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L’ISOMORPHISME DES SIGNES DES ESPACES SACRÉS DANS L’IMAGINAIRE COLLECTIF

Le monument à Staline à Prague, le monument Atatürk à Izmir et le parlement hongrois à Budapest de formes et d’architectures variées possèdent tous d’éléments importants de sens communs importants.

L'étude proposée analyse les traits communs des espaces sacrés et cherche à comprendre les causes et les modalités de leur présence. Pour ce faire, il sera fait appel aux études de Gaston Bachelard dans La Poétique de l’espace. Si la méthode de Bachelard est bien connue, nous en proposons des critiques et des compléments, apportés par nous-mêmes et d’autres, et les appliquerons à un corpus inédit. De plus, nous la croiserons avec la théorie de l’analyse sémique de François Rastier. Enfin, nous fonderons notre analyse sur l’hypothèse de Régis Debray, qui trouve l’origine du sacré dans l’interdiction.

La domination, la force, l’inaccessibilité, le vide et la profondeur sont parmi les sèmes que possèdent les espaces sacrés pour « dialoguer » avec leurs destinataires. Debray considère également le sacré comme intouchable. C’est ainsi que la poétique de l’interdiction dans les espaces sacrés définit une limite, dans l’imaginaire commun, qui ne doit pas être franchie.

Nous convoquerons les représentations du sacré dans l’architecture et l’« ambiance » de certains espaces et de certains édifices sacrés disséminés dans plusieurs pays et érigés au cours de l’histoire.

Depuis ces dernières années, on observe un engouement grandissant pour les paysages industriels et leur représentation photographique. Étant au départ l’apanage des artistes, les territoires issus de l'industrialisation obtiennent maintenant de plus en plus d’intérêt de la part des photographes amateurs. On semble ainsi porter un nouveau regard sur des territoires que l’on a longtemps refusé de considérer comme esthétiques. Curiosité nouvelle que l’on pourrait croire un phénomène isolé, la photographie de paysages industriels abonde sur les sites web de partage de photographies (tel Flickr). Cette présentation vise une meilleure compréhension de la façon dont s’est effectué le changement de regard sur le paysage industriel et du rôle que peut avoir eu le partage de photographies en ligne dans la naissance de cette nouvelle sensibilité. Il faudra tout d’abord tenter de voir ce qui, dans le contexte postindustriel présent, permet que l’on perçoive différemment le territoire industriel. Une brève étude d’images en circulation représentant le paysage industriel servira à illustrer ce passage de territoire à paysage. Le phénomène social de partage de photographies sera ensuite analysé afin de voir de quelle façon il a pu participer à l’attribution de nouvelles valeurs et significations aux paysages de l’industrie. L'étude de ce nouveau regard porté sur le paysage industriel permettra de mieux comprendre la qualité des rapports sociaux et culturels se développant envers lui.     

Quelle hypermédialité du cinéma (ou "environnement médiatique global") se dessine dans les documents et le parcours du cinéaste Herménégilde Lavoie ? Les archives de la BaNQ donnent une idée précise des activités du cinéaste (la façon dont il organisait son travail et dont il communiquait avec ses collaborateurs, la nature de ses projets, la date de leur réalisation, le matériel et les techniques utilisés, etc.) et des réseaux de création et de production (Club des habitants, réseaux des Sœurs, etc.) dans lesquels il s’est impliqué de 1940 à 1972. Plus de trente années de carrière ont ainsi amené Herménégilde Lavoie à travailler pour l’ONF, à devenir le directeur d’une revue intitulée La Belle Province et à diriger son entreprise de « Réalisation de films cinématographiques sonores » à la fois industriels, touristiques, religieux ou éducationnels : Les Documentaires Lavoie. Il est frappant de voir comment des projets cinématographiques de nature très différente, en apparence du moins, sont en fait interreliés et répondent à un impératif que le cinéaste aura à cœur toute sa carrière durant : l’ « embellissement » de la province québécoise, la mise en valeur de son patrimoine, du savoir-faire et du savoir-vivre de ses habitants. Les films des Documentaires Lavoie deviennent un des supports de ce message philanthropique et/ou humaniste.

