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Le personnage de James Bond, dont la popularité ne s’essouffle pas, a été élevé au rang de mythe dans l’imaginaire collectif contemporain. Cet être fictif évolue dans un univers bien précis, où des personnages-types occupent des rôles aux caractéristiques prédéterminées par des années de redite. James Bond, le séduisant et viril héros, la Bond Girl, une jeune et jolie femme séduite par le héros, ainsi que l’antagoniste évoluent donc dans un système régi par les codes de socio-sexuation des rôles, l’action et les armes revenant, bien entendu, aux hommes.
Qu’advient-il de ces catégories de personnage lorsque cette icône machiste passe aux mains de Virginie Despentes, écrivaine féministe? Sans toutefois jamais clairement référer à James Bond, l’auteure met en scène dans son roman Apocalypse Bébé une détective lesbienne qui présente plusieurs traits communs avec le personnage de l’agent 007.
En nous appuyant sur la théorie de la performativité de Judith Butler, nous étudierons dans un premier temps la déconstruction du personnage de James Bond par Despentes ainsi que son écart avec la représentation habituelle du héros. Nous nous pencherons ensuite sur les enjeux qu’une telle démarche soulève, empruntant à Monique Wittig certains éléments de sa réflexion portant sur le discours social hétérocentriste. Nous pourrons ainsi rendre compte de la double subversion du discours social que Despentes opère grâce à son personnage, en jouant avec les représentations classiques du héros.

La représentation d’un rôle social dans les médias peut influencer la perception de la réalité du public (Shrum, Wyer et O’Guinn, 1998). Au Québec, la profession de psychologue est régulièrement utilisée dans les téléséries, dont Les invincibles (Jean-François Rivard, 2005-2009), Unité 9 (Jean-Philippe Duval et Louis Bolduc, 2012-...) et En thérapie (Pierre Gang, 2012). Ce dernier objet apparaît comme réaliste. Il met en scène un psychologue et ses patients au travers de leur séance. La série évoque, par moment, le code déontologique du psychologue. Dans la réalité, le code est une obligation légale que le professionnel doit respecter (OPQ, 2008). À travers la relation que le personnage du psychologue, Philippe, entretient avec l’une de ses patientes, Sarah, nous pourrons analyser une problématique connue par la profession : le transfert amoureux. Nous analyserons comment cette relation évolue et est montrée dans la série. Également, nous mettrons en relation la représentation de la gestion du transfert amoureux par le personnage principal avec les pratiques déontologiques que doit appliquer le thérapeute en situation réelle. Notre hypothèse est que la série En thérapie offre une vision nuancée, mais plutôt négative du psychologue. Cette analyse s’inscrit dans un projet de recherche plus large qui souhaite analyser la représentation du psychologue dans la télévision québécoise. Cette analyse s’appuie sur les travaux de Jost (2003) et de Winckler (2013). 

Une production imaginaire abondante aide-t-elle davantage qu'une production limitée à enrichir le sens donné à une peinture ou à une sculpture présentée dans une exposition?
Nous avons tenté de répondre à cette question à partir des "discours" produits par 30 adultes tirés d'un échantillon stratifié de 90 qui "pensaient tout haut" durant leur parcours d'une collection de peintures et de sculptures présentées dans un musée de beaux arts.  Quinze de ces visiteurs sont ceux des 90 qui ont eu la production imaginaire la plus élevée, alors que les 15 autres sont ceux qui ont eu la production la plus basse.
Les données obtenues indiquent que la production imaginaire de ces visiteurs donne lieu à quatre cas de figure employés différemment par les visiteurs qui emploient le plus et le moins leur fonctionnement  imaginaire.

Présentation et interprétation des données obtenues

Forme hybride de la narration, reposant sur deux éléments fondamentaux que sont la biographie et la fiction, la biofiction est considérée comme un sous-genre «situé à la croisée de ces deux hyper-genres ou méta-genres que sont la fiction et le récit biographique» (Gefen, 2005). Si le terme est utilisé par Alain Buisine pour la première fois en 1991, il a été particulièrement étudié par Alexandre Gefen à partir de 2005. L’intérêt pour ce genre réside dans le changement et les nouveautés apportées à l’écriture biographique au cours du XXe siècle, où plusieurs récits - Les vies imaginaires de Marcel Schwob (1896), Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar (1948) et Vies minuscules de Pierre Michon (1984) - relatent la vie de certains personnages connus avec des ajouts imaginaires créés par l’auteur. La production d’une biofiction est envisagée comme « une postulation générique forte, qui suppose à la fois une reconfiguration du territoire du roman moderne et une révision de l’histoire littéraire » (Gefen, 2005). Devant cette nouvelle production, une question surgit : comment décrire la dynamique de ces relations intergénériques ? 

