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En 1998, Verena Stefan (1947-2017) s'est installée à Montréal. L'écrivaine suisse allemande, devenue mondialement célèbre avec son premier roman Häutungen (Mue), a passé près de 20 ans à Montréal et au Québec, mais son œuvre reste absente des librairies, des bibliothèques et des étagères des Montréalais. Comment expliquer cette absence, surtout sur son lieu d'immigration?

Pour analyser l'absence et la présence de son œuvre dans les bibliothèques nationales canadiennes et germanophones, j'ai recueilli des données bibliographiques sur les traductions et les originaux de Stefan auprès de la Bibliothèque nationale allemande, de la Bibliothèque nationale autrichienne, de la Bibliothèque nationale suisse, de Bibliothèque et Archives Canada, de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et de neuf autres bibliothèques nationales. Pour identifier les œuvres importantes qui sont accessibles aux différentes communautés littéraires et linguistiques par le biais des bibliothèques, une analyse statistique de leurs données bibliographiques sur les traductions est appliquée. 

L'hypothèse est émise que la mise en contexte et la visualisation des trajectoires de traduction de Stefan au Québec et au-delà, ainsi que l'accessibilité variable de ses écrits dans les communautés littéraires, soulignent son rôle dans la poussée de l'écriture féministe au-delà de ses frontières linguistiques, en insistant encore plus sur l'importance d'avoir ses œuvres disponibles dans différentes langues.

La nudité peut être troublante, dérangeante, excitante et fascinante. Bien sûr, elle a été réfléchie et éprouvée de façon différente selon les époques et les contextes. Mais qu’advient-il lorsque celle-ci est multipliée par dizaine, par centaine, par millier? Vanessa Beecroft et Spencer Tunick, deux artistes contemporains reconnus internationalement, nous donnent à voir ce genre de nudité; ils exposent, dans des contextes bien différents, des corps dénudés qui posent la question de la multiplicité. Étonnamment, les œuvres performatives de ces artistes nous montrent des corps dénudés dont l’érotisme semble presque complètement neutralisé, comme si l’œil du spectateur glissait sur un mur de peau et que l’excitation n’arrivait pas à le traverser.

L’objectif de cette communication est de positionner l’état de nudité des corps mis en scène par Beecroft et Tunick, tant dans leur rapport à l’histoire de l’art qu’aux problématiques contemporaines. Cette question présente certaines difficultés, puisque ces corps n’entrent dans aucune des catégories hégémoniques de la représentation – que ce soit celle qui oppose le nu et la nudité, la pornographie et l’érotisme ou le corps utopique et le corps «topique», selon le terme de Foucault. À partir de la théorie sur l’ouverture des corps de Georges Didi-Huberman et des stratégies formelles utilisées par Beecroft et Tunick, nous démontrerons que ces deux artistes proposent une nouvelle forme de nudité, dont les enjeux sont tout à fait actuels.

Cette communication sera l’occasion de présenter les axes de réflexions qui nourrissent mon mémoire de maitrise portant sur l’identité du sujet racé dans l’œuvre de Nadine Gordimer, auteure sud-africaine blanche et lauréate du prix Nobel de littérature de 1991. Il s’agira de rendre compte de la recherche d’un espace interstitiel (Bhabha, 1994), qui rend possible la rencontre entre Noirs et Blancs dans deux romans, La fille de Burger (Gordimer, 1981), Ceux de July (Gordimer, 1979). Les contextes de ségrégation, comme celui de l’apartheid, exacerbent l’importance de la notion de race, qui, dans les faits, relève d’une fiction maintenue en place au moyen de lois coercitives. Nous arguerons que les représentations du lieu physique ne permettent pas de véritables rencontres entre Noirs et Blancs, qu’elles sont tout au plus le théâtre d’un contact impossible ou violent. Écrire dans ces lieux chargés des violences raciales, c’est adopter une position de l’entre-deux ; c'est-à-dire éviter d’être confiné au territoire du maitre en reproduisant sa voix ou en s’y opposant de façon directe. En contexte d’oppression, il s’agit plutôt de trouver un espace autre dans lequel la race perd ce pouvoir discriminatoire ; un chez-soi (home) à l’intérieur de la maison du maitre (Morrison, 1997). Ainsi, c’est l’énonciation qui permet d’investir la frontière et de faire de la marge un lieu discursif où la rencontre de l’autre est possible. 