« L'idée d'une "autodéfinition de l'individu" et de son "autonomisation" par rapport à la société relève largement du fantasme. » (Heinich citée par Chenet 2008, p. 36) Prépondérant dans le champ culturel, ce discours teinte l’entrée littéraire de Mikella Nicol, qui signe en 2014 Les filles bleues de l'été, premier roman générant un discours médiatique luxuriant. Inéluctable, le lien entre Nicol et son père, l'écrivain Patrick Nicol, est évoqué systématiquement par les médias, qui transposent dans la sphère privée l’impossible « autodéfinition de l’individu ». Comment ces deux réalités distinctes se conjuguent-elles lorsque l'identité d'un nouvel auteur trahit des liens préexistants avec le domaine littéraire ?

À la lumière de trois entrevues accordées par Mikella Nicol au sujet de son premier roman, je propose de confronter le discours des instances de réception (Plus on est de fous, plus on lit !, La Presse et ARTV) à la posture auctoriale de l’écrivaine. Tandis que Nicol projette une image gouvernée par un principe d'autonomie filiale, les critiques et journalistes accusent un mouvement de va-et-vient incessant entre les mérites de l'auteure et les rapports, autant familiaux que littéraires, qui orientent sa position dans le champ littéraire.

CHENET, Éric. « Question d'identité : une entrevue avec Nathalie Heinich », ETC, [En ligne], n°82, juin 2008, p. 36-38, https://www.erudit.org/fr/revues/etc/2008-n82-etc1134672/34600ac/ (Page consultée le 11 avril 2019).

Les données statistiques compilées par l’OIM (2007), OECD (2009), Banque Mondiale (2006 et 2008) et la CEPAL (2000 et 2010) montrent que la Colombie se classe parmi les cinq principaux pays d’immigration en l’Amérique Latine et les Caraïbes. Le Canada est devenu, depuis le début des années 1980, l’une des principales destinations des émigrants colombiens dans le monde. Le Québec est, au Canada, la deuxième province accueillant le plus grand nombre d’immigrants colombiens au pays. Nous nous sommes penchés sur cet aspect à partir de la perspective historique, dans le but d’identifier et d’analyser les causes qui ont donné origine à ce flux migratoire.

 

Ce travail cherchait à donner des réponses à une série de questions, dont les suivantes : le flux migratoire des Colombiens vers le Québec est-il un événement qui a sa propre dynamique ou est-il une prolongation du flux migratoire des Colombiens vers les États-Unis depuis les années 1960?Quel impact a eu la législation canadienne sur l’immigration et les réfugiés en ce qui concerne la venue des Colombiens au Québec?

 

Pour répondre à ces questions, nous avons mené notre enquête en utilisant des sources primaires et secondaires, notamment  la consultation de la documentation de l’Archive historique nationale de la Colombie, l’analyse des sources journalistiques, statistiques. Nous avons aussi utilisé des sources orales.

La figure du rat est emblématique dans la littérature et l’imaginaire social. Elle est souvent associée à l’idée de bas-fonds, à la souillure, voire à la déshumanisation. La littérature traitant de la Grande Guerre la convoque fréquemment pour illustrer certaines conditions d’existence des poilus ou encore pour déshumaniser le soldat allemand. Une lecture attentive des journaux de tranchées, forme médiatique parodique, qui se joue des codes de la presse quotidienne, permet de déceler l’importance de la figure du rat au sein de ses discours, souvent humoristiques, et d’en déterminer les nombreux usages. Cette communication propose d’étudier ce motif à travers un corpus composé de quatre journaux du front : Le BochofageLe Canard du BoyauL’Écho des Guitounes et Le Tuyau de la Roulante, afin de déterminer dans quelles mesures le poilu s’identifie au rat, et dans quels cas il se détache de sa figure pour la projeter sur l’autre et le déshumaniser. Fréquemment convoqué lorsqu’il s’agit de décrire la précarité de la vie au front, le rat est aussi utilisé pour atténuer l’empathie que pourrait ressentir le soldat face à son vis-à-vis allemand par le procédé de pseudo-spéciation. Ce procédé sera étudié en détail à l’aide de la figure du rat, puisqu'il est un des fondements de la fabrication du consentement à tuer. Le rat, motif récurrent, ambivalent et paradoxal de ce type de littérature militaire, permet de saisir comment les poilus appréhendaient le microcosme de la tranchée.

