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Dans le contexte des arts visuels, le détournement des dispositifs hypermédiatiques propres à l’univers biomédical sont de plus en plus fréquents. Par certaines stratégies, le spectateur sera invité à vivre une expérience immersive grâce à un univers multisensoriel construit à partir de données issues d’autres corps, qui auront préalablement été sondés et scrutés par diverses technologies (endoscopie, microscopie électronique à balayage,etc). En transformant nos rapports communs à la notion d’échelle, ainsi qu’aux notions d’intérieur/extérieur, le spectateur sera transporté de la fascination pour le corps sublimé en paysage fantastique,  au désenchantement, voire la répulsion, face au corps trivial et imparfait qui est pourtant notre seul moyen d’être au monde, comme l’a si bien décrit Foucault dans son essai Le corps utopique, les hétérotopies. Chez d’autres artistes, le corps sera représenté comme écosystème peuplé de bactéries et de micro-organismes, pourtant essentiels à son bon fonctionnement et à sa survie. Ces conceptions mèneront à la reformulation de notre définition même de l’identité (Carosella & Pradeu), qui devra être pensée comme pluralité soumise au changement perpétuel. Par les œuvres de Domingues/Artecno Group, Mona Atoum, Justine Cooper, Athena Tacha et Phillip Warnell nous verrons comment ces dispositifs immersifs deviennent des hétérotopies, intimités  projetées à même l’espace public, renouvelant nos rapports au corps. 

Intitulé « Nouvelles perspectives sur la scène techno : du populaire à l’underground, entre unité et cohabitation », mon mémoire de maitrise (2019-2021), par son double ancrage en musicologie et en études culturelles, a nécessité que je me pose la question : de quels outils méthodologiques peut-on s’emparer pour approcher les pratiques culturelles non institutionnalisées comme les communautés musicales underground ?

Fréquentant la scène depuis 2018, j’ai diffusé un questionnaire sur Internet (n= 336) au sein des communautés techno locales présentes sur les réseaux sociaux. Au terme de quinze entretiens semi-dirigés (automne 2021), j’ai fait émerger le discours des amateur-trices de techno sur la scène en utilisant l’image. J’ai répété l’exercice avec la musique pour saisir le sens que les auditeur-trices lui donnent. M’inspirant des travaux de Sophie Turbé avec la scène métal (2014), j’ai proposé aux participant-es de produire, à l’aide d’un outil de tableau blanc numérique, une cartographie de la scène techno locale, basée sur leur perception. Ces productions leur ont permis de se positionner au sein de l’écosystème local et de construire un discours sur la musique. La combinaison des résultats des différentes approches a permis de saisir les dynamiques à l’œuvre dans le milieu.

Cette communication permettra de démontrer que cette démarche, basée sur un processus participatif, favorise le transfert de connaissances et permet d’approcher des pratiques non institutionnalisées.

Parmi les raisons ayant présidé au développement de la narration transmédia définie par Jenkins comme « the art of world making », notre hypothèse est que l’une d’elles se situe dans la nature même du processus de création/réception du cinéma narratif : les supports permettant la construction diégétique d’un long-métrage de fiction (la diégèse au sens défini par Souriau étant : « tout ce qui appartient [...] à l’histoire racontée, au monde supposé ou proposé par la fiction du film »), de sa genèse à sa réception spectatorielle, sont plurimédiaux (scénario papier, pitch oral, storyboard dessiné, cinématique, film...), multiplateformes (cinéma, télévision, Internet, réseaux sociaux...), en dialogue avec une multitude de lecteurs/spectateurs (producteurs, lecteurs institutionnels, techniciens, comédiens, distributeurs, spectateurs...). Ces supports contiennent un potentiel transmédia qui peut être actualisé par expansion de la diégèse, le film n’étant qu’une version, un agencement narratif parmi d’autres possibles (et souvent présents sur les supports antérieurs) de cet univers diégétique. En suivant le modèle des trois mimesis proposé par Ricœur, il s'agira de s'intéresser au processus de construction diégétique d’Émilie de Guillaume Lonergan (2013), une comédie romantique réaliste devenue la première narration transmédia québécoise, et de Mars et Avril de Martin Villeneuve (2012), long-métrage « classique » proposant un univers de science fiction riche et complexe.

Durant les années 1920, à une époque où le cinéma muet s’imposait progressivement dans le monde, la critique de cinéma en France se construit en liaison avec d’autres formes de critiques. Plusieurs critiques deviendront des personnalités associées au cinéma : Louis Delluc sera à la fois critique et réalisateur; Léon Moussinac, critique et historien du cinéma. Pourtant, les modalités d’écriture de la critique de cinéma sont imprécises et ouvertes à diverses influences.

