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Saint-Sébastien, martyr chrétien, est une figure récurrente dans la tradition visuelle et littéraire occidentale. Dans Désir, sacré et profane, Daniel Arasse évoque le double rôle de Saint-Sébastien : le martyr condamné à mort par sagittation agit parallèlement à titre de protecteur des peuples victimes des flèches meurtrières de la peste. Dès le XVe siècle, les représentations de Saint-Sébastien passent d’une imaginaire du martyr protecteur à un prétexte de représentation de la beauté du nu masculin. Au XIXe siècle, Sébastien est érigé à titre d’icône gaie et ce titre prend tout son sens lors de l’épidémie du sida, souvent qualifiée de peste du XXe siècle. L’œuvre d’Hervé Guibert, auteur phare des années sida, est significative pour aborder la maladie et l’inscription du martyr en littérature. Dans Le Protocole Compassionnel, le portrait du malade n’est pas sans rappeler le corps martyrisé de Saint-Sébastien, par la maladie et les actes médicaux performés sur son corps. Des traumatismes causés par les multiples perfusions, lacérations et invasions à la célébration de la beauté du corps masculin, l’œuvre d’Hervé Guibert raconte la maladie sous le signe d’une filiation avec la figure du martyr Saint-Sébastien. J’entends ainsi étudier quel rapport la figure du martyr établit entre l’institution médicale moderne et la tradition judéo-chrétienne du soin grâce aux apports des humanités médicales et notamment des travaux de Neil Pembroke (2015) et Andrzej Szczejklik (2007).

 

 

 

 

Suivant la réalisation du film eXistenZ, les années 2000 marquent un tournant dans le style de David Cronenberg. Cette production exclut toute appartenance au genre de l’horreur et au fantastique, comme en témoigne l’absence manifeste de mutations corporelles et de la figure du scientifique victime de sa propre création.  Le genre « body-horror » est mis à mal dans une production désormais axée sur le « drame réaliste ». Bien que son cinéma ait subi des mutations sous différents aspects du genre, il n’en demeure pas moins que la question liée à la subjectivité masculine demeure une constante dans la poétique et la mise en scène du cinéaste. Nous proposons dans cette communication une étude comparative entre deux personnages issus de la cinématographie de Cronenberg, soit Eric Packer du film Cosmopolis, réalisé en 2012, et Max Renn dans Videodrome, réalisé en 1983. À partir de ces deux œuvres, il sera possible de mettre en rapport la manière dont l’identité se construit dans un régime technologique, qu’elle soit explicite dans Videodrome (la nouvelle chair qui s’unit à l’ancienne) ou implicite dans Cosmopolis (par désappropriation de tous ses biens). La question de la dématérialisation du sujet dans son environnement fait partie de la question identitaire chez le cinéaste canadien. Cette comparaison entre ces deux personnages permettra d’établir la continuité dans la construction du personnage cronenbergien, un aspect souvent négligé dans les études critiques sur ses œuvres.

À deux reprises au cours de la dernière année la revue Affaires Plus s’est intéressée aux chefs d’orchestre les plus charismatiques de la scène québécoise : Yannick Nézet-Séguin a fait partie de ses « hyperactifs [qui] multiplient les projets » (décembre 2010-janvier 2011), puis Kent Nagano a fait la première page sous le titre « Dirigez comme Nagano » (féevrier-mars 2011). Si le chef d’orchestre est un cas limite dans la réalité professionnelle du musicien de par le star-système dans lequel il évolue, son statut n’en demeure pas moins révélateur des forces socioéconomiques qui affectent le monde des arts à l’heure actuelle : la nécessité d’une image qui vend et qui inspire la communauté pour l'artiste ou le musicien qui y gravite. Les deux numéros de Affaires Plus nous permettront de comprendre comment le statut de chef d’orchestre est représenté chez une élite de la finance qui cherche à en faire le modèle de ses propres valeurs : inspiration, vision, direction, réussite, leadership, etc. Si bien qu’à la fin cette représentation de la vie de chef a plus à voir avec l’image que se fait le milieu des affaires de l’artiste adulé, conquérant et autoritaire. Mais cela en dit aussi beaucoup sur les attentes sociales qui sont projetées du côté des chefs d’orchestre, qui sont vus comme des piliers inestimables de la communauté sociale à laquelle ils appartiennent. C'est ainsi que Nagano et Nézet-Séguin sont devenus des modèles d’accomplissement pour la société québécoise actuelle. 

