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L’exposition Eros ’65 ouvre ses portes à la Dorothy Cameron Gallery de Toronto le 21 mai 1965. Après avoir reçu un bon accueil par la critique d’art torontoise, l’exposition est visitée par des policiers du comité de moralité et devient l’objet d’une controverse artistique qui s’étend sur plus d’une année. Le 22 mai, Lovers no 1 de Robert Markle est saisie par les policiers pour cause d’obscénité puis, le 27 mai, 6 autres œuvres sont à leur tour confisquées, dont 4 sont de Markle. Cameron est sommée de se présenter au tribunal au début d’octobre 1965. En vertu d’une loi du Code criminel sur l’obscénité, la galeriste est accusée d’avoir exposé des œuvres au contenu sexuel explicite.

D’un côté, la défense croit que les 7 nus censurés s’inscrivent dans la tradition artistique et elle ne reconnaît pas la présence de la sexualité et de l’obscène dans les œuvres. D’un autre côté, les représentants de la justice n’arrivent pas à faire abstraction de celles-ci et refusent de reconnaître que le caractère artistique d’une œuvre permette de représenter ce qui n’est pas autorisé selon la loi.

En prenant en considération les comptes rendus du procès et les nombreux articles publiés dans les journaux torontois durant l’année 1965-1966, cette communication propose de se pencher sur les discours idéologiques opposés des principaux acteurs qui s’affrontent en Cour – galeriste, témoins experts, artistes et juges.

Écrivain-voyageur, Pierre Benoit se sert souvent des lieux visités au cours de ses voyages pour peindre les paysages qui forment la toile de fond de ses écrits. Ce qui nous intéresse ici, c’est le tableau qu’il dresse de ces lieux que son lecteur ne visitera jamais et dont la seule connaissance ou image qu’il aura seront dues aux descriptions lues. Après avoir défini la notion d’Orient, nous nous intéresserons à celles de ses œuvres qui nous permettront de parvenir à une acception « benoitienne » du terme et de sa signification. En fait, il s’agit ici d'essayer de cerner les composantes (in)variables d’un monde parfois imaginaire, parfois mystique et revisité par un auteur dont le goût du voyage n’a d’égal que sa fascination pour l’Ailleurs. Proche du milieu diplomatique français du XXe siècle, Pierre Benoit a souvent représenté - de manière informelle - les couleurs de l’Hexagone et surtout dans des régions dites "orientales" et qui ont servi de théâtre à quelques-unes de ses œuvres les plus emblématiques (La Châtelaine du Liban, pour ne citer qu’elle). Dans ce but, une brève présentation suivie d’un approfondissement en ce qui concerne les différents lieux et époques concernés s'imposent, de même qu’un rappel de ce qui, dans son œuvre, a trait à l’aventure coloniale française (modalités, représentations…). Cela nous permettra ainsi de répondre au mieux à la question suivante : Orient de carte postale ou Orient "réel", comment se définirait l'Orient "benoitien"?

Depuis une vingtaine d’années, les pratiques artistiques basées sur des systèmes robotiques ainsi que celles utilisant l’apprentissage automatisé sont en pleine expansion. Toutefois, les pratiques qui combinent l’apprentissage automatisé et l’art robotique sont quant à elles peu étudiées ou documentées. Les œuvres issues de ces pratiques mettent en scène des agents autonomes capables d’apprendre par eux-mêmes. Comme elles ne sont ni tout à fait des sculptures, ni des performances, ni des installations visuelles ou sonores, ni des œuvres purement computationnelles, elles appellent à de nouveaux cadres esthétiques et conceptuels afin de permettre aux créateurs, aux commissaires et au public de mieux les comprendre. À travers une approche de recherche-création itérative qui implique des allers-retours entre des ateliers de création collective et des activités de réflexivité sur les pratiques, nous proposons un cadre théorique permettant de comprendre les interrelations qui se déploient entre les robots, leurs comportements, l’environnement et l’artiste, lors de la création d’une expérience artistique à l’aide d’agents robotiques entraînés par apprentissage automatisé. En analysant les différentes sources observables (mouvement, lumière, son) ainsi que leur dynamique (amplitude, vitesse, accélération) dans leur relation aux perceptions humaines (affects, évocation, projections), nous définissions ainsi une esthétique des comportements générés par apprentissage automatisé.

