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Comment le dialogue entre art, société, corps et technologies peut-il produire de nouvelles façons d'appréhender la réalité? Cette proposition se veut une réflexion sur les ancrages processuels et sensibles d'une fabrication scénique immersive à travers l'enchevêtrement d'un récit de recherche-création et de son miroir réflexif pour en dégager certaines observations analytiques. Les notions de territoire, de paysage et d'écologie sont interpellées dans le parcours de recherche, toutes favorisant la dimension sonore et l'exploration d'outils technologiques pour les intégrer à la création d'espaces immersifs et exploiter leur potentiel de transformation. L'espace immersif suppose l'élaboration de différentes stratégies et l'Intégration de plusieurs couches d'écriture explorant  la mise à l'oeuvre d'un réseau de potentialités tant sur des niveaux intelligibles que sensoriels. La complexité et la complémentarité des outils intégrés au projet de création, invitent à vivre un nouveau rapport à l'espace et au temps. L'objectif est de s'inscrire dans la  notion de "médiance" théorisée par Berque et d'expérimenter la "résonance" dans le rapport au monde avancé par Rosa. La connaissance du territoire se construit par la superposition d'actions. Les éléments qui s'intègrent lors des interactions avec le paysage, invitent à une constatation " La nature est en effet ce qui en soi n'a de sens ni par l'homme ni pour l'homme ; mais qui a un sens dans l'homme et autour de l'homme." Berque 90

 

Le 12 décembre 1831, le député de Nicolet, Jean-Baptiste Proulx, proposait
qu’une somme « n’excédant pas trois cents livres courants, soit accordée à
Sa Majesté, pour mettre la Société littéraire et historique de Québec en état
d’obtenir et publier des documents historiques relatifs à l’histoire des temps
reculés de cette province ». Par cette résolution bien vite suivie
d’un projet de loi, les parlementaires du Bas-Canada se faisaient pour la
première fois les promoteurs de l’histoire de leur société et de la Nouvelle-France.
Mus par une conscience historique grandissante, les parlementaires du Bas-Canada
jouèrent un rôle déterminant dans la constitution d’archives destinées à
permettre l’écriture de l’histoire canadienne. Sous l’Union et sous l’Assemblée
législative du Québec, c’est le secrétaire général de la province qui perpétua
leurs efforts, et ce jusqu’à la crise économique de 1893.

Dans le cadre de notre présentation, nous chercherons à expliquer et à souligner le rôle
des parlementaires dans la constitution des archives historiques canadiennes et
dans la promotion de l’écriture de l’histoire au XIXe siècle. Nous
nous appuierons sur des sources telles que les Statuts provinciaux du Bas-Canada et les documents émanant du
Secrétariat de la Province. Comme on le verra, la mise en valeur des archives
et plus particulièrement celles de la Nouvelle-France, était le fait de
certains parlementaires que l’on pourrait qualifier d’« individualités
intellectuelles ». 

Cinquante ans après l’émergence du cinéma en Afrique - qui a renforcé l’image de la femme comme symbolisation du nationalisme durant les luttes pour les indépendances et métaphore de ces nouvelles nations à venir - comment peut-on aujourd’hui concevoir le corps de la femme? En utilisant l’érotisme comme étant un champ spécifique de la compréhension de la sexualité qui vise à promouvoir l’agentivité et en constituant le corps érotique comme présence perceptive du social, du politique et du culturel, je propose, avec comme objet d’étude le film camerounais Les Saignantes (Jean-Pierre Bekolo, 2007), une réflexion axée sur le féminisme postmoderne (Judith Butler, Elizabeth Grosz) du corps érotique de la femme comme moyen de considérer le social dans le contexte socioculturel actuel du Cameroun.

En utilisant la notion de performativité de Judith Butler, il s’agira d’exprimer l’idée que le corps érotique féminin ne se situe jamais à l’extérieur du social. Il s’agira donc, oui, de considérer le corps féminin en matière de nudité, mais la définition que je donne à l’érotique pousse à mettre de l’avant, au coeur de notions établies autour de la sexualité féminine, l’agentivité des femmes. Dans une perspective phénoménologique du corps féminin, Les Saignantes apparaît donc comme le moyen d’inscrire le corps érotique au coeur non seulement du social, mais de l’historique africain. Ce corps devenant ainsi le lieu de communication entre le sujet (ici, féminin) et le monde qui l’entoure. 

