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Une grande majorité des individus des sociétés contemporaines se sentent quotidiennement pressés et contraints par le temps (MOGILNER et coll. 2018). Ils valorisent l’immédiateté dans l’idée d’accumuler le plus de capital économique, social et culturel en moins de temps possible. En tant qu’usagers de services, ils cherchent à bénéficier de prestations rapides et à éviter toute période d’attente perçue comme une perte de temps et profondément inconfortable (DURRANDE-MOREAU 1994). En parallèle, les fournisseurs de services s’efforcent de trouver des moyens pour accélérer leurs prestations afin de rester compétitifs et attrayants. Or, plusieurs ressources humaines et matérielles sont actuellement limitées ou le deviendront, et la durée de certains processus imbriqués dans la réalisation de services ne pourra être réduite davantage (ROSA 2016). L’imminence de ce phénomène et de ses conséquences psychologiques et environnementales motive les chercheurs en design à s’intéresser à de nouvelles façons d’aborder le temps qui auraient des retombées positives pour la société (KUJALA et coll. 2013 ; PSCHETZ et BASTIAN 2018, PAQUETTE et KAVANAGH 2021). Dans le cadre de cette communication, nous présenterons la méthodologie d’un projet de recherche de design en cours et nous exposerons un aperçu du fruit de la pré-analyse de discours sur le temps dans la pratique du design de service.

Ma communication porte sur le discours social autour du deuil périnatal et sur les processus de reproduction, déstructuration et/ou restructuration qui le sous-tendent. En l’examinant à la fois au niveau institutionnel et au niveau des récits des femmes touchées par ce type de deuil au Québec, je me propose d’analyser le processus de régulation sociale à l’œuvre, à la fois dans son exercice (les discours institutionnels) et dans ses effets (dans les récits des femmes). Cela me permet ainsi de complexifier le concept de disenfranchised grief  (Doka, 1989, 2002), trop souvent accepté comme tel lorsque l’on parle de deuil périnatal (entre autres), en faisant appel aux concepts d’espace social  (Bourdieu, 1989), pour signifier que la régulation sociale du deuil périnatal est à géométrie variable, et de social labour  (Kurasawa, 2007), concept charnière puisqu’il signale à la fois les effets d’un deuil non reconnu et les pratiques pour le faire reconnaître.  

À contre-courant de l’esthétique traditionnelle fondée sur les concepts de mimesis, d’expression et de jouissance, la pensée phénoménologique de l’art s’est employée à penser le mode d’être de l’œuvre d’art comme advenir de vérité (Heidegger, Gadamer) et comme puissance de refiguration du soi et de ses possibilités éthiques (Ricoeur). Nous proposons d’analyser originalement en quoi Husserl a contribué de manière ambigüe au bouleversement de la philosophie de l’art par la phénoménologie en nous penchant principalement sur une lettre que Husserl envoya à Hoffmansthal en 1907, texte inédit où il souligne la proximité qui unit l’attitude phénoménologique et l’attitude esthétique. En reliant esthétique et phénoménologie, Husserl pava la voie pour une nouvelle et subversive pensée phénoménologique de l’art qui allait découvrir la non-contradiction de l’imaginaire et du réel. Néanmoins, nous défendrons la thèse que son cadre conceptuel n’a pas su dégager l’esthétique philosophique de ce que Gadamer nomme « l’abstraction de la conscience esthétique » (Gadamer, 1960), qui consiste en le fait de concevoir l’œuvre d’art strictement comme un objet de jouissance subjective retiré du réel. Cette « abstraction », qui tient à la nature même de la réduction phénoménologique, isole l’art des champs épistémiques et éthiques, acheminant la phénoménologie de l’art vers l’abandon du cadre théorique husserlien en tant qu’elle aspire à rendre compte de la puissance ontologique et éthique de l’art.

Mon exposé débutera par une courte présentation de la théorie des temporalités sociales (Mercure, 1995), un sujet assez marginal dans la sociologie, pour poser le problème de la projection dans le temps au sein des sociétés contemporaines. Cette introduction me permettra de souligner les limites inhérentes à une représentation linéaire des devenirs individuels, vision qui ne s'applique qu'à certaines sphères de la pratique significative et qu'il est nécessaire à prendre en compte pour élargir les possibilités de la collecte de données.