Paru en 1851, mais ignoré pendant près de 70 ans, le Moby Dick d’Herman Melville fait aujourd’hui l’objet de multiples études, notamment pour son caractère profondément allégorique. Afin d’apporter un nouvel éclairage de l’œuvre, nous allons nous demander de quelle manière la baleine blanche devient un symbole métaphysique et l’incarnation de la mort elle-même.

Nous croyons en effet que l’absence physique de Moby Dick dans la majorité du livre l’élève au rang d’Idée, de concept intelligible vers lequel tend Achab. Son ubiquité en fait également un être aux atours divins, omniprésent en tant qu’objectif à atteindre et mystère à percer, mais invisible à qui n’est pas philosophe. La baleine deviendrait l’incarnation de la vérité, une figure des profondeurs qui connaîtrait tous les secrets des sphères mortelles autant que divines, de la vie comme de la mort.  

Analyser la mort en tant que concept philosophique, grâce aux ouvrages de Platon, Le Phédon, et de Jankélévitch, La Mort, permettra d’apporter une dimension supplémentaire à l’interprétation de Moby Dick. Il faudra nous attarder à l’étude des termes employés, au jeu sur les sonorités et aux figures de style, puisque selon Michel Picard : « la mort dans la fiction littéraire sera toujours métaphorique[1] ». Moby Dick deviendrait donc cet absolu que recherche tant Achab, symbole de la connaissance qui ne peut être atteinte que dans la mort.

 

[1] Michel Picard, La littérature et la mort, Paris, PUF (Écritures), 1995, p. 41.

L'essai sur le bonheur de l'Éthique à Eudème (EE ; 1218b 30-1219a 39) que nous nous proposons d'analyser est, pour W. Jaeger, le « noyau de toute l'Éthique à Eudème » (v. Bloch et Léandri, 2011, Aristote. Éthique à Eudème, Paris, Les Belles Lettres, p. 45, n. 1). En partant de l'examen de cet essai par D. J. Allan (1961) dans son article intitulé « Quasi-mathematical Method in the Eudemian Ethics » (Aristote et les problèmes de méthode, Louvain, Publications universitaires, Paris, Béatrice-Nauwelaerts, p. 303-318), nous confronterons ce passage de l'EE avec la définition du bien humain dans le passage parallèle de l’Éthique à Nicomaque (EN; 1097b 22-1098a 20). Ceci nous permettra de faire ressortir les nuances de la démarche d’Aristote pour définir le bonheur dans l’EE. Nous croyons que le bilan de notre étude, qui s’articulera autour de trois pôles (la structure générale de la démonstration, ses éléments constitutifs et la définition proposée), montrera que l’EE définit le bonheur d’un point de vue philosophique, son essai de définition faisant ressortir clairement le lien de nécessité entre la vertu et le bonheur. La définition du bonheur proposée dans l'EE répond, en d’autres termes, à la question philosophique du « pourquoi », centrale pour le philosophe.



Devant la perpétuation de la crise migratoire en Europe et en Amérique du Nord, la suprématie blanche et les politiques de replis sectaires de plusieurs États-nations occidentaux, il est bien difficile de comprendre comment se réalise l’hospitalité contemporaine. Or, il importe selon nous de chercher en deçà de la vertu et du principe trop souvent reconduits par la littérature savante. Afin de définir l’hospitalité comme pratique, nous adopterons une approche dite d’esthétique sociale. Nous tâcherons de dégager les formes sensibles qui lui sont spécifiques. Si l’hospitalité consiste à faire bénéficier d’un espace à autrui, encore faut-il préciser quelles sont les formes spatiales et les actes nécessaires à sa réalisation. Outre le seuil, la frontière, le domicile, l’hôpital, l’hôtel et la chambre, outre le passage, la résidence, le soin, la réception et l’accueil qui suffisent seulement à invoquer l’hospitalité, nous voulons montrer comment l’aménagement et l’adaptation jouent un rôle incontournable dans la relation entre les hôtes. C’est par l’analyse d’une intervention artistique intitulée Hypothèses d’amarrages du collectif SYN- que nous tenterons une telle démonstration.