Cette communication présentera une partie des résultats d'une recherche postdoctorale sur la présence inuit à l'Exposition universelle organisée en 1967 à Montréal (Expo 67). Les organisateurs du pavillon canadien et d'Expo 67 investissent effectivement un ensemble de symboles culturels inuit, dont la langue et l'art, dans une mise en scène du Canada comme nation nordique. Cette présence inuit est toutefois rarement abordée dans les textes qui traitent d'Expo 67, alors même qu'elle constitue une source de réflexion précieuse sur les relations entre culture inuit, nationalisme canadien et public international. Peu d'informations sont ainsi disponibles, que ce soit sur les modalités de participation des artistes inuit, ou sur le devenir de certaines œuvres créées et présentées à Expo 67 dans les décennies qui suivent.

Cette communication s'intéressera ainsi plus particulièrement aux enjeux de patrimonialisation d'une série de murales créées par deux artistes de Kinngait, Kumukuluk Saggiak et Elijah (Pootoogook) Pudlat, pour le restaurant du pavillon canadien. En m'ancrant dans une approche biographique, qui retracent différentes périodes de la vie de ces murales, je présenterai une temporalité patrimoniale inachevée, qui commence dès leur création, avec un intérêt pour leur préservation post-Expo, jusqu'à aujourd'hui, avec un certain nombre d'enjeux concernant le renouvellement de leur interprétation et de leur mise en valeur.

La production littéraire des trente à quarante dernières années a connu un véritable travail d’hybridation. Des romans et des nouvelles qui prennent pour point de départ un genre sérieux – biographique ou autobiographique- afin de créer un nouveau sous-genre. Innombrables sont les formes de mobilisation qui sont nées de ce métissage : «biographie fictionnelle», «biographie fictive», «fiction biographique», «biofiction» et «autofiction». Devant cette nouvelle production, une question surgit : quelles sont les frontières de la fiction ? Autrement dit, comment définir les frontières qui séparent le réel du fictif ? Nombreux sont les critiques qui cherchent à répondre à ces interrogations : Genette 1991, Scheaffer 1999, Paval 1988, Gefen 2005, Lavocate 2016 et bien d’autres. En nous appuyant sur les développements théoriques proposés par ces chercheurs, nous faisons l’hypothèse que les frontières dans ces nouvelles productions hybrides ne sont pas brouillées mais plutôt superposées.

C’est à la question des frontières entre fait et fiction, réalité et imaginaire que nous souhaitons consacrer cette étude, en construisant notre réflexion à partir de l’œuvre d’un romancier, Yasmina Khadra, qui en met en scène un certain exemple, et en particulier du cas de «L’imposture des mots» (autofiction) et «La dernière nuit du Raïs» (biofiction).

Mots clés : Autofiction, Biofiction, Frontières, Fait, Fiction.

Marie Uguay est une figure de proue du retour au lyrisme dans la poésie québécoise. Alors que vers les années soixante on écrivait surtout une poésie nationaliste caractérisé par un nous rassembleur, Marie Uguay publie à la fin des années soixante-dix une poésie plutôt intimiste tournée vers le Je lyrique. Ce retour au lyrisme fait état d’une expérience paysagère par laquelle le sujet poétique se constitue.  Le Je dans les trois recueils Signe et rumeur (1976), L’outre-vie (1979) et Autoportraits (1982) puise dans les échos de la nature et en éprouve ses réverbérations. Cette relation entre le sujet et le paysage évolue à travers les trois œuvres; dans la nature, le Je se trouve, mais trouve également l’autre, ce Tu qui devient parfois Nous. Le paysage est alors le reflet du sujet, mais aussi de l'être aimé; la nature devient ainsi un espace de contemplation et d'apaisement: « que la mer à nouveau m'apaise/ et ton corps, la mer/mon repos aux jours inabordables de la ville » (Signe et rumeur, 1976). En somme, l'écriture tendre, mais saisissante d'Uguay illustre la rencontre entre un sujet et son espace et comment cette expérience du lieu façonne l'être;  les saisons ainsi deviennent symboles de temporalité tandis que la météorologie et les éléments incarnent des états émotifs. La poésie de Marie Uguay renouvelle ainsi les représentations du paysage dans la poésie québécoise en y ajoutant un caractère intimiste qui tourne le regard de la nature vers le sujet.



L’objectif de la présente communication est de faire un retour aux sources littéraires du personnage de Chimène en tant que figure féminine emblématique de la culture espagnole, avec un examen détaillé de sa représentation dans le « Cantar de Mio Cid », œuvre majeure composée au début du XIIIe siècle et inspirée des faits d’armes de Rodrigo Díaz de Vivar (dit le Cid), chevalier castillan de la seconde moitié du XIe siècle.

