmes appartenant aux domaines de l’ontologie et de la noétique. Rigoureusement soutenue par le maître dominicain Thierry de Freiberg (1250-1318/20), une telle fonction active et causatrice de l'intellect sur la réalité matérielle confère à la connaissance intellectuelle une antériorité ontologique par rapport à la chose « donnée » aux sens - antériorité qu’une lecture concordiste des conceptions aristotélicienne et augustinienne de l’intellect permet à Thierry de penser. La tâche que nous nous proposons consiste à exposer les aspects de la noétique du Fribourgeois permettant d'établir entre celle-ci et les philosophies transcendantales développées à l'époque moderne par des penseurs tels que Kant et Husserl une certaine filiation qui, par-delà les changements de paradigmes et la diversité des conceptualités, témoigne d'une continuité dans le discours noético-ontologique. Ce qu'il sera question de relever sera une certaine continuité entre la philosophie transcendantale kantienne ou postkantienne et une certaine tradition augustinienne que Thierry de Freiberg incarne à son époque.



Cette communication est incluse
dans un projet de recherche bi-disciplinaire (philosophie et psychologie
clinique) européen (Danemark, Grèce, France) qui vise à explorer la notion de bien-être
dans l’expérience des écoliers. En effet, cette notion est fréquemment employée
de façon confuse, soit parce qu’elle n’est pas interrogée alors même qu’elle
figure dans les programmes d’éducation à la santé, soit parce qu’elle est
employée au sein d’approches méconnaissant le vécu intime des publics scolaires
pour leur préférer une vision quantitative vouée au seul contrôle social, soit
enfin parce qu’elle est présentée accompagnée d’injonctions à une normalité qui
laisse de côté la variété des formes et des composantes de la santé vécue
singulièrement par les sujets.

L’argumentation philosophique
proposée pour la communication développera une variation conceptuelle autour
des définitions de la santé et du bien-être, dans une optique empruntée aussi
bien au pouvoir de normativité de la vie chez Canguilhem qu’aux principes
phénoménologiques à l’œuvre dans une démarche d’approche au plus près du vécu
enfantin, dans le sillage de la phénoménologie de la vie de Michel Henry, mais
aussi de l’herméneutique de la santé chez Gadamer.

Le focus mis sur la notion de bien-être étudiera ainsi la notion
de « lieu caché du bien-être »,. In fine, il s’agira de rendre
à la notion de bien-être son  caractère
concret et personnel, au plus près du vécu des personnes.

Plusieurs féministes appellent à une théorie des passions pour comprendre la montée d'une droite radicale. Un "affective turn" déborde sur d'autres champs des sciences sociales. Dans son opus de 2004, Sarah Ahmed en appelle a une phenoménologie relationnelle afin de mieux théoriser la politique des corps et de leurs expressions qui balisent les relations sociales. Nous esquisserons les éléments de la tradition phénoménologique nous permettant de transposer ses acquis hors du champ de la subjectivité où l'a laissé Husserl. Nous partirons des commentaires et distinctions de son directeur et ami Carl Sumpf afin de rétablir la phenoménologie comme discipline au service des sciences de la culture. Son concept de "formation culturelle" permetra de spécifier la nature de l'objet des sciences sociales et le rôle de la phénoménologie. Celle-ci permet de clarifier les concepts relatifs aux "passions" et leur place dans un tissus de "relations de signes" formant autant de complexes socioculturels. Cette stratégie permet de passer directement de l'analyse phenoménologique à l'étude sociologique de 'formations' que nous rapprocherons de l'idée de Représentation sociale, tout en offrant une méthode pour spécifier le contenu d'affect ou de passion qui y prend part, ainsi que les relations que ce contenu entretient avec divers schèmes de pensée et d'action. Deux icônes liées à l'islamophobie contemporaine serviront à examplifier notre propos.