Depuis la parution de La métaphore vive de Paul Ricœur en 1975, l'élucidation de la métaphore relève largement du domaine de l'herméneutique. Or, comme l'indiquait Alain Flajoliet dans son Esquisse d’une phénoménologie de l’œuvre littéraire, elle peut également s'expliquer d'un point de vue phénoménologique, en permettant aux impressions d'influencer, à un certain degré, la production du mood poétique ricœurien.

Afin de mettre cette idée à l’épreuve, nous proposons d'analyser la métaphore « Ta langue / Le poisson rouge dans le bocal / De ta voix », tirée du poème Fusée-signal de Guillaume Apollinaire selon le modèle herméneutique de Ricœur puis selon le modèle phénoménologique de Flajoliet, non sans considérer les remarques de Hiraga dans son ouvrage Metaphor and Iconicity au sujet de la couche phonématique. Nous espérons ainsi offrir une alternative crédible au modèle herméneutique dominant et redonner à l'imagination son rôle fondamental en faisant jaillir la métaphore « d'impressions formées au contact du matériau prosodique et phonématique. » Cette mise à l’épreuve constitue la première étape d’un projet visant à corriger le modèle de Ricœur en lui articulant le modèle phénoménologique susceptible de le compléter.

Dès la première moitié du XVIIIe siècle, le Missouri a accueilli des colons originaires de ce qui est aujourd’hui le Québec, la Louisiane et la France. Plusieurs villages, dont Old Mines, fondé en 1723, ont longtemps parlé le français du Missouri, le Paw-Paw French. Lieux de curiosité, ces villages ont attiré, au fil du temps, des voyageurs qui ont laissé derrière eux des textes décrivant leur passage dans cette région francophone. Toutefois, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, un changement intellectuel a lieu et cela entraîne une diminution du nombre de récits de voyage, laissant place aux travaux de chercheurs universitaires désirant étudier le français du Missouri. Comment peut-on ainsi passer d’une description de l’espace et des habitants à une description de ce français et de sa littérature orale? Cette communication vise à étudier le contexte historique de production des récits de voyage du Missouri francophone et le nouvel intérêt envers les littératures marginales qui se développe à cette époque. L’étude de ces récits et de leur évolution permettra de constater leur rapide saturation ainsi que le besoin pressant de préservation de la langue, phénomène apparaissant après la montée en popularité des sociétés de folklore. Nous découvrirons les travaux de folkloristes tels que Joseph Médard Carrière et Ward Allison Dorrance, qui ont ouvert la voie aux autres chercheurs s’intéressant aux Franco-Missouriens.

Paru en 1970 dans L’homme rapaillé, le poème « Sur la place publique » de Gaston Miron a également été lu par l’auteur lors de la célèbre Nuit de la poésie, qui a donné lieu, la même année, au documentaire éponyme de Labrecque. Bien que cette performance (et, de surcroît, son enregistrement audiovisuel) dédouble le mode de transmission du poème (écrit et oral), le texte de Miron, n’ayant pas été composé pour être oralisé, demeure un poème à vocation écrite, c’est-à-dire dont la diffusion, assurée par le support livresque, s’inscrit dans un projet auctorial d’écriture. Ainsi, la vocalisation de « Sur la place publique » ne fait pas de ce poème un texte oral, mais bien un poème écrit, puis lu à haute voix. Cependant, la fabrique même de ce texte contient des indices d’oralité, une voix, qui en favorisent la vocalisation. Prenant appui sur la notion de « voix intérieure » de Marion Chénetier-Alev (L’oralité dans le théâtre contemporain, 2010) et sur les invariants de la poésie orale répertoriés par Paul Zumthor (Introduction à la poésie orale, 1983), mon étude tâchera de dégager l’empreinte d’une voix à même le poème écrit. Se distinguant des gloses existantes sur l’oralité mironnienne qui la réduisent parfois à la langue parlée, mon propos aura pour visée d’analyser, dans l’écriture et par ses moyens, l’oralité comme stratégie discursive mise en place par Miron pour assurer l’efficacité de son énonciation et placer son sujet énonciateur « sur la place publique ».