La soustraction additive en art contemporain

En 1953, Robert Rauschenberg achète un dessin à l’artiste Willem de Kooning, l’efface puis l’expose. Il lui donnera alors le titre évocateur Erased De Kooning Drawing. Aujourd’hui encore, de nombreuses pratiques artistiques se situent dans la lignée de cette action. Paradoxalement, l’effacement ajoute quelque chose à l’image et atteindre véritablement l’ « absence » semble impossible. Quelle serait donc la nature de ce « reste » et comment en produire l’analyse sémiotique ?

Tout d’abord, nous étudierons le travail de trois artistes : Erased De Kooning Drawing (1953) de Robert Rauschenberg, A Void (2009) de Joseph Havel et Au-delà des signes (2015) de Mathieu Grenier. Ces trois artistes ont un mode opératoire commun : s’approprier un objet symbolique et en modifier la nature par une soustraction additive. Par la suite, on analysera la médiation culturelle de ces œuvres et son enjeu. On verra comment leur déplacement sémantique est généré et l’importance de leur aspect discursif. Pour ce faire, on utilisera la trichotomie du signe de C.S. Peirce (1978) et nous approfondirons la catégorie de l’interprétant à l’aide du modèle d’Erving Goffman (1991).

La soustraction additive change profondément la nature de l’œuvre d’art. Premièrement, elle détruit le fantasme de la création ex nihilo, et deuxièmement, elle nous force à analyser l’interdépendance des facteurs sémiotiques et non plus simplement des œuvres isolées.

Dès son invention, le cinéma s’est défini en tant que mode d’expression essentiellement masculin. Or, depuis une vingtaine d’années, les femmes se font de plus en plus présentes à la réalisation et nombreuses sont celles qui placent le corps féminin au centre de leur oeuvre : sexualité crue et désincarnée, réification, mutilation, expérience trouble de la maternité, etc. Considérant que la femme entretient un rapport culturellement et biologiquement singulier vis-à-vis de son corps, je propose une lecture féministe du cinéma féminin contemporain. Prenant comme exemples Anatomie de l’enfer (Catherine Breillat, France, 2004), Sleeping Beauty (Julia Leigh, Australie, 2011) et Klip (Maja Milos, Serbie, 2012), j’analyserai comment ces réalisatrices usent du corps féminin afin de déjouer les mécaniques érotiques traditionnelles. Au point de vue méthodologique, le corpus sera examiné à la lumière des concepts de pudeur (Jodelet, 2007), des pôles activité/passivité (masculin/féminin) et du rapport spectatoriel au cinéma (Mulvey, 1975).Ceux-ci s'inscrivent dans une tendance à la subversion observable dans les pratiques féministes contemporaines (Attwood, 2007). Ainsi, je démontrerai qu’en exacerbant les codes érotiques et pornographiques conventionnels, ces cinéastes soulignent l’incohérence et la désuétude de ces mécaniques et, ce faisant, déconcertent le spectateur, lequel se voit alors privé d’une expérience érotique.

Green Mustang porte sur un conflit qui éclate dans l’intimité d’un foyer. Il est question de la transmission linguistique au sein d’une famille exogame, où deux langues vivent sous un même toit. Le personnage d’Éric Lechasseur, fier Fransaskois et professeur de littérature française à l’Université de Regina, ne tolère pas qu’on parle anglais chez lui. Sa femme, Amanda Stepaniuk, un « produit de l’immersion » bilingue aux racines ukrainiennes, le quitte après s’être sentie ignorée pendant des années. Leur fille, Mona, se qualifie de « petite assimilée » (même si elle parle très bien français) et fait une maîtrise en études anglaises pour se révolter contre son père, qui ne jure que par les poètes français du XIXe siècle. C’est elle qui fait comprendre à Éric qu’il doit remettre sa vision tranchée du monde en question.

À partir de cette toile de fond, j’essayerai, à la lumière de L’imaginaire des langues d’Édouard Glissant, selon qui « le monde se créolise, toutes les cultures se créolisent à l’heure actuelle dans leurs contacts entre elles », et du Monolinguisme de l’autre de Jacques Derrida, qui affirme qu’il n’existe aucune barrière étanche entre les langues, de montrer que Gareau tisse une œuvre complexe où le contact des langues et l’histoire de la Saskatchewan servent de matière à réflexion sociolinguistique. On verra que Mona finit par convaincre Éric que sa vision manichéenne des langues est héritée de son père, contre qui il s’est révolté à son tour.

