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De même que l’œuvre de Louis Ménard (1822-1901) reste largement ignoré de la postérité littéraire, le recueil commémoratif élaboré en son honneur par Édouard Champion passe inaperçu dans le corpus de « tombeaux » dont la communauté critique s’est efforcée, ces vingt dernières années, de définir les caractéristiques génériques. Pourtant, l’originalité formelle du Tombeau de Louis Ménard (1902) est digne d’intérêt : cet ouvrage ne respecte ni la configuration canonique établie à la Renaissance et imitée au XIXe siècle (avec Le Tombeau de Théophile Gautier), ni le renouveau mallarméen du poème tombal autonome et isolé (« Le Tombeau d’Edgar Poe », « Le Tombeau de Charles Baudelaire »). Il s’agit plutôt d’un recueil de lettres composées en réponse aux sollicitations d’Édouard Champion, fils du célèbre éditeur, qui désire honorer la mémoire du défunt dont il ne découvrit l’œuvre que deux années auparavant, à l’âge de seize ans.

Le recours à la forme épistolaire constitue une déviation générique majeure. Nous démontrerons que celle-ci est motivée par un continuel glissement du discours épidictique – prescrit par le contexte funèbre – au discours judiciaire. En effet, l’idée est moins d’encenser le trépassé que d’inviter à une relecture de son œuvre, relecture orientée par des témoignages qui assurent la défense de Ménard contre, d’une part, les croyances polythéistes dont on pourrait lui tenir rigueur et, d’autre part, la bizarrerie, voire la misanthropie qui accompagne son souvenir.

La « critique des traductions » fait partie des sous-disciplines de la traductologie depuis que James Holmes a publié une première cartographie du domaine en 1972. Dès lors, le nombre de théories sur le sujet ne fait qu’augmenter, tandis que les études sur le champ montrent qu’il existe un véritable fossé entre les propos critiques des spécialistes et ceux du lectorat moyen (Audet 2009; Doyle 2018; Desai 2020). Le Canada est un cas particulier en traductologie : en plus de disposer de deux prix nationaux en traduction, l’État finance chaque année la traduction de plusieurs dizaines d’œuvres. Pourtant, on en sait peu sur le processus évaluatif qui précède la remise de ces prix, et les rétroactions des jurys n’ont jamais été soumis à une étude approfondie.

Dans cette communication, une lacune historique est d'abord comblée en présentant le contexte qui a mené à la création du Prix de traduction John-Glassco et de la catégorie Traduction des Prix littéraires du Gouverneur général. Une analyse des critères d’admissibilité à ces prix et des quelques rares « directives » d’évaluation rédigées par certains membres du jury pour coter les traductions gagnantes est ensuite proposée. Les documents d’archives ainsi examinés témoignent de l’étonnante diversité qui caractérise les critères d’évaluation utilisés, même parmi les experts canadiens, et renseignent les lecteurs, les traducteurs et les critiques sur les présupposés que nous détenons tous sur la traduction littéraire (Vanderschelden 2000).

Derrière la servilité de l’homme civilisé, dans les profondeurs abyssales de l’esprit humain se cache le cerveau reptilien qui précède l’arrivée de la raison, et y survit. C’est souvent en deçà de la conscience que l’écrivain d’horreur puise son inspiration; plus précisément, l’écrivain d'horreur est conscient qu’il joue sur des peurs et des pulsions plus ou moins conscientes. Sur la scène contemporaine, un auteur prolifique a su puiser dans les tréfonds de la noirceur de l’âme humaine afin de terroriser un lectorat massif : Stephen King. Il s’agit d’un illustre auteur américain d’horreur, de suspense, de science-fiction et de fantastique. Il a publié plus de cinquante romans dont plusieurs ont bénéficié d’une adaptation cinématographique. À travers la communication qui s’intitule « Une généalogie de l’histoire d’horreur : la vision de l’écriture et de l’horreur de Stephen King à partir d’Écriture et d'Anatomie de l'horreur », nous proposons de présenter une synthèse et une critique de la vision de l’écriture et de l’horreur de Stephen King en nous basant sur ses deux essais. À noter qu’il existe chez chaque auteur une poétique théorique (essais, articles, entrevues, etc.) et une poétique pratique (nouvelles, romans, films, etc.) et que nous nous concentrerons sur la première, telle qu’elle se présente dans les deux livres du corpus d’étude.

