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L'âge d'or du spectacle burlesque québécois, que l'on peut situer aux années 1930 à 1950, correspond également à une période d'arrêt quasi total de l'émigration canadienne-française vers les états de la Nouvelle-Angleterre. C'est pendant ces deux décennies que s'établit aussi la carrière de directeur de tournées de Jean Grimaldi, qui fera connaître les artistes populaires montréalais à l'ensemble de la province, ainsi qu'aux communautés franco-américaines.

Quels sont les circonstances et les paramètres de la popularité de ces tournées au Sud de la frontière, dans cette période de rupture temporaire des chaînes migratoires unissant le Québec et les États-Unis? Qu'est-ce que nous révèle la composition de ces spectacles de variétés sur l'échange culturel entre les deux nations? 

Par une approche d'histoire culturelle s'inspirant de la sociologie des arts, nous avons consulter la littérature présente sur la question du burlesque québécois, ainsi que les archives personnelles et professionnelles de Jean Grimaldi pour étudier la composition de ces spectacles et la portée des tournées les produisant. 

Il apère à la lumière de nos recherches que ces spectacles, d'inspiration américaine directe, intégraient des paramètres locaux propres à la communauté canadienne-française et étaient présentés comme répondant à ses critères moraux. Nous observons aussi l'importance des sociétés et des associations nationalistes et cléricales dans l'encadrement et l'accueil des troupes aux États-Unis.

La disparition des témoins de l’Holocauste et une plus grande ouverture des fonds d’archives de l’Occupation (1940-1945) en France ont incité des descendants, héritiers de traumatismes transgénérationnels, à commencer leur généalogie. Les documents recherchés sont souvent imprégnés par différentes attributions (répression, anéantissement, réparation, réconciliation). Traversant des temps de constitution, de sauvegarde et de réutilisation, ces documents ont « une portée signifiante qui change en fonction des effets souhaités par les utilisateurs » (Klein et Lemay, 2013, p. 245). Au travers d’un cheminement généalogique personnel et l’étude des dossiers de déportés conservés à la Division des archives des victimes des conflits contemporains, ce projet a pour objectifs de recenser les conditions d’utilisation des archives en contexte généalogique et de décrire les implications de leurs exploitations sur le plan archivistique. Quelles sont les expériences vécues par les généalogistes en matière d’archives et de quelles manières les exploitent-ils? Qu’est-ce que la pratique généalogique est à même d’apprendre aux archivistes et quels rôles peuvent assumer ces derniers dans l’aide à l’exploitation généalogique des archives ? Quelles nouvelles fonctions peuvent être attribuées aux lieux archivistiques? Notre recherche favorisera une meilleure compréhension de l’expérience généalogique des archives pour les archivistes et les usagers tout en ouvrant de nouveaux champs de recherche.

Si les motifs symboliques du conte se transforment au fil des époques pour «s’adapter» à l’imaginaire collectif contemporain (Belmont, 2007), il apparaît que les différentes métamorphoses du conte, qui révèlent les mutations importantes de notre époque, ne remettent pas en question la fin, c’est-à-dire le mariage, comme processus d’agrégation. Ce motif matrimonial particulièrement récurrent, et l’attachement qu’on y perçoit dans les albums illustrés pour la jeunesse, encourage, selon nous, certains types de stéréotypes, ainsi que des pratiques «attendues» de la jeune fille ou du jeune garçon d’aujourd’hui. Lu dès le plus jeune âge par les enfants et leurs parents, le conte construit très tôt un certain type d’imaginaire et réitère, par cela, un certain modèle du mariage hétéronormatif comme norme sociale. Ainsi, nous verrons que si les réécritures contemporaines ne peuvent plus répondre à l’appellation de contes dans la mesure où elles ne constituent plus un vecteur d’apprentissage culturel et social au même titre que les contes classiques et populaires (Amalvi, 2008), la prégnance du mariage dans les albums pour la jeunesse questionne cette affirmation en proposant, au contraire, que le conte serait plutôt, toujours et encore, au cœur de pratiques rituelles sociales et surtout, qu’il en marquerait son importance.