Dans une récente étude la place des femmes dans le champ littéraire (Boisclair 2019), on découvre que les critiques masculins offrent une plus grande visibilité aux ouvrages de leurs pairs. Cet exemple fait écho à un enjeu féministe de longue date concernant l’exclusion des femmes de la haute culture (voir Gornick 1978). Ce projet explore le rôle des critique littéraires dans la reproduction de l’exclusion des femmes en littérature à travers l'analyse comparative de la réception critiques de deux œuvres féministes iconiques: L’Euguélionne de Louky Bersianik et Handmaid’s Tale de Margaret Atwood. Je propose de conceptualiser les critiques littéraires comme “Boys Club” (Delvaux 2019) et fais la démonstration que ce boys club reproduit l'exclusion des femmes du canon littéraire à travers un processus de dépréciation. Ce processus de dépréciation est légitimé par une conception de la littérature comme pure, de la politique comme un manifeste et des genres littéraires comme statiques. Ce processus de dépréciation procure aux critiques d’art le statut hégémonique d’arbitre du gout et du vrai. Cette analyse contribuera ainsi aux débats contemporains sur les exclusions dans le milieu des arts ainsi qu’aux études sur la masculinité (Anderson 2009, Connell 2005, Maiolini 2015) en mettant en lumière l’expression de la masculinité hégémonique dans les milieux ou les marqueurs traditionnels de masculinité tel que la force physique et le pouvoir économique ne sont pas monnaie courante.  

À l'intérieur du Casino Belrespiro, situé à l'ouest de Rome, se trouvaient autrefois trois pastorales réalisées par Claude Lorrain pour le cardinal Camillo Pamphilj : Paysage avec Apollon gardant les troupeaux d'Admète (1645), Vue de Delphes avec une procession (1646), et Paysage avec figures dansant (1648).  Ces trois œuvres présentent un rapport entre le texte et l'image se réclamant des poètes Ovide, Théocrite, Virgile et Sannazzaro, et partagent le thème de la musique, qui est très peu étudié chez Le Lorrain, constitue pourtant une composante essentielle de sa pastorale classique et nourrit grandement cette relation entre le texte et l'image.  En effet, le chant des bergers poètes et musiciens, et la danse accompagnant la musique, sont porteurs de sentiments, de passions et d'affects, qui seront traduits dans la pastorale du Lorrain, lequel s'est toutefois permis des libertés artistiques par rapport aux textes source.  Nous avançons par conséquent que le thème de la musique permettrait la construction d'un rapport entre le texte et l'image composé d'emprunts littéraires directs, d'évocations et d'inventions.  Pour mener notre hypothèse à terme, nous procéderons à une étude comparative entre les œuvres littéraires et nos pastorales, qui se traduira par une analyse de la rhétorique, de la sonorité et des figures de style, pour ensuite observer comment celles-ci sont transposées dans le domaine pictural et s'articulent à travers l'interprétation des textes par le peintre.

Une des différences les plus notables entre l'ouvrage majeur de John Rawls, Théorie de la Justice, et son Libéralisme politique est la grande importance qu'accorde ce dernier au contexte historico-politique d'où il s'élabore. Vue sous cet angle, l'on peut dire qu'il tente alors de concilier l'approche de Théorie de la justice, dans lequel les principes de justice sont légitimés par une procédure rationnelle et neutre, à une justification des principes qui découlent de la congruence de ceux-ci avec une compréhension plus profonde de nous-mêmes. Se voulant politique plutôt que métaphysique, cette compréhension est à tirer de la culture publique, de l'histoire et de la tradition de nos démocraties occidentales. 

En se focalisant sur Libéralisme politique, l'on dénotera d'abord le lieu d'une absence. En effet, bien que la dimension interprétative y occupe une place centrale, les notions théoriques fondamentales étant définies à partir de cette compréhension politique de nous-mêmes, elle n'y est pourtant jamais thématisée comme telle. Une fois cela relevé, l'on constatera que la théorie rawlsienne ne peut plus se permettre d'éluder la question herméneutique, celle qui exige de rendre compte de ce moment interprétatif initial, surtout en vertu d'enjeux de justice actuels comme celui de l'environnement. Car, ce qui se joue en cette compréhension, c'est la pertinence même de la théorie en regard des aléas de l'histoire et des défis inédits qu'ils ne cessent de poser à la justice.