En nous basant sur un corpus de textes de Lucien Wahl, journaliste de cinéma omniprésent dans les discours de cette époque, nous montrerons qu’à un moment de grands bouleversements de l’art cinématographique (l’avènement du cinéma parlant et sonore), un glissement – ou un retour – à la littérature peut être observé. Cette démonstration se fondera sur les articles de Wahl intitulés « Les films et les livres », publiés dans le quotidien L’Information dès septembre 1928. Nous traiterons la réinscription de ces articles en relation avec d’autres textes portant uniquement sur le cinéma ainsi qu’autour des liens présentés entre les objets filmiques et livresques. Dès lors, nous expliquerons que la critique de cinéma se pense, en cette fin des années 1928, toujours en relation avec la littérature.

Parmi tous les textes littéraires qui retranscrivent le règne de Louis XIV, « Sans Parangon » de Jean de Préchac (1698), qui incorpore des éléments historiques dans un décor féerique singulier, est l’un des plus inhabituels. Les deux lectures que l’on peut faire de ce conte, présentation élogieuse du parcours du monarque ou transposition fantasmagorique, ne sont en effet discordantes qu’en apparence, et il est possible de les voir comme complémentaires. Nous pensons que c’est ce statut, entre réalité et illusion, qui est responsable du dualisme émergeant du texte, qui agit comme un miroir censé transposer l’image du Roi dans un espace féerique tout en gardant le langage et les images utilisés par le discours absolutiste de l’époque.

Nous nous appuierons dans cette analyse sur le concept de chronotope développé par Mikhaïl Bakhtine. Nous verrons comment la première partie (dans un monde de fées) de la vie du protagoniste est un espace d’apprentissage à sa vie après une seconde naissance. En faisant appel au schéma actantiel et à la partition freudienne Ego, Superego et Id,  nous montrerons comment fonctionne la dualité des personnages. Enfin, nous nous pencherons sur les genres littéraires auxquels s’apparente le texte pour prouver que cette dualité relève d’un effet de miroir magique qui fusionne un monde du réel (diégétique ou historique) et un autre féerique et insolite, dépassant les attentes du lecteur en donnant à l’absolutisme une teinte invraisemblable ou satirique.

Le 19 août 1829, le corps du colporteur François-Xavier Guillemet est retrouvé tout près de Saint-Jean-Port-Joli. Un dénommé François Marois – connu sous plusieurs pseudonymes, est rapidement arrêté. Marois avait déjà été condamné au pilori et emprisonné quelques années auparavant pour avoir battu un homme de Lévis. Accusé du meurtre, il est reconnu coupable et exécuté devant la prison de Québec le 29 septembre suivant.

D’abord, nous présenterons le crime de François Marois et l’importante couverture médiatique qu’il a suscité. Nous verrons comment cette première manifestation littéraire du personnage du Docteur l’Indienne a influencé sa représentation dans de nombreux ouvrages.

Nous aborderons, ensuite, le thème de la transfictionnalité suivant la définition qu’en donne Richard Saint-Gelais dans son texte « Contours de la transfictionnalité » (La fiction : suites et variations, 2007, p. 5-25.), c’est-à-dire un personnage qui est capable de : « […] transcender le texte qui l’a instauré ». Richard Saint-Gelais souligne que la transfictionnalité propose : « […] des entités qui ne sont ni tout à fait autre, ni tout à fait mêmes ». C'est-à-dire qu’elles sont ambivalentes, voire évanescentes. Nous tenterons de démontrer que le Docteur l’Indienne est une figure définitivement mouvante. Si bien, qu’il est possible de s'interroger sur la véracité de la filiation entre François Marois et le Docteur l’Indienne telle qu’assumée par les contributeurs à l’état de la recherche de nos jours.

Ce projet de recherche-création heuristique explore la conciliation des rôles de femme et de professeure en milieu universitaire, à travers les thèmes de la résilience et de la vulnérabilité. La problématique principale se concentre sur le changement identitaire vécu lors du passage du statut d’art-thérapeute à celui de professeure en art-thérapie, en mettant en lumière les nombreux rôles assumés. Cette recherche vise à contribuer à l’avancement des connaissances en documentant, par une approche heuristique et artistique, les défis et les stratégies d’adaptation des femmes face aux multiples identités professionnelles et personnelles qu’elles doivent assumer.