C’est à la question de la modulation générique, la métamorphose du genre que nous souhaitons consacrer cette étude, en construisant notre réflexion à partir de l’œuvre d’un romancier, Yasmina Khadra, qui en met en scène un certain exemple, et en particulier du cas de «L’écrivain» (autobiographie) et «La dernière nuit du Raïs» (biofiction)

 

Le scénario de cinéma est largement perçu comme une étape, voire une formalité en vue de la réalisation d’une œuvre audiovisuelle et sa littérarité est peu considérée. Or, nous sommes bel et bien en présence d’une écriture de fiction et d’un rapport spécifique au langage, dicté par différents codes esthétiques et formels.

Alors que les travaux comparatifs dédiés à la littérature et au cinéma sont déjà nombreux – mais tournent le plus souvent autour de questions liées à l’adaptation filmique d’œuvres littéraires, sinon à l’inverse, de novellisation – je souhaite aborder le scénario et ses pratiques (écriture, lecture, analyse) comme de nouveaux objets pour réfléchir les circulations et les interactions possibles entre le texte et l’écran. L’étude du scénario soulève également des enjeux et des questions en lien avec les processus sociaux de légitimation esthétique des objets culturels, ainsi que l’organisation des savoirs et des disciplines dans les universités. L’approche intermédiale autorise ici le croisement multidisciplinaire de préoccupations littéraires et cinématographiques (J.E. Müller, Johanne Villeneuve). Elle permet également de penser le scénario à l’aune des «modalités de réception publique» et de «discursivité sociale» (André Gaudreault, Philippe Marion). L’intermédialité ouvre donc la voie à un double renouveau théorique autour du scénario et de ses pratiques. La présente communication sera l’occasion d’exposer mes principales pistes de réflexion en ce sens.

Dans cette communication, j'exposerai les conclusions principales de mon mémoire de maîtrise, qui étudie de quelles façons l’œuvre ‘Diarios de motocicleta’ de Walter Salles (2004) est symptomatique de la transformation de l’icône politique d’Ernesto « Che » Guevara en icône culturelle. Je proposerai que l’œuvre de Salles participe à la dépolitisation de l’icône du révolutionnaire dans le contexte contemporain de mondialisation. J'aborderai pour ce faire la « resémantisation culturelle » (Cossia 2010) du Che, qui s'opère notamment dans le film par l’idéalisation romantique du héros.

Dans mon argumentation, je m’appuierai sur les travaux d’Alain Brossat (2008), qui voit une expansion continuelle de la culture face à la rétraction de la sphère politique, et de Georges Yúdice (2003), qui soutient que la culture est devenue une ressource de l’économie mondialisée. 

L’originalité de cette proposition réside tant dans l’application de ces théories de la culture à l’analyse cinématographique que dans l’approche de l’œuvre de Salles en tant que produit culturel de la mondialisation, incarnée par le film non seulement par sa thématique, mais également par le caractère international de sa diffusion, des acteurs et de l’équipe de production. 

Pour aborder les différentes images du Che, je me servirai de deux méthodes d'analyse de l’idéologie, soit la sémiologie de Roland Barthes, pour qui « le mythe est une parole dépolitisée » (1957: 216), et l'iconologie de W.J.T. Mitchell (1986). 

Au Québec, les œuvres où figurent des représentations ou des évocations d’architecture ont été très peu répertoriées et étudiées. Ces œuvres sont bien souvent de l’ordre de médiums comme le dessin, la photographie, la sculpture ou dans certains cas des techniques mixtes. Notamment, la Révolution tranquille et l’effervescence qui la caractérise ont donné lieu à plusieurs projets où les arts interrogent l’architecture; dans les années 1960, un langage hybride se crée entre la sculpture et l’architecture. Une conjoncture particulière s’instaure alors entre les deux arts. D’une part, les sculpteurs explorent la notion d’habitat, ils veulent participer à l’organisation spatiale de la société. D’autre part, les architectes reviennent à la sculpture afin de penser de nouveaux types architecturaux. Dans le cadre de cette communication, je me pencherai sur un corpus inédit d’œuvres de sculpteurs des années 1960 et 1970 qui ont interrogé l’espace et les jeux d’échelle afin de se faire créateurs de lieux. Plus précisément, il s’agira de vérifier pourquoi les sculpteurs s’intéressent durant cette période aux formes architecturales, quelles sont les idéologies et le discours qui sont sous-jacents à un tel engagement. De même, je chercherai à établir comment le médium de la sculpture s’approprie le langage de l’architecture et de ses utopies.