De plus en plus de romanciers se servent des codes de la mise en intrigue afin de susciter une interactivité avec leurs lecteurs. Ceux-ci sont amenés à sonder, à travers la narration, les traces leur permettant d’anticiper le dénouement d’une énigme dont la résolution motive la poursuite de la lecture. Or, plusieurs romans francophones contemporains paraissent singer le roman d’enquête afin d’instrumentaliser l’interactivité qu'il engendre, sans toutefois se conclure par le dénouement de l’intrigue. Nous illustrerons cette tendance à partir d’une analyse de La traversée de la Mangrove de Maryse Condé. Ce roman s’ouvre sur la mort de Francis Sancher, étranger d’un petit village guadeloupéen retrouvé mort. Condé prend prétexte de cette mort pour activer chez le lecteur une série de jugements qui serviront à déterminer qui aurait pu tuer l’homme, mettant en jeu les valeurs que chaque lecteur aura investies dans le texte. Par des techniques de polyphonie et de plurivocalité, la structure narrative mène le lecteur à se mettre tour à tour dans la peau des différents personnages, choisissant les positions qu'il préfère pour évaluer la situation. S’il cherche à travers l’énonciation des traces pour trouver un coupable, il comprendra à la fin du récit qu’aucune réponse définitive ne lui sera donnée. La structure énigmatique du roman instrumentalise plutôt l’intrigue pour faire de l’acte interprétatif le vecteur même de la narration. Nous évaluerons ainsi, à partir de cet exemple, comment le roman d’enquête, à travers l’acte de lecture, peut servir de propédeutique au jugement moral.

Les centres d’art au Québec ont joué, durant les années cinquante, un rôle important dans la diffusion des esthétiques d’avant-garde dans les régions éloignées des centres artistiques Montréal et Québec. Mais cet apport au développement de l’histoire de l’art du Québec a, jusqu’à aujourd’hui, été minorisé, voire oublié, par la discipline.

Cette communication présentera, dans un premier temps, le fonctionnement de ces institutions, comment elles ont permis la diffusion et la sensibilisation des publics aux pratiques artistiques contemporaines à travers la province et le statut dont elles bénéficiaient à l’époque dans le milieu artistique. Pour cette étape, nous nous appuierons notamment sur des documents d’archives et des sources historiques telles les déclarations légales de raison sociale des centres d’art, les feuillets promotionnels qu’ils ont produits ainsi que des articles et critiques publiés dans des périodiques culturels ou journaux généralistes.

Dans un deuxième temps, nous adopterons une posture davantage sociologique ainsi qu’une perspective féministe pour déterminer les raisons qui pourraient expliquer l’effacement du rôle des centres d’art dans l’histoire de l’art au Québec. Nous nous intéresserons principalement aux organismes suivants : les centres d’art de Sainte-Adèle (fondé en 1949 par Pauline Rochon), de Percé (fondé en 1956 par Suzanne Guité et Alberto Tommi) et de Cowansville (fondé en 1956 et dirigé par Eugénie Sharp-Lee).

Les poètes francophones du Nord sont plus souvent qu’autrement confinés au statut de poète régional, d’où leur difficulté à percer le marché parisien et à atteindre son vaste bassin de lecteurs. Pour Lise Gauvin et Jean-Marie Klinkenberg, la circulation du livre est justement liée à des phénomènes de représentation et, de ce fait, la communauté de langue n’est pas garante d’une compréhension réciproque entre l’écrivain et le lecteur, condition nécessaire à la fortune d’une œuvre littéraire. Face à cette réalité, l’écrivain doit faire un choix : soit il s’intègre à la littérature française, soit il s’attache à son périphérisme, allant même parfois jusqu’à se réclamer d’une littérature nationale. Entre l’assimilation et la marginalisation, il y a toutefois une quantité de postures intermédiaires. L’exemple de Jean-Pierre Verheggen, qui représente dans ses textes la culture wallone tout en recevant les prix littéraires français, donne l’espoir d’en finir avec l’impasse institutionnelle. Je m’attacherai  donc à relever, dans L’Idiot du Vieil-Âge de Verheggen, les stratégies textuelles favorisant l’ouverture des poésies francophones, notamment l’ironie, l’humour noir, l’oralité et le poème-récit.



Dans un texte portant la prolifération  de festivals de cinéma dédiés aux cinématographies du tiers-monde en Europe et en l'Amérique, l'historien du cinéma Mantha Diawara, avance deux hypothèses qui seraient à la base de cet engouement:  l'usage des festivals à des fins d'intégration dans les sociétés multiculturelles occidentales, et  la quasi-absence de sources de financement et de  structures de productions, de diffusion dans la plupart des pays dits du tiers-monde.

Bien que les éléments évoqués par Manthia Diawara dans cet article publié en 1992 soient pertinents à certains égards, il nous semble opportun d'explorer une autre voie d'explication  dans l'analyse du contexte d'émergence de ces festivals.