Si l’œuvre « Las mocedades del Cid » du dramaturge espagnol Guillén de Castro, créée en 1618, a été un moment clef dans l’évolution de la représentation de Chimène dans l’imaginaire occidental, en faisant d’elle une héroïne romantique déchirée entre l’amour et le devoir, le « Cantar de Mio Cid » s’inscrit au contraire dans la grande tradition du poème épique (au même titre, pour l’Espagne, que la « Chanson de Roland » en France ou le cycle arthurien en Grande-Bretagne). Puisant ses thèmes dans l’histoire, il nous présente l'épouse du héros comme une femme d’honneur dont le comportement et la discrétion dans tous les rôles qui lui incombent sont érigés en exemple.

L’examen des divers rôles attribués à Chimène tout au long du poème (ceux d’épouse et de mère, mais aussi celui d’intermédiaire privilégiée du héros auprès de Dieu), de ses mouvements, de ses paroles et même de ses absences, nous permettra de brosser le portrait d’une grande dame médiévale toute dévouée à servir la cause de son mari.

Depuis les années soixante-dix environ, avec l’arrivée des nouvelles technologies, la diversité des styles et une liberté de création motivée par un désir d'originalité, plusieurs auteurs ont défendu l'idée d'une crise de l'art. Ce que l'on constate aujourd'hui, dans les différents discours qui s'articulent autour de l'art actuel, c'est un effondrement des repères, tant esthétiques, sociaux, que philosophiques en ce qui a trait au statut et au rôle de l'art. Les démarches artistiques, les sujets et les productions sont éclatés à un point tel qu'il devient de plus en plus difficile, tant pour le public que pour la critique, de refaire du sens. 

Depuis que l'art s'est engagé dans une démarche auto-réflexive, la philosophie a obtenu une légitimité qui est de plus en plus importante lorsqu’il s’agit de réfléchir aux enjeux actuels et futurs de l’art. Par une analyse critique et rigoureuse des plus importants points de vue sur l’art contemporain, notamment grâces aux idées développées par Arthur Danto, Rainer Rochliz et Nathalie Heinich, nous désirons réfléchir aux productions contemporaines et à cette perte de sens décrite par tant d’auteurs.

L’art contemporain présente-t-il des symboles ou des symptômes ? Pourquoi est-il si difficile de réunifier les discours ? Que se passe-t-il avec l’art et que pouvons-nous espérer pour la suite ? La difficulté réside dans le manque de perspective historique que nous avons. Chose certaine, il faut "réenchanter" le monde.

Dans cette communication, je me propose d'examiner la revue Dérives, Tiers-Monde/Québec, une nouvelle conjoncture culturelle (1975-1987) à l’aune de ses conditions sociales d’énonciation. En m'appuyant sur les recherches récentes de Ruth Amossy et de Jérôme Meizoz, j'étudierai par quels procédés discursifs sont construits l'éthos et la posture de Jean Jonassaint, le cofondateur de Dérives. Je m'appliquerai à montrer comment cet auteur haïtien remet en question les représentations collectives de l’être écrivain grâce à une double stratégie rhétorique. Pour ce faire, j'analyserai d'abord les espaces de recherche-création, « Notes pour une recherche » (n° 12) et « La déchirure du corpstexte » (n° 29-30, no° 36) où Jonassaint projette une image auctoriale à la limite de la spectralité. L'analyse se concentrera davantage sur les textes de présentation marquants : « Des cultures, du Québec » (n° 29-30), « Et puis écrire et puis » (n° 50) et « Prospectives/Perspectives » (n° 51). Deux procédés discursifs ressortent de ces textes liminaires : d'une part, l'énonciation in absentia opère un effacement de la subjectivité; de l'autre, les marques de l'énonciation diffusent l'image d'un locuteur engagé qui effectue une prise de position forte. Je conclurai en montrant que cette posture marginale et aporétique participe aux relations dynamiques entre les revues interculturelles et, plus spécifiquement, à un processus de légitimation constitutif du sous-champ de l'écriture migrante.

Malgré la paix officielle établie en 1989 avec les Accords de Taëf, la guerre civile n’a jamais véritablement pris fin au Liban : la disparition de centaines d’individus dont on n’a jamais retrouvé le corps, l’assassinat du Président de la République du Liban Rafic Hariri en 2005, l’éclatement en 2006 d’une guerre entre le Hezbollah et Israël et les attentats ponctuels témoignent non pas de la fin des hostilités, mais de leur perpétuation sous forme de guerre froide. La paix forcée, concrétisée par une loi d’amnistie, n’a fait que couver la violence d’un passé qui ne passe pas.