La pensée du philosophe pragmatiste John Dewey connaît un second souffle au sein de différents cercles universitaires un peu partout dans le monde. Alors que les projecteurs étaient jadis dirigés presque uniquement sur ses idées progressistes en éducation et ses commentaires politiques, c’est maintenant sa pensée concernant l’éthique qui suscite l’intérêt de plusieurs chercheurs en sciences humaines (Zask 2008; Lacroix, 2011). Sous cet angle, la théorie de la valuation correspond au dernier développement de John Dewey sur l'éthique vers la fin de sa vie. Plusieurs ont soulevé que le contenu et la forme des différents textes qu'a produit Dewey sur cette dernière peuvent soulever plusieurs paradoxes avec ses écrits antérieurs sur l'éthique (Williston, 1969; Boydston, 1970). Mais la théorie de la valuation n’a jamais été comparée à la lumière des problèmes philosophiques et pratiques du monde moderne que l'on retrouve dans Reconstruction en philosophie, ouvrage que plusieurs considèrent comme un tournant dans la pensée de Dewey (Cometti, 2014). Notre objectif est de dresser les points comparatifs entre ces deux ouvrages de Dewey. Cela nous mènera à jeter un nouveau regard situant la théorie de la valuation comme un instrument de reconstruction de la philosophie nécessaire à l'émancipation (growth) individuelle et collective des individus des sociétés scientifiques, industrielles et démocratiques modernes (Dewey, 1920).

« Son lynchage a été vu par des millions d’internautes. Nous avons assisté en direct à l’exercice de la barbarie extrême […] Ses lyncheurs lui avaient confisqué la parole. J’ai tenté de la lui rendre, pour qu’il nous parle de ce qu’il a été, de ce qui a fait de lui un dictateur [1]. », ainsi a décrit l’auteur algérien francophone Yasmina Khadra la source d’inspiration qui a donné naissance à son roman La dernière nuit du Raïs, publié en 2015. Quatre ans après l’assassinat de Mouammar Kadhafi, le chef d’État libyen, l’œuvre reprend la scène historique de sa mort. Ce récit nous invite à réfléchir non seulement sur la structure narrative et discursive qui marquent son hybridité générique, mais également sur le(s) rapport(s) de la fiction avec/à la réalité historique et aux médias. Quels sont les mécanismes déployés par Khadra permettant le passage de l’écran au papier? Nous faisons l’hypothèse que le dialogue et la description jouent le principal rôle dans ce passage. Notre communication analysera donc les méandres de l’histoire et de la fiction dans le roman de Khadra afin de montrer la corrélation entre ses aspects narratifs et thématiques. Nous ferons ainsi appel à la transmédialité, à l’analyse des genres littéraires et au roman historique.

[1] Entretien de Yasmina Khadra avec Dan Burcea, 16 décembre 2015, Salon littéraire Lintern@ute.

Après l’écriture du premier Manifeste du surréalisme en 1924, manifeste fondateur du mouvement et consacré entièrement à la poésie, André Breton publie en 1928 Le surréalisme et la peinture. Ce texte, étude sur des peintres liés de près ou de loin au mouvement surréaliste, est souvent considéré comme appartenant uniquement à la critique d’art. Cependant, bien que Breton écrive effectivement sur les peintres et leurs tableaux, il ne les décrit pas, et les choix des œuvres sont faits en fonction de ses goûts personnels. Les tableaux servent de point de départ à la prose poétique de Breton et à ses réflexions. Le surréalisme et la peinture serait d’abord un laboratoire créatif pour Breton, où celui-ci peut élargir sa théorie surréaliste, jusque là orientée seulement vers la poésie et l’automatisme. De plus, Breton se positionne contre le marché de l’art, juge sévèrement les peintres tentés de faire profit avec leurs œuvres et déclare l’échec des autres critiques d’art. En mélangeant les genres de la critique d’art et de la poésie, Breton révise les critères esthétiques du surréalisme à partir de la peinture. Notre communication a pour but de montrer comment Breton tente de redéfinir la critique d’art dans le contexte d’entre-deux-guerres et de profonds changements esthétiques, et comment il souhaite ultimement redéfinir la critique d’art pour qu’elle se rapproche de sa vision du surréalisme.