L’Internet est un média qui diffuse toutes sortes de formats se déclinant en plusieurs genres (des textes, des images, de l’audio, des images animés) ayant diverses origines. Parfois certains documents sont conçus pour d’autres médias, par exemple la télévision, et s’importent sur le web, et d’autres sont conçus pour être diffusés et consommés sur le web et rayonnent ensuite dans un autre média. Certaines œuvres tentent même d’être interactives, par exemple une forme hybride entre l’image en mouvement et le jeu vidéo. Cette multitude d’objets audiovisuels se trouvant sur Internet évoque le problème de leur définition et de leurs caractéristiques. Comment les différencier les uns des autres? De nombreux vidéos forment une série, mais sont-ils tous des webséries? Le terme websérie est présentement utilisé pour englober plusieurs types d’oeuvres qui sont un peu fictionnelles, un peu documentaires et un peu d’autres choses. Il est important de relever les caractéristiques de la websérie et de tenter une première définition d’un nouveau genre. En comparant différentes webséries québécoises avec des genres établis au cinéma (saga, feuilleton) et à la télévision (sitcom, série lourde), il est possible de faire ressortir certaines caractéristiques de la websérie. Cette analyse s’appuie sur les travaux de Barrette (2010), de Jost (2011) et d’Arsenault (2011).

La notion de non-public se définit principalement par contraste ou en opposition avec celle de public (Jacobi et Luckerhoff, 2010). Cette notion qui a servi à identifier les individus qu’on ne compte pas parmi les publics de la culture cultivée a contribué à confirmer l’existence d’une hiérarchie des pratiques, des institutions et des habitus en fonction de leur légitimité (Le Marec, Schiele, Luckerhoff, 2021). Cette perspective négligeait le fait qu’un même individu puisse appartenir au public de la culture légitimée tout en s’adonnant à des pratiques peu légitimées. Considérant qu’il n’existe pas de réelle frontière entre le public et le non-public, des chercheurs ont refusé de définir les non-publics dans une perspective essentialiste – qui reviendrait à essayer de cerner qui ils sont – pour embrasser le projet de caractériser, tant par l’observation que par la cueillette et l’analyse de témoignages, ce qu’ils font (Lapointe et Luckerhoff, 2021). Il est possible pour des acteurs d’être plus ou moins publics et plus ou moins non-publics. Nous avons analysé 210 publications scientifiques portant sur les non-publics afin de dégager les nombreuses raisons d’être non-publics. Nous nous sommes intéressés à mieux comprendre les raisons du désintérêt chez différentes catégories de non-publics de même qu’à saisir la manière dont l’acte de réception positionne l’individu sur le continuum se déployant entre les pôles public et non-public.

En mai 1968 s’est amorcée, à l’Université de Dakar, la grève étudiante la plus marquante de l’histoire du Sénégal. Une analyse historique de ces événements permet de comprendre les liens qu’il peut y avoir entre différents cas de luttes étudiantes, non seulement en ce qui a trait au processus contestataire, mais également en ce qui concerne la critique et la répression auxquelles celui-ci doit souvent faire face. Pour les étudiants dakarois de 1968, « sortir des sentiers battus » signifiait de choisir la mobilisation, la contestation et « la rue », en s’opposant au « Palais » et en s’exposant aux conséquences que ce choix pouvait amener. Devant un mouvement de cette ampleur, et devant son extension vers d’autres groupes de la société, de quelle façon l’État a-t-il réagi? Plus particulièrement, quelle stratégie a été mise en œuvre par le gouvernement de l’époque, celui de Senghor, pour gérer ce bouillonnement social; quel discours en est-il ressorti? C’est à la fois au contexte et au déroulement de ces événements marquants de l’espace social et culturel du Sénégal que nous nous intéresserons.

Au Québec, le nombre de livres électroniques (LN) vendus a oscillé entre 505 657 en 2014 et 583 693 en 2022 (OCCQ, 2023). Bon an mal an, ce marché demeure relativement restreint. Le nombre de LN empruntés dans les bibliothèques est cependant en hausse alors que les emprunts de livres papier (LP) sont en baisse (Lapointe, Luckerhoff et Niort, 2023). 