Plusieurs intervenants du milieu cinématographique québécois s’entendent pour dire que l’adaptation est de plus en plus présente dans le cinéma québécois. Aucune vérification de cette hypothèse n’ayant été réalisée, nous avons décidé de vérifier s’il y a réellement eu une augmentation du nombre d’adaptations cinématographiques au Québec au cours des dernières années. Nous vous proposons donc un résumé de notre démarche statistique, ainsi qu’un aperçu de nos conclusions.

 

Comme il n’existe, à ce jour, aucune publication faisant l’inventaire des adaptations cinématographiques québécoises produites après 1997, nous avons dû d’abord créer notre propre répertoire selon des critères clairement définis. Par ailleurs, nous avons choisi de ne considérer que les longs métrages d’adaptations destinés au cinéma afin de restreindre sensiblement notre corpus. Ainsi, nous avons relevé 133 longs métrages d’adaptations destinés au cinéma produits au Québec entre 1992 et 2010.

 

En organisant les données en tableaux et en graphiques, nous avons pu observer la variation du taux d’adaptations au fil du temps et identifier l’année 1998 comme étant une année charnière. De fait, le taux d’adaptations par rapport à la production destinée au cinéma croit considérablement dès 1998. En mesurant l’écart entre l’avant et l’après 1998, nous observons une croissance de près de 10%. Cette hausse importante soulève d’ailleurs plusieurs questions quant à l’origine de cet engouement soudain pour l’adaptation.

Dans le but de découvrir les stéréotypes relatifs à l'exposition muséale, une analyse sémiotique et communicationnelle a été menée sur un corpus de spots publicitaires télévisés européens et nord-américains, réalisés entre 1975 à 2011. L'originalité de la recherche réside dans le choix de ce corpus permettant de saisir les représentations socialement associées à l'exposition non pas in situ via des entretiens avec les visiteurs et/ou l'observation de leurs pratiques de visite mais dans l'image publicitaire. Il ressort que l'image publicitaire s'appuie majoritairement sur le stéréotype du musée-temple c'est-à-dire une institution à l'architecture néo-classique dont l'exposition sert principalement à la présentation sacralisante et à la protection d'oeuvres d'art - précisément de chefs-d'œuvre. Cela dit, il n'en demeure pas moins que des indices liés au stéréotype du musée-forum sont également présents en filigrane via l'intégration au sein du décor d'éléments de médiation et surtout par la mise-en-scène donnant à voir des expositions fréquentées par des visiteurs qui échangent à propos de ce qui leur est montré. Moins vraisemblable mais tout aussi intéressante, l'image de l'exposition muséale dans la publicité véhicule la figure d'un visiteur-anti-héros qui transgresse plus ou moins violemment mais systématiquement les conventions muséales socialement admises.

L'âge d'or du spectacle burlesque québécois, que l'on peut situer aux années 1930 à 1950, correspond également à une période d'arrêt quasi total de l'émigration canadienne-française vers les états de la Nouvelle-Angleterre. C'est pendant ces deux décennies que s'établit aussi la carrière de directeur de tournées de Jean Grimaldi, qui fera connaître les artistes populaires montréalais à l'ensemble de la province, ainsi qu'aux communautés franco-américaines.

Quels sont les circonstances et les paramètres de la popularité de ces tournées au Sud de la frontière, dans cette période de rupture temporaire des chaînes migratoires unissant le Québec et les États-Unis? Qu'est-ce que nous révèle la composition de ces spectacles de variétés sur l'échange culturel entre les deux nations? 

Par une approche d'histoire culturelle s'inspirant de la sociologie des arts, nous avons consulter la littérature présente sur la question du burlesque québécois, ainsi que les archives personnelles et professionnelles de Jean Grimaldi pour étudier la composition de ces spectacles et la portée des tournées les produisant. 

Il apère à la lumière de nos recherches que ces spectacles, d'inspiration américaine directe, intégraient des paramètres locaux propres à la communauté canadienne-française et étaient présentés comme répondant à ses critères moraux. Nous observons aussi l'importance des sociétés et des associations nationalistes et cléricales dans l'encadrement et l'accueil des troupes aux États-Unis.