Banat Al-Riyyad (2005) de Rajaa Al-Sanea a connu un grand succèss international. Traduit en plusieurs langues, il a suscité une importante couverture dans les médias internationaux, comme The New York Observer, The Observer, et Paris Match. Les critiques éditoriales du roman racontent une autre histoire. Elles lamentent presque unanimement la médiocrité littéraire du roman, mais applaudissent l’écrivaine pour avoir ouvert une fenêtre sur la société saoudienne. Le roman fut aussi le sujet de plusieurs articles par la traductrice, Marilyn Booth, dont la traduction anglaise fut considérablement révisée par l’écrivaine et les éditeurs. Ces articles se sont ajoutés au paratexte du roman et, en tant que tel, jouent un rôle dans la médiation du texte au lecteur cible. La traduction et la réception de Banat Al-Riyyad en Occident soulèvent des questions : quels sont les paradigmes qui sous-tendent la réception de la littérature féminine arabe en Occident ? Comment l’écrivaine arabe est-elle appropriée et reconstruite à travers ses écrits dans un contexte transnational déjà saturé de stéréotypes ? Et l’écriture comme geste de résistance peut-elle transformer la femme arabe d’un objet du regard masculin occidental à un sujet agissant ? S’inspirant d’une interprétation féministe de l’orientalisme, et utilisant l’analyse critique du discours, l’article examine ces questions en analysant les traductions anglaise et française du roman de Sanea ainsi que son paratexte.

Depuis l’avènement de l’ère numérique et du Web, les usages des archives se sont élargis et les usagers multipliés. À travers les bouleversements du contexte d’organisation et de diffusion des archives occasionnés par la révolution numérique et le Web et la critique postmoderne en archivistique se dessine une nouvelle vision archivistique plus axée sur les usages des archives et leur exploitation que sur leur conservation. Cependant, la connaissance et les fondements théoriques des usages des archives sont peu couverts en archivistique. Dans l’objectif de repenser la conception des usages, nous proposons de faire le point sur leur situation actuelle afin d’en faire ressortir les enjeux principaux. Basée sur une synthèse de la littérature en archivistique, en sciences de l’information et en sociologie des usages, notre analyse critique des notions et concepts connexes à celle d’usage permet de mettre en perspective et de repenser la façon d’envisager les usages des archives en archivistique. Les types et typologies ainsi que les théories et modèles liés aux usages des archives sont ensuite explorés comme autant de pistes de solutions pour fonder une vision renouvelée des usages en archivistique.

Tout en poursuivant leurs collectes d’objets anciens, les musées posent aujourd’hui un regard sur l’actuel et intègrent à leurs collections des objets contemporains. En rupture avec les pratiques muséales traditionnelles, la collecte du contemporain les oblige à choisir dès maintenant les témoins qui nous représenteront plus tard. Ce désir de conserver « l’aujourd’hui pour demain » renvoie à la notion de patrimoine et aux enjeux de la constitution des collections muséales. Cette tendance touche maintenant tous les types de musées, en Amérique du Nord comme en Europe. Comment cet intérêt pour la collecte des objets contemporains s’est-il développé? Quels motifs ont favorisé cette ouverture des collections et incité les musées à y intégrer des objets appartenant à un passé de plus en plus récent, voire au présent? Nous croyons que cette réflexion du musée sur l’actuel s’est développée parallèlement à l’élargissement de la notion de patrimoine, encouragée également par d’autres facteurs contextuels caractéristiques de la société de consommation. À partir de différents exemples européens et nord-américains, nous présenterons les enjeux de la collecte du contemporain et les particularités de celle-ci selon différents types de musées. Ainsi, il nous sera possible de cerner l’évolution de cette tendance muséale.



Le cinéma atmosphérique est une typologie architecturale des années 1920 dont l’ornementation s’inspire de cultures exotiques telles que l’Espagne Maure, l’Égypte et la Chine. L’auditorium du cinéma atmosphérique plonge le spectateur dans un environnement extérieur simulé de toutes pièces, par le biais de végétation artificielle et d’éléments architecturaux fictifs tels que des toits et des balcons qui magnifient l’illusion de cette immersion spatiale.

 

Trois cinémas atmosphériques Canadiens seront à l’étude: l’Empress de Montréal (1927), d’inspiration égyptienne; l’Orpheum de Vancouver (1927), d’inspiration hispano-baroque; et le Capitol de Port Hope (1930), d’inspiration médiévale. Cette recherche s’intéresse à la définition du cinéma en tant qu’hétérotopie, terminologie utilisée par Michel Foucault dans sa conférence de 1967 intitulée “Des Espaces Autres.” Foucault définit l’hétérotopie comme un espace permettant la juxtaposition, en un seul et même lieu réel, de plusieurs espaces qui sont en eux-mêmes incompatibles. En tant qu’hétérotopies, l’Empress, l’Orpheum et le Capitol brouillent les contraintes spatio-temporelles en réunissant dans un seul et même bâtiment des cultures qui seraient autrement irréconciliables.