The Alexandria Quartet de Lawrence Durrell joue sur les stéréotypes par l’intermédiaire des interprétations que font les personnages des actions d’autrui. Les stéréotypes donnent chacun « une impression de clarté, d'univocité, et accélèrent ainsi le rythme de la lecture » (Amossy, Les discours du cliché, 1982). Ils stimulent aussi la réaction passive du lecteur en agissant «[comme] des signaux génériques, ils orientent l’attention du lecteur vers des horizons de sens familiers» (idem.). Or, ces sens sont systématiquement déconstruits dans le Quartet : au fur et à mesure de son développement, la narration propose des perspectives nouvelles sur l’identité des personnages, lesquelles remettent en question l'interprétation initiale, la maintenant dans un état perpétuel d’indétermination. Lorsque certains éléments manquent au répertoire du lecteur, celui-ci est contraint de se lancer à la recherche de nouvelles configurations sémantiques. Le lecteur est appelé à revoir une idée préconçue. Par exemple, la description que fait Darley d’un policier et ancien marin dans le premier volume met de l’avant sa masculinité donnée pour traditionnelle. Suivant la lecture de Darley, le corsaire tout d’un bloc se révèle avoir été un travesti affublé d’un Dolly Varden. Dans le cadre de cette communication, nous analyserons la constitution des stéréotypes dans le Quartet et la façon dont ils interviennent pour produire un effet d’indétermination identitaire sur des personnages tels que Scobie.

Wikipédia est un projet encyclopédique qui vise la synthèse des savoirs existants. Mais, de quels savoirs parle-t-on ? Et quelle place est accordée aux savoirs des communautés marginalisées et aux contribut·rice·eur·s qui appartiennent à celles-ci ? Peu d’études ou d’exemples existent encore sur le sujet. Dans la foulée de ces réflexions, cette communication vise à présenter une recherche en cours sur la présence et l’inclusion sociale de la communauté LGBTQ+ au sein du projet Wikipédia à partir du contenu et du système (acteurs, communauté, organisation) qui soutiennent ses activités sur le territoire wikimédien québécois.

Cette étude trouve ses assises dans deux principaux appareils théoriques : les sciences de l’information (analyse documentaire, expérience-usager·ère, théorie critique) et les études LGBTQ+. Du point de vue méthodologique, ce projet intègre une approche mixte reposant sur trois volets : une analyse de contenu, l’application d’une grille d’évaluation sur l’inclusion sociale et des entretiens. Les données provisoires cumulées jusqu’à ce jour indiquent une sous-représentation de la communauté LGBTQ+ et la présence de mécanismes qui freinent sa participation. Les résultats de cette étude qui seront présentés permettront d’actualiser nos connaissances quant à l’inclusivité du projet Wikipédia dans le contexte québécois tout en élargissant notre compréhension des modalités et des obstacles systémiques, qui le façonne.

Cette communication propose une analyse des discours posthumes sur l’auteure québécoise Nelly Arcan, décédée en 2009. Extrêmement médiatisée pendant sa carrière littéraire, sa figure continue à susciter de l’intérêt après sa mort. Parmi les articles de journaux, les travaux universitaires et les œuvres artistiques qui s’intéressent à l’auteure de Putain (2001), plusieurs évoquent également la figure de l’auteure anglaise Virginia Woolf. Quel peut être l’intérêt d’un rapprochement entre Arcan et Woolf ? S’agit-il de légitimer l’autorité littéraire d’Arcan, de faire valoir ses critiques de la condition féminine, de la situer dans une lignée d’écrivaines victimes, ou encore dans une lignée d’écrivaines médiatisées ? S’intéressant ainsi à un aspect spécifique des discours posthumes sur Arcan, soit la reconduction de l’image de Woolf, cette communication a pour objectif d’explorer comment les associations de la figure de Woolf à celle d’Arcan contribuent à la création de trois « versions » (Silver, Virgnia Woolf Icon, 1999, p. 13) de l’auteure québécoise : l’écrivaine, la suicidée et la féministe. Faisant appel à Corps transfigurés d’Alice Pechriggl (2000), elle propose également de mettre en évidence les manières dont la mobilisation de la figure woolfienne dans les discours posthumes sur d’Arcan parfois renforce et à d’autres moments déjoue un système de représentation selon lequel la femme, réduite à son corps, ne peut pas être présentée en tant qu’être intégral (p. 149).