La recherche sur la guerre civile libanaise s’attarde généralement au problème de la mémoire posthume et de la commémoration. En cristallisant le traumatisme de la destruction comme chose du passé, cette perspective fait l’impasse sur la rémanence de la disparition. La perte articulée aux techniques de l’image que sont la photographie, le cinéma et la vidéo permet de penser la hantise du passé à partir du rapport spectral à l’objet reproduit dans son absence. Ma recherche aborde conjointement la photographie, la vidéo et le cinéma libanais pour faire émerger la parenté des problèmes qu’ils mettent en forme (disparition, destruction des ruines, urbanisation sauvage, répétition de la violence, rituels de deuil) et d’ainsi faire le pont entre des techniques rarement reliées, à partir d’une réflexion sur la spectralité et d’une thématisation psychanalytique du deuil.



Parmi les raisons ayant présidé au développement de la narration transmédia définie par Jenkins comme « the art of world making », notre hypothèse est que l’une d’elles se situe dans la nature même du processus de création/réception du cinéma narratif : les supports permettant la construction diégétique d’un long-métrage de fiction (la diégèse au sens défini par Souriau étant : « tout ce qui appartient [...] à l’histoire racontée, au monde supposé ou proposé par la fiction du film »), de sa genèse à sa réception spectatorielle, sont plurimédiaux (scénario papier, pitch oral, storyboard dessiné, cinématique, film...), multiplateformes (cinéma, télévision, Internet, réseaux sociaux...), en dialogue avec une multitude de lecteurs/spectateurs (producteurs, lecteurs institutionnels, techniciens, comédiens, distributeurs, spectateurs...). Ces supports contiennent un potentiel transmédia qui peut être actualisé par expansion de la diégèse, le film n’étant qu’une version, un agencement narratif parmi d’autres possibles (et souvent présents sur les supports antérieurs) de cet univers diégétique. En suivant le modèle des trois mimesis proposé par Ricœur, il s'agira de s'intéresser au processus de construction diégétique d’Émilie de Guillaume Lonergan (2013), une comédie romantique réaliste devenue la première narration transmédia québécoise, et de Mars et Avril de Martin Villeneuve (2012), long-métrage « classique » proposant un univers de science fiction riche et complexe.

En situation de performance musicale, le musicien-instrumentiste est souvent aux prises avec des tensions musculaires non fonctionnelles(Nuti, 2006), et des tensions psychologiques, telles que l’angoisse de performance(Arcier, 1998;Brugues, 2011).Les méthodes d’éducation somatique offrent des outils de développement de la conscience par le mouvement permettant d’enrichir le répertoire de gestes des musiciens et d’engendrer une optimisation de la dynamique corporelle et un jeu instrumental plus fluide. Ces approches holistiques peuvent aussi apporter des changements plus généraux, en modifiant le rapport à soi et l’attitude et les croyances sur le corps et la performance(Alcantara, 2000;Beaudoin, 2000;Chamagne, 1998,2000). Notrehypothèse est que la pratique approfondie de méthodes d’éducation somatique permet aux musiciens de développer des outils fonctionnels de l’ordre de l’expérience subjective, tels que des repères physiques fonctionnels ou des repères attentionnels, qui, appliqués en situation de performance, facilitent son déroulement.Dans cette communication, je présenterai les résultats d’une étude préliminaire pour évaluer la pertinence de l’utilisation de la psychophénoménologie(Vermersch, 2012), et, plus précisément, de l’entretien d’explicitation(Vermersch, 2010)pour l’étude de l’expérience subjective du musicien en situation de performance.