Le développement de l’intelligence artificielle (IA), tributaire du développement du numérique et des technologies de l’information et de la communication (TIC), bouleverse toutes les sphères de la société de l’information dans laquelle nous vivons. Les transports, l’emploi, l’économie, la santé, l’éducation, la sécurité publique, les médias d’information, la défense, etc.; aucun secteur d’activité n’est à l’abri des transformations radicales que provoque la croissance exponentielle de ces nouvelles technologies. Face à ces changements que plusieurs qualifient de révolution numérique, il apparaît essentiel de se demander quelles seront les conséquences de cette révolution et comment nous pouvons faire une utilisation responsable de l’IA. Bon nombre de questions éthiques quant aux utilisations spécifiques de l’IA sont discutées par plusieurs intervenants et intervenantes du milieu. Or, bien souvent les positions défendues dans ces débats s’appuient sur un arrière-plan en philosophie éthique qui demeure peu discuté. Partant de l’éthique de l’information développée par Luciano Floridi, je propose donc de réfléchir aux différentes approches théoriques des questions éthiques liées à l’IA, de mesurer la pertinence et les limites de chacune de ces approches et de proposer un modèle théorique qui puisse permettre de penser de manière satisfaisante nos obligations, compte tenu de l’ampleur des changements provoqués par l’IA (et les TIC) dans la société de l’information.

 

L’entrée dans l’ère de la modernité, si on peut appeler ainsi la rencontre de l’Afrique avec l’Europe industrielle et conquérante, n’a pas seulement été caractérisée par la violence. Celle-ci a aussi induit un renversement des systèmes faisant qu’à tous les tournants de l’histoire, les sociétés africaines se retrouvent obligées de changer les paradigmes de leur gestion, tout en tentant de préserver leurs cultures. Son émergence en terre africaine montre que la démocratie pluraliste constitue l’un des motifs de ce renversement et changement de paradigmes. Face aux multiples changements, plusieurs tentatives de solutions ont été proposées, en s’inspirant du modèle européen de la démocratie.

Étant entendu que l’on cherche sur quels fondements bâtir et consolider la démocratie constitutionnelle en terre africaine, la théorie rawlsienne de la justice comme équité ne pourrait-elle pas offrir une heureuse solution?

Pour atteindre notre objectif, dans la réalisation des indicateurs de la démocratie (justice distributive, égalité des chances, liberté d’expression et d’association, respect des droits humains, reconnaissance de la souveraineté des États…), nous articulerons la justice sociale rawlsienne avec les acquis de l’héritage traditionnel africain, source d’inspiration de l’organisation sociopolitique des États-nations postcoloniaux d’Afrique.



La sociologie se trouve de plain-pied impliquée au sein d'un processus d'interprétation, dès lors qu'elle se propose de comprendre un phénomène social. Pourtant, force est d'admettre que peu de théories herméneutiques satisfont aux critères d'objectivité auxquels cherche à adhérer la discipline. Les théories gadamérienne et ricoeurienne de l'interprétation, qui offrent à ce jour les percées les plus pénétrantes en matière d'herméneutique, s'avèrent d'un usage limité à l'égard de l'objet sociologique. Ces approches, en effet, accordent, selon nous, trop d'importance au vécu existentiel de l'interprète, négligeant de ce fait la valeur objective du fait social, tel que Durkheim nous invitait à le concevoir. Nous proposons, dans le présent article, de fusionner la théorie herméneutique ricoeurienne avec une conception dialogique du symbole, de manière à reconnaître, dans l'ethos, le principe directeur à partir duquel interpréter le phénomène social comme structure autonome, et donc objective.



De quoi sommes nous informés dans notre méditation au Collège de France pendant que Foucault expose son Herméneutique du sujet de Platon à Augustin ? Foucault y montre comment le sujet doit se constituer lui-même. Qu’est-ce que le sujet pour lui, quelle définition en donne-t-il alors qu’il s’aventure dans l’Antiquité tardive et qu’il ajoute au compte du sens l’apport des Pères de l’Église ? C’est là qu’il faut interpréter ou chercher à savoir.