Intitulé « Nouvelles perspectives sur la scène techno : du populaire à l’underground, entre unité et cohabitation », mon mémoire de maitrise (2019-2021), par son double ancrage en musicologie et en études culturelles, a nécessité que je me pose la question : de quels outils méthodologiques peut-on s’emparer pour approcher les pratiques culturelles non institutionnalisées comme les communautés musicales underground ?

Fréquentant la scène depuis 2018, j’ai diffusé un questionnaire sur Internet (n= 336) au sein des communautés techno locales présentes sur les réseaux sociaux. Au terme de quinze entretiens semi-dirigés (automne 2021), j’ai fait émerger le discours des amateur-trices de techno sur la scène en utilisant l’image. J’ai répété l’exercice avec la musique pour saisir le sens que les auditeur-trices lui donnent. M’inspirant des travaux de Sophie Turbé avec la scène métal (2014), j’ai proposé aux participant-es de produire, à l’aide d’un outil de tableau blanc numérique, une cartographie de la scène techno locale, basée sur leur perception. Ces productions leur ont permis de se positionner au sein de l’écosystème local et de construire un discours sur la musique. La combinaison des résultats des différentes approches a permis de saisir les dynamiques à l’œuvre dans le milieu.

Cette communication permettra de démontrer que cette démarche, basée sur un processus participatif, favorise le transfert de connaissances et permet d’approcher des pratiques non institutionnalisées.

Si les motifs symboliques du conte se transforment au fil des époques pour «s’adapter» à l’imaginaire collectif contemporain (Belmont, 2007), il apparaît que les différentes métamorphoses du conte, qui révèlent les mutations importantes de notre époque, ne remettent pas en question la fin, c’est-à-dire le mariage, comme processus d’agrégation. Ce motif matrimonial particulièrement récurrent, et l’attachement qu’on y perçoit dans les albums illustrés pour la jeunesse, encourage, selon nous, certains types de stéréotypes, ainsi que des pratiques «attendues» de la jeune fille ou du jeune garçon d’aujourd’hui. Lu dès le plus jeune âge par les enfants et leurs parents, le conte construit très tôt un certain type d’imaginaire et réitère, par cela, un certain modèle du mariage hétéronormatif comme norme sociale. Ainsi, nous verrons que si les réécritures contemporaines ne peuvent plus répondre à l’appellation de contes dans la mesure où elles ne constituent plus un vecteur d’apprentissage culturel et social au même titre que les contes classiques et populaires (Amalvi, 2008), la prégnance du mariage dans les albums pour la jeunesse questionne cette affirmation en proposant, au contraire, que le conte serait plutôt, toujours et encore, au cœur de pratiques rituelles sociales et surtout, qu’il en marquerait son importance.

Durant les années 1920, à une époque où le cinéma muet s’imposait progressivement dans le monde, la critique de cinéma en France se construit en liaison avec d’autres formes de critiques. Plusieurs critiques deviendront des personnalités associées au cinéma : Louis Delluc sera à la fois critique et réalisateur; Léon Moussinac, critique et historien du cinéma. Pourtant, les modalités d’écriture de la critique de cinéma sont imprécises et ouvertes à diverses influences.

En nous basant sur un corpus de textes de Lucien Wahl, journaliste de cinéma omniprésent dans les discours de cette époque, nous montrerons qu’à un moment de grands bouleversements de l’art cinématographique (l’avènement du cinéma parlant et sonore), un glissement – ou un retour – à la littérature peut être observé. Cette démonstration se fondera sur les articles de Wahl intitulés « Les films et les livres », publiés dans le quotidien L’Information dès septembre 1928. Nous traiterons la réinscription de ces articles en relation avec d’autres textes portant uniquement sur le cinéma ainsi qu’autour des liens présentés entre les objets filmiques et livresques. Dès lors, nous expliquerons que la critique de cinéma se pense, en cette fin des années 1928, toujours en relation avec la littérature.