L’approche Heuristic Self-Search Inquiry de Sela-Smith (2002) a structuré ce projet en six étapes. Elle s’appuie également sur le Studio Pardes Process de Pat Allen (2018) pour la collecte de données, permettant une exploration profonde du vécu personnel. Cette méthodologie mixte rend compte de l’expérience intime du changement identitaire de la chercheuse. Les thématiques de résilience, de vulnérabilité et de syndrome d’imposteur se révèlent par des symboles à la fois personnels et universels.

Les résultats incluent une série d’œuvres d’art variées qui capturent ces dynamiques identitaires ainsi qu’une démarche réflexive écrite. Cette synthèse créative offre un témoignage multidimensionnel des défis et des transformations identitaires vécus par la chercheuse et possiblement, par les femmes en début de carrière.

Selon Neitzel (2005), le joueur, lorsqu’il interagit avec le monde fictionnel mis en place dans un jeu vidéo, en devient l’auteur implicite, distinct du créateur qui est à l’origine de l’univers vidéoludique. On pourrait dès lors se demander comment se définit la compétence de ce joueur-auteur, qui doit performer le jeu à l’intérieur d’un système de règles et de signes préétablis. Dans le cadre de cette communication, je questionnerai l’existence d’un joueur(-auteur) idéal (au même titre où Coleridge parle de lecteur idéal et Eco, de lecteur modèle) du jeu de rôle pour ordinateur (CRPG) contemporain, capable de jouer/créer le jeu avec une compétence singulière. Je m’intéresserai notamment aux particularités de la franchise transmédiatique Dragon Age (BioWare) – qui compte à ce jour deux jeux multiconsoles, plusieurs extensions disponibles en contenu téléchargeable (DLC), trois mini-jeux, trois romans, vingt et un numéros de comics divers, un jeu sur table, une série web et un film d’animation –, qui à mon sens soulève certaines questions. Dans un cas comme Dragon Age, le joueur idéal est-il celui qui a tout lu, tout vu et joué à tout? L’interaction entre les différents médias permet-elle l’émergence d’une nouvelle forme de synergie fictionnelle où le tout est effectivement plus grand que la somme de ses parties? (Jenkins, 2006)

En 2005, le Musée national des beaux-arts du Québec (désormais le MNBAQ) acquiert la collection d’art inuit Brousseau, qualifiée de «pôle identitaire au même titre que Jean-Paul Riopelle, Jean Paul Lemieux et Alfred Pellan ». Au MNBAQ, essentiellement tout espace est consacré en tout temps à l’art québécois. En effet, le mandat étant de promouvoir et conserver l’art québécois, le récit se caractérise par l’homogénéité culturelle de la collection. Or, l'inscription de l'acquisition dans la mise en scène permanente s’avère problématique en raison de sa particularité marchande et canadienne. Aussi, le transfert en 1983 de la collection ethnographique d’objets amérindiens au Musée de la civilisation du Québec avait permit au MNBAQ de se consacrer entièrement à l’art. Après presque trente ans d’absence, on peut se demander où le Musée se positionne maintenant à l’égard de la nouvelle présence autochtone. Il s’agit donc d’un changement récent et important dans l’histoire et dans l’orientation de la collection du Musée. La situation suscite une pondération autour d’un nouveau dialogue, établit entre art inuit et québécois. Nous nous fions surtout sur des entrevues, des observations sur le terrain et de la recherche archivistique. L’insertion de cette collection substantielle développée a priori sans rapport à la celle du MNBAQ invite à repenser le récit global muséal, surtout en ce qui a trait à la transition discursive en cours autour du nouveau complexe muséal.

Notre travail de recherche s’est appuyé sur les études traductologiques antérieures (Bassnett & Trivedi, 1998) et sur la traduction cannibale telle que théorisée par Haroldo de Campos (Campos & Wolff, 1986). Nous y avons cherché à appliquer les théories de l’anarchisme ontologique (Bey, 1985) à la traduction pour vérifier comment ces dernières contribuent à affranchir l’acte de traduction des contraintes imposées par le système capitaliste, l’État ou toute forme de contrôle et comment elles aident à affranchir le traducteur lui-même dans sa pratique. La traduction comme pratique anti-hégémonique et militante a déjà été explorée par Maria Tymoczko (Tymoczko, 2007, 2010) et Mona Baker (Baker, 2013), mais nous avons cherché à aller plus loin encore. Pour ce faire, nous avons emprunté la définition de l’idéologie du philosophe slovène Slavoj Zizek (García & Sánchez, 2008) et les idées de l’écrivain William S. Burroughs sur le langage (Land, 2005). Enfin, nous avons expérimenté avec la traduction de l’article « The body of condemned Sally: paths to queering Anarca-Islam » (Abdou, 2010), qui cherche à faire le rapprochement entre les théories queer, l’anarchisme et l’Islam. Nos réflexions nous ont permis de paver la voie à diverse piste de réflexion sur les voies que le traducteur peut emprunter pour participer à un changement radical de la société et du système dans lequel nous vivons.