Quelle hypermédialité du cinéma (ou "environnement médiatique global") se dessine dans les documents et le parcours du cinéaste Herménégilde Lavoie ? Les archives de la BaNQ donnent une idée précise des activités du cinéaste (la façon dont il organisait son travail et dont il communiquait avec ses collaborateurs, la nature de ses projets, la date de leur réalisation, le matériel et les techniques utilisés, etc.) et des réseaux de création et de production (Club des habitants, réseaux des Sœurs, etc.) dans lesquels il s’est impliqué de 1940 à 1972. Plus de trente années de carrière ont ainsi amené Herménégilde Lavoie à travailler pour l’ONF, à devenir le directeur d’une revue intitulée La Belle Province et à diriger son entreprise de « Réalisation de films cinématographiques sonores » à la fois industriels, touristiques, religieux ou éducationnels : Les Documentaires Lavoie. Il est frappant de voir comment des projets cinématographiques de nature très différente, en apparence du moins, sont en fait interreliés et répondent à un impératif que le cinéaste aura à cœur toute sa carrière durant : l’ « embellissement » de la province québécoise, la mise en valeur de son patrimoine, du savoir-faire et du savoir-vivre de ses habitants. Les films des Documentaires Lavoie deviennent un des supports de ce message philanthropique et/ou humaniste.

À la lecture d'un roman de la Grande Guerre, au visionnement d'un film se déroulant dans les tranchées, à la contemplation d'un tableau tentant d'en transmettre l'essence, le récepteur de l'œuvre peut aisément constater qu'il y a répétition de motifs, de thèmes, de signes, et ce malgré la diversité des supports. Ces éléments invariants présents dans le discours social (Marc Angenot) sur la Grande Guerre semblent traverser un siècle de représentations de la Première Guerre mondiale et participer à la formation d'un imaginaire de la tranchée (Pierre Popovic, Cornelius Castoriadis). Cette communication s’intéressera à la formation de cet imaginaire par le martèlement de motifs et de thèmes portés par des œuvres diverses. Elle interrogera la signification et la variation de certains éléments récurrents du monde des tranchées, et ce dans diverses formes d’arts (littérature, peinture, cinéma, photographie, bande dessinée, jeux vidéo). Enfin, cette communication montrera, par l’étude des cas des barbelés et de la boue, comment certains éléments se chargent symboliquement pour représenter les souffrances du soldat dans ce qui constitue, peu à peu, au fil des créations, un imaginaire social de la tranchée. 

Les données statistiques compilées par l’OIM (2007), OECD (2009), Banque Mondiale (2006 et 2008) et la CEPAL (2000 et 2010) montrent que la Colombie se classe parmi les cinq principaux pays d’immigration en l’Amérique Latine et les Caraïbes. Le Canada est devenu, depuis le début des années 1980, l’une des principales destinations des émigrants colombiens dans le monde. Le Québec est, au Canada, la deuxième province accueillant le plus grand nombre d’immigrants colombiens au pays. Nous nous sommes penchés sur cet aspect à partir de la perspective historique, dans le but d’identifier et d’analyser les causes qui ont donné origine à ce flux migratoire.

 

Ce travail cherchait à donner des réponses à une série de questions, dont les suivantes : le flux migratoire des Colombiens vers le Québec est-il un événement qui a sa propre dynamique ou est-il une prolongation du flux migratoire des Colombiens vers les États-Unis depuis les années 1960?Quel impact a eu la législation canadienne sur l’immigration et les réfugiés en ce qui concerne la venue des Colombiens au Québec?

 

Pour répondre à ces questions, nous avons mené notre enquête en utilisant des sources primaires et secondaires, notamment  la consultation de la documentation de l’Archive historique nationale de la Colombie, l’analyse des sources journalistiques, statistiques. Nous avons aussi utilisé des sources orales.

Voyage léger de Mélissa Verreault (2011) et Carnets de naufrage de Guillaume Vigneault (2000) possèdent une histoire similaire : à la suite d’une rupture amoureuse, les personnages principaux sont déroutés et décident de quitter leur milieu respectif pour trouver un sens à leur existence. La fin des oeuvres coïncide avec le retour des personnages sur les lieux qu’ils avaient initialement quittés. Chez Verreault et Vigneault, la résolution de l’histoire ne se limite pas à un retour « géographique » des personnages, il s’agit également d’un retour « physique » du personnage principal dans le roman. Plus précisément, ces fictions se concluent sur la reconstitution des protagonistes. Au début, ils étaient des êtres évanescents, passifs dont la voix et les pensées étaient fragmentaires. Au fil de leurs tribulations, les éléments extérieurs modulent leur rapport au monde. Lors de la résolution de l’histoire, ils sont devenus des personnages « à part entière » capables de poser des actions concrètes. Pour plusieurs théoriciens du personnage, dont Michel Erman, un héros se doit de poser des actions. « Il n’y a pas de roman sans actions, il ne peut y avoir d’action sans personnage. » (Michel Erman) Pourtant, dans ces deux oeuvres, c’est l’histoire qui construit le personnage. Ainsi, Voyage léger et Carnets de naufrage permettent d’observer une construction inversée du protagoniste; construction qui s’avère nouvelle dans les romans québécois contemporains.

