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À l'occasion de l'exposition Chagall, Soulages, Benzaken... Le vitrail contemporain présentée en 2015 à la Cité de l'architecture et du patrimoine de Paris, Véronique David et Laurence de Finance ont présenté un texte réflexif sur la présentation du vitrail lors de manifestations culturelles. Qu'il s'agisse de sa nature, de son rapport à la lumière ou encore de sa distance et de sa position dans un édifice, les deux chercheuses ont montré que le vitrail est un médium qui s'intègre difficilement dans une institution muséale. En revanche, elles ont également proposé certaines solutions comme le détournement temporaire du vitrail de son statut d'art monumental ainsi que son remplacement par d'autres productions à l'instar de cartons ou d'échantillons. Dans cet état d'esprit, le Musée des métiers d'art du Québec (MUMAQ) a inauguré, en janvier 2023, une exposition temporaire consacrée à l'artiste et maître verrière québécoise Lyse Charland Favretti. Placée sous mon commissariat, cette exposition souhaite faire avancer la recherche sur le vitrail contemporain tout en proposant des solutions quant à sa monstration au Québec. Ainsi, cette communication a pour but d'étudier l'engagement du Musée des métiers d'art du Québec dans la valorisation et la présentation du vitrail au sein des institutions muséales québécoises tout en proposant un regard critique sur ma propre expérience de commissaire spécialiste du vitrail à partir d'outils théoriques empruntés, entre autres, à la muséologie.

Composé en 1964, « Mon pays » de Gilles Vigneault est considéré comme l’un des hymnes emblématiques du Québec. Métaphorisant par l’hiver la beauté et parfois l’arduité de la nation, le texte de Vigneault se présente comme un panégyrique d’un Québec encore en devenir, mais mu par un amour et un nationalisme profonds. Plus de cinquante ans plus tard, l’influence de ce texte ne tarit toujours pas, ce qu’atteste la sortie de S’armer de patience d’Ivy, figure centrale du slam montréalais. En effet, la piste liminaire de cet album, s’intitulant à son tour « Mon pays », ne reprend pas uniquement le titre de Vigneault, mais agit, à la manière d’un palimpseste, comme sa réécriture. En empruntant des formules phares de son prédécesseur, Ivy détourne le traitement apologique du pays vigneaultien pour le teinter de nuances beaucoup plus dysphoriques. Il s’agira dans cette communication d’analyser, selon une approche poétique et stylistique, les procédés qu’Ivy déploie dans son texte pour brosser le tableau d’un Québec désenchanté, critique dont l’efficacité réside dans le déplacement cynique de son intertexte. Au-delà de cette visée plus ponctuelle, mon propos cherchera, par ricochet, à inscrire le discours d’Ivy dans un mouvement plus englobant, celui de la poésie orale contemporaine contestataire. Enfin, malgré son importance incontestable pour le slam québécois, la production d’Ivy a encore peu rejoint la critique savante, d’où, en partie, l’originalité de cette contribution.  

Avec Vidéogrammes d’une révolution (1992), Out of the Present (1995) et L’autobiographie de Nicolae Ceausescu, le cinéaste roumain Andrei Ujica a créé une trilogie filmique sur la fin du communisme en Europe de l’Est. Ce sont des films réalisés à partir des images d’archive, prises tantôt par les professionnels de l’image, tantôt par les amateurs, et dont la valeur est avant tout testimoniale. Ma communication portera sur la pratique du montage et du remontage des images d’archive chez Andrei Ujica afin d’interroger la façon dont l’histoire est ici figurée, configurée, reconfigurée par la technique (art et procédé) du montage. Quelles "figures de l'histoire" (Jacques Rancière) construit-elle? Quelles formes de savoir en découlent ? Quels comportements analytiques et quels gestes critiques suscite-t-elle ? Quelle histoire culturelle et intellectuelle propose-t-elle ? Ce sont des questions qui me permettront d'inscrire ma communication dans une perspective plus large visant l’étude des modalités et des régimes de figuration qui découlent de l’observation minutieuse des pratiques visuelles contemporaines, afin de mieux comprendre l'intérêt tout particulier que la pensée et la sensibilité contemporaines accordent au jeu des figures et du figural.