 

 

De par sa propension à utiliser le texte et à présenter un récit, l’étude de la bande dessinée a souvent été reléguée au champ des études littéraires. Dans les années 1970, les spécialistes de la sémiotique visuelle s’en sont emparés, ouvrant ainsi la porte aux historiens de l’art (Fresnault-Deruelle, 1972). Cependant, une question méthodologique importante a jusqu’ici été largement laissée de côté. Comment l’historien de l’art peut-il travailler avec un large corpus d’images se comprenant sous trois modalités : la case, la planche et l’album.

Nous tenterons de répondre à cette question en utilisant les planches de bande dessinée de Pierre Dupras publiées de façon hebdomadaire dans Québec-Presse entre les années 1969 et 1974. Ce corpus, qui n’a jamais fait l’objet d’études approfondies, comprend plus de deux cents planches présentant chacune une dizaine de vignettes ainsi que deux albums regroupant une collection de planches originales et déjà publiées qui sont lancés aux éditions Québec-Presse.

Pour ce faire, nous mettrons à l’épreuve le modèle d’analyse systématique de Scott McCloud (Understanding Comics, 1993) et la méthode définitionnelle de Thierry Groensteen (Système de la bande dessinée, 2011) en plus d’évaluer la pertinence d’une approche thématique et d'établir des relations entre notre corpus et d'autres corpus plus classiques de l'histoire de l'art.

Ainsi, nous donnerons forme à un corpus complexe et multiple afin d’en proposer une compréhension globale.

La présentation porte sur les rapports entre marginalité et vulnérabilité à partir des revendications de deux groupes marginaux canadiens : les Inu et les Off The Derech. Plusieurs auteurs traitent de la marginalité à partir d’indicateurs de vulnérabilité négatifs. Or, quand la marginalité est abordée avec un a priori négatif, elle est considérée comme une situation sociale contre laquelle il faut lutter. L’objectif de ma recherche est donc de poser un regard critique sur ce lien trop rapidement établi. En effet, la marginalité peut aussi constituer une force puisque les revendications alternatives, avancées par certains groupes marginaux, exercent une pression positive sur les normes sociales et conduisent à une plus grande inclusion. Dans cette optique, la marginalité peut alors être considérée et étudiée comme une valeur. L’exploration de différentes conceptions de la marginalité permet de tirer une définition plus globale de ce concept, à partir duquel nous distinguons deux nouveaux types de marginalité soit la pluri-marginalité et l'inter-marginalité. En précisant la typologie des formes de la marginalité, et en s’appuyant sur deux situations concrètes, les résultats de la recherche peuvent alors contribuer à définir des indicateurs utiles à l’intervention pratique, tant au plan éthique que social.

En 1863, dans une lettre adressée au jardinier en chef de Central Park, l’architecte paysagiste Frederick Law Olmsted relate avec enthousiasme un moment fort de sa traversée du Panama. Sensible aux paysages tropicaux, Olmsted dit avoir été saisi d’une émotion que la littérature actuelle désignerait comme une expérience esthétique au sens fort d’un vécu cognitivement et affectivement marquant (Schaeffer, 2015). Olmsted n’hésite pas quant à lui à qualifier ce sentiment de « moral » et à le rattacher à certains traits du paysage panaméen. Cette expérience est si marquante qu’il décide d’effectuer de mémoire une analyse formelle du paysage, et ce dans le but d’en reproduire les effets à son retour à Central Park.

Cet épisode nous donne un aperçu de la particularité de l’approche réformiste chez le célèbre architecte paysagiste. Car bien que la littérature existante ait souligné la visée hygiéniste de ses parcs (autant d’un point de vue psychologique que physiologique), peu ont cherché à analyser son approche d’un point de vue esthétique. Construit autour d’une étude de Prospect Park, cette présentation vise à démontrer comment cette expérience influença la conception du parc de Brooklyn (plus que de Central Park qui était déjà construit), tout en démontrant comment la sensibilité esthétique d’Olmsted s’inscrivait de façon plus large dans un courant de pensée au cœur duquel la relation esthétique fut envisagée comme une expérience d’abord émotionnelle et moralement forte.