Nous proposons de dresser un état de l'évolution du Théâtre de l’Opprimé (Boal, 1974) en dégageant les principes théâtraux différant de ses fondamentaux et le contexte social de chaque adaptation. Le premier écart majeur est de ne pas limiter le spect-acteur au seul remplacement de l'Opprimé, le faisant essayer le rôle d'agent de transformation sociale dans sa communauté. Allant plus loin, certaines troupes ne traitent plus du rapport d'«oppression» prévalant au départ chez Boal, mais d'une problématique systémique communautaire. Au Canada, Diamond a ainsi développé la méthode Theatre for Living (2007) en travaillant avec les autochtones. De plus, dans une approche adaptée à l'univers technologique actuel, plusieurs professionnels ont expérimenté le transfert de ces techniques au virtuel. Ainsi, Caravane-théâtre (Besnard, 2014) et Theatre for Living (Diamond, 2007) prennent des consignes de spectateurs distants pour les porter à la scène qu'ils visionnent via le WEB. Cavallo (2008) a conçu le système éducatif Virtual Forum Theater dans lequel les élèves créent une pièce qui prend la forme d'un film d'animation sur laquelle ils interviennent, altérant son cours. En Europe, le projet ISOLAT (2015) utilise un dispositif scénique combinant sur un écran les images, du spect-acteur et des acteurs, situés dans des salles de deux pays différents. Ces initiatives amorcent une nouvelle phase pour le Théâtre de l'Opprimé; nous en anticiperons également les développements potentiels.

À la suite de la Deuxième Guerre mondiale, les intellectuels remettent en doute le postulat des lumières qui veut que la raison mène l’homme à sa finalité. Les philosophes modernes et les intellectuels contestent les valeurs transcendantes, qu’elles proviennent de Dieu, de l’histoire ou de la raison. C’est dans cette perspective que surgissent les nouveaux penseurs humanistes et existentialistes. Parmi ces penseurs, il y a le franco-algérien Albert Camus et son éternel rival, Jean-Paul Sartre. Dans un esprit de dialectique, il est intéressant de faire dialoguer deux pièces de théâtre portant sur l’engagement politique, comme si Camus répondait à « Les mains sales » de Sartre par « Les justes ».

À l’aide d’articles scientifiques, de monographies et de romans, on cherchera ainsi à faire des liens conceptuels entre les personnes et les thématiques qui soulignent le mieux un rapprochement plutôt qu’une disjonction. Ce travail se divisera en quatre parties : présentation succincte des deux pièces, puis trois sections pour les personnages principaux et l’agencement des thèmes. Soit, une section pour Hoederer-Stepan; une pour Hugo-Kaliayev; et une dernière pour Olga et Dora.

Qu’est-ce qui rapproche Camus et Sartre? C’est un vitalisme de l’affirmation de la vie contre la mort; la lutte contre l’absurde ou la nausée et la fatalité. C’est la liberté devant la mort que soulignent Camus et Sartre. L’un ne veut pas être récupéré par le jeu politique et l’autre ne veut pas plier les genoux.

Barthes distinguait «l’écrivant» et «l’écrivant» selon leur attitude d’énonciation par rapport au langage, le premier l’utilisant comme instrument d’action sur le réel et le second le considérant comme le lieu dialectique d’une perpétuelle recomposition du monde. Nous proposons d’explorer l’œuvre d’Annie Ernaux comme une dialectisation de ces deux énonciateurs. Pour elle, toute écriture intériorise des normes sociales qui reproduisent la violence symbolique associée à la distinction des classes, agissant donc sur le réel et ses représentations. Elle perçoit dans le langage des écrivains le lieu d’une reproduction des codes de la bourgeoisie intellectuelle et choisit d’orienter son œuvre selon un dessein : le refus de réitérer les hiérarchisations impliquées par les codes du langage littéraire. Nous montrerons que pour ce faire, l’auteure ne représente le monde dans ses œuvres qu’en le mettant en relation avec l’activité d’écriture par lequel elle arrive à le transposer de manière singulière. Ainsi, la figuration de l’écriture prend la forme d’un événement situé, représentable dans le récit au même titre que tout autre événement. Sa représentation est en mouvement constant, puisqu’elle découle d’un jeu avec les possibilités multiples qu’offre le langage sur l’expression du monde. L’auteure s’autorise alors à user du langage pour exprimer sa vision du récit littéraire, tout en continuant d’en faire le lieu d’une dialectisation de la construction et de la déconstruction du monde.