Depuis quelques décennies, la littérature ivoirienne aborde la représentation des femmes dans la société. L’objectif est d’attirer l’attention de l’opinion publique sur les traitements que celles-ci subissent. La musique est un puissant moyen de communication dans la culture. La présente réflexion vise une perspective similaire en se focalisant sur l’étude de quelques textes musicaux ivoiriens comme support de communication et de sensibilisation. Le cadre privilégié est axé sur l’analyse sémiotique tensive : tensions et affectivité tirée des textes musicaux ivoiriens, lesquelles génèrent émotions et sensations (J. Fontanille et C. Zilberberg, 1998). Les configurations sensibles et affectives des personnages emblématiques des chansons étudiées sont importantes pour la compréhension de la relation entre les états d’âme et les interprétations qui en résultent. Cependant, comment les études tensives et esthétiques des textes musicaux participent-elles à la construction des valeurs féminines ? Comment s’opère la circulation de ces valeurs dans la société ivoirienne ? Quel en est le résultat sur le quotidien des femmes ? Le constat est que la musique a un impact sur la mémoire collective. Quelques avancées sont perceptibles en Côte d’Ivoire à travers les réformes importantes sur le mariage. En outre, selon la tendance actuelle, les femmes innovent dans plusieurs secteurs d’activités. Elles incarnent une image émancipatrice dynamique dans la société.

La mode est l’une des plus évidentes manifestations de la culture. Elle est issue de l’interaction entre les individus et le monde dans lequel ils évoluent. Aussi, dans une société de l’image et du spectacle comme la nôtre, la mode prend une importance capitale. Si bien que plus personne n’échappe aux courants esthétiques pas même les gens qui prétendent ne pas être influencés par ceux-ci. Pendant longtemps, la mode s’est limitée aux vêtements, aux coupes de cheveux et aux accessoires tels que les chapeaux, les chaussures, les sacs à main et les bijoux. Mais avec le développement du rapport ludique au corps depuis les années 1970, la stagnation de l’évolution des vêtements depuis les années 1980 et l’importance grandissante accordée au corps depuis les années 1990, les signes de l’apparence ont changé. À partir d’une approche à la fois historique, sociologique et sémiologique, nous démontrons que la peau et ses phanères (poil, cheveux et ongles) sont devenus les signes de l’apparence qui font la mode et qui identifient le mieux la pensée et l’agir de l’homme social d’aujourd’hui.

Bien que la propagande ait été étudiée aux échelles canadienne et québécoise, lors de l’effort de guerre canadien pendant la Seconde Guerre mondiale, son déploiement dans les régions demeure méconnu. Certains territoires ayant accueilli des installations stratégiques pendant cette période pourraient cependant avoir été l’objet d’une propagande de guerre spécifique adaptée aux enjeux régionaux.

Retrouvait-on dans ces milieux une propagande de guerre distincte ? Si tel est le cas, quels en étaient les acteurs ? Quelles stratégies utilisaient-ils ? Quels étaient les principaux thèmes de leur discours ? Le rôle névralgique joué par le Saguenay-Lac-Saint-Jean pendant cette période en fait un milieu propice à l’étude des caractéristiques de la propagande de guerre à l’échelle régionale, en raison de l’importance de la production industrielle d’aluminium pour les forces alliées à l’usine d’Arvida d’Alcan.

Le dépouillement de journaux régionaux a permis de constater qu’une campagne de propagande d’envergure, créée expressément pour la région, a été déployée à l’époque par Alcan. Cette campagne, qui s’adressait aux ouvriers, s’appuie sur un personnage, un cuviste modèle nommé Jos Alco. Il a été au centre d’une quarantaine de publicités dans les journaux et de quelque 130 émissions de radio à la station CBJ de Radio-Canada, à Chicoutimi. L’analyse de cette campagne permettra de contribuer aux connaissances sur le déploiement de l’effort de guerre.