Image : Maquette de ville modulaire réalisée par Robert Roussil et Christophe Petitcollot, dans Vers l'universalité le cul par terre, Roussil, 1977.

Cette communication aborde la problématique de l’intégration des outils d’intelligence artificielle générative (IAG) dans l’enseignement universitaire du design. La récente montée en puissance d’applications comme ChatGPT et MidJourney soulève d’importantes questions. Devrait-on intégrer ces technologies aux formations universitaires en design? Comment en faire usage efficacement et éthiquement? Comment préparer les étudiants à naviguer dans un paysage professionnel en pleine mutation? Pour explorer ces questions, nous avons mené une expérimentation pédagogique pendant laquelle trois étudiantes ont utilisé l’IAG librement et sans contrainte dans un projet de design d’expérience numérique. Des activités d’autoethnographie, d’observation qualitative et d’entretiens ont été effectuées pour recueillir leurs réflexions et analyser leur expérience. Dans cette présentation, nous éclairons les limites et les possibles de l'utilisation l’IAG dans l’enseignement universitaire du design d’expérience et nous proposons une approche d’intégration des outils d’IAG dans la démarche de conception accompagnée d’une série de recommandations pratiques pour les étudiants et enseignants en design.

Journaliste, historien, écrivain, folkloriste et grand militant de la cause acadienne, Emery Leblanc a été une des figures marquantes de l’Acadie des années 1950 et 1960. Il publie, en 1957, un an avant l’arrivée d’Antonine Maillet sur la scène littéraire, un recueil de récits intitulé Les entretiens du village, basés sur des personnages réels et recouvrant 400 ans d’histoire depuis la fondation de l’Acadie en 1604 jusqu’au 20e siècle. Ce recueil vient clore et compléter de façon remarquable le corpus d’œuvres qui font partie de la littérature acadienne traditionnelle (1875-1957) dont il constitue une parfaite synthèse sur les plans ethnologique, sociologique, historique, géographique et littéraire. Cette communication mettra en valeur ces divers aspects de l’œuvre aussi bien que certains aspects son édition critique dont le but est de redonner cet ouvrage important, enrichi par un travail d’érudition considérable, au domaine patrimonial acadien, canadien et francophone. Nous utilisons la méthodologie de la textologie littéraire et les notions qu'elle a élaborées (Laufer, Irigouin et Catach) et le protocole d'édition critique de la Bibliothèque du Nouveau Monde de l’Université d’Ottawa. Ce travail est réalisé dans le cadre du Projet d’édition critique des œuvres fondamentales de la littérature acadienne, financé par le CRSH et l’Université de Moncton, et de sa collection « Bibliothèque acadienne », à l’Institut d’études acadiennes, où trois œuvres viennent de paraître.

Dans Voyage au bout de la nuit, c’est parce que le progrès est contesté en tant qu’amélioration palpable dans la société des hommes qu’il peut être appréhendé comme mythe, c’est-à-dire comme fait imaginaire qui existe surtout afin de réunir les hommes autour de valeurs communes et justifier la voie empruntée par la société dont ils font partie intégrante. Ce faisant, le progrès apparaîtra dans le roman comme un outil symbolique de réunion plus que comme un fait vérifiable et quantifiable dans la réalité et conduira, suivant notre hypothèse, à une réactualisation du tragique par la mise en scène d’une conscience aux prises avec un conflit intérieur insoluble.