Notre recherche propose de penser l’existence humaine comme se déployant entre familiarité et étrangeté. Pour ce faire, nous ferons le détour par une oeuvre -le roman Villa Amalia de Pascal Quignard-, dont le personnage principal, Ann Hidden, évoque avec grande finesse des expériences existentielles d'étrangeté et de familiarité vis-à-vis d'elle-même. Pour Ricoeur (1990), le rapport à soi passe nécessaire par l’Autre alors que pour Lévinas (1961), la nécessité d’un détour par un autre, qui est en moi, fonde l’éthique et la rencontre avec le visage de l’autre introduit une rupture dans mon être, ébranle ma tranquillité. Pour Freud (1899) l’altérité se loge dans le sujet lui-même -c’est cela même l’inconscient-, alors que Lacan (1953) insiste plutôt sur la primauté du langage, qu’il situe au lieu de l’Autre. En définitive, être homme, c’est être d’abord dans un rapport d’étrangeté avec soi. Pour comprendre ce qu’est la familiarité versus le sentiment d'étrangeté, il ne s’agit pas tant de poser les questions « qui suis-je ? » ou « qu’est-ce que c’est ?», mais plutôt d'interroger l’être en situation (Merleau-Ponty,1945). Dans cette perspective, l’étrangeté et la familiarité sont pensés comme des modalités d’habitation du monde qu’il s’agira de circonscrire, ce que nous proposons de faire via l'interprétation du roman, qui, comme l'indique Christian Thiboutot (2013), tire sa pertinence du fait que « l’existence se déploie primitivement dans le tissu de la narrativité ».

Dès son invention, le cinéma s’est défini en tant que mode d’expression essentiellement masculin. Or, depuis une vingtaine d’années, les femmes se font de plus en plus présentes à la réalisation et nombreuses sont celles qui placent le corps féminin au centre de leur oeuvre : sexualité crue et désincarnée, réification, mutilation, expérience trouble de la maternité, etc. Considérant que la femme entretient un rapport culturellement et biologiquement singulier vis-à-vis de son corps, je propose une lecture féministe du cinéma féminin contemporain. Prenant comme exemples Anatomie de l’enfer (Catherine Breillat, France, 2004), Sleeping Beauty (Julia Leigh, Australie, 2011) et Klip (Maja Milos, Serbie, 2012), j’analyserai comment ces réalisatrices usent du corps féminin afin de déjouer les mécaniques érotiques traditionnelles. Au point de vue méthodologique, le corpus sera examiné à la lumière des concepts de pudeur (Jodelet, 2007), des pôles activité/passivité (masculin/féminin) et du rapport spectatoriel au cinéma (Mulvey, 1975).Ceux-ci s'inscrivent dans une tendance à la subversion observable dans les pratiques féministes contemporaines (Attwood, 2007). Ainsi, je démontrerai qu’en exacerbant les codes érotiques et pornographiques conventionnels, ces cinéastes soulignent l’incohérence et la désuétude de ces mécaniques et, ce faisant, déconcertent le spectateur, lequel se voit alors privé d’une expérience érotique.

En réaction au chambardement technologique sans précédent causé par la « révolution numérique » au tournant des années 2000, la communauté scientifique a établi au cours de ces vingt dernières années le besoin urgent de penser la transition numérique. Le cinéma d'Abdellatif Kechiche constitue un cas exemplaire pour penser l'émergence et le développement du cinéma numérique, en cela que l'œuvre du cinéaste franco-tunisien est née des technologies analogiques, s’est adaptée à celles du numérique avant de pleinement expérimenter leur potentiel. Afin d’éviter les écueils des approches déterministes auxquels s'exposent fréquemment les réflexions technologiques, nous observerons dans la présente communication comment les innovations pratiques et esthétiques de son cinéma résultent de complexes négociations entre la performance numérique de ses techniques cinématographiques et les problématiques sociales et économiques de l’immigration en France dans la deuxième moitié du XXe siècle. Les résultats préliminaires de cette étude résultent d'une approche génétique dont l'objectif vise à reconstituer, par un travail d’archives et d’entrevues, le développement technique et pratique du cinéma d'Abdellatif Kechiche, ainsi qu’à retracer le contexte sociétal dans lequel a évolué une telle pratique technique. En poursuivant la construction du savoir numérique, ce projet satisfait le besoin concret d’avoir les moyens théoriques nécessaires pour appréhender toute innovation technologique.