En 1931, sous la direction d’Olivar Asselin, le quotidien libéral montréalais Le Canada introduit un nouvel élément dans l’économie de sa page éditoriale. Il s’agit d’une rubrique intitulée « Les réflexions de l’Oncle Anthime » et publiée régulièrement de 1931 à 1934. 180 chroniques réunissant 1883 très courts textes, souvent de la longueur d’une seule phrase, y paraissent. Portant sur des thèmes plus ou moins dictés par l’actualité, marquées au coin du discours partisan, ces sortes de brèves éditoriales se présentent au lecteur comme l’expression de faits généraux d’expérience soustraits aux règles communes de l’argumentation. Énoncées par le truchement d’un artifice littéraire, sous un pseudonyme transparent, qui, tout en ne voilant pas l’identité véritable du journaliste, la distancie de son propos, elles renouent, en contexte médiatique, avec un mode d’expression procédant par sentence parmi les plus anciens de la littérature. Dans le prolongement de l’effort d’inventaire des microformes journalistiques proposé par Marie-Ève Thérenty et Guillaume Pinson (2008), eu égard à la forme verbale à laquelle elles recourent et à la tradition littéraire qu’elles évoquent, nous désignerons ces brèves éditoriales du nom d’éditoriaux gnomiques. En guise de soutien à la proposition théorique esquissée, nous décrirons le corpus exhumé, puisant, pour orienter notre travail, du côté de commentateurs illustres de cette tradition, en commençant par Aristote (Rhétorique, II, 1294a-1395b).

Au lendemain des élections présidentielles de 2000, le Sénégal tourne la page sur 40 ans de régime socialiste, et traverse pacifiquement les élections les plus redoutées de son histoire politique. La presse privée, nouveau contre-pouvoir, «élit» son candidat. Une fois aux commandes, cet homme « idéal » est loin de faire l’unanimité selon les médias indépendants, qui, du coup, constituent un obstacle pour lui. Il s’instaure alors un bras de fer entre les ex-alliés. À deux ans de la fin de ce mandat, une webradio créée par un  émigrant sénégalais, voit le jour (Keurgoumak). Le concepteur décide, à travers des interviews (Pencum Sénégal) de personnalités politiques, de poser un regard neutre et objectif sur le septennat finissant. Mais une radio au dispositif technique presque assimilable à du « journalisme citoyen », née dans des conditions sociopolitiques si particulières, peut-elle être neutre? Peut-elle échapper à la subjectivité, avec des interviews si politiquement colorées? Nous allons observer et analyser,  à travers la conduite des entretiens médiatiques par le journaliste, des éléments axiologiques qui pourraient mettre à jour une forme de subjectivité biaisée et partisane.  Notre approche a une orientation énonciative et interactionnelle.

Mots clefs : entretien médiatique, discours médiatique, énonciation, subjectivité, approche conversationnelle-interactionniste, argumentation, wolof, Sénégal.

Green Mustang porte sur un conflit qui éclate dans l’intimité d’un foyer. Il est question de la transmission linguistique au sein d’une famille exogame, où deux langues vivent sous un même toit. Le personnage d’Éric Lechasseur, fier Fransaskois et professeur de littérature française à l’Université de Regina, ne tolère pas qu’on parle anglais chez lui. Sa femme, Amanda Stepaniuk, un « produit de l’immersion » bilingue aux racines ukrainiennes, le quitte après s’être sentie ignorée pendant des années. Leur fille, Mona, se qualifie de « petite assimilée » (même si elle parle très bien français) et fait une maîtrise en études anglaises pour se révolter contre son père, qui ne jure que par les poètes français du XIXe siècle. C’est elle qui fait comprendre à Éric qu’il doit remettre sa vision tranchée du monde en question.