 

Cette recherche démontre que le cinéma atmosphérique est une typologie architecturale qui transcende la matérialité du bâtiment. Le caractère hétérotopique du lieu est ainsi lié à la fiction cinématographique, pour devenir une architecture de l’imagination.

À l'occasion de l'exposition Chagall, Soulages, Benzaken... Le vitrail contemporain présentée en 2015 à la Cité de l'architecture et du patrimoine de Paris, Véronique David et Laurence de Finance ont présenté un texte réflexif sur la présentation du vitrail lors de manifestations culturelles. Qu'il s'agisse de sa nature, de son rapport à la lumière ou encore de sa distance et de sa position dans un édifice, les deux chercheuses ont montré que le vitrail est un médium qui s'intègre difficilement dans une institution muséale. En revanche, elles ont également proposé certaines solutions comme le détournement temporaire du vitrail de son statut d'art monumental ainsi que son remplacement par d'autres productions à l'instar de cartons ou d'échantillons. Dans cet état d'esprit, le Musée des métiers d'art du Québec (MUMAQ) a inauguré, en janvier 2023, une exposition temporaire consacrée à l'artiste et maître verrière québécoise Lyse Charland Favretti. Placée sous mon commissariat, cette exposition souhaite faire avancer la recherche sur le vitrail contemporain tout en proposant des solutions quant à sa monstration au Québec. Ainsi, cette communication a pour but d'étudier l'engagement du Musée des métiers d'art du Québec dans la valorisation et la présentation du vitrail au sein des institutions muséales québécoises tout en proposant un regard critique sur ma propre expérience de commissaire spécialiste du vitrail à partir d'outils théoriques empruntés, entre autres, à la muséologie.

Composé en 1964, « Mon pays » de Gilles Vigneault est considéré comme l’un des hymnes emblématiques du Québec. Métaphorisant par l’hiver la beauté et parfois l’arduité de la nation, le texte de Vigneault se présente comme un panégyrique d’un Québec encore en devenir, mais mu par un amour et un nationalisme profonds. Plus de cinquante ans plus tard, l’influence de ce texte ne tarit toujours pas, ce qu’atteste la sortie de S’armer de patience d’Ivy, figure centrale du slam montréalais. En effet, la piste liminaire de cet album, s’intitulant à son tour « Mon pays », ne reprend pas uniquement le titre de Vigneault, mais agit, à la manière d’un palimpseste, comme sa réécriture. En empruntant des formules phares de son prédécesseur, Ivy détourne le traitement apologique du pays vigneaultien pour le teinter de nuances beaucoup plus dysphoriques. Il s’agira dans cette communication d’analyser, selon une approche poétique et stylistique, les procédés qu’Ivy déploie dans son texte pour brosser le tableau d’un Québec désenchanté, critique dont l’efficacité réside dans le déplacement cynique de son intertexte. Au-delà de cette visée plus ponctuelle, mon propos cherchera, par ricochet, à inscrire le discours d’Ivy dans un mouvement plus englobant, celui de la poésie orale contemporaine contestataire. Enfin, malgré son importance incontestable pour le slam québécois, la production d’Ivy a encore peu rejoint la critique savante, d’où, en partie, l’originalité de cette contribution.  

Avec Vidéogrammes d’une révolution (1992), Out of the Present (1995) et L’autobiographie de Nicolae Ceausescu, le cinéaste roumain Andrei Ujica a créé une trilogie filmique sur la fin du communisme en Europe de l’Est. Ce sont des films réalisés à partir des images d’archive, prises tantôt par les professionnels de l’image, tantôt par les amateurs, et dont la valeur est avant tout testimoniale. Ma communication portera sur la pratique du montage et du remontage des images d’archive chez Andrei Ujica afin d’interroger la façon dont l’histoire est ici figurée, configurée, reconfigurée par la technique (art et procédé) du montage. Quelles "figures de l'histoire" (Jacques Rancière) construit-elle? Quelles formes de savoir en découlent ? Quels comportements analytiques et quels gestes critiques suscite-t-elle ? Quelle histoire culturelle et intellectuelle propose-t-elle ? Ce sont des questions qui me permettront d'inscrire ma communication dans une perspective plus large visant l’étude des modalités et des régimes de figuration qui découlent de l’observation minutieuse des pratiques visuelles contemporaines, afin de mieux comprendre l'intérêt tout particulier que la pensée et la sensibilité contemporaines accordent au jeu des figures et du figural.