Nous nous proposons d’examiner ce que George Steiner appelle le changement de style et de convention du tragique dans le chapitre XVI où, après une errance dans le quartier de Manhattan à New York, symbole du progrès, Bardamu médite sur la difficulté de la condition humaine. Convaincu qu’il est impossible de s’arracher à la marche du monde malgré la conscience profonde de sa vanité, Bardamu se résout à se rendre au cinéma afin de se « gaver de rêves pour traverser la vie qui vous attend dehors, […] durer quelques jours de plus à travers cette atrocité des choses et des hommes ». Nous nous intéresserons au passage du théâtral au romanesque, de la transcendance de la fatalité à son immanence ainsi qu’à l’introduction du prosaïque afin de montrer ce que nous pourrions appeler une horizontalisation du tragique.

 

Par l’étude du cadrage comme élément le plus subtil de l’esthétique filmique, nous analyserons dans cet article les matériaux du sentiment formel; ce qui décrit à travers l’étude de l’espace, le style anti-dramatique de Bergman.

Comment peut-on relier la notion de pensée au cadrage ?

Qu’en est-il du rapport entre le cadrage et le trame narrative ?

Pourquoi le cinéaste envahit-il le cadrage par le silence, la distance et l’absence ?

Quelle est la part du cadrage dans le renouvellement des modes d’expression que propose son image?

Quel est le but final du conflit entre son style formel et sa pensée existentielle-chrétienne?

« Le sujet de Persona tourne précisément autour des efforts que fait un cinéaste pour saisir, clarifier et communiquer les images qui déclenchent l’écriture d'un scénario »[1]. Bergman a donc des images à montrer plutôt qu’un  message à délivrer. Comme José Moure confronte le cadrage à la dimension du vide, de l’hétérogène et du non-raccord, Bergman montrent une transformation de l’horreur de l’absence vers une autre façon d’appréhender l’invisible, voire l’infilmable.

L’approche formaliste nous amène à analyser le cadrage. Les corps bloqués, les visages décadrés, les figures bouleversées ou à contre-jour, les regards déconnectés, les trois quarts arrière, tous conduisent les bords du cadre à susciter une attente, une quête.

 

 

 

[1]. Steene, Birgitta et Michaels, Lloyd (2000), Ingmar Bergman’s Persona, Cambridge, Cambridge University Press, p. 29-30.

Depuis la commémoration du 50e anniversaire du génocide arménien de 1915, une cinquantaine de monuments dédiés aux victimes de cette tragédie ont vu le jour en France. Plus d’un tiers sont des khatchkars – des stèles arméniennes associées au culte des morts et au religieux. Le nombre croissant de ceux-ci ainsi que la variété d’endroits qu’ils habitent dans l’Hexagone depuis les années 1970 – en se déplaçant progressivement des espaces privés et semi-privés vers des espaces publics – enjoignent à les penser comme s’ils exécutaient une sorte de marche. Ce constat permet de formuler l’hypothèse  suivante : la marche des khatchkars en France s’inscrit dans le cadre des stratégies déployées par la communauté arménienne afin de mettre en image leur génocide dans l’espace public et d’agir pour sa reconnaissance universelle[i] et pour la condamnation du négationnisme. Dans le but d’échafauder un appareil conceptuel sensible de vérifier ce postulat, nous retenons les idées de Georges Didi-Huberman (1990) sur la prise en compte du contexte de vie des œuvres d’art et celles de Williams J. Thomas Mitchell (2004) concernant les désirs des images. Nous serons à l’écoute des khatchkars dans leur nouveau contexte de vie. Il révèleront de la sorte non pas ce qu’ils souhaitaient autrefois dans l’Arménie historique, mais ce qu’ils veulent, leur désir (ici et maintenant) en France.

[i]Le génocide arménien a été officiellement reconnu par la France en 2001.

Nous étudions le discours tenu sur la production de l'oeuvre murale publique montréalaise des années 1950, une forte période constructive encore exempte de politique d'art public. L'analyse des écrits de 1950 à mai 1961 réalisée au doctorat en histoire de l'art met au jour les représentations des réseaux de collaboration et des rapports modernes murale-édifice ayant régi sa production. Elle montre que la murale décorant ou s'intégrant à l'édifice moderne est issue d'un processus collectif de commande publique, qui a émergé des interactions des acteurs de réseaux de collaboration - l'artiste, l'architecte et le commanditaire - formant un monde de l'art public; une adaptation à l'art public du concept de monde de l'art du sociologue Howard Becker. Ces acteurs ont défini les conditions de sa production par des conventions dirait Becker - un horizon d'attente social dirait le littéraire H. R. Jauss - concernant la procédure de sa commande et des conventions esthétiques, techniques, langagières et symboliques partagées ou transformées. Les énoncés révèlent une pratique muraliste plus importante que l'histoire de l'art ne le croit, ayant participé pleinement à définir la modernité artistique au Québec. L'exemple des murales abstraites géométriques de 1955 contredit l'idée reçue à l'effet que cette esthétique n'est alors survenue qu'en peinture, n'ayant pu s'exprimer en art public sous l'ère duplessiste, et atteste d'une pratique d'art public en phase avec celles internationales.