Foucault refuse d’employer le terme de « substance » pour traiter du sujet. Cela oblige à déceler la perte de signification dans la mutation terminologique du grec au latin. En amont de la traduction de la notion de substance, il y a une structure qui explique le fonctionnement de l’âme dans son devenir. Foucault crypte ou élague l’héritage grec de cette structure pour mieux la transmettre dans ses enseignements. Sans ouvrir le dossier médiéval du sujet, il conviendra de penser l’avènement de la subjectivité moderne dans le passage du logos stoïcien au logos chrétien. Ce n’est qu’ainsi que peut être entendu, dans l’espace ouvert par le souci de soi, le verbe et le transfiguration « du logos en êthos ».

Mon mémoire porte sur l’Expérience de Mort Imminente (EMI) et sur les neuroscientifiques qui l’étudient. L’EMI se réfère aux individus qui rapportent avoir vécu une décorporation et une expérience transcendantale significative alors qu’ils ont été déclarés cliniquement morts. Au cours des dernières décennies, la discipline de la neuroscience a entrepris de résoudre cette anomalie à partir de son savoir scientifique. L’EMI, que nous définirons, est devenue l’enjeu axiomatique d’une confrontation paradigmatique entre matérialiste et dualistes des neurosciences pour l’explication ontologique de l’être humain. À partir de paradigmes antinomiques les neuroscientifiques tentent de répondre à cette question : « Est-ce que la conscience humaine est de nature immortelle ou est-elle réductible aux processus neurologiques du cerveau ? » Voilà l’enjeu que se dispute deux groupes de neuroscientifiques que l’on peut classer en deux clans distincts, soit les matérialistes dominants et les dualistes émergents. Chaque groupe réalise des recherches scientifiques hétéroclites sur l’EMI et l’Expérience Hors Corps (EHC) qui visent à valider leur position paradigmatique respective. Les matérialistes luttent pour conserver leur position de domination dans ce champ scientifique, tandis que les dualistes cherchent à les supplanter et à imposer un nouveau paradigme qui métamorphoserait l’épistémé scientifique contemporaine.

La plupart des éthiciens modernes et contemporains tentent de faire de l’éthique une science rigoureuse. Les différentes variantes contemporaines du conséquentialisme sont de bons exemples de cette tendance. Je me propose de montrer que cette recherche d’un fondement de type scientifique à la morale relève d’une méconnaissance de la nature même du savoir moral et conduit à des apories insurmontables.  À partir de l’interprétation que donne Hans-Georg Gadamer du concept aristotélicien de sagacité (phronésis) dans Vérité et méthode, je tenterai de montrer qu’il est possible d’éviter le relativisme éthique sans qu’il soit nécessaire de fonder la morale ou de disposer d’un critère moral absolu. En effet, d’après Gadamer, l’exigence de fondation absolue en morale n’est que l’importation illégitime du modèle épistémique des sciences de la nature. Selon l’interprétation gadamérienne d’Aristote, la vie humaine est trop complexe pour qu’il soit possible de la soumettre à des règles générales, ce qui ne veut pas dire pour autant que tout soit relatif en morale. Nous verrons avec Aristote qu’on ne peut jamais trancher théoriquement un dilemme moral, mais qu’on peut se laisser guider par la sagacité acquise par une longue expérience de la vie pour savoir reconnaître ce qui apparaît comme étant le plus juste.