Nous avons voulu connaître les raisons qui expliquent le passage du LP au LN chez des lecteurs. Nous avons animé des entretiens individuels et de groupe avec plus de 70 personnes dans une démarche qualitative (Luckerhoff, Guillemette et Lalancette, 2023) inductive (Germain, Guillemette, Luckerhoff, 2023) et nous les avons analysés selon les principes des approches inductives (Guillemette et Luckerhoff, 2023a, Guillemette et Luckerhoff, 2023b). Nous avons créé un échantillon théorique diversifié, notamment sur les plans sociodémographiques et des profils en lien avec la lecture.

Des participants trouvent qu’il est plus aisé de lire au format numérique, notamment en raison de la possibilité de grossir les caractères et de la légèreté de la liseuse. D’autres évoquent la possibilité d’avoir plusieurs livres à lire dans un seul dispositif, les coûts moins élevés et la facilité à se procurer des livres en ligne. Nos résultats de recherche permettent aussi d’identifier des changements dans les habitudes d’emprunt et d’achat et de mieux comprendre comment les lecteurs de LN découvrent des titres et des auteurs dans ce contexte.

La prostituée, la vitrine et la ville.

Nous proposons de faire une analyse de la ville et de son espace pour mettre en évidence sa méthode de construction tenant en compte de la présence de la prostituée et de la vitrine comme dispositif. Après la révolution industrielle et avec l’urbanisation de masse dans les grandes villes, on a pu constater un grand changement dans l’organisation de la structure sociale urbaine. En effet, beaucoup de personnages de cette urbanisation qui étaient déjà présents ont été soit plus (in)visibles soit se sont transformés en sans-abris. Les prostitués faisaient partie de ces personnages. La ville, avec toute son organisation sociale, va déplacer tout ce qui n’a pas de place en son sein, tout ce qui dérange comme toute sa propreté morale ou physique, vers des endroits isolés, excentrés, loin des regards raffinés de la population métropolitaine. C’est dans ces espaces quasi-autres, dans « les-bas-fonds » que l’on parque et délocalisent ce qui est non désirable dans l’espace public. C’est dans cet espace qu’a été reléguée, dès le début de la ville moderne, la figure mythique de la prostituée.

Le pouvoir soviétique cherche à inculquer à ses citoyens, à l’aide de divers outils propagandistes, une conception du temps de l’histoire en accord avec son idéologie et ses politiques. Critère ordonnant la vision historique de l’État-parti, cette conception du temps de l’histoire est un instrument étatique imposant aux Soviétiques une façon de considérer le passé et de vivre le temps présent, permettant un contrôle maximal de l’activité symbolique et sociale dans le futur. Les téléastes de la station locale de la Républiques Soviétique Socialiste moldave (RSSM), tout comme d’autres catégories de producteurs culturels soviétiques, sont tenus de mettre en représentation la conception officielle du temps de l’histoire. Annexée à l'URSS pendant la Deuxième guerre mondiale, la Moldavie, ce territoire de litige entre la Roumanie et l’État soviétique, requiert un discours propagandiste qui prenne en compte son expérience historique et ses particularités culturelles. Dès lors, les téléastes moldaves refaçonnent, au moyen des procédés discursifs, audiovisuels et narratifs, les catégories de la continuité et de la rupture historiques ainsi que les instances temporelles de façon à appuyer une version soviétique de l’histoire de la Moldavie. L'historiographie officielle participe d’une politique identitaire de l’État-parti visant à construire une nation moldave soviétique supposément apparentée aux populations slaves et différente de la nation roumaine.

Dès les prémisses de la colonisation, la représentation de la femme « musulmane », comme exotique et démunie d’agentivité, est au centre des enjeux politiques et identitaires « occidentaux ». Celle-ci sert d’outil idéologique aux discours impériaux véhiculés par les médias de masse. Les médias servent avant tout à marquer et à classer les habitants du monde par le biais du stéréotype (Hall ; 1997). Ils participent au rapport imaginaire qu’on entretient avec notre existence de façon à préserver l’hégémonie culturelle occidentale. Les récentes révoltes survenues au Moyen-Orient visent justement à dénoncer ce régime du savoir autant qu’à renverser les états totalitaires (Dabashi ; 2012).