Dans le cadre du tournage de Mektoub my love : canto uno d'Abdellatif Kechiche (2018), les pratiques improvisées du cinéaste et des opérateurs dépendent largement, non seulement, de la spécificité numérique des machines, mais également de leur matérialité propre (dimensions, poids, design, matériau). Dans le cas de Mektoub, l'apparence physique des objets techniques joue un rôle prépondérant dans l’organisation générale du tournage : des techniciens néophytes sont recrutés comme opérateurs; le matériel à bas coût est acheté plutôt que loué; le plan de travail est très flexible, ajusté du jour au lendemain, car le matériel est facilement transportable et nécessite très peu de temps d’installation, etc. La matérialité des machines constitue donc un enjeu d'importance, tout particulièrement en ce qui a trait à la division du travail et à la logistique. Par cette communication consacrée à une pratique technique à l'ère du numérique, nous proposons de présenter un autre aspect des machines cinématographiques en nous intéressant spécifiquement à leur dimension matérielle, trop souvent éclipsée par les préoccupations informatiques, virtuelles, « dématérialisées », qui sont presque toujours au centre de l'attention dès qu'il est sujet des technologies numériques et du tournant numérique (digital turn). Les résultats finaux présentés reposent sur une enquête réalisée à partir de 46 entretiens avec les collaborateurs du cinéaste, ainsi que sur 200 documents d'archives inédits.

Cette présentation part de plusieurs présuppositions des théoriciens contemporains (Stengers, Baudrillard, Rancière), qui dénoncent les cadres exclusivement rationnels du monde occidental, en les caractérisant comme des captures démoniques de l’âme, similaires à celles présentes dans la pensée animiste traditionnelle. Pour contourner ces captures, nous devrions mobiliser différents types de savoir et de pratiques qui ont été longtemps oubliés ou reniés. Nous devrions ravitailler des modes de pensée dont nous avons perdu les outils appropriés – l`efficacité symbolique, l`analogie, la métaphore, en trouvant dans la littérature les outils affectifs capables de rouvrir le monde sensorial. Cela, grâce aux notions de monde animé, de matière vibrante ou d`agents non-humains, qui constituent le sol pour une nouvelle métaphore politique.À cet effet, je vais analyser la vision intensément poétique de Herta Müller, qui a remporté le prix Nobel de littérature en 2009. Elle met l’accent sur le symbolisme animal hybride en tant que paradigme d’un monde totalitaire où l’humanité est abolie. La seule chance de survie dans un tel contexte est la régression vers le tout-puissant flux de la nature. A la fois versions allégoriques et pratiques culturelles, histoires de survie et dialogues avec la nature et avec Dieu, ses histoires décrivent un univers magique alternatif. Le roman Animal du cœur de H.Müller offre une perspective significative sur les paysages cosmopolitiques contemporains.

Ma recherche porte sur l’articulation entre notre contexte naturel, anthropocénique, et le cinéma. Elle s’appuie sur des œuvres expérimentales, contemporaines et internationales dont l’altération de l’image et l’intérêt pour la nature constituent les points de croisement. Elle interroge la capacité de cet art à présenter et exprimer par les altérations des réalités écologiques et à nous y sensibiliser. Pour analyser ces œuvres, j’utilise une méthode alliant des lectures formelle et phénoménologique, distinguant les gestes d’altération et leurs dynamiques. Cette étape détermine l’articulation de ces pratiques avec la nature filmée : les altérations décrivent les espaces, composent un milieu et caractérisent la nature anthropocénique, suscitant une sensibilité écologique qui nous engage dans ces enjeux actuels. Pour prolonger ces résultats et nourrir la problématique, ma réflexion s’appuie sur la philosophie de l’altération mise en écho avec les capacités spatiales, mésographiques du cinéma. Je questionne aussi la nature dans le cinéma expérimental et l’ecocinema, et l’anthropocène au cinéma. Ma recherche ambitionne d’étendre les facultés expressives du cinéma vis-à-vis du vivant en le réfléchissant comme une pratique écologique (participant aux mouvements écologiques), environnementale (nourrissant notre compréhension de l’environnement) et sociétale (disant quelque chose de notre rapport à la nature), pleinement ancrée dans notre actualité.

Le 19 août 1829, le corps du colporteur François-Xavier Guillemet est retrouvé tout près de Saint-Jean-Port-Joli. Un dénommé François Marois – connu sous plusieurs pseudonymes, est rapidement arrêté. Marois avait déjà été condamné au pilori et emprisonné quelques années auparavant pour avoir battu un homme de Lévis. Accusé du meurtre, il est reconnu coupable et exécuté devant la prison de Québec le 29 septembre suivant.

D’abord, nous présenterons le crime de François Marois et l’importante couverture médiatique qu’il a suscité. Nous verrons comment cette première manifestation littéraire du personnage du Docteur l’Indienne a influencé sa représentation dans de nombreux ouvrages.