Je poursuivrai en exposant la méthodologie et des résultats auxquels a abouti l'analyse de 15 entrevues semi-dirigées menées entre septembre et novembre 2014 auprès de jeunes québécois(e)s âgées entre 20 et 25 ans. Les répondant(e)s sont réparti(e)s en quotas égaux entre diplômé(e)s universitaires, collégiaux et secondaires. Le cœur de la discussion tournera autour des formes d'organisation de l'anticipation du futur individuel, des valeurs personnelles ainsi que des contraintes sociales qui les orientent; de l'arrimage de ces formes à la projection dans l'avenir collectif et des paradoxes que cela occasionne dans les réponses de certain(e)s répondant(e)s. Pour terminer, je présenterai des conclusions préliminaires vers lesquelles pointent mes travaux.



Problématique : Il existe au Québec deux modèles d'intégration en concurrence. L'un est incarné par la Charte de la langue française qui, tout en reconnaissant des droits aux minorités, place la majorité culturelle au cœur de son projet d'émancipation et d'intégration nationale, comme l'indique son préambule. L'autre est incarné par la Loi sur le multiculturalisme canadien qui place tous les groupes culturels sur un même pied, sans reconnaître un rôle particulier à la majorité culturelle québécoise. Eu égard à l'histoire politique, ces deux modèles et ces deux lois découlent de deux visions distinctes : celle de Lévesque (ainsi que de Camille Laurin) et celle de Pierre Trudeau. Se peut-il qu'au-delà de cette différence politique partisane, il existe une différence plus fondamentale relevant de la philosophie politique ? Et se peut-il que cette différence puisse être interprétée à la lumière de débats récents en philosophie politique autour du libéralisme et de ce qui, depuis le déclin du marxisme, constitue une de ses principales propositions philosophiques alternatives, soit le républicanisme ?

Conclusions : À la lumière de documents datant de l'époque de l'adoption de ces lois (texte de loi d'origine, archives parlementaires, etc.) et de travaux récents en philosophie politique, il est possible d'associer la Charte de la langue française à un certain républicanisme d'inspiration française, et la Loi sur le multiculturalisme canadien à un certain libéralisme anglo-saxon. 

Je formule une approche visant à comprendre le rôle du langage dans la cognition humaine en faisant ce que je soutiens être des distinctions importantes dans l’étude des capacités cognitives. En ayant comme point de départ des critiques des théories à processus duaux (théories selon lesquelles nous avons deux systèmes cognitifs, l’un automatique, rapide et inconscient; l’autre, contrôlé, lent et conscient), je me penche sur le rôle attribué au langage dans de tels cadres explicatifs en sciences cognitives. Je développe cette idée en la contrastant avec la distinction que Hauser, Chomsky et Fitch (2002) font entre les notions de faculté de langage élargie et restreinte (Faculty of Language Broad / Narrow, FLB / FLN).

Ces critiques des théories à processus duaux et l’introduction de la distinction FLB / FLN aident à mieux comprendre les capacités cognitives nécessaires au langage et le rôle du langage dans la cognition – cela nous permet également de penser aux capacités qui ne sont possibles qu’avec / à travers le langage. Nous verrons qu’un petit changement au plan cognitif peut avoir des conséquences importantes sur l’ensemble de la cognition. Je fais ainsi quatre distinctions aidant à mieux comprendre le rôle du langage dans la cognition.

Je soutiens ensuite que cette façon d’aborder le rôle du langage peut changer comment est approché le travail en psychologie et en philosophie de l’esprit – des disciplines où domine ce que j’appellerai un ‘biais langagier’.

Le rapport de la maîtrise et de la servitude n’a pas la signification que lui attribue ordinairement le commentaire. Ce rapport oppose deux faces antagoniques d’une seule conscience de soi, et non pas deux antagonistes (ou deux classes sociales). Contrairement, donc, à ce que prétendait Alexandre Kojève - dont l'interprétation de Hegel a été érigée en doxa dans la tradition marixenne ainsi que dans la tradition hégélienne - , le rapport de la maîtrise et de la servitude ne peut pas être lu valablement comme la matrice de la lutte des classes chez Marx. En fait, la lecture de la Phénoménologie de l'esprit et de la Philosophie de l'esprit révèle que ce rapport a une signification ontologique et non pas une signification sociologique, historique ou politique. Nous nous proposons donc dans le cadre de cette présentation d'expliciter la véritable signification de la dialectique du rapport de la maîtrise et de la servitude et de contribuer par là a expliciter la philosophie hégélienne elle-même.