Depuis l’avènement de l’ère numérique et du Web, les usages des archives se sont élargis et les usagers multipliés. À travers les bouleversements du contexte d’organisation et de diffusion des archives occasionnés par la révolution numérique et le Web et la critique postmoderne en archivistique se dessine une nouvelle vision archivistique plus axée sur les usages des archives et leur exploitation que sur leur conservation. Cependant, la connaissance et les fondements théoriques des usages des archives sont peu couverts en archivistique. Dans l’objectif de repenser la conception des usages, nous proposons de faire le point sur leur situation actuelle afin d’en faire ressortir les enjeux principaux. Basée sur une synthèse de la littérature en archivistique, en sciences de l’information et en sociologie des usages, notre analyse critique des notions et concepts connexes à celle d’usage permet de mettre en perspective et de repenser la façon d’envisager les usages des archives en archivistique. Les types et typologies ainsi que les théories et modèles liés aux usages des archives sont ensuite explorés comme autant de pistes de solutions pour fonder une vision renouvelée des usages en archivistique.

Tout en poursuivant leurs collectes d’objets anciens, les musées posent aujourd’hui un regard sur l’actuel et intègrent à leurs collections des objets contemporains. En rupture avec les pratiques muséales traditionnelles, la collecte du contemporain les oblige à choisir dès maintenant les témoins qui nous représenteront plus tard. Ce désir de conserver « l’aujourd’hui pour demain » renvoie à la notion de patrimoine et aux enjeux de la constitution des collections muséales. Cette tendance touche maintenant tous les types de musées, en Amérique du Nord comme en Europe. Comment cet intérêt pour la collecte des objets contemporains s’est-il développé? Quels motifs ont favorisé cette ouverture des collections et incité les musées à y intégrer des objets appartenant à un passé de plus en plus récent, voire au présent? Nous croyons que cette réflexion du musée sur l’actuel s’est développée parallèlement à l’élargissement de la notion de patrimoine, encouragée également par d’autres facteurs contextuels caractéristiques de la société de consommation. À partir de différents exemples européens et nord-américains, nous présenterons les enjeux de la collecte du contemporain et les particularités de celle-ci selon différents types de musées. Ainsi, il nous sera possible de cerner l’évolution de cette tendance muséale.





Pour Marcel Proust, écrire la mère implique de penser la mère sous les différentes formes par lesquelles elle est perçue, à la fois dans la vie, la présence, la beauté, et dans le malgracieux, l'étrange et le grotesque de la maladie, mais aussi dans l'inconnu de la mort, la violence de la perte et l'ingratitude de l'oubli. Pour écrire cet autre versant de la mère, Proust a besoin d'une autre figure, d'une autre mère, pour écrire le maternel tel que perçu par la sensibilité propre à son narrateur ; il doit créer une statue qui pourra porter la trace de la « main impie » de l'écrivain. Sur la statue que façonne le narrateur, c'est-à-dire la fixation dans l'écriture de ce spectacle de la mort, on peut déceler la trace d'un rire, un rire angoissé devant l'horreur. Je propose, dans cette communication, d'interroger ce rire, que la critique proustienne a souvent soit laissé dans le silence ou expliqué par une filiation philosophique. Pour ma part, je veux présenter en quoi ce rire est non seulement un trait tout à fait singulier de l'« art vivant » proustien, mais aussi une étape essentielle dans l'écriture de la Recherche.

Le cinéma atmosphérique est une typologie architecturale des années 1920 dont l’ornementation s’inspire de cultures exotiques telles que l’Espagne Maure, l’Égypte et la Chine. L’auditorium du cinéma atmosphérique plonge le spectateur dans un environnement extérieur simulé de toutes pièces, par le biais de végétation artificielle et d’éléments architecturaux fictifs tels que des toits et des balcons qui magnifient l’illusion de cette immersion spatiale.

 

Trois cinémas atmosphériques Canadiens seront à l’étude: l’Empress de Montréal (1927), d’inspiration égyptienne; l’Orpheum de Vancouver (1927), d’inspiration hispano-baroque; et le Capitol de Port Hope (1930), d’inspiration médiévale. Cette recherche s’intéresse à la définition du cinéma en tant qu’hétérotopie, terminologie utilisée par Michel Foucault dans sa conférence de 1967 intitulée “Des Espaces Autres.” Foucault définit l’hétérotopie comme un espace permettant la juxtaposition, en un seul et même lieu réel, de plusieurs espaces qui sont en eux-mêmes incompatibles. En tant qu’hétérotopies, l’Empress, l’Orpheum et le Capitol brouillent les contraintes spatio-temporelles en réunissant dans un seul et même bâtiment des cultures qui seraient autrement irréconciliables.