À l'époque des premières projections les bandes cinématographiques, envisagées comme divertissement ou innovations scientifiques, ne sont pas conçues pour donner naissance à un art. Cependant, à mesure que les années passent, les films évoluent et les discours que l'on porte sur eux changent : le cinéma est progressivement institué comme art. Ce processus a fait l'objet de nombreuses études, mais la relation entre la légitimation du cinéma et les textes qui lui sont consacrés est peu interrogée. Je me propose d'aborder cette question en croisant certains des discours tenus sur le cinématographe au cours de ses premières années d'existence avec des écrits portant sur le cinéma des origines rédigés dans les années 1940 et 1950, décennies marquées par un retour historiographique sur les « pionniers » du cinéma. Si les premiers écrits consacrés au cinématographe visent avant tout à produire une définition de l'« objet cinéma », les historiens des années 1940 et 1950 semblent proposer une reconfiguration de cette définition, en envisageant le cinéma des premiers temps comme les prémices de l'art cinématographique. En analysant les similitudes et les écarts entre ces différents textes replacés dans leur contexte de production, je tenterai d'étudier comment les discours portés sur le cinéma ont contribué à sa reconnaissance comme art et pourquoi ces actes de langage, entre évaluation et réévaluation, contribuent à agir sur la définition même du médium.



Jean Renoir avait l’habitude dans ses œuvres tardives de filmer avec réalisme un théâtre qui revendiquait son artificialité, et par conséquent de mettre en scène non seulement ses personnages, mais également une œuvre scénique. Cette mise en abîme de l’œuvre scénique permettait de faire apparaître son « cadre » au sens où l’entend Lotman, c’est-à-dire ses limites avec le monde réel, l’œuvre d’art représentant toujours « un modèle fini d’un monde infini » (La structure du texte artistique 300).

Le déjeuner sur l’herbe, réalisé en 1959 après Le Carrosse d’or et French Cancan, laisse présager, par son décor de campagne provençale, un retour à l’esthétique réaliste qui avait été la marque de Renoir de Toni (1935) à La bête humaine (1938). Or, dans ce décor réaliste, le merveilleux jaillit subitement : le dieux Pan sort d’un champ de blé pour venir, par un air de flûte, gâcher ce déjeuner qu’on s’apprêtait à déguster sur l’herbe.

On fera l’hypothèse que Renoir, dans Le déjeuner sur l’herbe, s’appuie directement sur les propriétés du média filmique pour reproduire cet endroit paradoxal qu’est l’œuvre d’art plutôt que d’avoir recours à une commedia dell’arte filmé avec naturalisme (œuvres tardives) ou encore à un mélodrame tourné dans un décor naturel (période réaliste). C’est la singularité médiatique du film en question que l’on souhaite faire apparaître par une analyse croisée du film et de la pensée de Clément Rosset, notamment ses réflexions sur le cinéma. 

Les commémorations entourant le centenaire de la Première Guerre mondiale sont l’occasion de revenir et d’interroger à nouveau ce passé trouble, au fondement du XXe siècle. Les romans de la Grande Guerre, qu’il s’agisse du Feu, d’Henri Barbusse, de La Peur de Gabriel Chevallier, des Croix de bois de Roland Dorgelès, ou d’autres encore, ont permis à leur auteur, tous anciens soldats devenus écrivains, de rendre compte de leur expérience de l’horreur. Cette communication se propose donc, sur la base de la notion d’abjection telle que définie par Julia Kristeva dans Pouvoirs de l’horreur, d’étudier la représentation de l’abject dans les trois récits romanesques français précédemment nommés. Selon Kristeva, le comble de l’abjection est « le cadavre », ce qui a « irrémédiablement chuté » (Kristeva: 11). Il s’agira donc tout particulièrement de s’attarder aux représentations des corps morts dans le texte et à leurs effets sur la diégèse, de même qu’aux stratégies discursives employées pour traiter de l’horreur des tranchées. Ces représentations de l’abjection sont parfois explicitement violentes, d’autres fois teintées d’humour, ou encore sont figurées par contraste ou par la mise en scène d’une animalité, mais restent toujours signifiantes et semblent avoir une fonction cathartique. Dans le cadre de cette communication, je m’attacherai donc à relever ces éléments textuels et leurs effets au prisme de la notion décrite par Kristeva.