Depuis quelques décennies, la littérature ivoirienne aborde la représentation des femmes dans la société. L’objectif est d’attirer l’attention de l’opinion publique sur les traitements que celles-ci subissent. La musique est un puissant moyen de communication dans la culture. La présente réflexion vise une perspective similaire en se focalisant sur l’étude de quelques textes musicaux ivoiriens comme support de communication et de sensibilisation. Le cadre privilégié est axé sur l’analyse sémiotique tensive : tensions et affectivité tirée des textes musicaux ivoiriens, lesquelles génèrent émotions et sensations (J. Fontanille et C. Zilberberg, 1998). Les configurations sensibles et affectives des personnages emblématiques des chansons étudiées sont importantes pour la compréhension de la relation entre les états d’âme et les interprétations qui en résultent. Cependant, comment les études tensives et esthétiques des textes musicaux participent-elles à la construction des valeurs féminines ? Comment s’opère la circulation de ces valeurs dans la société ivoirienne ? Quel en est le résultat sur le quotidien des femmes ? Le constat est que la musique a un impact sur la mémoire collective. Quelques avancées sont perceptibles en Côte d’Ivoire à travers les réformes importantes sur le mariage. En outre, selon la tendance actuelle, les femmes innovent dans plusieurs secteurs d’activités. Elles incarnent une image émancipatrice dynamique dans la société.

La mode est l’une des plus évidentes manifestations de la culture. Elle est issue de l’interaction entre les individus et le monde dans lequel ils évoluent. Aussi, dans une société de l’image et du spectacle comme la nôtre, la mode prend une importance capitale. Si bien que plus personne n’échappe aux courants esthétiques pas même les gens qui prétendent ne pas être influencés par ceux-ci. Pendant longtemps, la mode s’est limitée aux vêtements, aux coupes de cheveux et aux accessoires tels que les chapeaux, les chaussures, les sacs à main et les bijoux. Mais avec le développement du rapport ludique au corps depuis les années 1970, la stagnation de l’évolution des vêtements depuis les années 1980 et l’importance grandissante accordée au corps depuis les années 1990, les signes de l’apparence ont changé. À partir d’une approche à la fois historique, sociologique et sémiologique, nous démontrons que la peau et ses phanères (poil, cheveux et ongles) sont devenus les signes de l’apparence qui font la mode et qui identifient le mieux la pensée et l’agir de l’homme social d’aujourd’hui.

Bien que la propagande ait été étudiée aux échelles canadienne et québécoise, lors de l’effort de guerre canadien pendant la Seconde Guerre mondiale, son déploiement dans les régions demeure méconnu. Certains territoires ayant accueilli des installations stratégiques pendant cette période pourraient cependant avoir été l’objet d’une propagande de guerre spécifique adaptée aux enjeux régionaux.

Retrouvait-on dans ces milieux une propagande de guerre distincte ? Si tel est le cas, quels en étaient les acteurs ? Quelles stratégies utilisaient-ils ? Quels étaient les principaux thèmes de leur discours ? Le rôle névralgique joué par le Saguenay-Lac-Saint-Jean pendant cette période en fait un milieu propice à l’étude des caractéristiques de la propagande de guerre à l’échelle régionale, en raison de l’importance de la production industrielle d’aluminium pour les forces alliées à l’usine d’Arvida d’Alcan.

Le dépouillement de journaux régionaux a permis de constater qu’une campagne de propagande d’envergure, créée expressément pour la région, a été déployée à l’époque par Alcan. Cette campagne, qui s’adressait aux ouvriers, s’appuie sur un personnage, un cuviste modèle nommé Jos Alco. Il a été au centre d’une quarantaine de publicités dans les journaux et de quelque 130 émissions de radio à la station CBJ de Radio-Canada, à Chicoutimi. L’analyse de cette campagne permettra de contribuer aux connaissances sur le déploiement de l’effort de guerre.