 

Cette recherche démontre que le cinéma atmosphérique est une typologie architecturale qui transcende la matérialité du bâtiment. Le caractère hétérotopique du lieu est ainsi lié à la fiction cinématographique, pour devenir une architecture de l’imagination.

Composé en 1964, « Mon pays » de Gilles Vigneault est considéré comme l’un des hymnes emblématiques du Québec. Métaphorisant par l’hiver la beauté et parfois l’arduité de la nation, le texte de Vigneault se présente comme un panégyrique d’un Québec encore en devenir, mais mu par un amour et un nationalisme profonds. Plus de cinquante ans plus tard, l’influence de ce texte ne tarit toujours pas, ce qu’atteste la sortie de S’armer de patience d’Ivy, figure centrale du slam montréalais. En effet, la piste liminaire de cet album, s’intitulant à son tour « Mon pays », ne reprend pas uniquement le titre de Vigneault, mais agit, à la manière d’un palimpseste, comme sa réécriture. En empruntant des formules phares de son prédécesseur, Ivy détourne le traitement apologique du pays vigneaultien pour le teinter de nuances beaucoup plus dysphoriques. Il s’agira dans cette communication d’analyser, selon une approche poétique et stylistique, les procédés qu’Ivy déploie dans son texte pour brosser le tableau d’un Québec désenchanté, critique dont l’efficacité réside dans le déplacement cynique de son intertexte. Au-delà de cette visée plus ponctuelle, mon propos cherchera, par ricochet, à inscrire le discours d’Ivy dans un mouvement plus englobant, celui de la poésie orale contemporaine contestataire. Enfin, malgré son importance incontestable pour le slam québécois, la production d’Ivy a encore peu rejoint la critique savante, d’où, en partie, l’originalité de cette contribution.  

Avec Vidéogrammes d’une révolution (1992), Out of the Present (1995) et L’autobiographie de Nicolae Ceausescu, le cinéaste roumain Andrei Ujica a créé une trilogie filmique sur la fin du communisme en Europe de l’Est. Ce sont des films réalisés à partir des images d’archive, prises tantôt par les professionnels de l’image, tantôt par les amateurs, et dont la valeur est avant tout testimoniale. Ma communication portera sur la pratique du montage et du remontage des images d’archive chez Andrei Ujica afin d’interroger la façon dont l’histoire est ici figurée, configurée, reconfigurée par la technique (art et procédé) du montage. Quelles "figures de l'histoire" (Jacques Rancière) construit-elle? Quelles formes de savoir en découlent ? Quels comportements analytiques et quels gestes critiques suscite-t-elle ? Quelle histoire culturelle et intellectuelle propose-t-elle ? Ce sont des questions qui me permettront d'inscrire ma communication dans une perspective plus large visant l’étude des modalités et des régimes de figuration qui découlent de l’observation minutieuse des pratiques visuelles contemporaines, afin de mieux comprendre l'intérêt tout particulier que la pensée et la sensibilité contemporaines accordent au jeu des figures et du figural.

En réaction au chambardement technologique sans précédent causé par la « révolution numérique » au tournant des années 2000, la communauté scientifique a établi au cours de ces vingt dernières années le besoin urgent de penser la transition numérique. Le cinéma d'Abdellatif Kechiche constitue un cas exemplaire pour penser l'émergence et le développement du cinéma numérique, en cela que l'œuvre du cinéaste franco-tunisien est née des technologies analogiques, s’est adaptée à celles du numérique avant de pleinement expérimenter leur potentiel. Afin d’éviter les écueils des approches déterministes auxquels s'exposent fréquemment les réflexions technologiques, nous observerons dans la présente communication comment les innovations pratiques et esthétiques de son cinéma résultent de complexes négociations entre la performance numérique de ses techniques cinématographiques et les problématiques sociales et économiques de l’immigration en France dans la deuxième moitié du XXe siècle. Les résultats préliminaires de cette étude résultent d'une approche génétique dont l'objectif vise à reconstituer, par un travail d’archives et d’entrevues, le développement technique et pratique du cinéma d'Abdellatif Kechiche, ainsi qu’à retracer le contexte sociétal dans lequel a évolué une telle pratique technique. En poursuivant la construction du savoir numérique, ce projet satisfait le besoin concret d’avoir les moyens théoriques nécessaires pour appréhender toute innovation technologique.