À l'intérieur du Casino Belrespiro, situé à l'ouest de Rome, se trouvaient autrefois trois pastorales réalisées par Claude Lorrain pour le cardinal Camillo Pamphilj : Paysage avec Apollon gardant les troupeaux d'Admète (1645), Vue de Delphes avec une procession (1646), et Paysage avec figures dansant (1648).  Ces trois œuvres présentent un rapport entre le texte et l'image se réclamant des poètes Ovide, Théocrite, Virgile et Sannazzaro, et partagent le thème de la musique, qui est très peu étudié chez Le Lorrain, constitue pourtant une composante essentielle de sa pastorale classique et nourrit grandement cette relation entre le texte et l'image.  En effet, le chant des bergers poètes et musiciens, et la danse accompagnant la musique, sont porteurs de sentiments, de passions et d'affects, qui seront traduits dans la pastorale du Lorrain, lequel s'est toutefois permis des libertés artistiques par rapport aux textes source.  Nous avançons par conséquent que le thème de la musique permettrait la construction d'un rapport entre le texte et l'image composé d'emprunts littéraires directs, d'évocations et d'inventions.  Pour mener notre hypothèse à terme, nous procéderons à une étude comparative entre les œuvres littéraires et nos pastorales, qui se traduira par une analyse de la rhétorique, de la sonorité et des figures de style, pour ensuite observer comment celles-ci sont transposées dans le domaine pictural et s'articulent à travers l'interprétation des textes par le peintre.

« Une femme peut s’accomplir sans nécessairement donner la vie. Moi, je crois à ma capacité de m’affirmer comme femme parmi les mères ». (L’Arbre sans Fruit) Sur ces notes réquisitoires et engagées s’achève le film documentaire L’Arbre sans Fruit d'Aicha Macky. Ce titre qui n’est qu’une métaphore est en réalité l’autoportrait de la réalisatrice.

Le cinéma pour Aicha n’est pas que moyen de distraction, il est aussi un canal qui sert à véhiculer l’indicible dans une société misogyne et hégémonique. Elle prend la parole au nom des femmes et pour les femmes tout en les prenant à témoin des faits vécus. L’engagement féminin à travers cette œuvre s’amorce par l’esthétique dont la réalisatrice fait preuve. Son ingéniosité convaincante sur l'infertilité conjuguée le plus souvent au féminin suscite des interrogations. Comment a-t-elle su, à partir d’une préoccupation individuelle, toucher la sensibilité collective sans répréhension ? Quelle stratégie d’approche la cinéaste a-t-elle pu déployer ?

Nous examinerons l’usage de la voix off dans la narration filmique dont elle se sert pour faire jaillir les voix féminines contre les stéréotypes, stigma et accusation infligés aux femmes pour stérilité. Dans cette perspective, des œuvres critiques inhérent à la technique et à l’analyse filmique nous serviront de base de recherche. Aussi nous nous déploierons ce travail aux théories féministes principalement africaines et aux textes sur les enjeux de pouvoir et la résistance de James Scott.

Jean de la Croix occupe une place unique dans l’histoire de l’Occident, à la fois un saint et un mystique, reconnu comme tel par la tradition chrétienne, et un poète célébré par toute la littérature espagnole. À ce titre, l’exemple de Jean de la Croix peut apporter un éclairage précieux à l’étude de la poésie mystique et l’art mystique en général.

L’œuvre poétique de Jean de la Croix est étonnamment brève : sept poèmes dont on s’accorde à reconnaître l’authenticité, au plus environ 950 vers. Ce qui fait dire au poète Jorge Guillén : « Saint Jean de la Croix est le grand poète le plus bref de la langue espagnole, peut-être de la littérature universelle. »

Cette contradiction illustre bien l’œuvre du mystique espagnol. Toute sa poésie est tissée de ces paradoxes : « lumière obscure », « mélodie silencieuse », « plaie délicieuse ». Chez ce poète et mystique, l’acte créateur même apparaît paradoxal. Comment cet homme qui n’a cessé de dire l’impossibilité de parler arrive-t-il à transcrire son expérience par des poèmes ?