Bien qu’héritière de la biologie d’Aristote, l’ontologie heideggérienne est-elle conforme au tournant anthropologique de la philosophie ? Si non, est-elle ré-anthropologisable ? Répondant non à la première question, la communication part de l’hypothèse que la deuxième invite à penser le sens humain du mouvement de la vie facticielle. Nos objectifs sont de montrer que, herméneutiquement théologique, l’ontologie heideggérienne est de nature métaphysique ; la ré-anthropologiser exige de lui appliquer une herméneutique de la facticité de souche augustinienne, inspirée par H. Blumenberg et explicitable en dialogue avec J-L. Marion. Méthodologiquement, en répondant par la négative à la question de savoir si « … Heidegger a[…] bien lu Augustin » (Y. Meessen, 2006), l’on répète « … les sources aristotéliciennes et néotestamentaires d'Être et Temps » (C. Sommer, 2015) en remontant de la métaphysique à la facticité, de l’objectivation de Dieu à la vie facticielle. Comme résultat, le rapport de Heidegger à Aristote est médiatisé par la théologie luthérienne de la croix, via la Bekümmerung, la souciance (M. Heidegger, 2017) comme accomplissement. Lequel se déploie non plus dans l’opposition entre homme et Dieu mais en un pâtir signifiant que « plus la vie vient à elle-même » (Heidegger, Gesamtsausgabe, 60, 240), plus l’humain mesure le divin. Notre apport est le suivant : telle la compassion de l’humain pour le divin (S. Yapo, 2018), ainsi de l’anthropologie au regard de la philosophie.

À partir d’une analyse menée sur la Pietà (c.1477-1478) d’Antonello da Messina (c.1430-1479), cette communication propose d’aborder les transferts culturels et leurs impacts dans la peinture de l’artiste sicilien. Plus largement, nous soulignerons l’apport important de courants artistiques internationaux dans le développement de la peinture italienne de la Renaissance au Quattrocento. Notre enquête débute au tournant du XVe siècle, lors des conflits qui voient s’affronter les familles d’Anjou et d’Aragon pour la conquête du royaume de Naples. Ces dynasties qui se succèdent à la tête du royaume apportent des cultures différentes et favorisent l’apparition d’un milieu artistique international dans les territoires qu’elles contrôlent. C’est ainsi que l’apprentissage et les jeunes années de peintre d’Antonello passées à Naples sont marqués par un multiculturalisme artistique empreint d’un art flamand très présent. Durant toute sa carrière et ses voyages, Antonello développe un style pictural particulier qui emprunte à la peinture italienne et à la peinture flamande leurs traditions iconographiques et formelles tout en les modifiant selon ses propres intérêts. Cette synthèse qui caractérise l’œuvre d’Antonello lui assurera une grande notoriété et marquera la peinture de la Renaissance. Peu étudiée, cette Pietà nous paraît révélatrice du caractère multiculturel de la peinture d’Antonello et représentative d’un métissage culturel national et international très présent à l’époque.



Notre recherche propose de penser l’existence humaine comme se déployant entre familiarité et étrangeté. Pour ce faire, nous ferons le détour par une oeuvre -le roman Villa Amalia de Pascal Quignard-, dont le personnage principal, Ann Hidden, évoque avec grande finesse des expériences existentielles d'étrangeté et de familiarité vis-à-vis d'elle-même. Pour Ricoeur (1990), le rapport à soi passe nécessaire par l’Autre alors que pour Lévinas (1961), la nécessité d’un détour par un autre, qui est en moi, fonde l’éthique et la rencontre avec le visage de l’autre introduit une rupture dans mon être, ébranle ma tranquillité. Pour Freud (1899) l’altérité se loge dans le sujet lui-même -c’est cela même l’inconscient-, alors que Lacan (1953) insiste plutôt sur la primauté du langage, qu’il situe au lieu de l’Autre. En définitive, être homme, c’est être d’abord dans un rapport d’étrangeté avec soi. Pour comprendre ce qu’est la familiarité versus le sentiment d'étrangeté, il ne s’agit pas tant de poser les questions « qui suis-je ? » ou « qu’est-ce que c’est ?», mais plutôt d'interroger l’être en situation (Merleau-Ponty,1945). Dans cette perspective, l’étrangeté et la familiarité sont pensés comme des modalités d’habitation du monde qu’il s’agira de circonscrire, ce que nous proposons de faire via l'interprétation du roman, qui, comme l'indique Christian Thiboutot (2013), tire sa pertinence du fait que « l’existence se déploie primitivement dans le tissu de la narrativité ».