Dans le recueil S’agripper aux fleurs (2012) de trois femmes innues (Louise Canapé, Louve Mathieu et Jeanne d’Arc Vollant), le haïku se voit saisi et remodelé. Cet ouvrage présente un enfilement de moments désenchantés, cette notion faisant ici écho à l’instant, propre aux haïkus japonais classiques. Dans le recueil, il s’agit d’une agentivité au féminin qui s’exprime avec douleur sur la vie dans les réserves de la Côte-Nord. Une lecture écoféministe de S’agripper aux fleurs permettra de jauger l’agentivité féminine et amérindienne des poèmes, mais aussi l’écocritique qui s’en dégage. Chaque haïku possédant sa propre traduction en innu, une affirmation identitaire s’exprime par le biais de cette langue quasi ignorée, dans le Québec des allochtones. Il s’agit d’une langue truffée de voyelles et de mots qui s’étirent, prononcée d’une manière que l’on imagine proche du murmure. Du point de vue de la forme, il y a un constant va-et-vient entre le haïku traditionnel et des perspectives nouvelles. Langue et forme ouvrent une fenêtre sur les tiraillements au sein des communautés de même que sur les traditions en lien avec la Terre-Mère. Les poèmes sont les témoignages de trois auteure qui peinent à «être autochtone». S’enchevêtrent dans les haïkus une pratique poétique dans sa forme la plus pure, la volonté de transmettre la culture des Innus ainsi que le désenchantement propre à notre époque.

 

 

La Grande guerre et les années qui ont suivi ont été traumatiques, en particulier pour l’Allemagne défaite. Certains y ont vu l’occasion de purifier la civilisation; d’autres se sont dressés contre cette ‘barbarie’ et les institutions qui l’ont soutenue. Ces forces contradictoires d’idéalisme et de désenchantement se retrouvent aussi dans l’art et les médias. D’un côté, un certain retour à la tradition du Beau idéal, de Platon à Winckelmann, perceptible chez Moholy-Nagy, Baumeister, ou Klucis. De l’autre, son rejet par la saisie d’une réalité, celle des horreurs de la guerre et la montée du nazisme. Tandis que sous la République de Weimar on fait l’éloge de la beauté, de la santé et du sport – thèmes que reprendra la propagande hitlérienne -, Dix, Grosz, et Höch choisissent au contraire de montrer le grotesque, le monstrueux. Dans Le monstre dans l’art occidental, Gilbert Lascault démontre que la raison peut apprivoiser le monstre en identifiant ses parties, dont chacune a un sens. Freud aborde une question semblable dans L’inquiétante étrangeté : alors que l’esthétique traite habituellement de ce qui est beau et attrayant, il se penche plutôt sur ce qui trouble ou rebute. Dans un revirement inattendu, Freud conclut que même ce qui est familier peut parfois paraître étrange. Confronter le beau au monstrueux permet de développer un discours ironique et critique quant à la représentation du corps et d’ouvrir le sens de l’image à l’interprétation multiple, ambiguë et instable.

Dans la Commedia, Dante présente de nombreux discours sur l’amour. Ce n’est qu’au chant 26 du Paradiso, cependant, que le protagoniste expose sa propre conception de ce qui cause l’amour. Nous pensons que son étude permettra de mieux cerner ce qu’en pensait l’auteur. La communication visera à faire ressortir les causes de l’amour telles qu’exprimées dans la Commedia, de même qu’à montrer qu’elles justifient l’entreprise poétique. Pour ce faire, nous présenterons les différents moments du discours du protagoniste au chant 26. Nous relèverons leurs différences et établirons leur progression : la troisième section de ce discours, portant sur les « morsures » d’amour, contraste et complète les deux premières, qui traitent de la provenance de l’amour comme d’un discernement. Nous verrons comment la combinaison de ces discours nuance et synthétise les discours de Francesca et Virgile, représentants de diverses théories sur l’amour. Enfin, nous mettrons en relation les discours et la narration du chant 26 pour suggérer des implications littéraires au discours tenu. Cette recherche nous mènera donc à considérer l’amour ressenti (sentiment) comme un ajout et une nuance à l’amour ordonné (intellect), de même que comme le signe que la création poétique peut susciter l’amour. L’apport de cette recherche résidera en deux points : la prise en compte de la narration, souvent mise de côté au profit des discours, et le prolongement d’une théorie de l’amour dans une théorie de l’écriture. 