À partir de cette toile de fond, j’essayerai, à la lumière de L’imaginaire des langues d’Édouard Glissant, selon qui « le monde se créolise, toutes les cultures se créolisent à l’heure actuelle dans leurs contacts entre elles », et du Monolinguisme de l’autre de Jacques Derrida, qui affirme qu’il n’existe aucune barrière étanche entre les langues, de montrer que Gareau tisse une œuvre complexe où le contact des langues et l’histoire de la Saskatchewan servent de matière à réflexion sociolinguistique. On verra que Mona finit par convaincre Éric que sa vision manichéenne des langues est héritée de son père, contre qui il s’est révolté à son tour.

L’ISOMORPHISME DES SIGNES DES ESPACES SACRÉS DANS L’IMAGINAIRE COLLECTIF

Le monument à Staline à Prague, le monument Atatürk à Izmir et le parlement hongrois à Budapest de formes et d’architectures variées possèdent tous d’éléments importants de sens communs importants.

L'étude proposée analyse les traits communs des espaces sacrés et cherche à comprendre les causes et les modalités de leur présence. Pour ce faire, il sera fait appel aux études de Gaston Bachelard dans La Poétique de l’espace. Si la méthode de Bachelard est bien connue, nous en proposons des critiques et des compléments, apportés par nous-mêmes et d’autres, et les appliquerons à un corpus inédit. De plus, nous la croiserons avec la théorie de l’analyse sémique de François Rastier. Enfin, nous fonderons notre analyse sur l’hypothèse de Régis Debray, qui trouve l’origine du sacré dans l’interdiction.

La domination, la force, l’inaccessibilité, le vide et la profondeur sont parmi les sèmes que possèdent les espaces sacrés pour « dialoguer » avec leurs destinataires. Debray considère également le sacré comme intouchable. C’est ainsi que la poétique de l’interdiction dans les espaces sacrés définit une limite, dans l’imaginaire commun, qui ne doit pas être franchie.

Nous convoquerons les représentations du sacré dans l’architecture et l’« ambiance » de certains espaces et de certains édifices sacrés disséminés dans plusieurs pays et érigés au cours de l’histoire.

Au Centre jeunesse de Montréal (CJM-IU), on accueille les jeunes contrevenants membres de gang de rue pour leur réadaptation. Ces jeunes s’engageraient dans une délinquance plus violente et plus grave que les délinquants qui ne sont pas membres de gang (Laurier et Morin, 2014), mais seraient toutefois davantage victimes de violence (Abram et al., 2004). Les intervenants disposent de peu de temps pour créer une alliance avec eux et cherchent des moyens pour les rejoindre. L'utilisation d'un atelier de poésie Slam, similaire au rap qu'ils écoutent, a été explorée par le CJM-IU.

 

Les résultats finaux obtenus lors d'une recherche qualitative sont prometteurs. Douze entrevues d'approche phénoménologique descriptive de Giorgi (2012) ont eu lieu pour creuser l'expérience créative des jeunes sur le plan expressif, psychologique et relationnel. L'artiste médiateur, David Goudreault, a été interviewé et les observations des ateliers assuraient une multivocalité (Tracy, 2013). Aucune étude sur le Slam, ni le rap n'a rencontré cette population spécifique auparavant. 

 

Cette étude souligne le potentiel de l'utilisation des interventions par l'art, notamment l'écriture du Slam pour évacuer les souffrances psychiques et les violences accumulées par ces jeunes. Elle permet de contourner les mécanismes de défense et les réponses automatiques des adolescents. Elle favorise leur désir de partager leur histoire sous forme de Slam, un moyen perçu comme acceptable pour exprimer leurs émotions.

L’écriture et la consommation d’une drogue peuvent paraître deux activités difficilement conciliables. La drogue jette le sujet dans des bouleversements perceptifs et psychiques qui se révèlent souvent revêches à l’expression — s’ils ne sont pas carrément indicibles (de Certeau, 1982). Le psychotrope absorbé mine (parfois irrémédiablement) ses capacités de remémoration et de reconstitution. Le simple fait de tenir un crayon et de tracer des signes relève, dans certains cas, de l’exploit. Malgré ces écueils, plusieurs auteurs ont consigné par écrit leur expérience de la drogue. Leurs textes présentent en ce sens une volonté de re-tracer l’expérience, de re-trouver, à travers les réminiscences ou les quelques notes prises en cours d’expérimentation, le chemin des mots (Arslan, 2000; Fintz, 1997) : l’écriture de la drogue s’effectue à rebours. Dans le cadre de cette communication, nous proposons d’envisager ce mouvement particulier de l’écriture de la drogue en examinant les textes de différents auteurs (Michaux, Huxley, Duits, Benjamin). Il s’agit de montrer comment l’écrit se déploie dans cette entreprise de re-mise en mots de l’expérience. Nous considérons que l’écriture de la drogue est avant tout « ré-écriture » : il est question de re-composer, de re-construire  l’expérience, mais aussi (et même surtout) de la re-vivre, la re-faire — cette fois au moyen du langage. La drogue semble dès lors un pré-texte à l’écriture et le texte lui-même, un nouvel espace expérientiel. 