La recherche en sociologie des émotions évolue aujourd'hui dans un climat dominé par l'idée que l'on ne peut pas espérer expliquer l'action humaine sans prendre, un tant soit peu, en considération les faits physiologiques, chimiques ou génétiques que les neurosciences accumulent dans la construction d'un savoir au sujet du fonctionnement du cerveau. Notre présentation viserait à faire le point sur les arguments qui ont amené à cette fracture disciplinaire. C'est face à l'impasse, au sein de la sociologie des émotions, d'une forme d'existence légitime de l'explication biologique dans le déclenchement et la constitution des émotions (Higgs et Reese 2003) que nous avons construit notre étude. L'interdisciplinarité dont la neurosociologie est le fruit, pose questions quant à la validité d'une jonction des méthodologies et épistémologies entre sociologie et neurosciences.

L'origine des émotions en sociologie, est-elle conçue comme interne ou externe, comme une réaction automatique à un événement extérieur, ou comme une réaction construite ?

a) Aucun processus - biologique, culturel ou cognitif - seul n'est responsable de la manière dont sont vécues et s'expriment les émotions. b) Tous ces éléments relatifs aux émotions interagissent de manière complexe et à ce jour aucune approche sociologique n'a réussi à en faire la synthèse complète. c) La sociologie des émotions a dans sa grande majorité minimisée voir négligée l'élément biologique dans ses analyses sociologiques de l'action.

Avec la parution d’Autrement qu’être ou au-delà de l’essence en 1974, Levinas entend effectuer ce qu’il nomme alors « la défection du phénomène », c’est-à-dire la réduction de la phénoménologie à un rapport éthique antérieur. Néanmoins, Levinas n’aura de cesse de réitérer son allégeance à la méthode husserlienne comme il le confirmera à Théo de Boer dans une section questions et réponses suivant la conférence Dieu et la philosophie prononcée en 1975. Ainsi, tout en prenant au sérieux la priorité que Levinas accorde à l’éthique, nous nous demanderons en quel sens sa pensée peut malgré tout demeurer phénoménologique. L’hypothèse qui guidera notre travail est que la méthode phénoménologique telle qu'élaborée par Husserl est paradoxalement nécessaire à son propre dépassement. Nous procéderons alors à l’analyse des principaux arguments qui marquent le tournant de Totalité et Infini à Autrement qu'être ou au-delà de l'essence en nous efforçant de relever le caractère proprement phénoménologique qui rend une telle démarche possible. Partant, nous voudrions montrer que l'avènement de l'éthique lévinassienne ne se fait pas ultimement au détriment du discours phénoménologique. Au contraire, en considérant que Levinas rénove la phénoménologie par l’éthique, il devient possible d'envisager une phénoménologie soucieuse de rendre justice à ce qu’a d’exceptionnel l’expérience d’autrui.

L’objet de notre communication est d’évaluer la pertinence de la phénoménologie pour les sciences contemporaines de la santé mentale. Le DSM-III (1980), sous prétexte d’athéoricité, chercha à opérationnaliser le désordre mental en employant des descripteurs béhavioraux objectifs. Ce projet eu pour effet d’amoindrir le rôle de l’expérience personnelle et de la trajectoire biographique du patient dans la critériologie diagnostique du désordre mental, mais aussi, et plus sérieusement encore, dans le processus thérapeutique lui-même.

La phénoménologie est une science descriptive cherchant à dégager les structures essentielles de l’expérience humaine. Cette approche serait-elle en mesure d’ouvrir une autre voie d’accès à la compréhension et, éventuellement, à la guérison de la psychopathologie?