Avec quelles voix symboliques des femmes autochtones au Québec cherchent-elles à revitaliser la transmission de leur culture ? Deux cadres de référence, soit le blanc (culture euro-occidentale) et le rouge (autochtone), animés par le concept de contexte enchâssé (C. Goodwin), entament un «dialogue».  Les pressions de ruptures convoyées par le cadre blanc sont nommées : perte du lien à la nature, changement du rapport au temps et à l’espace, perte de la tradition (G. Balandier). Cette recherche examine le sens d’œuvres de Joséphine Bacon, Natasha Kanapé Fontaine (poésie), Nadia Myre,  Ellen Gabriel, Eruoma Awashish (arts multidisciplinaires) et Alanis Obomsawin (documentaire). Ces femmes autochtones nous convient, par la médiation de leurs œuvres, à un véritable dialogue, empreint des valeurs de paix et de respect. Le rapport au monde traditionnel (cosmogonie) réverbéré révèle un rapport sacré à la terre. Ainsi, la force de leurs traditions participerait à relever le sort de la transmission, le fondement même de toute culture.

Alors que le chasse nous rappelle notre appartenance au règne animal, elle est simultanément l’activité à partir de laquelle l’humanité s’est distinguée de celui-ci. On accorde d’ailleurs l’émergence du récit aux chasseurs de la préhistoire qui déchiffraient des séquences narratives à partir des traces laissées par leurs proies (Guizburg : 1989). La mise en récit des ruses, des espérances ou des exploits de la chasse témoigne ainsi d’une relation spécifique à la nature, mais aussi d’un rapport particulier à la narration et, par conséquent, à la communauté.

Si le témoignage cynégétique se construit principalement autour du passage de l’expérience vécue (Erlebnis) vers l’expérience transmise (Erfarhung), il se révèle également comme un puissant véhicule culturel. Ainsi, en racontant la « quête de l’animal », l’histoire de chasse déborderait de son cadre énonciatif initial et alimenterait un discours complexe sur les différents partages entre nature et culture, vie et mort, individu et société.

À partir d’extraits, tirés de L’histoire de la chasse au Québec de Paul-Louis Martin et de la revue Sentier Chasse et Pêche, cette présentation compte interroger la parole cynégétique québécoise afin de saisir ses enjeux et sa portée. Autrement dit, il s’agira, en rapatriant vers les études littéraires et, plus spécifiquement, vers la sociocritique, un objet d’étude généralement attribué aux anthropologues, de « lire » les visées sociales, voire politiques, attenantes au récit de chasse.



Les femmes sont quasi absentes de l’histoire des sciences au Québec et leur intérêt pour les sciences est largement ignoré dans l’historiographie sur les femmes. Jusqu’à la Révolution tranquille, le contact des femmes avec les sciences paraît limité aux sciences dites ménagères. Or, les Ursulines de Québec ont offert des leçons de sciences à leurs élèves dès le début du XIXe siècle : astronomie, botanique, zoologie, minéralogie, chimie et physique. Qu’est-ce qui a pu motiver ces religieuses éducatrices à intégrer des sciences à leur curriculum? Dans le cadre de notre maîtrise en histoire, nous avons relevé quatre finalités à cet enseignement : 1) attirer la clientèle, 2) révéler aux élèves « l’œuvre du Créateur », 3) développer leur sens pratique et 4) les instruire, plus que modestement. Nous en avons conclu qu’à l’époque où les filles n’avaient pas accès au cours classique, les sciences pouvaient représenter une alternative convenable pour une maison d’éducation désireuse d’offrir à ses élèves un niveau plus relevé d’instruction. Ces résultats nous invitent à repenser le rapport que les femmes entretenaient avec les sciences au XIXe siècle au Québec. Dans le cadre de cette présentation, nous proposons de discuter de ces quatre finalités de l’enseignement des sciences chez les Ursulines en regard du modèle général d’éducation des filles de l’époque. Nous illustrerons notre propos par des images de documents historiques (photos, prospectus, notes de cours, herbier, etc.).