La poésie sanjuanniste est aussi des plus silencieuses. Comme le fait remarquer Jacque Ancet, « Ces paroles ou cette langue – et c’est en cela que réside leur radicalité – visent à faire entendre le silence d’où elles jaillissent et où elles reconduisent. » Le silence semble une clé pour comprendre la poésie de Jean de la Croix et l’art mystique en général. C’est paradoxalement par le silence ou le vide que l’œuvre mystique arrive à communiquer l’ineffable.

En étant à la fois lieu de mémoire et lieu de pouvoir, l'Assemblée nationale du Québec possède une puissance de gravitation importante pour la commémoration. Le croisement de ces deux abstractions du lieu décuple l’attrait et la valeur symbolique de la mise en place d’un monument commémoratif au parlement. Ceci fait aussi de ces monuments commémoratifs mis en scène au parlement des objets d’études privilégiés afin de comprendre les tenants et aboutissants de la commémoration publique et politique. Afin d’étudier ce phénomène, nous avons décidé de nous arrêter sur le cas précis du monument Hommage aux femmes en politique. Nous souhaitons étudier les procédures et les éléments symboliques du « geste de reconnaissance institutionnelle » qu’est la commémoration à l’Assemblée nationale. Nous chercherons à comprendre le cheminement d’un dossier commémoratif en étudiant le cas du monument Hommage aux femmes en politique afin de mieux retracer les étapes et les prises de décisions menant à l’inauguration du monument. Plus précisément, et c’est là le cœur de notre recherche, nous souhaitons relever différentes questions de nature symbolique qui sont apparues tout au long de ce processus. Nous pensons que ces enjeux symboliques pourraient s’inscrire plus largement dans des enjeux de pouvoir : il en relève du choix de l’État de s’associer à la reconnaissance, inscrite dans l’espace et la longue durée, d’une personne, d’un événement et de leur importance dans l’histoire du Québec.

Parmi les motifs de l’exil des artistes non figuratifs du Québec dans la période qui précède les années 1960, le manque de reconnaissance et de soutien de la part du milieu est souvent évoqué dans la littérature comme étant l’un des facteurs importants. Cependant, nos récentes recherches nous incitent maintenant à remettre en question ces propos qui d’emblée paraissent aller de soi. En analysant d’une part, la rhétorique de cette croyance dans la littérature abordant le thème de l’exil, et d’autre part en nous basant sur les résultats nos récentes recherches en archives, nous espérons montrer que ces affirmations ne sont peut-être pas tant fondées qu’il n’y paraît.

À partir d’un corpus composé de sept artistes québécois non figuratifs ayant séjourné à l’étranger entre 1955 et 1961 (Edmund Alleyn, Léon Bellefleur, Paul-Émile Borduas, Marcelle Ferron, Jean-Paul Jérôme, Fernand Leduc et Jean-Paul Riopelle) nous constaterons que la Galerie nationale du Canada a contribué à la circulation d’expositions nationales et internationales des artistes de ce corpus, parcicipant ainsi activement au rayonnement de la culture artisitque des canadiens français à l’étranger.

Mais pouvons-nous pour autant affirmer que nous sommes en présence d’un mythe, d’une croyance populaire relevant de l’imaginaire collectif qui serait profondément ancrée dans la mémoire? C’est ce que nous proposons en définitive de questionner dans cette communication.



La pensée du philosophe pragmatiste John Dewey connaît un second souffle au sein de différents cercles universitaires un peu partout dans le monde. Alors que les projecteurs étaient jadis dirigés presque uniquement sur ses idées progressistes en éducation et ses commentaires politiques, c’est maintenant sa pensée concernant l’éthique qui suscite l’intérêt de plusieurs chercheurs en sciences humaines (Zask 2008; Lacroix, 2011). Sous cet angle, la théorie de la valuation correspond au dernier développement de John Dewey sur l'éthique vers la fin de sa vie. Plusieurs ont soulevé que le contenu et la forme des différents textes qu'a produit Dewey sur cette dernière peuvent soulever plusieurs paradoxes avec ses écrits antérieurs sur l'éthique (Williston, 1969; Boydston, 1970). Mais la théorie de la valuation n’a jamais été comparée à la lumière des problèmes philosophiques et pratiques du monde moderne que l'on retrouve dans Reconstruction en philosophie, ouvrage que plusieurs considèrent comme un tournant dans la pensée de Dewey (Cometti, 2014). Notre objectif est de dresser les points comparatifs entre ces deux ouvrages de Dewey. Cela nous mènera à jeter un nouveau regard situant la théorie de la valuation comme un instrument de reconstruction de la philosophie nécessaire à l'émancipation (growth) individuelle et collective des individus des sociétés scientifiques, industrielles et démocratiques modernes (Dewey, 1920).