Nous aborderons, ensuite, le thème de la transfictionnalité suivant la définition qu’en donne Richard Saint-Gelais dans son texte « Contours de la transfictionnalité » (La fiction : suites et variations, 2007, p. 5-25.), c’est-à-dire un personnage qui est capable de : « […] transcender le texte qui l’a instauré ». Richard Saint-Gelais souligne que la transfictionnalité propose : « […] des entités qui ne sont ni tout à fait autre, ni tout à fait mêmes ». C'est-à-dire qu’elles sont ambivalentes, voire évanescentes. Nous tenterons de démontrer que le Docteur l’Indienne est une figure définitivement mouvante. Si bien, qu’il est possible de s'interroger sur la véracité de la filiation entre François Marois et le Docteur l’Indienne telle qu’assumée par les contributeurs à l’état de la recherche de nos jours.

Lorsque l’art s’affiche dans des espaces publicitaires (L. Levine, B. Kruger, J. Holzer), les œuvres sont soumises à la contingence de la réception. Celles qui portent en plus un message politique dépendent d’une disponibilité et d’une sensibilité soutenue de la part des spectateurs pour engendrer un effet. Pour Jacques Rancière, l’efficacité politique de l’art contemporain ne s’envisage qu’à partir d’une expérience esthétique qui, par la distance qu’elle instaure avec « l’expérience ordinaire du sensible », actualiserait ce qu’il appelle le pouvoir dissensuel de l’art. L’étude de l’efficacité politique du billboard art repose donc, en premier lieu, sur une expérience esthétique comme un état de réception optimal des oeuvres. Si la proposition de Rancière semble convenir au corpus, sa définition du concept est trop prescriptive pour véritablement cerner les possibilités de leur réception. De ce fait, à travers la synthèse de différentes approches en esthétique continentale (Y. Michaud), analytique (M. Beardsley), pragmatique (R. Shusterman) et en psychologie de la réception (M. Csikszentmihalyi) et, se basant sur les dimensions constitutionnelles décrites du concept, une conception de l’expérience esthétique adaptée au billboard art politique sera proposée. Elle sera composée de quatre dimensions (perceptuelle, communicationnelle, émotionnelle, intellectuelle) qui serviront de cadre analytique à l’évaluation de l’efficacité politique du corpus.

Le lyrisme du XIXe siècle est de retour aujourd’hui dans le vers, mais se trouve touché par la simplicité plutôt que par le sublime. Se voulant une représentation du familier et du commun, il conduit à des modifications radicales dans les principes du genre poétique, notamment en ce qui concerne la conception du sujet lyrique qui a singulièrement évolué depuis ces changements. Si le je est présent dans les œuvres contemporaines, la communication des sentiments et des sensibilités est complètement effacée. En prenant comme exemple l’œuvre poétique d’Engelbert Mveng Balafon publiée en 1972, nous essayerons dans notre étude de démontrer comment le je lyrique devient un sujet incertain, se cherchant parmi les tas d’objets qui composent le monde. La description du monde matériel caractérise, en effet, cette œuvre particulière de Mveng. Le je qui y présent est conscient de cette situation de coprésence et se voit contraint à s’adapter au monde plein d’objets. Il en résulte un effacement de son expression affective qui entraîne la modification des principes du genre poétique. Reliés à une conscience de soi incertaine, les poèmes du recueil sont déstructurés : les répétitions, les accumulations, les énumérations font éclater le texte, l’éloignant de tout style soigné. Bref, attaché de plus en plus aux objets les plus prosaïques et matériels, le lyrisme représente, de nos jours, la volonté de reconstitution de soi du sujet lyrique. 

«Le Rêve d’Urmila» explore l'impact de l'hybridation culturelle dans une pratique théâtrale qui marie théâtralité orientale, par le biais du kathakali et l’étude du Natyasastra, et théâtre occidental. Pour ma pièce, j'ai choisi comme personnage principal, la princesse Urmila, une héroïne oubliée du Ramayana. L’épopée de l’Inde classique raconte l'histoire de Rama et de sa femme Sita. Écrit par Valmiki entre le 5e et le 1e AJC, il existe des centaines de versions du mythe. Des versions anciennes et modernes proposent des relectures plus féminines du récit. Le point de départ de ma recherche a été la similitude entre le destin de Pénélope, qui attend le retour d’Ulysse, et celui d’Urmila dont le mari Lakshmana est en exil avec son frère Rama. Suite à l’étude de différentes versions du Ramayana, ma pièce a évolué autour d'Urmila. Mon récit commence là où se termine le récit épique. Devenue veuve, comment réagira Urmila ? À des fins de recherche, j'ai choisi de mettre en scène les huit émotions décrites dans le Natyasastra, traité de dramaturgie de l’Inde, par le biais de figures féminines qui les incarnent telles que Manthara (le dégoût), Surpanaka (la colère) et la Kaikeyi (la peur). La pièce utilise différentes techniques narratives telles que les dialogues, le racontage ainsi que l’utilisation du chœur et du chant pour les textes poétiques. Le spectacle a été présenté à l’Université Laval à l’automne 2018 avec huit artistes, acteurs-danseurs, chanteur, musicien, vidéaste.