La mode est l’une des plus évidentes manifestations de la culture. Elle est issue de l’interaction entre les individus et le monde dans lequel ils évoluent. Aussi, dans une société de l’image et du spectacle comme la nôtre, la mode prend une importance capitale. Si bien que plus personne n’échappe aux courants esthétiques pas même les gens qui prétendent ne pas être influencés par ceux-ci. Pendant longtemps, la mode s’est limitée aux vêtements, aux coupes de cheveux et aux accessoires tels que les chapeaux, les chaussures, les sacs à main et les bijoux. Mais avec le développement du rapport ludique au corps depuis les années 1970, la stagnation de l’évolution des vêtements depuis les années 1980 et l’importance grandissante accordée au corps depuis les années 1990, les signes de l’apparence ont changé. À partir d’une approche à la fois historique, sociologique et sémiologique, nous démontrons que la peau et ses phanères (poil, cheveux et ongles) sont devenus les signes de l’apparence qui font la mode et qui identifient le mieux la pensée et l’agir de l’homme social d’aujourd’hui.

Cette présentation porte sur la représentation symbolique des problématiques sociaux et politiques contemporains dans trois fictions historiques télévisées: La Pola (Colombie), Martín Rivas (Chili) et Lo que el tiempo nos dejó (Argentine), toutes diffusées en 2010 lors de la célébration du Bicentenaire de l'Indépendance dans ces pays. Le but est de présenter quelques résultats de ma thèse de doctorat en explorant comment ces fictions télévisées servent de médiateurs aux préoccupations et aux valeurs culturelles du citoyen contemporain, comment son contexte de production influence la fiction historique et les conséquences idéologiques et politiques qui en découlent. Je propose une interprétation et une interpellation des citoyens imaginés de chaque pays, dont la narration provient d’une intertextualité et intermédialité, dans certains cas, entre l’histoire «officielle», la littérature, le cinéma, les médias et les conflits sociaux encore non résolus dans le présent. Dans le cadre fictionnel des téléséries, le passé de chaque société est représenté pour justifier un présent collectif.  À travers les propositions sur le mélodrame de Peter Brooks, Jesús Martín-Barbero et Carlos Monsiváis ainsi que le concept des lieux de mémoire de Pierre Nora, j’analyserai comment cette représentations «ne constitue pas une forme fictionnelle ou médiocre mais une tentative pour répondre aux changements sociaux en cours».

Cette communication portera sur les fondements de la mésocritique. Il s'agit d'une perspective d’analyse développée dans le cadre de notre thèse de doctorat. Elle  s'intéresse à la représentation de la spatialité dans les œuvres de fiction en général et les jeux vidéo en particulier. S’ensuivra une description de la méthode correspondante, l’analyse mésogrammatique.  

La mésocritique s’intéresse plus spécifiquement à la mise en configuration de médiances (Berque 2000) au sein de récits de fiction, c’est-à-dire à la mise en configuration des rapports techniques et symboliques qui unissent une société donnée à son environnement, lesquels rapports sont constitutifs des milieux humains et témoignent d’un habiter propre à chacun d’entre eux. Le relevé de cette configuration – le fruit de l’analyse mésogrammatique – s’appelle le « mésogramme ».   

Nous illustrerons la mésocritique et l’analyse mésogrammatique à l’aide d’une lecture de Dead Rising 3. Nous montrerons comment ce jeu vidéo met en scène la transformation du milieu urbain propre à la ville globale et à son habiter en faisant de ses non-lieux (Augé 1992) des entre-lieux (Turgeon 1998). C’est donc le mésogramme du jeu que nous décrirons ici.  

Références bibliographiques :

AUGÉ, M. (1992). Non-lieux : Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil.

BERQUE, A. (2000). Écoumène : Introduction à l´étude des milieux humains, Paris, Belin.

TURGEON, L. (dir.) (1998). Les entre-lieux de la culture, Sainte-Foy, PUL.

Le but de ma présentation est d’analyser les jeux vidéo de type documentaires. Qu’est-ce qui permet de considérer un jeu comme  un documentaire?