Après avoir montré les insuffisances d’une conception strictement objectiviste de la santé mentale, notre exposé s’appliquera à montrer en quoi la phénoménologie, qui se voulait à l’origine une théorie de la connaissance, recèle en elle-même un potentiel éthico-thérapeutique – potentiel d’ailleurs déjà bien connu du fondateur de la phénoménologie, E. Husserl. Cette réflexion nous mènera à reconsidérer la signification du geste central à cette discipline, à savoir l’épochè transcendantale (l’abstention de tout jugement existentiel), par-delà son utilité purement méthodologique.

L’intelligence artificielle (IA),plus spécifiquement, l’apprentissage machine (AM) constitue l’un des domaines de recherche ayant formulé des promesses novatrices et conquis d’importants investissements ces dernières années. Alors que cet élan d’investigation bat son plein en termes de conception technique d'artefacts, nombreux sont les théoriciens, notamment les philosophes, qui se dédient à l’examen de la nature et de la valeur de cette technologie en lien avec ses impacts sur l’existence humaine. Si, une marge de la société demeure indifférente et minimise ces effets, une autre partie y voit des scénarios apocalyptiques de la singularité. 

Ce travail vise à rendre la juste mesure de la situation en explicitant la vraie nature des artefacts intelligents et les fondements théoriques de leur caractère agentiel. On notera que l’effet concomitant de la disponibilité d’avalanche de données, de l’accès constant aux ressources de calcul, de la mise au point et diffusion des algorithmes à des fins divers a instauré le virage informationnel. Dans ce contexte, la manipulation inductive des données par les algorithmes en AM, et partant, la production autonome d’informations agissantes, source de valeurs devient possible. Un encadrement éthique s’impose.

La recherche a été essentiellement bibliographique et a exploité la littérature scientifique pertinente récente en lien avec le thème et développe les arguments à partir des résultats de cette dernière.

Mots clés: IA, AM, Information.

 

Ce projet de recherche concerne l’expérience des proches en contexte d’aide médicale à mourir (AMM). Entre décembre 2015 et juin 2017, 805 AMM ont été administrées, un nombre important de proches sont donc touchés. Jusqu'à présent, les écrits scientifiques sur l’assistance à la mort se concentrent sur l’expérience de l’équipe médicale. Parmi ceux concernant les proches, il n’existe pas de consensus clair sur les effets de l’assistance médicale à la mort. Certains concluent en une expérience négative, qui peut provoquer des deuils compliqués, tandis que d'autres parlent d'une expérience positive et d'un deuil facilité. De plus, les diverses interactions avec l'environnement social pourraient influencer l'expérience.

Selon l'approche bioécologique, les résultats de ce projet suggèrent que l’environnement social est à considérer dans l'expérience des proches, mais également l'environnement physique des hôpitaux. L’accompagnement psychosocial est peu proposé par les professionnels. L'accès à l’information est difficile pour les proches. Les résultats suggèrent que le processus de deuil ne serait pas différent des morts "naturelles''. Les proches auraient aimé connaître les ressources d'aide pendant le processus d'AMM, en prévision des difficultés liées au deuil. Une demande de suivi en service social devrait être systématique et un outil destiné aux proches a été conçu afin de les informer sur l’AMM, sur les ressources d’aide et de leur permettre de noter leurs interrogations.

Le « Principe Responsabilité » de Hans Jonas est un texte vaguement connu de tous, mais lu de très peu, entouré de confusions et critiques plus ou moins fondées. Nous nous proposons d’éclaircir ce texte et d’en présenter les thèses centrales pour montrer leur caractère novateur par rapport à la tradition philosophique et leur pertinence dans un contexte contemporain.

Nous porterons notre attention sur l’éthique technologique proposée par Jonas et montrerons la place cruciale qu’y le concept de responsabilité sociale. La problématique à laquelle nous nous attacherons est la suivante: dans une société technoscientifique comme la nôtre, quelle forme peut prendre une éthique politique?

Dans la modernité où l’étendue du pouvoir humain est constamment décuplé par des apports technologiques, les éthiques classiques travaillant dans l’immédiateté spatio-temporelle ne sont plus d’aucun secours. Il est donc impératif de développer une nouvelle éthique apte à penser le genre de problèmes que rencontre de plus en plus fréquemment l'humanité. Cette éthique « de la responsabilité » en sera une qui, grâce à un concept central chez Jonas, « l’heuristique de la peur », sera apte à guider les actes humains en prenant en compte, sur le mode d’un pari éthique, les possibilités éloignées d’une action. Cette proposition veut remettre sur le devant de la scène une pensée qui peut servir de guide en ces temps de pandémie où les défis éthiques de nature technoscientifique se multiplient. 

