Selon Véronique Donard, « [l]ittéralement, sacer facere signifie « rendre sacré ». Sacrificare consiste donc à rendre une chose ou un être sacrés, en les consacrant aux dieux par un sacrificium, d’où notre mot « sacrifice », qui désigne à la fois ce qui est offert et l’action d’offrir » (2009). Or, dans les sociétés profanes qui sont les nôtres, l’idée du divin a disparu, mais pas l’acte sacrificiel. Ainsi, pour Anne Dufourmantelle,« [d]ans un monde où la distinction entre profane et sacré n’a plus de sens, du moins dans la quotidienneté des liens qui régissent la société civile, le sacrifice nous rappelle cette place du divin déserté » (2007). Désormais, en place du divin, c’est le bien commun de la société qui se trouve mis à la place de la divinité du sacrifice des religions primitives.
Cela est particulièrement clair en littérature, que Derek Hughes considère comme le lieu privilégié de la présentation du meurtre rituel d’un protagoniste de fiction (2007). C’est dans le roman policier que cette tension est la plus visible. Dans mon article, j’étudierai les mécanismes qui entourent le meurtre dans l’œuvre de l’écrivaine contemporaine Fred Vargas, en mettant l’accent sur les personnages féminins dont la place en tant qu’objet sacrificiel est, d’une part, surreprésentée et inscrite dans une tradition patriarcale de la représentation d’un féminin, et, d’autre part, ambiguë et, nous le verrons, subversive.