Cette présentation porte sur la représentation symbolique des problématiques sociaux et politiques contemporains dans trois fictions historiques télévisées: La Pola (Colombie), Martín Rivas (Chili) et Lo que el tiempo nos dejó (Argentine), toutes diffusées en 2010 lors de la célébration du Bicentenaire de l'Indépendance dans ces pays. Le but est de présenter quelques résultats de ma thèse de doctorat en explorant comment ces fictions télévisées servent de médiateurs aux préoccupations et aux valeurs culturelles du citoyen contemporain, comment son contexte de production influence la fiction historique et les conséquences idéologiques et politiques qui en découlent. Je propose une interprétation et une interpellation des citoyens imaginés de chaque pays, dont la narration provient d’une intertextualité et intermédialité, dans certains cas, entre l’histoire «officielle», la littérature, le cinéma, les médias et les conflits sociaux encore non résolus dans le présent. Dans le cadre fictionnel des téléséries, le passé de chaque société est représenté pour justifier un présent collectif.  À travers les propositions sur le mélodrame de Peter Brooks, Jesús Martín-Barbero et Carlos Monsiváis ainsi que le concept des lieux de mémoire de Pierre Nora, j’analyserai comment cette représentations «ne constitue pas une forme fictionnelle ou médiocre mais une tentative pour répondre aux changements sociaux en cours».

Dans les rapports tumultueux entre textes et contextes, les guerres furent des moments marquants, changeant les débats. Le plus souvent, l’état d’esprit était univoque : impossible d’écrire sur autre chose que le conflit en cours. À l’aube de la Grande Guerre, le Mercure de France est toutefois reconnu pour être une revue favorisant l’autonomie de la littérature, décriant le patriotisme et la militarisation. Il a pourtant suivi le courant de « mobilisation des esprits ».

Je souhaite analyser ce tournant de plus près, à partir d’articles parus lors de la reprise du Mercure de France (1915), afin de vérifier si mon corpus agit comme une cristallisation collective ou s’il diffère des idées véhiculées par les intellectuels de l’Union Sacrée. Est-ce que tous les articles liés à la « culture de guerre » publiés dans la revue forment un seul discours réécrit par différentes mains ? Le Mercure a-t-il son lot de dissidents ?

En me basant sur la théorie du discours social d’Angenot, des travaux faits sur la « culture de guerre », ainsi que des recherches sur l’histoire des revues j’exposerai les éléments du discours de l’Union Sacrée, cette « mobilisation générale » qui ne s’était encore jamais vue chez les intellectuels français. Puis, j’expliquerai en quoi cette génération est liée à la précédente, qui a vécu la défaite de 1870. J’analyserai ensuite des articles du Mercure pour démontrer comment les acteurs de la revue s’inscrivent dans le modèle patriotique qui prévalait à l’époque.

L’espace-temps, ou le chronotope, tel qu’il a été théorisé par Bakhtine, représente un élément constitutif de toute narration, mais également un cadre dialectique dans les rencontres cliniques. Identifiés par Good, le « chronotope du soin » et le « chronotope du·de la patient·e » illustrent cette dichotomie des expériences et traduisent les positions ou les rôles (Parsons) de chaque participant. Dans la littérature du care, cette dyade est généralement déconstruite et dépassée en laissant entrevoir les complexités et les enchevêtrements des expériences spatiotemporelles.

Avec sa double formation en médecine et en littérature, la psychiatre et poète québécoise Ouanessa Younsi opère dans le labyrinthe complexe du soin et celui du langage, à la fois de la soignante et de la patiente, afin de réfléchir l’espace-temps de la maladie depuis ces deux versants. Dans son texte Soigner, aimer (2016) qui, tout en étant une fiction, comporte également des éléments biographiques et théoriques, Younsi retrace son parcours professionnel et personnel dans l’espace-temps clinique et exprime les particularités de chaque expérience.

Dans cette communication nous explorons les complexités de l’espace-temps vécu et narré par Younsi en utilisant le concept de chronotope et ses variantes afin de montrer comment le(s) langage(s), à la fois médical et poétique, construisent, définissent et transcendent les positions du·de la médecin et du·de la patient·e en exposant leurs connexions et limites. 

Le but de ma présentation est d’analyser les jeux vidéo de type documentaires. Qu’est-ce qui permet de considérer un jeu comme  un documentaire?