L'objet de cette présentation est une étude portant sur l’éducation au patrimoine dans le cadre scolaire au Québec. Elle se décline en deux principaux axes : le premier vise à faire un bref état des lieux des pratiques pédagogiques en lien avec le patrimoine réalisées dans la province. L’objectif est d’étudier la forme que prend cette forme éducative au niveau des intentions d’apprentissage, du rôle des enseignants et des institutions culturelles, du type de patrimoine enseigné ainsi que des disciplines dans lesquelles elle s’insère. Le deuxième axe s’articule autour d’une approche collaborative que j’adopte pour intégrer le patrimoine sur une base plus ou moins durable dans le cours d'histoire du Québec et du Canada, mon terrain d’étude. Les collections archéologiques du site Cartier-Roberval, représentatives de la première tentative d’implantation permanente française en Amérique (Samson et Fiset, 2013 : 9), sont utilisées à titre d’exemple en ce sens pour développer des ateliers éducatifs en lien avec le patrimoine. La méthodologie de la recherche-action employée au sein de cette étude permet d'établir un partenariat étroit avec les professeurs participants et, par la même occasion leurs étudiants, afin de saisir pleinement les enjeux et les particularités de l'éducation au patrimoine dans ce milieu d'apprentissage. Principalement d'ordre qualitatifs, les résultats de l'étude visent ainsi à mieux documenter l'implantation de cette forme éducative au Québec.

Au cours des dernières décennies, le milieu de la musique classique a développé différentes stratégies afin de conserver son public. L’une d’entre elles est le cross-over, tel que pratiqué par les orchestres symphoniques au Québec. D’abord utilisée comme stratégie marketing, cette pratique a su s’implanter dans les programmations de concerts des orchestres symphoniques de Montréal et de Québec, et semble être devenue un moyen pour le public de renouer avec ces institutions. Ainsi, cette pratique est-elle seulement une stratégie marketing ou est-elle aussi le reflet des rapports de la société québécoise avec ses institutions de musique classique? De plus, comment le renouvellement des programmes de concert via une diversification du répertoire s’inscrit-il dans une démocratisation de la musique classique? Pour mener à bien ce projet de recherche, une analyse de l’ensemble des programmations de concerts de l’OSQ et de l’OSM depuis la saison 2000-2001 a été effectuée afin de dresser un réel portrait de la situation. À la lumière des résultats suggérant que le cross-over est maintenant une pratique établie, il s'agit maintenant de dresser une cartographie précise de l’impact du cross-over en musique classique au Québec. Cette recherche permettra de mieux comprendre le phénomène du cross-over au Québec et quel impact la diversification de l’offre de concerts a sur la démocratisation de la musique classique au Québec, en rapprochant les orchestres symphoniques et le public.

La soustraction additive en art contemporain

En 1953, Robert Rauschenberg achète un dessin à l’artiste Willem de Kooning, l’efface puis l’expose. Il lui donnera alors le titre évocateur Erased De Kooning Drawing. Aujourd’hui encore, de nombreuses pratiques artistiques se situent dans la lignée de cette action. Paradoxalement, l’effacement ajoute quelque chose à l’image et atteindre véritablement l’ « absence » semble impossible. Quelle serait donc la nature de ce « reste » et comment en produire l’analyse sémiotique ?

Tout d’abord, nous étudierons le travail de trois artistes : Erased De Kooning Drawing (1953) de Robert Rauschenberg, A Void (2009) de Joseph Havel et Au-delà des signes (2015) de Mathieu Grenier. Ces trois artistes ont un mode opératoire commun : s’approprier un objet symbolique et en modifier la nature par une soustraction additive. Par la suite, on analysera la médiation culturelle de ces œuvres et son enjeu. On verra comment leur déplacement sémantique est généré et l’importance de leur aspect discursif. Pour ce faire, on utilisera la trichotomie du signe de C.S. Peirce (1978) et nous approfondirons la catégorie de l’interprétant à l’aide du modèle d’Erving Goffman (1991).