Les rituels funéraires ont souvent comme fonction d'accompagner le corps et l'esprit, aider les endeuillés dans l'expression de leur douleur ainsi que de rétablir un certain équilibre social (Van Gennep 1960;Fellous 2001).Si le rituel permet l'expression ou le partage d'émotions liées à un deuil, il convient de se demander si de telles expériences peuvent être qualifiées de « thérapeutiques », puis si une institutionnalisation des émotions liées à la mort, comme cela se produit dans les soins palliatifs en Occident, est toujours dans l’orbe du thérapeutique. Il est en ce sens intéressant de comparer deux terrains, soit une maison de soins palliatifs québécoise ainsi que les pratiques d'un groupe de pleureuses situées au Brésil afin de qualifier les formes différentielles d’expression des émotions liées à la mort. Aux soins palliatifs, le patient est inscrit dans une série de « petits moments » qui peuvent ici être considérés comme les éléments d’une micro-ritualité axée sur l’individu plutôt que le collectif (Cheal 1998; Seale 1998). Les chants de lamentation permettent, pour leur part, une expression ponctuelle à la fois individuelle d'une émotion liée à la mort ainsi que la "communion de sens" autour d'un sentiment partagé (Turner 1986;Lea 2004).L'étude comparative nous permet donc de jeter un regard critique sur le rituel tel qu'il est vécu selon ses fonctions sociales en plus de comparer ses effets à l'intérieur ainsi qu'à l'extérieur d'un contexte institutionnel.

La communication proposée a comme objectif de comparer l’aspect prophétique du Zarathoustra de Nietzsche avec l’idéal-type du prophète tel que conceptualisé par Weber. Par une lecture attentive d’Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche et des passages sur le charisme dans Économie et société de Weber, je tenterai de mettre en lumière les harmonies et les dissonances résultant du rapprochement entre la parole de Zarathoustra et la parole charismatique du prophète wébérien. Je mettrai l’accent sur le statut du langage qui caractériserait la parole prophétique : une parole créatrice de nouvelles valeurs, auto-légitimante, en opposition à son époque (« inactuelle », dirait Nietzsche), bref, une parole qui ouvre les virtualités du langage. On peut aussi prévoir une différence fondamentale : la puissance de la parole prophétique trouve sa source, pour Weber, dans la reconnaissance des laïcs, tandis que Nietzsche associerait cette nécessité de reconnaissance à un « esprit grégaire », vivement critiqué par son personnage Zarathoustra. Cette comparaison devrait prendre en compte les postures propres aux deux auteurs : tandis que Weber cherche à comprendre le changement social par son concept de charisme, Nietzsche agit en donnant directement la parole à Zarathoustra. Pour finir, une telle comparaison contribuera à la compréhension du prophétisme chez Nietzsche et Weber, ainsi que du lien qui existe entre les pensées de ces deux auteurs.

Quelle est la source, dans notre imaginaire occidental, du fantasme d’immortalité qui motive le transhumanisme? Nous proposons que la quête de savoir, de contrôle, voire de puissance sans borne — et par corollaire d’immortalité — qui caractérise la technoscience est plus ancrée dans nos racines chrétiennes que nous le soupçonnons. En effet, la grande particularité de l’Évangile est de s’être imposé comme récit de vérité exhortant chacun à choisir entre l’adhésion totale à son message, qui mènerait à la vie éternelle, ou à subir la mort, posée comme châtiment. Le rapport à la mort, en Occident, est ainsi profondément marqué par sa matrice chrétienne.

Or le principe de vérité posé au coeur de l’Évangile ne s’est pas pour autant étiolé avec la sécularisation, il s’est plutôt déplacé vers le monde immanent, en investissant l’ambition humaine d’une puissance infinie. Ce principe de vérité s’est transféré, en outre, dans la technique et la science, notamment dans le transhumanisme qui, à la suite de la médecine, cherche à repousser au maximum l’échéance de la mort, voire à la vaincre complètement. Mais ce refus de la mort est aussi le refus de la limite, puisqu’elle s’impose comme rappel inéluctable des limites de notre savoir et de notre civilisation. Le transhumanisme se présenterait ainsi comme un espoir pour renouer avec une forme d'absolu dont le souvenir nous habite toujours. Ce mouvement serait-il devenu un discours de vérité promettant à ses adhérents la transcendance?

Qu'est-ce qu'une étude de cas? Pourquoi faire une étude de cas en histoire de la consommation? Sur quels critères peut-on choisir le groupe, la famille ou l'individu constitutif de l'étude de cas?

C'est à toutes ces questions que tentera de répondre ma communication.