 

Alors qu’on célèbre ou dénonce la fin d'un universel, la lutte à la pauvreté, déclarée aux États-Unis en 1964, peut être vue comme une affirmation de cet universel.  Par contre, elle s’acharne contre ce qui pourrait être une conséquence inéluctable de la modernité : l’impossibilité pour tout le monde de satisfaire ses besoins par le travail lorsque la production excède la consommation (Hegel, § 248 Z).  Or, pourquoi la lutte à la pauvreté fait-elle si largement consensus?  Pourquoi ce consensus a-t-il pris forme en 1964?  Je soutiens que cette lutte est le symptôme de l’intériorisation généralisée de l’« éthique sociale » de la civilisation capitaliste fondée sur l’obligation de ressentir l’obligation de travailler (Weber).  Ce qui ne pouvait subvenir qu’une fois que la contradiction entre le travail et le capital fut suffisamment abstraite des prolétaires et des capitalistes pour que tous puissent désormais se reconnaître comme des sociétaires unis et individualisés sous l’égide d’un État social garant des lois et des procédures capables d’assurer le progrès et la mobilité sociale en fonction du mérite (Donzelot, Aron).  Symptôme donc, et catalyseur puisque cette éthique trouve, non seulement dans les personnes des pauvres une désaffection inacceptable à son égard, mais aussi un objet tout disposé pour confirmer, à travers le sous-système de l'assistance (Luhmann), sa moralité universelle d'inclusion et sa foi dans ses capacités techniques de résolution de ses problèmes..

L’humanisme fut, surtout à partir du XVIe siècle, un chantier colossal pour l’activité philosophique moderne. De la pensée de Descartes (humanisme classique/dogmatique), lequel trouvera sa totale complétion dans la théorisation de Kant, duquel on assistera à une bifurcation de la réflexion humaniste, via l’idéalisme allemand, vers Hegel (humanisme romantique) ou encore, via le mouvement néokantiste, vers Husserl (phénoménologie), on arrivera, au XXe siècle, à la « querelle Sartre-Heidegger » concernant l’humanisme. En effet, Sartre et Heidegger se sont penchés de manière prolifique sur la réalité de l’homme dans leurs œuvres. Néanmoins, l’existentialisme est un humanisme et La lettre sur l’humanisme demeurent pour ainsi dire une sorte de vade-mecum des thèses touffues et difficiles de leurs ouvrages majeurs, respectivement, L’être et le néant, l’être et le temps.

En quoi la réflexion philosophique de Sartre (le Sartre de L’être et le néant ), d’un côté, en dialogue avec celle de Heidegger – le Heidegger de l’Être et le Temps, de qui il accepte l’assimilation de la phénoménologie à l’ontologie, et de l’autre côté, en demeurant très fidèle à l’approche subjectiviste de leur maître commun Husserl, constituerait une source originale d’où l’on peut puiser des inspirations et orientations neuves en vue de penser les exigences de toute pensée humaniste sérieuse dans le contexte des défis technologiques que posent nos sociétés contemporaines? 

Les logiques sous-structurelles sont un ensemble de logiques non-classiques définies par des variations sur les règles structurelles distinguées dans le calcul des séquents de Gentzen (1934). Dans son livre An Introduction to Substructural Logics (2000), Greg Restall effectue une première synthèse de ces différentes logiques, en développant une grammaire formelle qui sert de base commune à leur formalisme. Nous examinons la présentation unifiée des logiques sous-structurelles proposée par l'auteur, en nous concentrant plus spécifiquement sur l'interprétation de la ponctuation dans le formalisme des séquents, fondamentale à l'entreprise. Nous critiquons certaines notions logiques élémentaires laissées vaguement définies par l'auteur et proposons de les réinterpréter dans une perspective constructiviste, en utilisant certaines conceptions de la grammaire formelle au fondement de la sémiotique peircéenne. Nous envisageons finalement les conséquences générales de cette réinterprétation en ce qui a trait au développement d'une approche unifiée des logiques sous-structurelles.