Notre culture visuelle a privilégié l’empreinte physique comme preuve pour donner force de vérité à un document. Puisqu’un jeu vidéo n’a aucune trace visible de la réalité, les développeurs ont misé sur les capacités simulatrices et interactives des jeux. En jouant avec le système de règles d’un jeu qui simule un système social un joueur peut comprendre les forces qui donnent forme à une société. Or, quels sont les moyens qui favorisent une lecture documentarisante d’un jeu vidéo?

Roger Odin dans De la fiction théorise que si la lecture documentarisante est possible dans les films documentaires, c’est par la construction d’un énonciateur réel en contraste avec l’énonciateur fictif des films de fictions. La construction de ce type d’énonciateur se réalise par des faisceaux de détermination qui modulent le sens chez les spectateurs. Ces faisceaux peuvent prendre de multiples formes : publicités, interviews, titre, auteurs, démarches artistiques, etc…

Il faut adapter la théorie d’Odin aux jeux vidéo. Mon hypothèse est que l’énonciateur réel y prend forme au travers de trois entités : la simulation, le développeur, et le joueur. Afin de démontrer mon hypothèse, j’utiliserai plusieurs exemples allant à des jeux de fiction comme Assassin’s Creed 2 (Ubisoft 2009) en passant par des jeux documentaire comme JFK: Reloaded (Traffic Software 2004). 

Résumé : Notre communication a pour ambition de présenter les plus récents résultats de recherche dans le domaine d’art scénique québécois. En évoquant deux exemples théâtraux Inferno de Bill Vorn (Montréal, Usine C, 2017) et Temporel de Lemieux Pilon (Montréal, Place des Arts, 2017), nous souhaitons défendre l’hypothèse selon laquelle ces deux créations artistiques produisent une rupture épistémique majeure par rapport à la conception dramaturgique traditionnelle. Basées sur la méditation technologique comme le vecteur narratif principal et non pas sur le récit dramatique, ces œuvres prennent la valeur emblématique d’un nouveau langage scénique, actuellement très débattu à l’intérieur du champ de l’intermédialité théâtrale. S’appuyant sur les théories les plus récentes[1], nous proposons la mise en perspective de ce langage ainsi que des effets qu’il produit lors d’une représentation théâtrale. En particulier, nous nous intéresserons à la dimension sonore dans la construction du lieu atmosphérique et aux différentes modalités de la substitution du corps (corps machinique, corps numérique) contribuant à la création d’un environnement immersif. Ainsi, notre présentation servira à comprendre comment s’articule structurellement la question du nouveau langage scénique au processus techno-artistique.

 

 

 

[1] Jean-Marc Larrue (dir.), Théâtre et intermédialité, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2015.

Dans le cadre de cette communication, nous réaliserons une étude comparative entre la fable La Cigale et la Fourmi de Jean de La Fontaine et la chanson du même nom d’Alexandre Poulin. Notre analyse servira à exemplifier comment Poulin parvient à déjouer l’horizon d’attente [Jauss] de son auditoire en le poussant à croire dans un premier temps que sa chanson reprend la même morale que la fable de La Fontaine avant de renverser subitement les perspectives. Ce revirement survient lorsque le narrateur, jusqu’alors omniscient, manifeste tout à coup sa subjectivité en prenant parti pour la cigale. Il dévoile ainsi la nature profondément parodique de l’adaptation, dont le but est de contester la morale du récit original. Nous montrerons qu’Alexandre Poulin se sert des préjugés de son auditoire pour tromper ses attentes, puisqu’il s’appuie sur le fait que la morale de La Fontaine est ancrée dans la mémoire collective et que le public prendra naturellement position en faveur de la fourmi au début de la chanson.

En plus d’être axée sur la chanson, un médium hybride marginalisé par l’institution littéraire, notre recherche s’attache à l’œuvre d’un artiste québécois qui n’a pas encore fait l’objet d’études approfondies, de sorte qu’en situant les études de réception sur un terrain relativement neuf, notre communication amorce une réflexion sur l’efficacité rhétorique des chansons narratives de l’ensemble de l’œuvre chantée de Poulin ainsi que sur leur réception chez l’auditeur.