La présente communication ambitionne de répondre  à cette exigence. Nous nous intéresserons aux Rencontres internationales pour un troisième cinéma qui se sont tenues  à Montréal du 02 au 8 juin 1974 sous l'initiative du comité d'action cinématographique. Le leitimotiv de ces rencontres était le partage d'expériences, la mise en place de réseaux parallèles de diffusion de films issus des pays dits du tiers-monde idéologiquement opposés au néocolonialisme et l'impérialisme sous toutes ces formes. ,  

Pour répondre à la question de l'incidence de ces RIN nous procéderons à un repérage et une analyse cartographique des festivals nés à partir de 1975 et la mission qui sous-tend leur création et dans quelle mesure celle-ci s'inscrit dans les orientations des Rencontres de Montréal.

 

En partant du phénomène contemporain de l’affluence d’archives privées qui s'intègrent à une mémoire de type public,  auquel se réfère Pierre Nora dans Lieux de mémoire (1992), j’envisage de définir le statut d’archive de deux œuvres hybrides de Christian Boltanski, composées des mots et des images sur des supports variés, Les Suisses morts et La vie impossible de Christian Boltanski, et de les repenser en tant que « lieux » de mémoire artificielle, en fonction des différentes formes d’enregistrement matériel et en tant que littérature.

La transformation de l’archive en œuvre est un phénomène fréquent dans le monde littéraire et artistique contemporain, qui peut être étudié dans une perspective intermédiale.Tout en problématisant le geste d’archiver de Boltanski, je questionnerai d’un côté, son pouvoir de stabilisation de l’archive et d’un autre côté, son pouvoir de la modifier, par la création de l’amnésie.

La grande archive inachevée qu'est l'œuvre entière de Boltanski fonctionne selon les règles de la caducité, qui considèrent l’espace en tant que dispositif réutilisable et le temps, en tant qu'artefact malléable, le livre ouvert, aux pages noires, de La vie impossible, en étant le principe organisateur.

Cette recherche se propose d'intégrer Boltanski dans une perspective littéraire, dont l'auteur se revendique à travers ses textes, qui représentent les noyaux de sens de ses œuvres, et en même temps dans une continuité de pensée qui devance l'apparition du web.

 

 



Les Frères Gagné cinéastes, temoins et acteurs de l'expérience culturelle contre-culturelle québécoise, continuent d'intervenir en réalisant des films "indépendants" souvent hors-normes. Les Pales du mal - un parcours citoyen, film de quête et de combat, témoigne de l'engagement citoyen des artistes eux-mêmes et présente une myriade de manifestations de citoyens mécontents. Les Frères Gagné y mettent en question les approches politiques balisant et justifiant les infrastructures de production d'éolectricité dans les Appalaches. Le travail-passion des cinéastes s'y affirme tel un exercice de pouvoirs. Brut et expressionniste, ce film rend un regard de l'intérieur d'une lutte sociale qui bouscule de nombreuses certitudes quant à la pertinence de ces infrastructures et à la moralité des instances et processus institutionnels orientant, autorisant et conditionnant leur implantation. La compréhension de l'expérimentation singulière du politique par les artistes durant le parcours de réalisation et de production des Pales du mal permet d'apprécier les ancrages, limites et l'horizon de leurs actions en regard de leur propre perspective critique.  Partant d'un effort de description des liens sociaux qu'ils vivent et tissent durant leur pratique, l'étude exploratoire de cette expérience productive éclaircie les frontières et le sens de l'indépendance d'une pratique cinématographique et dénote l'évolution des penchants culturels contre-culturels des cinéastes.







L'Exposition universelle de Montréal de 1967, Expo 67, est un événement montréalais à dimension internationale. La correspondance du ministère des Affaires étrangères de France est d’une réelle importance et d’une très grande richesse. Contenant notamment des rapports relevant de l'Ambassade et du Consulat de France, des rapports politiques - commerciaux - économiques et monétaires, des documents officiels du Canada et du Québec, la correspondance avec la France, l'organisation du voyage de Charles de Gaulle, l'organisation et les invitations aux banquets et fêtes ainsi le choix de ce qui est montré au pavillon français à l’Expo 67 etc. Son étude minutieuse apporte tant à l’historiographie qu'à la littérature: sur Expo 67, sur les rapports et les enjeux diplomatiques, politiques, culturels et économiques entre la France, le Canada et le Québec dans les années 1960... le pavillon français, devenant, ainsi, un prolongement de l’Ambassade de France. En accentuant son identité culturelle, qu’elle veut afficher et fortifier, la France s’appuie sur un certain rayonnement culturel historique et scientifique, mais aussi sur une conscience francophone (cf. Esprit, 1962). Cet intérêt est bien réel pour la ville de Montréal et pour le Québec, se trouvant tous deux promus « acteurs internationaux » avec l’Expo 67. Ces archives permettent de comprendre ces relations France - Canada - Québec sous un angle nouveau significatif, dans une approche en histoire culturelle et politique. 