La soustraction additive change profondément la nature de l’œuvre d’art. Premièrement, elle détruit le fantasme de la création ex nihilo, et deuxièmement, elle nous force à analyser l’interdépendance des facteurs sémiotiques et non plus simplement des œuvres isolées.

L’Hôpital des enfants trouvés
de Nancy fut érigé en 1774. Cet établissement fut avant tout
un lieu de transit pour les enfants abandonnés en Lorraine. Entre 1774-1775, il
recueillit un total de 462 enfants, dont la plupart ne firent que passer. Ils y
reçurent seulement les soins élémentaires et le baptême, puis ils furent
renvoyés à la campagne. Cette
redistribution des enfants trouvés engendrait une importante mobilité
infantile. Elle impliquait que les enfants circulent sur une très grande
distance. Notre communication portera précisément sur
ce phénomène de circulation des enfants abandonnés. Elle s’intéressera au
destin des enfants trouvés en Lorraine, entre 1774-1789. Celle-ci s’appuiera
sur le fonds d’archives inédit de l’Hospice
St-Stanislas de Nancy (H-dépôt 5). À partir des registres d’admission de l’hôpital, des
procès-verbaux de la réception des enfants, des dossiers personnels de chacun,
ainsi que des bilans financiers de l’institution et des actes de fondation de
celle-ci, nous dégagerons les grandes tendances relatives à la circulation des
enfants exposés. Nous montrerons aussi comment les différentes trajectoires de vie de
ces derniers furent modulées par des caractéristiques propres à chacun, telles
que l’âge et le sexe. Cette présentation, en
fournissant des informations nouvelles issues de sources inexploitées,
contribuera assurément à l’avancement des connaissances liées à l’histoire de
l’enfance et l’histoire des institutions d’assistance.

Dans la foulée d’un travail de recherche présenté lors du dernier congrès de l’Association française de sémiotique (Lièges, 2013), je me propose de poursuivre la réflexion en abordant la réactualisation d’un genre pictural conventionnel dans les affiches publicitaires actuelles, à savoir la nature morte. Pour ce faire, je pendrai à témoin les publicités de la collection féminine Hiver 2013-2014 du couturier Valentino, de même que les affiches promotionnelles de la série télévisée Hannibal par Bryan Fuller. L’hypothèse à vérifier sera celle du passage d’un médium majeur à des supports publicitaires. Mais, plus spécifiquement, l’étude portera sur le transfert de la charge sémantique des natures mortes picturales anciennes à la publicité actuelle. Je tenterai de démontrer en quoi la reprise de la thématique de la nature morte constitue une stratégie permettant aux publicitaires de se faire les « relanceurs » d’un contenu symbolique antérieur (voluptas, vanitas) dans le domaine de la mode et celui des séries télévisuelles de criminalistique. L’étude comparative des images visera à mettre en lumière le fait qu’ellesrenseignent sur l’histoire sociale par le biais de la mise en image d’objets usuels issus du quotidien, de même que sur les rapports que l’homme entretient avec le monde matériel. Aussi, une attention particulière sera portée au contexte d’émergence des images de pub et à l’ancrage socioculturel dans la production du sens.

Dès son invention, le cinéma s’est défini en tant que mode d’expression essentiellement masculin. Or, depuis une vingtaine d’années, les femmes se font de plus en plus présentes à la réalisation et nombreuses sont celles qui placent le corps féminin au centre de leur oeuvre : sexualité crue et désincarnée, réification, mutilation, expérience trouble de la maternité, etc. Considérant que la femme entretient un rapport culturellement et biologiquement singulier vis-à-vis de son corps, je propose une lecture féministe du cinéma féminin contemporain. Prenant comme exemples Anatomie de l’enfer (Catherine Breillat, France, 2004), Sleeping Beauty (Julia Leigh, Australie, 2011) et Klip (Maja Milos, Serbie, 2012), j’analyserai comment ces réalisatrices usent du corps féminin afin de déjouer les mécaniques érotiques traditionnelles. Au point de vue méthodologique, le corpus sera examiné à la lumière des concepts de pudeur (Jodelet, 2007), des pôles activité/passivité (masculin/féminin) et du rapport spectatoriel au cinéma (Mulvey, 1975).Ceux-ci s'inscrivent dans une tendance à la subversion observable dans les pratiques féministes contemporaines (Attwood, 2007). Ainsi, je démontrerai qu’en exacerbant les codes érotiques et pornographiques conventionnels, ces cinéastes soulignent l’incohérence et la désuétude de ces mécaniques et, ce faisant, déconcertent le spectateur, lequel se voit alors privé d’une expérience érotique.