L’œuvre poétique de Marie Uguay est structurée par le désir d’aller à la rencontre de l’«autre visage» du monde. Dans cette quête, le désir amoureux est omniprésent, et l’objet de ce désir spécifique apparaît comme modulant le rapport au monde du Je lyrique. Parfois, ce sont «les lèvres qui offrent tous les paysages»; ailleurs, c’est l’absence de l’autre qui laisse l’énonciatrice «dans l’immobilité effroyable de toutes choses retirées». L’influence de la présence ou de l’absence de l’être aimé sur la capacité du Je lyrique à mettre en acte son désir du monde est manifeste. Afin de l’étudier, nous nous penchons sur la façon par laquelle l’objet du désir amoureux se manifeste dans l’espace énonciatif des poèmes. Il apparaît parfois intégré dans la première personne, sous forme de nous; parfois le Je s’adresse à lui à la deuxième personne; parfois, l’autre est évoqué à la troisième personne; parfois enfin il est absent de l’espace énonciatif. Nous nous attachons donc à comprendre la manière par laquelle ces différents degrés de présence modulent l’ouverture du Je au monde. Si le nous et le Je qui s’adresse au tu semblent constituer les entités dont le rapport au monde est le plus prodigue, les poèmes dans lesquels l’autre apparaît à la troisième personne sont pour leur part marqués d’une difficulté à se tendre vers le monde. Uguay est une pionnière dans l’histoire de la poésie au Québec et, si son œuvre à donné lieu à certains travaux, elle reste largement à explorer.

Gilles Deleuze a écrit Proust et les signes tout juste après la parution de son livre sur Kant. Sans doute n’est-ce pas un hasard : dans La philosophie critique de Kant, il explique que la subjectivité kantienne est dotée de facultés actives – pensons à l’entendement et à la raison – dont l’exercice transcendantal s’effectuerait de façon autonome vis-à-vis de l’expérience; tandis que, dans son étude sur Proust, Deleuze substitue au sujet actif kantien l’idée d’un sujet passif chez qui les facultés ne s’exerceraient qu’involontairement, c’est-à-dire sous la violence de signes matériels qui s’imposeraient à lui depuis la réalité extérieure. C’est dire que, contrairement à Kant, l’activité de la pensée en général requiert pour Deleuze une expérience concrète de laquelle dépendraient toutes les facultés relevant de l’ordre du transcendantal. Ainsi la pensée devient-elle l’affaire non plus d’un exercice autonome, comme c’est le cas dans la philosophie kantienne, mais de rencontres intrusives. Et pourtant, selon Deleuze, Kant avait lui-même déjà préparé une telle perspective de la subjectivité humaine comme sujet passif, notamment avec sa conception du sublime, tirée de sa critique du jugement. Ce qui nous occupera, c’est donc la distorsion que Deleuze a opéré sur le kantisme pour en faire émerger une pensée de la rencontre et de l’intrusion – pensée qu’il a développée dans son livre sur Proust, chez qui il voit un successeur de Kant en tant que penseur du transcendantal.



Dans cette communication, nous examinons les représentations de l'oral dans la bande dessinée Les passagers du vent (7 vol, 1979-2010) de François Bourgeon. Reconnue pour sa rigueur historique, cette oeuvre met en récit des personnages issus d’époques, de lieux et de milieux différents offrant ainsi une vaste palette à la représentation du français. Souvent analysée du point de vue récit/image, la bande dessinée a été peu examinée sous l’angle linguistique. Dans une perspective sociolinguistique et discursive, nous verrons l’apport de la cohabitation textuelle de plusieurs variétés de français (hétérolinguisme, Grutman, 1997) dans la composition du cadre diégétique. Compte tenu des difficultés de représentation d’une oralité datant du 18e siècle, nous interrogerons la relation de l’oral à l’écrit ainsi que la complémentarité de sens entre texte et image.

En procédant par comparaison linguistique (vocabulaire, prononciation, grammaire) nous exposerons les stratégies de différenciation entre divers groupes de personnages. Ensuite, nous nous pencherons sur des considérations littéraires : quel est l’impact de la représentation des diversités langagières dans la composition d’un récit ? En quoi l’oral est un indicateur du  cadre diégétique ? Comment la manifestation du parler en vient à « décrire » les personnages ? Enfin, en gardant à l’esprit le souci de réalisme historique de la série, nous examinerons la manifestation des divers « effets de langue » (Gauvin, 2000) à l'oeuvre.