Grâce à certains procédés textuels consolidant leur voix auctoriale, Jane Austen et George Eliot ont véhiculé dans leurs romans une contestation subtile des normes sociales et féminisé l’autorité narrative à la troisième personne. Or, cette subversion qui se produit à travers la voix du narrateur aura-t-elle été conservée dans les traductions françaises de leurs œuvres? Il semble les traductions étudiées sont soumises à deux systèmes normatifs distincts : à la fois celui du champ littéraire d’accueil et celui imposé aux femmes et à leur travail en régime patriarcal. Certaines traductions sont soumises à des critères moraux entourant les femmes, ce qui peut entrainer des modifications à l’intrigue comme au lexique, alors que d'autres, bien qu’elles soient guidées par un souci de fidélité, voient leur style refléter leur allégeance institutionnelle, ainsi que la manière dont elles s’insèrent dans le champ littéraire d’arrivée. L’étude des traductions pourra éclairer de manière nouvelle la façon dont l’autorité narrative est mise en place chez les auteures étudiées et contribuer à faire entendre, à travers le voile qui sépare les langues, leur voix unique. Dans cette communication, je m’interrogerai sur le succès du transfert de leurs œuvres dans le champ littéraire français : sous quelles conditions leurs voix auront-elles été relayées ou étouffées? La qualité subversive de leurs écrits aura-t-elle réussi à traverser la Manche?

« La mère porte le fils de l’homme, la sainte lave les péchés. La putain baise la lie de l’humanité. » (Delorme 84). La protagoniste rappelle ici les multiples facettes de la femme : Aimée et aimante, serviable et asservie, elle est à la fois objet et sujet de la sexualité, comme si son genre ne pouvait dépasser son sexe. Cependant, l’auteure, Wendy Delorme (1979*), n’entend pas réaffirmer simplement ces trois visages. A travers son roman (2012), elle raconte la (pro-)création de son futur enfant à qui elle s’adresse directement. Jouant non seulement du « je », elle ajoute un « tu » qui, pas encore né.e, vit déjà à travers Berlin, Paris ou encore Helden. Il s’agit ainsi moins de décrire l’enfantement et la grossesse que de perturber la normativité des trois visages : La femme ne porte pas l’un ou l’autre. Elle se masque de tous pour démasquer une société binaire, laissant à son « presque-garçon » le choix du genre peu importe son sexe. C’est là tout l’intérêt de ce dialogue qui veut apporter un nouveau savoir à cette société : celui de la non-importance du genre. La protagoniste semble également renaître à travers cette intro-/extrospection, se libérant des catégories. Le roman de Delorme soulève donc la question de la perturbation des normes par la renaissance de son personnage principal. Je présenterai la déconstruction des trois visages donnés à la femme (genre et corps) dans le but d’en relever la signification en deux temps : celui du dialogue et celui de la renaissance.

La science-fiction, par sa capacité à transgresser les frontières entre sciences et fiction, ses temporalités multiples et son traitement du changement global, devient pour les chercheurs une voie privilégiée dont ils font usage. L’objectif de cette communication est d’analyser l’Anthropocène au prisme des dialogues entre sciences et fictions, rompant avec le « grand partage » entre chercheurs et auteurs.

Dans une perspective diachronique et critique d’un corpus francophone, nous nous concentrerons dans un premier temps, sur ce qui constitue les bases fertiles d’un dialogisme entre science et fiction : l’appel aux récits et l’attention nouvelle aux futurs. Nous analyserons ces processus à travers l’imaginaire spéculatif chez Debaise et Stengers. Nous soulignerons ensuite la critique de la notion de progrès à travers deux formes d’usages de la S.F. : la réinterprétation d’un texte Bradley chez Hache et la rupture science-fictionnelle chez Latour. Enfin, nous analyserons la façon dont les chercheurs font usage de la S.F. pour « conjurer » la fin des temps, au regard des textes de Engélibert, Rumpala, Citton et Rasmi.