Bien qu’héritière de la biologie d’Aristote, l’ontologie heideggérienne est-elle conforme au tournant anthropologique de la philosophie ? Si non, est-elle ré-anthropologisable ? Répondant non à la première question, la communication part de l’hypothèse que la deuxième invite à penser le sens humain du mouvement de la vie facticielle. Nos objectifs sont de montrer que, herméneutiquement théologique, l’ontologie heideggérienne est de nature métaphysique ; la ré-anthropologiser exige de lui appliquer une herméneutique de la facticité de souche augustinienne, inspirée par H. Blumenberg et explicitable en dialogue avec J.-L. Marion. Méthodologiquement, en répondant par la négative à la question de savoir si « … Heidegger a[…] bien lu Augustin » (Y. Meessen, 2006), l’on répète « … les sources aristotéliciennes et néotestamentaires d'Être et Temps » (C. Sommer, 2015) en remontant de la métaphysique à la facticité, de l’objectivation de Dieu à la vie facticielle. Comme résultat, le rapport de Heidegger à Aristote est médiatisé par la théologie luthérienne de la croix, via la Bekümmerung, la souciance (M. Heidegger, 2017) comme accomplissement. Lequel se déploie non plus dans l’opposition entre homme et Dieu mais en un pâtir signifiant que « plus la vie vient à elle-même » (Heidegger, Gesamtsausgabe, 60, 240), plus l’humain mesure le divin. Notre apport est le suivant : telle la compassion de l’humain pour le divin (S. Yapo, 2018), ainsi de l’anthropologie au regard de la philosophie.

Amorcées à la fin des années 1980, les guerres culturelles américaines ont opéré sur de multiples terrains, la sphère muséale ne faisant pas exception. Certaines institutions américaines sont ainsi devenues le théâtre de luttes idéologiques largement médiatisées opposant progressistes et conservateurs. Après une dizaine d’années de relative quiétude, le monde muséal a été secoué récemment par une polémique de grande envergure . Cette fois, les interactions entre les acteurs impliqués étaient d’un ordre différent, les nouvelles technologies ayant changé la donne quant  à la naissance et le développement des controverses. Le vaste débat engendré par l’exposition Hide/Seek : Difference and Desire in American Portraiture, présentée à la National Portrait Gallery de Washington D.C. entre octobre 2010 et février 2011,  est en partie attribuable à un emploi intensif des médias sociaux, pôle de médiation aux possibilités virtuellement illimitées. Une temporalité nouvelle s’introduit, le conflit se développant désormais en temps réel. Il s’amorce également un changement dans le degré de publicité de la controverse muséale, le terrain de cette dernière semble s’être élargi, internet ayant créé un nouvel espace public. Il s’agira d’examiner la nature des interactions induites par ce changement de paradigme en analysant plus particulièrement le début de la controverse, moment particulièrement révélateur en ce qui concerne le rôle exercé par les médias sociaux dans cette polémique.  

L’œuvre de Jean-Marie Gleize contient une multitude de références à la psychanalyse et, surtout, aux travaux de Jacques Lacan et de Gilles Deleuze sur la métonymie comme moteur du désir. Pour Lacan, « [l]es énigmes que propose le désir […] ne tiennent à nul autre dérèglement de l’instinct qu’à sa prise dans les rails – éternellement tendus vers le désir d’autre chose – de la métonymie », comme si la métonymie rendait possible le voyage du désir d’un objet à un autre, le désir devenant ainsi infini, ouvert sur le monde, en proie aux hasards de la pensée et de l’émotion. Pour Deleuze, « il n’y a de désir qu’agencé ou machiné. Vous ne pouvez pas saisir ou concevoir un désir hors d’un agencement déterminé ». Cette idée rejoint les théories de Lacan dans la mesure où ces deux conceptions du désir s’appuient sur le transfert inductif et métonymique. Alors que la notion de nom du père (ou non du père) développée par Lacan dans le Séminaire III vient ancrer le sujet dans la langue communicationnelle et ses règles, la lalangue est conçue comme une porte de sortie, un retour à une liberté langagière infantile. Le but de cette présentation sera donc de montrer comment le rapport complexe qu’entretient Gleize avec la psychanalyse lui permet, par le biais de ce qu’il nomme l’« être-sans-père », de générer une « lalangue » présubjective, qui s’incarne entre autres par un retour obsessif vers la figure de l’enfant ludique, agençant et réagençant constamment les parties de son discours.

La sémiosphère dans la ville

Nous proposerons une réflexion à partir des lectures et de la recherche sur le discours de la ville. Nous utiliserons des concepts tirés de la sémiologie. Nous voulons proposer quelques idées inspirées d’observations passées au filtre du concept de « sémiosphère » de Youri Lotman. À travers quelques exemples, nous appliquerons ce concept à une esquisse d’analyse sémiologique de la ville et de son environnement.