À Montréal, ville réceptacle de migration de masse, la communauté marocaine est en croissance et contribue significativement à la formation de la mosaïque culturelle de la ville. Cette recherche examine les formes d'appropriation de l'espace résidentiel par la communauté marocaine de Montréal et l'identité culturelle qui en résulte. Son originalité réside dans son approche croisant l'expérience utilisateur en architecture et les dynamiques d'habitation d'une communauté immigrante. Elle soulève ainsi la question suivante : comment les formes d'appropriation de l'espace résidentiel par la communauté marocaine de Montréal mettent-elles en lumière les limites du logement standardisé, et dans quelle mesure ces pratiques peuvent-elles orienter une conception d'un espace résidentiel adapté au contexte multiculturel? La méthodologie comprend l'étude de la morphologie de l'espace résidentiel montréalais et des politiques publiques de logement, la réalisation d'une étude ethnographique de l'espace domestique des Marocains, et des entretiens semi-dirigés auprès de la communauté pour documenter leurs choix d'aménagement. Cette recherche contribuera à l'avancement des connaissances sur la standardisation du logement dans les villes multiculturelles. Sur le plan pratique, elle offrira des perspectives de développement de politiques de logement plus inclusives aux minorités culturelles à Montréal avec des résultats potentiellement transférables à d'autres communautés immigrantes.

Les partipristes voulaient contribuer à une révolution en cours en démystifiant par la parole les mécanismes de l’aliénation collective d’un peuple « colonisé » qui commençait à se dire « québécois ». Dire le mal-être d’un peuple afin de transformer sa réalité, cela se faisait entre autres par la littérature. Bien des choses ont été dites au sujet des nouvelles parues dans Parti pris et des romans aux éditions éponymes, écrits en joual, dépeignant avec réalisme les conditions de vie misérabilistes des Québécois. Or, l’écriture comme « acte révolutionnaire » ne se limitait pas à l’idée sartrienne de l’engagement au sein de la revue. Hubert Aquin (qui s’opposait au joual), annonçait dans « Profession écrivain » une écriture performative qu’il ferait sienne, où la construction formelle d’une œuvre ne pourrait que faire entendre la folie de la collectivité dans laquelle elle serait bien enracinée. André Brochu se proposait d’analyser les œuvres en tant qu’objets autonomes, en s’inspirant de nouvelles formes de critiques littéraires. Pour certains collaborateurs, le politique d’une œuvre ne passait donc pas par le militantisme de son auteur ni par le signifié du texte, mais par sa poétique. C’est en se penchant sur des contributions situées en marge de la politique éditoriale dominante de la revue que nous suivrons le parcours d’une tension entre des pistes de réflexion plus complexes et variées qu’il n’y paraît quant à la question du lien entre littérature et politique.

Dans le cadre de cette communication, je présenterai les résultats de mon analyse critique de la correspondance entre l’autrice franco-québécoise Marie Cardinal et son époux, le dramaturge Jean-Pierre Ronfard. Mon étude abordera les 80 lettres écrites entre 1969 et 1984, qui composent le volet personnel de sa correspondance, dans le but de rendre compte de la porosité entre la correspondance et les œuvres de l’autrice; et de présenter les procédés de mise à distance nécessaire à la mise en récit d’un sujet central de l’écriture cardinalienne : le quotidien des femmes.

Mon hypothèse sera la suivante : la correspondance familiale, en tant que pratique ritualisée, relève à la fois de l’acte communicationnel (un compte rendu précis du quotidien) et de la fiction, en ce sens que l’expérience « banale » du quotidien est ressaisie par l’autrice dans un procédé de mise en scène de soi. D’un point de vue génétique, les lettres seront donc mobilisées, non pas comme des documents biographiques, mais plutôt comme des éléments d’un discours réflexif de l’autrice sur le lien entre sa situation en tant que mère et épouse et son besoin d’écrire en tant que créatrice.