Notre démarche interdisciplinaire mêle analyse historique et études littéraires. Nous proposons ainsi une mise en regard de l’Anthropocène au prisme de l’analyse des dialogues entre sciences et fiction. En quoi le changement global et le tournant cosmologique qui lui est associé constituent-t-ils un levier de la fin du grand partage entre science et fiction ?

Nous proposons de dresser un état de l'évolution du Théâtre de l’Opprimé (Boal, 1974) en dégageant les principes théâtraux différant de ses fondamentaux et le contexte social de chaque adaptation. Le premier écart majeur est de ne pas limiter le spect-acteur au seul remplacement de l'Opprimé, le faisant essayer le rôle d'agent de transformation sociale dans sa communauté. Allant plus loin, certaines troupes ne traitent plus du rapport d'«oppression» prévalant au départ chez Boal, mais d'une problématique systémique communautaire. Au Canada, Diamond a ainsi développé la méthode Theatre for Living (2007) en travaillant avec les autochtones. De plus, dans une approche adaptée à l'univers technologique actuel, plusieurs professionnels ont expérimenté le transfert de ces techniques au virtuel. Ainsi, Caravane-théâtre (Besnard, 2014) et Theatre for Living (Diamond, 2007) prennent des consignes de spectateurs distants pour les porter à la scène qu'ils visionnent via le WEB. Cavallo (2008) a conçu le système éducatif Virtual Forum Theater dans lequel les élèves créent une pièce qui prend la forme d'un film d'animation sur laquelle ils interviennent, altérant son cours. En Europe, le projet ISOLAT (2015) utilise un dispositif scénique combinant sur un écran les images, du spect-acteur et des acteurs, situés dans des salles de deux pays différents. Ces initiatives amorcent une nouvelle phase pour le Théâtre de l'Opprimé; nous en anticiperons également les développements potentiels.

Barthes distinguait «l’écrivant» et «l’écrivant» selon leur attitude d’énonciation par rapport au langage, le premier l’utilisant comme instrument d’action sur le réel et le second le considérant comme le lieu dialectique d’une perpétuelle recomposition du monde. Nous proposons d’explorer l’œuvre d’Annie Ernaux comme une dialectisation de ces deux énonciateurs. Pour elle, toute écriture intériorise des normes sociales qui reproduisent la violence symbolique associée à la distinction des classes, agissant donc sur le réel et ses représentations. Elle perçoit dans le langage des écrivains le lieu d’une reproduction des codes de la bourgeoisie intellectuelle et choisit d’orienter son œuvre selon un dessein : le refus de réitérer les hiérarchisations impliquées par les codes du langage littéraire. Nous montrerons que pour ce faire, l’auteure ne représente le monde dans ses œuvres qu’en le mettant en relation avec l’activité d’écriture par lequel elle arrive à le transposer de manière singulière. Ainsi, la figuration de l’écriture prend la forme d’un événement situé, représentable dans le récit au même titre que tout autre événement. Sa représentation est en mouvement constant, puisqu’elle découle d’un jeu avec les possibilités multiples qu’offre le langage sur l’expression du monde. L’auteure s’autorise alors à user du langage pour exprimer sa vision du récit littéraire, tout en continuant d’en faire le lieu d’une dialectisation de la construction et de la déconstruction du monde.

Les thèmes de la participation des « femmes de l’espace » à la fabrique de la ville, ainsi que l’analyse des pratiques et usages d’appropriation des « femmes dans l’espace » au niveau de la ville nouvelle Ali Mendjeli, constituent la matière du présent article. Aujourd’hui, les villes algériennes font face au désordre qui règne dans plusieurs secteurs de la vie urbaine. L’espace public n’échappe pas à la crise multiforme qui secoue le pays, il est ainsi le théâtre de toutes les dérives. Les femmes algériennes, autrefois confinées « à l’intérieur » des espaces, se battent chaque jour pour « traverser » et prendre place activement au sein de leur ville, en se frayant un chemin « sécuritaire » jusqu’à leur destination quotidienne. Aujourd’hui, quelle est la place de la femme dans le processus de fabrication de la ville? Quel est sa participation réelle dans la production de l’espace? Quel rapport entretiennent « les femmes de l’espace » et « les femmes dans l’espace » avec la ville nouvelle Ali Mendjeli ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, une enquête qualitative a été menée et les propos qui suivent sont les premiers éléments de cette investigation. Si la participation des femmes se limitait à l’espace domestique, elle est à présent une réalité dans la fabrication et l’usage de la ville compte tenu d’un investissement « crescendo » à différentes échelles, de la sphère publique.