Depuis une vingtaine d’années, la Seconde Guerre mondiale fait en France l’objet d’un intérêt historique et artistique sans précédent. Notamment, le procès avorté de René Bousquet en 1993 et celui plus récent de Maurice Papon en 1997 ont à nouveau mis en lumière l'atrocité des crimes. Dans ce contexte, le nombre de récits historiques entourant la Seconde Guerre mondiale a explosé, et le personnage du nazi a peu à peu gagné en nuance. Présent sous différentes formes (officier SS, fonctionnaire, soldat, politicien, médecin, etc.), il est souvent campé dans le rôle de l’oppresseur. De par sa participation aux persécutions, il est qualifié de monstre ou de bourreau. Et pourtant, malgré ces associations, malgré sa fonction récurrente d’oppresseur dans les récits, le nazi révèle dans le roman contemporain français une personnalité de plus en plus complexe qui le réintègre dans la sphère de l’humanité d’où il était exclu. Ce processus, appelé "humanisation" à ce stade de mes recherches, offre par là un nouveau discours sur l’Histoire. À travers des exemples tirés de différents romans, il s’agira d’analyser l’ambiguïté psychologique du nazi. 

Considérant la présence accrue de la mode dans l'espace d'exposition autrement dédié aux arts visuels, phénomène récent qui culmine dans la dernière décennie avec des expositions telles que Jean Paul Gaultier et Alexander McQueen: Savage Beauty, il serait juste de se questionner sur les dynamiques engendrées par ce type de pratique interdisciplinaire. La nature protéiforme de l'objet de mode, qu'il s'agisse du vêtement, de l'accessoire, du support numérique ou plus conceptuellement du défilé de mode dans son entier, refuse une finalité arrêtée et porte ainsi une performativité inhérente, puisqu'en constante transformation et re-performance de l'acte initial (lequel se situe dans le défilé). À travers cette communication, je démontrerai que la mode, par son caractère performatif et double, pris entre acte et objet, modifie les codes de la pratique commissariale, et que la galerie, simultanément par son esthétique et ses politiques de mise en exposition, modifie également les codes de la mode. En ce sens, je vise à inscrire la mode comme pertinente et nécessaire au sein de l'espace d'exposition en tant que phénomène culturel significatif, puisque les deux pratiques se contaminent et provoquent un déplacement réciproque de leurs politiques spécifiques. 

Saint-Sébastien, martyr chrétien, est une figure récurrente dans la tradition visuelle et littéraire occidentale. Dans Désir, sacré et profane, Daniel Arasse évoque le double rôle de Saint-Sébastien : le martyr condamné à mort par sagittation agit parallèlement à titre de protecteur des peuples victimes des flèches meurtrières de la peste. Dès le XVe siècle, les représentations de Saint-Sébastien passent d’une imaginaire du martyr protecteur à un prétexte de représentation de la beauté du nu masculin. Au XIXe siècle, Sébastien est érigé à titre d’icône gaie et ce titre prend tout son sens lors de l’épidémie du sida, souvent qualifiée de peste du XXe siècle. L’œuvre d’Hervé Guibert, auteur phare des années sida, est significative pour aborder la maladie et l’inscription du martyr en littérature. Dans Le Protocole Compassionnel, le portrait du malade n’est pas sans rappeler le corps martyrisé de Saint-Sébastien, par la maladie et les actes médicaux performés sur son corps. Des traumatismes causés par les multiples perfusions, lacérations et invasions à la célébration de la beauté du corps masculin, l’œuvre d’Hervé Guibert raconte la maladie sous le signe d’une filiation avec la figure du martyr Saint-Sébastien. J’entends ainsi étudier quel rapport la figure du martyr établit entre l’institution médicale moderne et la tradition judéo-chrétienne du soin grâce aux apports des humanités médicales et notamment des travaux de Neil Pembroke (2015) et Andrzej Szczejklik (2007).