Inédit, l'apport de l'épistolaire, en tant que matériau génétique, conduit à une meilleure compréhension de la poétique de Marie Cardinal. À distance de l’hypothèse biographique, cette étude permettra de renouveler le discours critique sur l’autrice et de la replacer, en tant que créatrice, dans une histoire littéraire commune.

La dissolution de l’Empire Ottoman et l’abolition du Califat, système politique ayant régi et rassemblé les pays à majorité musulmane pendant plus d’un millénaire, ont été vécus dans cette région du monde comme une défaite et une humiliation. Cet événement retentissant fut à l’origine de l’apparition d’une idéologie politique qui est à l’aube du XXIème siècle au centre de l’actualité mondiale. En 1928 en Egypte et dans un contexte colonial est créé le mouvement des Frères Musulmans, une organisation politique dont les objectifs sont entre autres la restauration du Califat et la protection des sociétés musulmanes de « l’occidentalisation » en prônant une application stricte des textes religieux. L’idéologie de cette organisation a parcouru depuis sa création un long chemin pour évoluer et passer d’un phénomène sociopolitique égyptien à un phénomène de société international et multiculturel.

Nous proposons ainsi dans notre communication d’étudier les premières apparitions dans la littérature francophone contemporaine du thème de « l’islamisme ». Nous étudierons pour cela l’inscription de cette idéologie dans le roman posthume de l’écrivain francophone algérien Tahar Djaout Le Dernier été de la raison. Nous tâcherons de montrer comment s’articule dans le texte littéraire francophone cette idéologie politique en nous aidant des recherches de théoriciens comme Marc Angenot ou encore Hannah Arendt sur les grandes idéologies politiques du XXème siècle.

Nous étudions le discours tenu sur la production de l'oeuvre murale publique montréalaise des années 1950, une forte période constructive encore exempte de politique d'art public. L'analyse des écrits de 1950 à mai 1961 réalisée au doctorat en histoire de l'art met au jour les représentations des réseaux de collaboration et des rapports modernes murale-édifice ayant régi sa production. Elle montre que la murale décorant ou s'intégrant à l'édifice moderne est issue d'un processus collectif de commande publique, qui a émergé des interactions des acteurs de réseaux de collaboration - l'artiste, l'architecte et le commanditaire - formant un monde de l'art public; une adaptation à l'art public du concept de monde de l'art du sociologue Howard Becker. Ces acteurs ont défini les conditions de sa production par des conventions dirait Becker - un horizon d'attente social dirait le littéraire H. R. Jauss - concernant la procédure de sa commande et des conventions esthétiques, techniques, langagières et symboliques partagées ou transformées. Les énoncés révèlent une pratique muraliste plus importante que l'histoire de l'art ne le croit, ayant participé pleinement à définir la modernité artistique au Québec. L'exemple des murales abstraites géométriques de 1955 contredit l'idée reçue à l'effet que cette esthétique n'est alors survenue qu'en peinture, n'ayant pu s'exprimer en art public sous l'ère duplessiste, et atteste d'une pratique d'art public en phase avec celles internationales.

Dans le recueil S’agripper aux fleurs (2012) de trois femmes innues (Louise Canapé, Louve Mathieu et Jeanne d’Arc Vollant), le haïku se voit saisi et remodelé. Cet ouvrage présente un enfilement de moments désenchantés, cette notion faisant ici écho à l’instant, propre aux haïkus japonais classiques. Dans le recueil, il s’agit d’une agentivité au féminin qui s’exprime avec douleur sur la vie dans les réserves de la Côte-Nord. Une lecture écoféministe de S’agripper aux fleurs permettra de jauger l’agentivité féminine et amérindienne des poèmes, mais aussi l’écocritique qui s’en dégage. Chaque haïku possédant sa propre traduction en innu, une affirmation identitaire s’exprime par le biais de cette langue quasi ignorée, dans le Québec des allochtones. Il s’agit d’une langue truffée de voyelles et de mots qui s’étirent, prononcée d’une manière que l’on imagine proche du murmure. Du point de vue de la forme, il y a un constant va-et-vient entre le haïku traditionnel et des perspectives nouvelles. Langue et forme ouvrent une fenêtre sur les tiraillements au sein des communautés de même que sur les traditions en lien avec la Terre-Mère. Les poèmes sont les témoignages de trois auteure qui peinent à «être autochtone». S’enchevêtrent dans les haïkus une pratique poétique dans sa forme la plus pure, la volonté de transmettre la culture des Innus ainsi que le désenchantement propre à notre époque.