Notre culture visuelle a privilégié l’empreinte physique comme preuve pour donner force de vérité à un document. Puisqu’un jeu vidéo n’a aucune trace visible de la réalité, les développeurs ont misé sur les capacités simulatrices et interactives des jeux. En jouant avec le système de règles d’un jeu qui simule un système social un joueur peut comprendre les forces qui donnent forme à une société. Or, quels sont les moyens qui favorisent une lecture documentarisante d’un jeu vidéo?

Roger Odin dans De la fiction théorise que si la lecture documentarisante est possible dans les films documentaires, c’est par la construction d’un énonciateur réel en contraste avec l’énonciateur fictif des films de fictions. La construction de ce type d’énonciateur se réalise par des faisceaux de détermination qui modulent le sens chez les spectateurs. Ces faisceaux peuvent prendre de multiples formes : publicités, interviews, titre, auteurs, démarches artistiques, etc…

Il faut adapter la théorie d’Odin aux jeux vidéo. Mon hypothèse est que l’énonciateur réel y prend forme au travers de trois entités : la simulation, le développeur, et le joueur. Afin de démontrer mon hypothèse, j’utiliserai plusieurs exemples allant à des jeux de fiction comme Assassin’s Creed 2 (Ubisoft 2009) en passant par des jeux documentaire comme JFK: Reloaded (Traffic Software 2004). 

Résumé : Notre communication a pour ambition de présenter les plus récents résultats de recherche dans le domaine d’art scénique québécois. En évoquant deux exemples théâtraux Inferno de Bill Vorn (Montréal, Usine C, 2017) et Temporel de Lemieux Pilon (Montréal, Place des Arts, 2017), nous souhaitons défendre l’hypothèse selon laquelle ces deux créations artistiques produisent une rupture épistémique majeure par rapport à la conception dramaturgique traditionnelle. Basées sur la méditation technologique comme le vecteur narratif principal et non pas sur le récit dramatique, ces œuvres prennent la valeur emblématique d’un nouveau langage scénique, actuellement très débattu à l’intérieur du champ de l’intermédialité théâtrale. S’appuyant sur les théories les plus récentes[1], nous proposons la mise en perspective de ce langage ainsi que des effets qu’il produit lors d’une représentation théâtrale. En particulier, nous nous intéresserons à la dimension sonore dans la construction du lieu atmosphérique et aux différentes modalités de la substitution du corps (corps machinique, corps numérique) contribuant à la création d’un environnement immersif. Ainsi, notre présentation servira à comprendre comment s’articule structurellement la question du nouveau langage scénique au processus techno-artistique.

 

 

 

[1] Jean-Marc Larrue (dir.), Théâtre et intermédialité, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2015.

Les villes d’Algérie ont subi des phénomènes très spécifiques de déstructuration de leurs cadres spatiaux durant la colonisation au début du XIX siècle. 

Si la première période de la colonisation française se caractérisait par l’emploi du style néo- classique, interprétant ainsi la force du style du vainqueur. Le style adopté dans la seconde période semble être celui de la réconciliation avec les populations indigènes. C’est le style néo-mauresque, ou le style protecteur.

Le style neo-mauresque se présente comme une tentative de réinterprétation des valeurs du patrimoine architectural et urbain traditionnel dans les constructions coloniales, une manière d’arabiser le cadre bâti.

Les architectes français ont puisé largement dans le vocabulaire maghrébin. En Algérie, on compte un nombre important de bâtiments arabisés et qui répondent à des besoins moderne, tels que: la grande poste d’Alger, la gare de Bône, l’hôtel Cirta Constantine; pour des fonctions qui n’existaient pas dans la ville traditionnelle.

Ce métissage entre deux cultures et deux architectures contradictoires a donné naissance un style très raffiné.

La présente contribution portera sur le style néo-mauresque à travers l’analyse d’une série de bâtiments publics revenant à la période coloniale dans la ville de Skikda ex Philippeville.

Il s’agit de l’hôtel de ville avec son minaret, qui fait abstraction à la mosquée, et aussi du commissariat et la banque centrale qui nous rappellent aussi les demeures arabo-musulmane.