L’acte de manger est mis en scène avec insistance dans l’univers télésériel américain, qu’on pense aux nombreux personnages de chef, de Monica Geller (Friends) à Sookie St. James et Luke Danes (Gilmore Girls). Si des ouvrages d’Anne Martinetti (2007, 2008) ou de Christopher Styler (2007) recensent les recettes évoquées dans certaines séries populaires, peu de chercheurs ont encore choisi l’aliment comme fil d’Ariane pour explorer ce corpus contemporain. Lors de cette communication, qui s’inscrit à la croisée des études télévisuelles et des études sur l’alimentation, je m’intéresserai à la représentation de la nourriture (et de la mort) dans la série Pushing Daisies de Bryan Fuller (2007-2009, ABC), où le pâtissier Ned possède la singulière aptitude de ramener à la vie les êtres, bêtes et végétaux qu’il touche, ce qui lui permet de cuisiner des tartes aux fruits toujours frais et d’élucider des meurtres avec ses compagnons Emerson Cod et Charlotte Charles. Je montrerai que, dans ce « conte de fées médico-légal » à l’esthétique visuelle singulière, où les protagonistes oscillent entre l’hésitation et la prise de risque (Butcher, 2012), la nourriture est associée à un passé heureux perdu, est au cœur du quotidien des personnages excentriques qui gravitent autour du Pie Hole, devient offrande, monnaie d’échange ou source de réconfort, et constitue une interface entre le monde, Ned et Chuck, qui ont du mal à tisser des liens avec autrui à cause du don secret du pâtissier.

Le couple de Chimène et de Rodrigue, chevalier espagnol connu comme le « Cid Campeador », est associé à jamais dans l’imaginaire culturel occidental. Notre thèse doctorale (en rédaction) compare le personnage de Chimène dans deux pièces-phare de la littérature espagnole, d’abord « Las mocedades del Cid » de Guillén de Castro (1618) puis « Anillos para una dama » d’Antonio Gala (1973), créées dans deux périodes d’intense activité intellectuelle, le Siècle d’Or et la fin du franquisme.

L’objectif de la communication est de brosser un bref panorama de la représentation de Chimène en partant de l’œuvre-charnière qu’est la pièce de Castro. Les œuvres du Moyen-Age (comme la chanson de geste du « Poema de Mio Cid » ou les poésies populaires du « Romancero ») nous présentent une Chimène qui, si elle fait preuve de tendresse envers son mari, ne l’aimait pas forcément avant de l’épouser. Pour enrichir la portée dramatique de sa pièce, articulée entre les thèmes de l’honneur et de l’amour, Castro imagine, en 1618, une inclination mutuelle entre les deux jeunes gens. Cette innovation immédiatement reprise par Corneille dans « Le Cid » (1637) pose un jalon capital pour la postérité du personnage. La thématique romantique reprise, entre autres, par Massenet pour son opéra « Le Cid » (1884) et Anthony Mann pour son film « El Cid » (1961), sera plus tard démystifiée par Antonio Gala qui remettra en question le portrait d’une Chimène amoureuse.

Humecter le mur du musée avec un drap ensanglanté, tremper des billets de bolivars dévalués – la monnaie vénézuélienne – dans un mélange d'eau et de sang, fixer les billets sur le mur. Cinq femmes migrantes originaires du Venezuela et vivant à Palma, en Espagne, ont collaboré à la performance de «Sobre la sangre» (2020) au musée Es Baluard. Pendant leur prestation, les visiteurs pouvaient leur parler. En travaillant avec cette mixture sanglante provenant d'une scène de crime vénézuélienne, l'artiste mexicaine Teresa Margolles tente de mettre en lumière la crise migratoire humanitaire au Pont International Simón Bolívar dans la zone frontalière entre le Venezuela et la Colombie. Ces questions sociopolitiques d'injustices systématiques et de violence représentent le point de départ de ses pièces performatives destinées à alerter le public. Mon étude de cas explore l'implication de l'audience, elle considère le participant comme un «witness» (responsable) oscillant entre «storyteller» et spectateur passif (Lepecki). En s'appuyant sur des théories à la relationnalité et aux spectateurs de l'histoire de l'art et des études de performance, cette recherche offre un aperçu préliminaire de la conceptualisation des modes «participatifs» de réception de la performance, ainsi qu'une réflexion critique sur le potentiel de transformation inhérent, confrontant le public («occidental») à sa propre complicité dans de tels scénarios: dans quelle mesure auriez-vous du sang sur les mains?