Nous nous proposons de mettre en lumière le rôle que joue le corps dans la quête mystique de Georges Bataille. Ce dernier n’a en effet cessé de tendre vers ce qu’il appelle la communication sans bornes avec le cosmos, à savoir une communion qui est de l’ordre du sentiment océanique. Nous tâcherons plus précisément d’éclaircir l’horizon de sa quête en décryptant sa valorisation de l’ « acéphale »  (l’homme sans tête).

Nous nous pencherons tout d’abord sur le fait que Bataille opère un complet renversement du rôle joué par le corps dans la mystique chrétienne traditionnelle. Nous verrons que, bien loin de considérer le corps comme une prison pour l’âme, il préconise au contraire sa complète libération. Nous tenterons par la suite de comprendre en quoi l’expérience érotique, soit une expérience à la fois du corps et du dedans, frôle le champ de la mystique. Enfin, nous rapprocherons cette expérience d’une œuvre taoïste de la Chine ancestrale : le Zhuangzi, de façon à démontrer que la valorisation du corps ne se limite pas à l'oeuvre de Georges Bataille, mais épouse le coeur d'autres mystiques.



Dans le cadre de cette communication libre, j’entends me lancer dans la définition de l’« angoisse spirituelle » associée à la peur de mourir, et ce en dehors de la terminologie psycho-médicale qui se révèle souvent incapable de conceptualiser des agonies autres que l’agonie physique. La peur de mourir, en tant que phénomène foncièrement existentiel et/ou spirituel, ne peut être ni traitée, ni déconstruite par la médication ou la thérapie traditionnelles. C’est pourquoi il faut que la réponse clinique à l’anticipation de la mort fasse appel à des disciplines mieux outillées telles que la philosophie, voire même la théologie.

En m’inspirant de la perspective « pluraliste » de Paul Feyeraband, je compte mettre en lumière les limites que rencontrent les sciences médicales lorsqu’elles doivent composer avec l’anticipation angoissante de la mort qu’éprouvent les patients. Bien évidemment, il ne s’agit pas ici de s’en prendre à l’utilité (indiscutable, par ailleurs) des méthodes actuellement employées dans les unités de soins palliatifs, mais bien de démontrer que leurs outils et pratiques sont inefficaces face à un problème tel que celui qui nous intéresse et dont les paramètres ne sont pas réductibles à ce que l’on appelle une « maladie ». Afin de bien exposer mon propos, ma présentation sera divisée en deux parties : a) exposition de la nature « spirituelle » de la peur de mourir, b) de l’inefficacité de l’approche médicale face à la peur de mourir. 

Dès ses premiers traités inaugurant le néoplatonisme, Plotin expose son système métaphysique dont les trois hypostases culminent avec le principe de l’Un. Le Traité 9: Sur le Bien ou l’Un décrit la remontée de l’âme vers l’unité ultime, qui se situe au-delà de ce qui est ou peut être connu. L’originalité de Plotin consiste ici en ce qu’il démontre via l’intellect même son insuffisance pour s’unir à l’Un. Cette prise de conscience doit pousser l’intellect à désirer son propre dépassement vers l’unité principielle.

Au XIXème siècle, S. Kierkegaard (alias J. Climacus) déploie une démarche similaire dans les Miettes philosophiques et dans leur Post-scriptum afin de démontrer par la raison la possibilité logique d’une vérité qui surpasse son domaine. Celle-ci correspondrait à la vérité chrétienne et c’est en parvenant depuis l’intérieur aux limites de la philosophie que Kierkegaard dessine la nécessité d’un passage dans la foi.

La similarités entre ces textes autant que leur originalité dans l’histoire de la philosophie tient à ce qu’une démarche rationnelle négative démontrant l’insuffisance de l’intellect doit accomplir un travail positif, c’est-à-dire pousser l’âme à renoncer au domaine de la raison afin d’atteindre au niveau supérieur. Notre propos interrogera l’étendue de ce rapprochement possible entre Plotin et Kierkegaard, mais ouvrira également des pistes quant au relais de ce type d’argument au travers de la théologie négative du Moyen-Âge.  