Œuvre iconoclaste, sur le mode de l’efficacité symbolique, le dernier projet d’Anne-Marie Ouellet, artiste québécoise émergente dans le milieu des arts visuels, éprouve jusqu’à leurs limites les médiums les plus empruntés par les artistes contemporains. Dans une perspective sociocritique multidimensionnelle, l’art conceptuel, l’art relationnel, l’art déambulatoire, l’installation et le cyberart sont notamment réunis de manière subtile dans FACTION pour confronter les codes formels attendus d’une œuvre d’art. Si d’un côté, les marches en formation groupée s’imposent à la vue d’un « faux public », de l’autre, ces « actions » créées par Ouellet sont, pour les « spectateurs initiés », essentiellement à lire, voire à faire. Cette communication questionne la tension introduite par l’artiste entre voir, lire et faire ; nous montrerons comment l’iconoclasme moderne (Gamboni, 1983) sert ici une œuvre qui explore les rouages de la performativité (Austin, 1962), spécialement des actes écrits, et le pouvoir de la représentation dans le sens dialectique de W.J.T Mitchell — soit entre mots et images. Encore largement ouvertes dans le champ de l’anthropologie, les réflexions sur l’image en termes d’efficacité symbolique (Mauss, 1950) sont à peine abordées dans celui de l’histoire de l’art, alors que la notion d’iconoclasme y est connexe. 



Après l’écriture du premier Manifeste du surréalisme en 1924, manifeste fondateur du mouvement et consacré entièrement à la poésie, André Breton publie en 1928 Le surréalisme et la peinture. Ce texte, étude sur des peintres liés de près ou de loin au mouvement surréaliste, est souvent considéré comme appartenant uniquement à la critique d’art. Cependant, bien que Breton écrive effectivement sur les peintres et leurs tableaux, il ne les décrit pas, et les choix des œuvres sont faits en fonction de ses goûts personnels. Les tableaux servent de point de départ à la prose poétique de Breton et à ses réflexions. Le surréalisme et la peinture serait d’abord un laboratoire créatif pour Breton, où celui-ci peut élargir sa théorie surréaliste, jusque là orientée seulement vers la poésie et l’automatisme. De plus, Breton se positionne contre le marché de l’art, juge sévèrement les peintres tentés de faire profit avec leurs œuvres et déclare l’échec des autres critiques d’art. En mélangeant les genres de la critique d’art et de la poésie, Breton révise les critères esthétiques du surréalisme à partir de la peinture. Notre communication a pour but de montrer comment Breton tente de redéfinir la critique d’art dans le contexte d’entre-deux-guerres et de profonds changements esthétiques, et comment il souhaite ultimement redéfinir la critique d’art pour qu’elle se rapproche de sa vision du surréalisme.

Les produits dérivés occupent une place importante dans la réalisation des projets artistiques. Alors que les boutiques des musées s’inscrivent dans les parcours des expositions, plusieurs artistes lancent leurs nouvelles collections de produits dérivés lors des vernissages, dans les galeries et sur les sites web. Nous allons montrer dans cette réflexion que la remédiation des représentations de l’art par des objets accessibles et économiquement abordables emprunte certaines stratégies économiques à la culture du divertissement. Plus précisément, nous pensons que tout comme les figurines et les jouets des fictions transmédiatiques, des produits dérivés de contenus artistiques servent à étendre les discours des productions principales. Notons que le personnage est un des éléments diégétiques à partir duquel le récit d’un blockbuster ou une série télé se ramifie en engendrant de nouveaux produits, plateformes et formats culturels. Les travaux des artistes, qui s’approprient des stratégies transmédiatiques, se caractérisent par l’usage de la narration visuelle. Leurs corpus comprennent des personnages récurrents qui évoluent au fil des projets artistiques des points de vue formel et conceptuel. L’analyse sémiotique du porte-clés, créé par le pop surréaliste états-unien Gary Baseman, révélera que l’objet apporte par son nom, sa forme et son texte descriptif, de nouvelles informations narratives sur le caractère d’un personnage emblématique de l’œuvre de l’artiste.