 

 

 

 

Suivant la réalisation du film eXistenZ, les années 2000 marquent un tournant dans le style de David Cronenberg. Cette production exclut toute appartenance au genre de l’horreur et au fantastique, comme en témoigne l’absence manifeste de mutations corporelles et de la figure du scientifique victime de sa propre création.  Le genre « body-horror » est mis à mal dans une production désormais axée sur le « drame réaliste ». Bien que son cinéma ait subi des mutations sous différents aspects du genre, il n’en demeure pas moins que la question liée à la subjectivité masculine demeure une constante dans la poétique et la mise en scène du cinéaste. Nous proposons dans cette communication une étude comparative entre deux personnages issus de la cinématographie de Cronenberg, soit Eric Packer du film Cosmopolis, réalisé en 2012, et Max Renn dans Videodrome, réalisé en 1983. À partir de ces deux œuvres, il sera possible de mettre en rapport la manière dont l’identité se construit dans un régime technologique, qu’elle soit explicite dans Videodrome (la nouvelle chair qui s’unit à l’ancienne) ou implicite dans Cosmopolis (par désappropriation de tous ses biens). La question de la dématérialisation du sujet dans son environnement fait partie de la question identitaire chez le cinéaste canadien. Cette comparaison entre ces deux personnages permettra d’établir la continuité dans la construction du personnage cronenbergien, un aspect souvent négligé dans les études critiques sur ses œuvres.

À deux reprises au cours de la dernière année la revue Affaires Plus s’est intéressée aux chefs d’orchestre les plus charismatiques de la scène québécoise : Yannick Nézet-Séguin a fait partie de ses « hyperactifs [qui] multiplient les projets » (décembre 2010-janvier 2011), puis Kent Nagano a fait la première page sous le titre « Dirigez comme Nagano » (féevrier-mars 2011). Si le chef d’orchestre est un cas limite dans la réalité professionnelle du musicien de par le star-système dans lequel il évolue, son statut n’en demeure pas moins révélateur des forces socioéconomiques qui affectent le monde des arts à l’heure actuelle : la nécessité d’une image qui vend et qui inspire la communauté pour l'artiste ou le musicien qui y gravite. Les deux numéros de Affaires Plus nous permettront de comprendre comment le statut de chef d’orchestre est représenté chez une élite de la finance qui cherche à en faire le modèle de ses propres valeurs : inspiration, vision, direction, réussite, leadership, etc. Si bien qu’à la fin cette représentation de la vie de chef a plus à voir avec l’image que se fait le milieu des affaires de l’artiste adulé, conquérant et autoritaire. Mais cela en dit aussi beaucoup sur les attentes sociales qui sont projetées du côté des chefs d’orchestre, qui sont vus comme des piliers inestimables de la communauté sociale à laquelle ils appartiennent. C'est ainsi que Nagano et Nézet-Séguin sont devenus des modèles d’accomplissement pour la société québécoise actuelle. 

Paru en 1851, mais ignoré pendant près de 70 ans, le Moby Dick d’Herman Melville fait aujourd’hui l’objet de multiples études, notamment pour son caractère profondément allégorique. Afin d’apporter un nouvel éclairage de l’œuvre, nous allons nous demander de quelle manière la baleine blanche devient un symbole métaphysique et l’incarnation de la mort elle-même.

Nous croyons en effet que l’absence physique de Moby Dick dans la majorité du livre l’élève au rang d’Idée, de concept intelligible vers lequel tend Achab. Son ubiquité en fait également un être aux atours divins, omniprésent en tant qu’objectif à atteindre et mystère à percer, mais invisible à qui n’est pas philosophe. La baleine deviendrait l’incarnation de la vérité, une figure des profondeurs qui connaîtrait tous les secrets des sphères mortelles autant que divines, de la vie comme de la mort.  

Analyser la mort en tant que concept philosophique, grâce aux ouvrages de Platon, Le Phédon, et de Jankélévitch, La Mort, permettra d’apporter une dimension supplémentaire à l’interprétation de Moby Dick. Il faudra nous attarder à l’étude des termes employés, au jeu sur les sonorités et aux figures de style, puisque selon Michel Picard : « la mort dans la fiction littéraire sera toujours métaphorique[1] ». Moby Dick deviendrait donc cet absolu que recherche tant Achab, symbole de la connaissance qui ne peut être atteinte que dans la mort.

 

[1] Michel Picard, La littérature et la mort, Paris, PUF (Écritures), 1995, p. 41.