Le Banquet de Platon, par sa mise en scène des discours rivaux sur Éros du comique Aristophane, du tragique Agathon et du philosophe Socrate, contribue à la « vieille querelle entre la philosophie et la poésie » (607b) à laquelle Socrate fait allusion dans la République de Platon. Pour approfondir cette querelle, nous projetons d’examiner la figure d’Aristophane du Banquet à la lumière de la comédie des Nuées composée par Aristophane. Nous procéderons d’abord à une présentation des charges imputées à Socrate dans les Nuées. Nous examinerons ensuite le « mythe des androgynes » présenté par Aristophane dans le Banquet et son lien avec la comédie d’Aristophane. Finalement, nous montrerons comment le discours de Socrate dans ce dialogue répond aux charges des Nuées. Ces analyses feront voir que dans les Nuées, Socrate est accusé de négliger Éros et d’être injuste. Le Banquet répond à la première charge en montrant que Socrate est savant dans les affaires érotiques; quant à la seconde charge, Platon y répond plutôt dans sa République. Les accusations contre Socrate des Nuées sont retournées contre Aristophane dans le Banquet : il ne connaît qu’une forme inférieure d’Éros et l’amour du sien qu’il présente par son mythe mène à l’injustice envers les dieux ou à l’inaction politique. L’originalité de cette présentation consistera en l’établissement d’un dialogue entre les Nuées et le Banquet et en une attention plus grande portée à Aristophane qu’à Socrate.

            Je vais interroger la problématique de la modernité à travers l’œuvre d’Albert Camus, c’est-à-dire avec un cadre théorique existentialiste (la condition humaine est l’existence) et nihiliste (un monde perdant ces autorités supérieures normatives).

            Je défendrais d'abord que la modernité occidentale doit être comprise comme étant le moment et le lieu où s’est mis en marche une déchirure entre la culture et la nature. Je défendrais ensuite que de la tradition philosophique occidentale en est venue à définir l’humain comme étant celui qui « existe », en opposition aux non-humains, qui eux, n’« exciteraient » pas. 

            Je proposerais d’analyser l’œuvre d’Albert Camus comme proposant un rapprochement, aussi possible que nécessaire, entre les humains-existants et le monde. Ce rapprochement se ferait à cause et grâce au nihilisme qui permet la remise en question radicale des normes passées. C’est ainsi que nous pourrions tendre vers ce que j’aimerais nommer un « appauvrissement existentiel ». Cette tempérance s’atteindrait à l’aide de « règles de vie » caractérisée par « l’indifférence clairvoyante », « l’inespoir » et le « consentement ». Enfin, cet appauvrissement s’accomplirait en s’ancrant dans notre territoire et notre corps, qui eux sont pleinement sensibles – réels. Nous diminuerons ainsi notre sentiment d’existence en tentant de nous fondre dans la nature. Cette osmose diminuerait l’espace problématique se trouvant entre l’humain et le monde.

Nous sommes dans une époque marquée par la décolonisation et de petites victoires pour les peuples autochtones. Ces derniers luttent pour la reconnaissance de leur existence, leurs droits, leurs territoires et leurs cultures ancestrales. À la suite de la clôture de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, l’heure est au bilan environnemental. Qu’a-t-il été fait pour la conservation et la souveraineté territoriales des Premières Nations? Sont-elles réellement consultées lors des discussions autour de l’exploitation des ressources en eau ou le développement d’industries polluantes? Dans plusieurs cas, c’est la culture occidentale dominante d’exploitation des ressources qui s’impose, au détriment de la qualité de vie même des nations autochtones. Comment remédier aux problèmes que ce type d'exploitation engendre?

 

L’éthique environnementale se penche sur ces questions, mettant particulièrement en lumière les failles du système actuel de négociations environnementales, ainsi que la discrimination systématique des cultures et savoirs traditionnels, le manque de reconnaissance de la souveraineté des peuples autochtones ainsi que la négligence des apports autochtones lors de la mise en application des solutions. Une éthique environnementale interculturelle met l’emphase sur le dialogue comme solution aux problèmes éthiques soulevés par l’exploitation excessive ou la pollution de cette ressource commune, dont l’importance est si essentielle à la vie.