Nous ferons l’analyse du concept tel que vu par plusieurs penseurs – sémioticiens ou sémiologues – à travers un parcours transdisciplinaire. Cette analyse se portera sur la ville comme espace-temps, comme la confluence de multiples savoirs, des sujets hybrides et dynamiques touchant aux formes urbaines et à la société.

Nous voulons aussi considérer, comme idée-force, l’urbanisation de Paris, par Hausmann au XIXe siècle, ainsi que la « deuxième urbanisation » qui a débuté vers les années 1960, qui se poursuit, en évoquant le film de Pierre Barouh, Ça va, ça vient, à la lumière du concept précité de Youri Lotman.

Nous finirons en nous demandant comment le modèle de la sémiosphère – qui est communicative, très large, très globale avec une dimension anthropologique et culturelle – vient à la rencontre de la culture de l’interprétant. Comment une encyclopédie absorbe-t-elle une autre encyclopédie? Comment percevoir les frontières invisibles de la ville et de son environnement?

Mots clés:Sémiosphère, gentrification, littérature du XIX siècle.



 



Le paradoxe de la critique africaine consiste à considérer l’écrivain comme un « témoin » et de refuser de reconnaître son individualité constitutive de ce statut. Cette négation semble en partie s’expliquer par la nomination dont la pratique en Afrique montre l’ignorance du « nom propre ». Ce qui y tient lieu d’équivalent réfère souvent à un « je » autre que le porteur. Cela est problématique, car dans le témoignage la fiabilité repose sur l’« identité biographique […] désignée par le pronom « je » (Dulong, 1998 ). S’inscrivant dans une recherche doctorale en cours, l’article vise à la connaissance de l’éthos testimonial en contexte oral. Quels sont les paramètres d’efficacité du témoignage dans les cultures où le témoin porte un nom qui n’est pas « assez sien »? Le considérant plus comme un dispositif de transmission que comme critère identitaire, nous proposerons que, chez les témoins africains, la biographie fonctionne sur une logique inverse, car il sert moins de facteur d’objectivation que d'un moyen d’autoévaluation. Autrement, le « je » du témoin ne sert pas de preuve, mais d’épreuve pour évaluer la conformité de son vécu et le degré d’assomption de l’injonction nominale formulée par son groupe, le « je » collectif sur la foi duquel il atteste. L’étude s’inscrit dans la perspective anthropologique et littéraire et s’appuie sur Il nous faut de nouveaux noms de N. Bulawayo, et Prisonnier de Tombalbaye de A. Bangui, pour montrer la dimension mémorielle et cathartique du nom propre.

Les productions littéraires contemporaines des multiples espaces francophones ont toujours été confrontées à l’expression plurielle des différents mondes qu’ils habitent et qui les habitent. Parmi les problématiques qui les occupent, il y a les questions liées à la mémoire, au silence, à l’exclusion, au processus de singularité, entre autres. Toutes ces démarches se situent dans le cadre d’un « humanisme radical » que des auteurs comme Léonora Miano adoptent dans une perspective esthétique de résistance à ce que Félix Guattari appelle des « universaux de la subjectivité ». Dans La saison de l’ombre de Miano, nous étudierons, ainsi, comment « l’humanisme radical » se déploie dans le roman, à travers une écriture qui fait ce qu’elle dit, c'est-à-dire, s’invente et propose une ligne de fuite où l’identité s’inscrit dans un devenir pluriel. Dès lors, nous pourrons conclure que l’œuvre de Léonora Miano constitue une proposition éthique qui se réalise dans de nouveaux rapports esthétiques faits d’ouverture à la pluralité des réalités du monde et de ses objets ainsi que de la production de subjectivité dont le caractère formel est toujours différé.



Production propagandiste, le documentaire historique étudié est un vecteur de la modernisation soviétique, celle-ci reposant sur le primat du changement radical. Dans la suite de l’axe transformiste de l’idéologie communiste, l’État soviétique cherche tout au long de son existence à légitimer son pouvoir au moyen des projets grandioses de nature à changer brutalement l’espace urbain, rural ou naturel. Ces interventions productivistes sur l’espace, initiées par l’État communiste sont souvent chargées d’un fort symbolisme, la propagande soviétique mettant en oeuvre des mécanismes sémantiques spécifiques afin de les associer à l’idée d’un futur porteur d’opulence et de sécurité sociale. Tel est le cas en Moldavie de la mise en place d’immenses exploitations agricoles. Le documentaire historique télévisé cherche à créer une esthétique autour du champ kolkhozien et à rendre sensible les téléspectateurs à la « beauté » des vastes paysages agraires. Dans le contexte politique de la soviétisation de la Moldavie, le sémantisme du paysage agraire s’accorde au projet d’édification d’une nation socialiste moldave. Le documentaire fait voir aux Moldaves la « richesse » et la « splendeur » de leur « pays » dans des terrains cultivés de grandes proportions et alimente une fierté collective éminemment liée au rôle de production agroalimentaire de la Moldavie dans le système soviétique de planification économique.  