 

 

La Grande guerre et les années qui ont suivi ont été traumatiques, en particulier pour l’Allemagne défaite. Certains y ont vu l’occasion de purifier la civilisation; d’autres se sont dressés contre cette ‘barbarie’ et les institutions qui l’ont soutenue. Ces forces contradictoires d’idéalisme et de désenchantement se retrouvent aussi dans l’art et les médias. D’un côté, un certain retour à la tradition du Beau idéal, de Platon à Winckelmann, perceptible chez Moholy-Nagy, Baumeister, ou Klucis. De l’autre, son rejet par la saisie d’une réalité, celle des horreurs de la guerre et la montée du nazisme. Tandis que sous la République de Weimar on fait l’éloge de la beauté, de la santé et du sport – thèmes que reprendra la propagande hitlérienne -, Dix, Grosz, et Höch choisissent au contraire de montrer le grotesque, le monstrueux. Dans Le monstre dans l’art occidental, Gilbert Lascault démontre que la raison peut apprivoiser le monstre en identifiant ses parties, dont chacune a un sens. Freud aborde une question semblable dans L’inquiétante étrangeté : alors que l’esthétique traite habituellement de ce qui est beau et attrayant, il se penche plutôt sur ce qui trouble ou rebute. Dans un revirement inattendu, Freud conclut que même ce qui est familier peut parfois paraître étrange. Confronter le beau au monstrueux permet de développer un discours ironique et critique quant à la représentation du corps et d’ouvrir le sens de l’image à l’interprétation multiple, ambiguë et instable.

Dans la Commedia, Dante présente de nombreux discours sur l’amour. Ce n’est qu’au chant 26 du Paradiso, cependant, que le protagoniste expose sa propre conception de ce qui cause l’amour. Nous pensons que son étude permettra de mieux cerner ce qu’en pensait l’auteur. La communication visera à faire ressortir les causes de l’amour telles qu’exprimées dans la Commedia, de même qu’à montrer qu’elles justifient l’entreprise poétique. Pour ce faire, nous présenterons les différents moments du discours du protagoniste au chant 26. Nous relèverons leurs différences et établirons leur progression : la troisième section de ce discours, portant sur les « morsures » d’amour, contraste et complète les deux premières, qui traitent de la provenance de l’amour comme d’un discernement. Nous verrons comment la combinaison de ces discours nuance et synthétise les discours de Francesca et Virgile, représentants de diverses théories sur l’amour. Enfin, nous mettrons en relation les discours et la narration du chant 26 pour suggérer des implications littéraires au discours tenu. Cette recherche nous mènera donc à considérer l’amour ressenti (sentiment) comme un ajout et une nuance à l’amour ordonné (intellect), de même que comme le signe que la création poétique peut susciter l’amour. L’apport de cette recherche résidera en deux points : la prise en compte de la narration, souvent mise de côté au profit des discours, et le prolongement d’une théorie de l’amour dans une théorie de l’écriture. 

Avec quelles voix symboliques des femmes autochtones au Québec cherchent-elles à revitaliser la transmission de leur culture ? Deux cadres de référence, soit le blanc (culture euro-occidentale) et le rouge (autochtone), animés par le concept de contexte enchâssé (C. Goodwin), entament un «dialogue».  Les pressions de ruptures convoyées par le cadre blanc sont nommées : perte du lien à la nature, changement du rapport au temps et à l’espace, perte de la tradition (G. Balandier). Cette recherche examine le sens d’œuvres de Joséphine Bacon, Natasha Kanapé Fontaine (poésie), Nadia Myre,  Ellen Gabriel, Eruoma Awashish (arts multidisciplinaires) et Alanis Obomsawin (documentaire). Ces femmes autochtones nous convient, par la médiation de leurs œuvres, à un véritable dialogue, empreint des valeurs de paix et de respect. Le rapport au monde traditionnel (cosmogonie) réverbéré révèle un rapport sacré à la terre. Ainsi, la force de leurs traditions participerait à relever le sort de la transmission, le fondement même de toute culture.