Et pour cause, par le biais de ma thèse sur la consommation bourgeoise canadienne-française, en milieu urbain, au XIXe siècle, j'ai recours à une étude de cas (famille d'Antoine Gérin-Lajoie). Une telle approche semble tout indiquée puisque mon objectif est de comprendre, à l'échelle humaine, et sous différents angles, les rapports existants entre les hommes et la consommation. Une telle étude, qui combine méthodes quantitatives, en documentant les pratiques de consommation, et qualitatives, à travers l'analyse du ressenti des individus vis-à-vis de la consommation et des choses qui les entourent, vise alors à redonner sa place au consommateur en dessinant une histoire humaine et intime de la consommation.

Ainsi, à travers l'exemple de ma propre étude de cas, je soulignerais les apports théoriques et méthodologiques d'une telle approche, en même temps que je présenterais quelques résultats de recherches préliminaires, résultats qui prendront la forme d'une biographie commentée de la famille Gérin-Lajoie. Par cette association entre théorie et résultats, j'espère contribuer à l'avancement des méthodes et des connaissances dans le champ des études sur la culture matérielle, et des sciences humaines plus largement.

Usitée tant en théorie de la connaissance qu'en philosophie du langage, la notion de "signification" constitue un thème classique chargé moins par le poids du consensus que par celui de la pluralité des conceptions rivales alimentant maints débats. Nous souhaitons néanmoins porter notre attention sur un détail généralement passé sous silence dans la littérature, à savoir le statut logique de la notion de "signification-stimulus". Le naturalisme de Quine consiste à faire de la philosophie une partie de la science en substituant aux concepts mentalistes traditionnels des explications en termes de comportements verbaux. Or, dans Word and Object, Quine propose explicitement une définition de la notion de "signification-stimulus". Dans ces conditions, il est légitime de reconnaître si le système quinien permet à Quine d'être logiquement justifié à parler d'une définition de cette notion. Afin d'esquisser une réponse à cette question, nous proposons en premier lieu de procéder à une reconstruction de la notion de "signification-stimulus" en termes neurophysiologiques. Nous relèverons ensuite un emploi par Quine de la notion de signification. Ces considérations nous permettrons de mettre en lumière, d'une part, l'incongruité du caractère hybride de la notion de "signification-stimulus" ; d'autre part, le statut logique que l'on doit assigner à cette notion. En guise de conclusion ouverte, nous aborderons la possibilité pour le système quinien d'en offrir une définition implicite.

L’objectif de la communication est de présenter une explication alternative de l'objectivité des valeurs à partir de la conception réaliste du philosophe John Searle.   La question de l'objectivité des valeurs est un enjeu fondamental qui fait l'objet de débats depuis plusieurs décennies en éthique et métaéthique.  L'élément original de la proposition tient en partie au fait que Searle n'oeuvre pas dans ces domaines et qu'il ne s'intéresse pas spécifiquement aux valeurs morales.   Il propose néanmoins une conception originale de l'objectivité et du réalisme qui peut très bien s'appliquer à la question des valeurs et qui a peut-être le mérite d'apporter un  éclairage nouveau dans le débat.  Pour lui, le réalisme n’est surtout pas une thèse, ce n’est rien d’autre qu’un présupposé, qu’une condition nécessaire à toute affirmation et toute action. Quant à son explication de l’objectivité et de la subjectivité, elle se caractérise par le fait que chacune de ces notions doit se comprendre dans un sens ontologique et épistémique.   L’hypothèse principale que je défends est que les valeurs peuvent être épistémiquement objectives dans la mesure où on les conçoit comme ontologiquement subjectives, et dans la mesure où on conçoit le réalisme comme n’étant qu’un simple présupposé.  Une hypothèse secondaire est qu'il n'y a pas de valeur sans jugement de valeur, et qu'il n'y a pas de jugement de valeur sans attribution de fonction. 