Gilles Deleuze a écrit Proust et les signes tout juste après la parution de son livre sur Kant. Sans doute n’est-ce pas un hasard : dans La philosophie critique de Kant, il explique que la subjectivité kantienne est dotée de facultés actives – pensons à l’entendement et à la raison – dont l’exercice transcendantal s’effectuerait de façon autonome vis-à-vis de l’expérience; tandis que, dans son étude sur Proust, Deleuze substitue au sujet actif kantien l’idée d’un sujet passif chez qui les facultés ne s’exerceraient qu’involontairement, c’est-à-dire sous la violence de signes matériels qui s’imposeraient à lui depuis la réalité extérieure. C’est dire que, contrairement à Kant, l’activité de la pensée en général requiert pour Deleuze une expérience concrète de laquelle dépendraient toutes les facultés relevant de l’ordre du transcendantal. Ainsi la pensée devient-elle l’affaire non plus d’un exercice autonome, comme c’est le cas dans la philosophie kantienne, mais de rencontres intrusives. Et pourtant, selon Deleuze, Kant avait lui-même déjà préparé une telle perspective de la subjectivité humaine comme sujet passif, notamment avec sa conception du sublime, tirée de sa critique du jugement. Ce qui nous occupera, c’est donc la distorsion que Deleuze a opéré sur le kantisme pour en faire émerger une pensée de la rencontre et de l’intrusion – pensée qu’il a développée dans son livre sur Proust, chez qui il voit un successeur de Kant en tant que penseur du transcendantal.



Dans cette communication, nous examinons les représentations de l'oral dans la bande dessinée Les passagers du vent (7 vol, 1979-2010) de François Bourgeon. Reconnue pour sa rigueur historique, cette oeuvre met en récit des personnages issus d’époques, de lieux et de milieux différents offrant ainsi une vaste palette à la représentation du français. Souvent analysée du point de vue récit/image, la bande dessinée a été peu examinée sous l’angle linguistique. Dans une perspective sociolinguistique et discursive, nous verrons l’apport de la cohabitation textuelle de plusieurs variétés de français (hétérolinguisme, Grutman, 1997) dans la composition du cadre diégétique. Compte tenu des difficultés de représentation d’une oralité datant du 18e siècle, nous interrogerons la relation de l’oral à l’écrit ainsi que la complémentarité de sens entre texte et image.

En procédant par comparaison linguistique (vocabulaire, prononciation, grammaire) nous exposerons les stratégies de différenciation entre divers groupes de personnages. Ensuite, nous nous pencherons sur des considérations littéraires : quel est l’impact de la représentation des diversités langagières dans la composition d’un récit ? En quoi l’oral est un indicateur du  cadre diégétique ? Comment la manifestation du parler en vient à « décrire » les personnages ? Enfin, en gardant à l’esprit le souci de réalisme historique de la série, nous examinerons la manifestation des divers « effets de langue » (Gauvin, 2000) à l'oeuvre.

 Nous souhaitons investiguer un objet d'étude méconnu, le reportage de guerre des premiers temps, en France, sous le Second Empire, en appréhendant ce genre journalistique dans une nouvelle perspective ouverte sur un croisement fertile entre littérature et presse écrite. Notre communication s'efforcera de mettre à jour un des "maillons de transition" jusqu'à maintenant manquant de l'histoire du journal en remontant aux origines d'une pratique échappant toujours à un protocole d'écriture rigide, et dont l'ancrage référentiel n'empêche nullement les emprunts à la fiction. Puisque presse et littérature étaient, au XIXe siècle, fortement en corrélation, nous jugeons pertinent d'interroger le reportage de guerre, ce récit d'expérience du monde, à la fois dans ses dimensions médiatiques spécifiques et dans ses traits fictionnels. À l'instar d'autres genres du journal, le reportage de guerre applique aux évènements un traitement subjectivé dont les enjeux se situent tant du côté de la réalité que de la fiction. Aussi, comptons-nous identifier les traits constitutifs d'une poétique spécifique du reportage de guerre tel qu'il apparait dans sa forme émergeante en France et ce, à travers les figures de cinq reporters (Edmond About, Amédée Achard, Jules Claretie, Ernest Dréolle et Albert Wolff), qui, durant les guerres franco-italienne, austro-prussienne et franco-prussienne, ont contribué à l'essor extraordinaire que connaitra le grand reportage au cours de la Belle-Époque.