La Lettre écarlate, roman publié par l'américain Nathaniel Hawthorne en 1850, a été écrit sous la forme d'une énigme à résoudre. Bien que le mystère qui entoure la naissance du bébé Pearl Prynne, fille illégitime d'Hester Prynne, ne soit pas aussi étanche que l'énigme du Double assassinat sur la Rue Morgue d'Edgar Allan Poe, le roman de Nathaniel Hawthorne jette en quelque sorte les bases du roman noir ou du polar. D'abord parce que le récit touche à l'injustice cautionnée par la société puritaine. Le cadre social dans lequel évolue la petite Pearl et sa mère tire ses sources de la conception du sacré selon Baruch Spinoza dans son Traité théologico-politique. Ainsi, le sacré devient le terrain de jeu propice aux inégalités sociales, à la corruption, à l'injustice et à la vengeance. Cette dérive mène à une crise identitaire chez le révérend Arthur Dimmesdale, forcé de voir son amante et sa fille humiliées sur la place publique. Selon Hannah Arendt dans son ouvrage Condition de l'Homme moderne, cette crise identitaire survient lorsque l'identité narrative ne s'est construite qu'à partir des normes sociales dictées par la modernité judéo-chrétienne. Nous verrons donc comment le roman de Nathaniel Hawthorne jette les bases du polar moderne, qui, lui, agit comme un catalyseur d'injustices.

 

Dans la planche Atlas, issue du livre La conquête de l’espace. Atlas à l’usage des artistes et des militaires (1975), Marcel Broodthaers transforme la feuille non-coupée de l’édition en affiche. Par ailleurs, dans L'image écrite ou la déraison graphique (1995), Anne-Marie Christin observe que l’écriture, qui avait perdu avec l’invention de l’alphabet, ses attaches sémiotiques à son support, les retrouve à travers la description géographique.

Pour aborder cette problématique, j'adopterai une analyse intermédiale focalisée sur l'idée d'une secondarité dans la littérature et l'art contemporain. Je me situe ainsi dans le sillage d’Aby Warburg qui dans « Divination païenne et antique dans les écrits et les images à l’époque de Luther » (1990, [1920]), met  en lumière la réadaptation des « pathosformeln » de l’Antiquité à la Renaissance.

Changer le format des objets – tel que Broodthaers le fait dans Atlas et La conquête de l’espace…, c’est bouleverser de l’intérieur, l’ordre du texte, tout en problématisant la transmission de l’expérience devant la perte d’autorité de la parole littéraire dans la contre-culture des années 1960.

Ainsi l’histoire de la sensibilité de l’homme contemporain peut être complétée avec une étude de l'apparition et de l'évolution de la cartographie, en relation avec la transmission des « pathosformeln » de l'Antiquité par les différents supports des écrits et des images, tel qu’illustré dans Atlas et La conquête de l’espace… de Broodthaers.

 

 

 

Figure d’exception, Mihri Rasim (1886-1954) est la première plasticienne turque à vivre de son art. C’est elle qui, en 1914 à Istanbul, fonde l’École de beaux-arts pour femmes. Ce faisant, elle défie les conventions qui sont imposées aux femmes par la société et qui limitent la place de celles-ci dans la sphère publique en les reléguant à l’espace privé. Mais, est-ce que les changements structuraux de la société, à savoir les réformes du système d’éducation qui désormais offre la possibilité aux femmes de choisir le milieu des arts plastiques comme métier, ont vraiment eu un impact sur leur propre conception au sein de la société?

Autrement dit, malgré sa vie d’avant-garde, dans Autoportrait avec la tasse de café, Mihri Rasim succombe-t-elle sous la pression de conformisme exercée par la société? Et au contraire, sa nièce, Hale Asaf (1903-1937) dans Autoportrait avec la palette dépasse-t-elle cette pression? L’analyse comparative de ces deux œuvres permet de contraster le rapport dialogique de Rasim et d’Asaf à leur identité et à leur identification comme femme et peintre. Ces toiles décrivent leur relation avec la société turque à deux moments différents et leur place dans celle-ci. Dans cette perspective, j’examinerai la place sociale de la femme actuelle turque pour souligner que, sous une modernité apparente, elle est encore soumise aux conventions ancrées dans les rapports interpersonnels.