Les recherches consacrées aux festivals de cinéma ont connu un intérêt croissant au tournant des années 2010, avec la mise en place du Film Festival Research Network (FFRN). Depuis lors, plusieurs approches théoriques furent souvent mobilisées par les chercheurs pour être appliquées aux études des festivals. Ces approches théoriques sont généralement appliquées aux grands festivals de cinéma occidentaux, dits de catégorie A (Cannes, Venise, Toronto, Berlinale, etc.) dont la programmation est centrée sur le continent européen ou les productions filmiques américaines. Or, comme le souligne la chercheuse Marijke de Valck, les décennies 1960 à 1980 ont vu émerger, sur la scène culturelle internationale, d’autres manifestations célébrant le cinéma dit alternatif, extraoccidental, en provenance notamment d'Afrique. La présente communication s’intéresse aux problèmes théoriques que pose l’étude de ces manifestations culturelles, très fréquemment marginalisées dans les recherches universitaires. Elle propose l’approche postcoloniale et celle intitulée Vers un troisième cinéma (des Argentins Fernando Solanas et Octavio Getino) comme cadres théoriques susceptible de contribuer à l’analyse de ces événements. In fine, nous suggérons des éléments spécifiques tels que la programmation, les thématiques des films primés, le discours des promoteurs, pour jauger la validité de ces deux théories. Notre communication s’inscrit dans une démarche plutôt historique en raison du contexte de naissance de ces festivals. 

Les satires graphiques d’Albéric Bourgeois (1876-1962), caricaturiste attitré au journal  La Presse entre 1905 et 1957, exposent de manière humoristique, les comportements des habitants de Montréal et de ses politiciens dans un contexte où les grands courants politiques nationaux et internationaux sont également mis en scène. Plus encore, c’est le caractère urbain de la métropole québécoise qui est véritablement mis à l’honneur. En ce sens, les caricatures de Bourgeois peuvent être interprétées à partir des catégories définies par l’historienne de l’art Esther Trépanier. Celle-ci affirme que la modernité artistique québécoise se manifeste d’abord dans l’art figuratif par la représentation de sujets tels que la ville, la vie urbaine, le portait, la guerre et la situation économique internationale. Avec cette communication, et à l’aide de quelques caricatures représentatives des années 1920-1940, je me questionnerai sur la manière dont les œuvres de Bourgeois s’inscrivent dans l’histoire de cette modernité artistique. L’analyse du style et de l’iconographie des caricatures sera effectuée à partir de catégories regroupant les aspects de la modernité artistique québécoise proposés par Trépanier. 



En 2005, le Musée national des beaux-arts du Québec (désormais le MNBAQ) acquiert la collection d’art inuit Brousseau, qualifiée de «pôle identitaire au même titre que Jean-Paul Riopelle, Jean Paul Lemieux et Alfred Pellan ». Au MNBAQ, essentiellement tout espace est consacré en tout temps à l’art québécois. En effet, le mandat étant de promouvoir et conserver l’art québécois, le récit se caractérise par l’homogénéité culturelle de la collection. Or, l'inscription de l'acquisition dans la mise en scène permanente s’avère problématique en raison de sa particularité marchande et canadienne. Aussi, le transfert en 1983 de la collection ethnographique d’objets amérindiens au Musée de la civilisation du Québec avait permit au MNBAQ de se consacrer entièrement à l’art. Après presque trente ans d’absence, on peut se demander où le Musée se positionne maintenant à l’égard de la nouvelle présence autochtone. Il s’agit donc d’un changement récent et important dans l’histoire et dans l’orientation de la collection du Musée. La situation suscite une pondération autour d’un nouveau dialogue, établit entre art inuit et québécois. Nous nous fions surtout sur des entrevues, des observations sur le terrain et de la recherche archivistique. L’insertion de cette collection substantielle développée a priori sans rapport à la celle du MNBAQ invite à repenser le récit global muséal, surtout en ce qui a trait à la transition discursive en cours autour du nouveau complexe muséal.