L'amélioration des pratiques éducatives est une priorité politique dans les pays développés. Au Québec, une consultation publique a eu lieu en 2017 afin de discuter de la création d'un Institut national d'excellence en éducation (INEÉ) destiné à la synthèse et au transfert des meilleures connaissances dans le domaine de l'éducation. Malgré cette volonté de rendre accessibles les connaissances scientifiques sur les meilleures pratiques éducatives, l'INEÉ soulève au moins deux débats quant à sa légitimité et à sa pertinence, l'un politique et l'autre méthodologique. Sur le plan politique, les fonctions attribuées à l'INEÉ recoupent celles d'autres organisations dédiées à la réussite éducative au Québec, notamment le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) et le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ). Ainsi, la création de l'INEÉ entraînerait un nouveau partage des responsabilités politiques en éducation au Québec. Sur le plan méthodologique, le document de consultation présentant le projet de création de l'INEÉ recommande une approche dite « basée sur les données probantes » qui privilégie le recours aux données statistiques obtenues à l'aide d'essais randomisés contrôlés et qui minimise le rôle des méthodes qualitatives en recherche en éducation. Cependant, ces deux débats n'évoluent pas indépendamment l'un de l'autre. Je discute dans cette présentation de la dynamique sociologique qui les lie l'un à l'autre.

Les dernières années ont vu fleurir de nombreux travaux portant sur les soins de santé dans le champ de la phénoménologie du corps (Vinit, 2007 ; Courtine, 2011, etc.). À l'instar de ces travaux, notre étude vise à étudier le phénomène de l'anorexie en y introduisant la question de la corporéité. En nous rattachant aux développements apportés par la tradition de la phénoménologie du corps (Merleau-Ponty, 1964 ; Patočka, 1985), notre contribution se veut l'amorce d'un travail reliant la dimension de la corporéité, pensée comme condition permanente de l'expérience (Merleau-Ponty, 1945), à la problématique de l'anorexie. Le corps est pensé comme un objet par le modèle médical, voire comme une chose, c’est-à-dire qu’il apparaît comme dévitalisé et coupé de la dimension psychique. Bien que l’efficacité des  méthodes scientifiques aient fait leurs preuves dans  le traitement des pathologies touchant le corps, la méthode phénoménologique apparaît comme une voie prometteuse pour penser les enjeux de l’anorexie et de son traitement, en particulier parce qu’elle permet de prendre en compte la dimension de l’expérience. Nous entendons ainsi toucher cette dimension en nous appuyant sur le concept de corporéité  entendu comme une modalité d’ouverture potentielle au monde et à son investissement. Partant de là, une avenue de réflexion sur l'anorexie est de la concevoir comme un dérèglement de cette modalité d'ouverture passant par le refus de s'alimenter.



La fiction est, au premier abord, dénuée de référent : elle semble renvoyer à un travail libre de l’imagination qui, sans être complètement dissocié du réel, ne dit en fait rien du monde actuel. Or j’aimerais explorer, grâce à l’appareil conceptuel développé par Paul Ricœur dans La métaphore vive et le triptyque Temps et récit, l’hypothèse selon laquelle le discours fictionnel détient une référence et est à même de prétendre à une forme de vérité. Cette hypothèse est sous-tendue par l’idée que le langage porte toujours sur quelque chose, sur ce qui est. Comment soutenir cette assertion alors que le langage fictionnel, contrairement au discours ordinaire, fait advenir grâce à l’imagination cela même qu’il affirme? Il convient de se réapproprier, face à cette difficulté, le concept ancestral de mimèsis qui constitue, aux yeux de Ricœur, la dimension dénotative de la fiction. La mimèsis, loin d’être une pâle copie de la réalité, est à la fois soumission au réel et invention fabuleuse. C’est dire qu’une tension entre vérité et artifice est inscrite au cœur même de l’invention, auquel mot il faut restituer son double sens de découverte et de création. Il ne saurait y avoir de fiction sans une part de vérité. Le statut de cette vérité demeure toutefois ici indéterminé : il nous faudra tenter d’en asseoir le concept ailleurs que dans les sphères conventionnelles du vérificationnisme, de l’adéquation et de la cohérence logique, tout en en critiquant la portée.