Ces évènements marqueraient l’émergence d’un monde gardé jusqu’ici sous silence, entre autres par le passage d’une image dictée par les médias à une image issue du peuple lui‑même suite à l’utilisation des technologies mobiles lors des révoltes. Nous proposons de suivre la naissance d’une image potentiellement contre-hégémonique de la femme « orientale » par l’analyse de quelques-unes de ces images. D’abord, une analyse formelle permettra de mettre à mal les stéréotypes omniprésents dans notre imaginaire. Nous verrons que ces idées bouleversent l’ordre symbolique au profit d’un nouveau rapport identitaire (Jones ; 2012). Enfin, nous constaterons les limites de ce potentiel par une critique de l’icônisation de ces images (Azoulay ; 2012) qui rend possible leur hégémonisation.

En Ontario français, l'école s'est donné le mandat de promouvoir la langue et la culture françaises et reconnaît que l'art peut y contribuer (Ministère de l'éducation de l'Ontario, 1999, 2000, 2004). Les recherches ont principalement porté sur l’expérience des élèves et des enseignants, (Théberge, 2006a, 2006b, 2006c, 2007a, 2007b), plus rarement sur celle des professionnels (Théberge, 2008 et 2009). La présente recherche examine comment des artistes du théâtre franco-ontarien créent pour le public adolescent et comment ils pensent contribuer à son éducation artistique et culturelle. Le cadre conceptuel s'inspire du modèle systémique de créativité (Csikzentmihalyi, 1999, 2006) qui permet d'identifier la relation entre artiste et public dans le processus de création. Les données présentées sont issues d'une recherche doctorale de nature ethnométhodologique incluant seize artistes en période de création.  La communication présente trois concepts émergents: l'artiste conteur, l'artiste formateur et l'artiste passeur (Thibault, 2010). Cette recherche fait connaître le travail des artistes, leurs initiatives et les besoins qu'ils identifient en matière de formation du public adolescent et des adultes qui l'accompagnent. Les résultats peuvent contribuer à approfondir l'intégration de la création professionnelle à l'éducation artistique et culturelle en Ontario français. 

Ma communication portera sur Je suis un écrivain japonais de Dany Laferrière. Ce roman paru en 2008 met en scène un écrivain autofictif face à une médiatisation croissante due à une polémique créée par le titre envisagé de son prochain roman. Je me demanderai : comment Laferrière use-t-il de l'ironie pour dénoncer la manière dont les critiques et les universitaires découpent la production littéraire en espaces nationaux ; comment représente-t-il, dans son roman, l'écrivain ainsi que les autres agents de la vie littéraire (notamment l'intervieweur et l'éditeur). Je chercherai également à savoir si, par le travail de la fiction, dans ses romans, Laferrière arrive à atteindre une sorte de réflexivité, un retour sur soi et sa médiatisation, en somme, un « savoir réflexif ». La place prépondérante accordée au paratexte (le titre, mais également les entretiens à propos de l'œuvre à venir), dans l'intrigue même du roman, s'avère à cet égard un élément révélateur du « retravail de l'éthos préalable » (Amossy : 2010) de Laferrière, fait de reconductions mais aussi de ruptures, d'infléchissements. Finalement, je montrerai de quelle manière Je suis un écrivain japonais s'inscrit dans le cadre énonciatif global qu'est la posture (« manière singulière d'occuper une position dans le champ littéraire » (Meizoz, 2007)) de Dany Laferrière, notamment caractérisée par la maîtrise des codes médiatiques (jouer le jeu, mais également, se jouer du jeu).

Musique et postmodernité : la courtepointe sonore d’une transition sociétale.

 

Cette proposition de communication se limite, bien humblement, à une interprétation de la forme et de la manière dont est produite la musique à l’heure de la transition sociétale qu’est cette postmodernité dont on a jusqu’ici abondamment discuté dans le champ des sciences sociales.    Précisément, il s’agit de décrire et de comprendre les nouveaux environnements de création, de diffusion et de réception de cette musique «postmoderne» issue de la «culture numérique».

 

On examinera donc les nouveaux moyens de production de cette musique; lesquels concourent à lui donner une ou plutôt des formes particulières dont on voudra simplement apprécier les contours et interpréter le sens.  On cherchera également à décrire comment cette même musique est désormais promue et diffusée via de nouvelles plateformes.  Enfin, on cherchera aussi à examiner et décrire les nouvelles modalités de l’écoute musicale, lesquelles en sont peu à peu venues à modifier substantiellement notre rapport à la musique elle-même.