           Notre exposé cherche à dégager la nature et le rôle stratégique de la métaphore de la lisibilité du monde dans l'économie de la pensée benjaminienne et son importance pour l'élaboration d'une métaphorologie (Blumenberg, 1960)

            De fait, la métaphore de la lisibilité du monde est le postulat qui permet de penser l'unité de sa méthode interprétative. Puisque c'est à partir d'un tel postulat que la proposition de Benjamin, exposée dans un fragment de 1917, percevoir c'est lire, peut être comprise. Si la lisibilité du monde est une métaphore, c'est bien parce que les premières formes de lecture se sont faites avant la naissance de l'écriture, dans la lecture des entrailles, dans les étoiles et dans les danses. C'est donc dire que la perception est un phénomène qui, loin d'être une réalité strictement empirique, relève en dernière instance du langage. D'ailleurs, dans un autre fragment de la même époque, il affirme que la perception est une modalité du langage. Ce qui nous permettra de comprendre sa théorie mimétique du langage comme production de ressemblance non sensible. Ces considérations nous permettront, d'une part, de démontrer que la position de Walter Benjamin permet d'écarter dans le domaine de l'interprétation deux paradigmes opposés : la stricte empiricité et la tradition herméneutique (Gadamer, 1960). D'autre part, nous démontrons que l'origine de la connaissance humaine s'inscrit dans un tissu métaphorique préalable.





La toxicomanie et la parentalité se posent souvent comme antinomiques, notamment aux yeux de la loi. Pourtant, du point de vue psychique, et particulièrement au regard du mode d’investissement de l’objet, l'objet-drogue et l’enfant pourraient partager certaines caractéristiques, ou encore s’inscrire dans une solution de continuité tout aussi révélatrice du passage possible pour les parents d’un mode de vie de consommation à une parentalité exempte de celle-ci. Une telle compréhension pourrait s’avérer fertile pour l’intervention auprès des parents toxicomanes.

Notre étude vise à explorer les fonctions de la prise de drogue dans le parcours de jeunes parents dits «en difficulté» et, en parallèle, les fonctions psychiques de l’enfant chez ces parents. Une seconde étape de la recherche s’intéresse aux parallèles possibles entre les fonctions accordées à ces deux objets par les jeunes parents.

Pour ce, nous avons mené une analyse qualitative «à l’aide de catégories conceptualisantes» (Paillé et Mucchielli, 2012) d’entretiens semi-directifs recueillis dans le cadre d’une recherche du GRIJA portant sur la parentalité chez les jeunes adultes en difficulté. Nos résultats laissent entrevoir des croisements entre le mode d'investissement et les fonctions de l'objet-drogue et de l'enfant, lesquels permettent d’envisager des alternatives dans la compréhension des difficultés du maintien de l’abstinence chez ces parents, ainsi que de nouvelles voies pour l’intervention en ce domaine.

Mes recherches se concentrent spécifiquement sur la critique du concept de Raison dans l’œuvre d’Herbert Marcuse, célèbre théoricien de ce qu’on appelle maintenant l’« École de Francfort ». Ce sujet nous amène des fondements typiquement hégéliens de la Théorie critique jusqu’à leur renversement radical au courant de la Seconde guerre mondiale. À travers différents thèmes qui traversent la pensée de Marcuse, ma conférence entend retracer ses tentatives pour trouver un fondement de la critique autre que celui, absolument inévitable en philosophie, de la Raison. Refusant obstinément de nuancer ses constats allant dans le sens d’une régression de la critique et d’une atrophie des capacités de négation de l’ordre établi dans la société industrielle avancée, sans pour autant jamais cesser de chercher ce qui, « de l’intérieur », pouvait encore receler un potentiel subversif de transformation, Marcuse tente tant bien que mal d’échapper à l’aporie inhérente à cette critique radicale de la Raison en s’efforçant de trouver dans les différentes sphères de l’existence humaine une dimension encore capable de résister à son intégration totalitaire dans le capitalisme avancé. Cette réflexion nous amène à nous demander s’il existe ou non des alternatives pour une critique sociale qui ne prétend plus plonger dans la Raison ses racines. Dans le sillage de Marcuse, nous suivons un chemin hésitant mais audacieux qui nous conduit vers rien de moins que les limites de la modernité elle-même.