 

Afin d’augmenter de manière proprement «sonore» le propos, quelques «morceaux choisis» seront proposés aux auditeurs afin d’illustrer certains éléments précis de l’interprétation proposée dans le contexte de cette communication. 

 

En 1998, Verena Stefan (1947-2017) s'est installée à Montréal. L'écrivaine suisse allemande, devenue mondialement célèbre avec son premier roman Häutungen (Mue), a passé près de 20 ans à Montréal et au Québec, mais son œuvre reste absente des librairies, des bibliothèques et des étagères des Montréalais. Comment expliquer cette absence, surtout sur son lieu d'immigration?

Pour analyser l'absence et la présence de son œuvre dans les bibliothèques nationales canadiennes et germanophones, j'ai recueilli des données bibliographiques sur les traductions et les originaux de Stefan auprès de la Bibliothèque nationale allemande, de la Bibliothèque nationale autrichienne, de la Bibliothèque nationale suisse, de Bibliothèque et Archives Canada, de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et de neuf autres bibliothèques nationales. Pour identifier les œuvres importantes qui sont accessibles aux différentes communautés littéraires et linguistiques par le biais des bibliothèques, une analyse statistique de leurs données bibliographiques sur les traductions est appliquée. 

L'hypothèse est émise que la mise en contexte et la visualisation des trajectoires de traduction de Stefan au Québec et au-delà, ainsi que l'accessibilité variable de ses écrits dans les communautés littéraires, soulignent son rôle dans la poussée de l'écriture féministe au-delà de ses frontières linguistiques, en insistant encore plus sur l'importance d'avoir ses œuvres disponibles dans différentes langues.



Souvent abordées par la recherche au prisme du roman, les pressions sociales sont une question essentielle de la poésie des Antilles à l’heure de la départementalisation, celle d’Haïti sous l’occupation américaine et celle du Québec pendant la Révolution tranquille. Notre but est d’interroger les corrélations entre poésie et sphères politique et économique. Nous nous demandons en quoi la poésie, au delà d'une perception lyrique ou intimiste, peut drainer les problématiques sociales dans les ères francophones susmentionnées, et ce, à partir de la poésie de Sonny Rupaire, Joseph Polius, Aimé Césaire, Élie Stéphenson, Jacques Roumain et Paul Chamberland.

Si la sociocritique nous permet d’approcher la poésie dans son circuit de production en déterminant les stratégies, l’itinéraire et la position du poète militant, il nous faut avoir recours à l'analyse thématique et stylistique pour déterminer comment l’urgence sociale, c'est à dire la famine, la précarité, l’aliénation, les inégalités sociales et raciales (autant de notions apriori antipoétiques),  se manifeste dans les recueils.

Quand le réel est insatisfaisant, la poésie militante n’est pas tant le témoignage d’une lutte qu'un lieu d’exil ou de catharsis, où le poète peut formuler ses aspirations, ses fantasmes et créer son utopie. Notre étude vise à évaluer le conditionnement de la poésie par les pressions sociales mais aussi la transformation de ces pressions par la poésie.

Si les théories du récit avancent diverses propositions pour organiser notre compréhension des mécanismes du discours narratif, un travail conséquent de défrichage théorique reste encore à faire, d’autant plus que certains termes, comme celui du storytelling, sont réputés pour leur caractère à la fois plurivoque et en constante réactualisation. 

Dans un premier temps, il s’agira de se pencher sur la polysémie du terme storytelling pour en saisir les fondements principaux. J’analyserai de quelles manières la notion étudiée peut s’inscrire en contexte littéraire et en quoi la dynamique entre littérature et storytelling tend à mettre en relief leurs différences. J’emploierai des exemples provenant de trois niveaux discursifs distincts. Le premier concernera le storytelling éditorial, par l’analyse de la mise en récit dans la ligne éditoriale de Lux Éditeur. Le deuxième sera le storytelling sous-tendant les récits diffractés avec Lieux de Georges Perec et, enfin, j’explorerai le côté performatif du storytelling en arts littéraires. 

Ce faisant, je proposerai une nouvelle perspective quant à l’abord des fictions en études littéraires tout en inscrivant clairement le sujet au cœur des études narratives. L’angle d’approche que je prône permettra de considérer la manière de raconter les histoires – et plus largement la littérature – sous un jour nouveau, c’est-à-dire en considérant, par l'intermédiaire du concept de performance, ce que le récit produit sur le réel.