Cette présentation porte sur la représentation symbolique des problématiques sociaux et politiques contemporains dans trois fictions historiques télévisées: La Pola (Colombie), Martín Rivas (Chili) et Lo que el tiempo nos dejó (Argentine), toutes diffusées en 2010 lors de la célébration du Bicentenaire de l'Indépendance dans ces pays. Le but est de présenter quelques résultats de ma thèse de doctorat en explorant comment ces fictions télévisées servent de médiateurs aux préoccupations et aux valeurs culturelles du citoyen contemporain, comment son contexte de production influence la fiction historique et les conséquences idéologiques et politiques qui en découlent. Je propose une interprétation et une interpellation des citoyens imaginés de chaque pays, dont la narration provient d’une intertextualité et intermédialité, dans certains cas, entre l’histoire «officielle», la littérature, le cinéma, les médias et les conflits sociaux encore non résolus dans le présent. Dans le cadre fictionnel des téléséries, le passé de chaque société est représenté pour justifier un présent collectif.  À travers les propositions sur le mélodrame de Peter Brooks, Jesús Martín-Barbero et Carlos Monsiváis ainsi que le concept des lieux de mémoire de Pierre Nora, j’analyserai comment cette représentations «ne constitue pas une forme fictionnelle ou médiocre mais une tentative pour répondre aux changements sociaux en cours».

Dans les rapports tumultueux entre textes et contextes, les guerres furent des moments marquants, changeant les débats. Le plus souvent, l’état d’esprit était univoque : impossible d’écrire sur autre chose que le conflit en cours. À l’aube de la Grande Guerre, le Mercure de France est toutefois reconnu pour être une revue favorisant l’autonomie de la littérature, décriant le patriotisme et la militarisation. Il a pourtant suivi le courant de « mobilisation des esprits ».

Je souhaite analyser ce tournant de plus près, à partir d’articles parus lors de la reprise du Mercure de France (1915), afin de vérifier si mon corpus agit comme une cristallisation collective ou s’il diffère des idées véhiculées par les intellectuels de l’Union Sacrée. Est-ce que tous les articles liés à la « culture de guerre » publiés dans la revue forment un seul discours réécrit par différentes mains ? Le Mercure a-t-il son lot de dissidents ?

En me basant sur la théorie du discours social d’Angenot, des travaux faits sur la « culture de guerre », ainsi que des recherches sur l’histoire des revues j’exposerai les éléments du discours de l’Union Sacrée, cette « mobilisation générale » qui ne s’était encore jamais vue chez les intellectuels français. Puis, j’expliquerai en quoi cette génération est liée à la précédente, qui a vécu la défaite de 1870. J’analyserai ensuite des articles du Mercure pour démontrer comment les acteurs de la revue s’inscrivent dans le modèle patriotique qui prévalait à l’époque.

L’espace-temps, ou le chronotope, tel qu’il a été théorisé par Bakhtine, représente un élément constitutif de toute narration, mais également un cadre dialectique dans les rencontres cliniques. Identifiés par Good, le « chronotope du soin » et le « chronotope du·de la patient·e » illustrent cette dichotomie des expériences et traduisent les positions ou les rôles (Parsons) de chaque participant. Dans la littérature du care, cette dyade est généralement déconstruite et dépassée en laissant entrevoir les complexités et les enchevêtrements des expériences spatiotemporelles.

Avec sa double formation en médecine et en littérature, la psychiatre et poète québécoise Ouanessa Younsi opère dans le labyrinthe complexe du soin et celui du langage, à la fois de la soignante et de la patiente, afin de réfléchir l’espace-temps de la maladie depuis ces deux versants. Dans son texte Soigner, aimer (2016) qui, tout en étant une fiction, comporte également des éléments biographiques et théoriques, Younsi retrace son parcours professionnel et personnel dans l’espace-temps clinique et exprime les particularités de chaque expérience.

Dans cette communication nous explorons les complexités de l’espace-temps vécu et narré par Younsi en utilisant le concept de chronotope et ses variantes afin de montrer comment le(s) langage(s), à la fois médical et poétique, construisent, définissent et transcendent les positions du·de la médecin et du·de la patient·e en exposant leurs connexions et limites. 

Le but de ma présentation est d’analyser les jeux vidéo de type documentaires. Qu’est-ce qui permet de considérer un jeu comme  un documentaire?

Notre culture visuelle a privilégié l’empreinte physique comme preuve pour donner force de vérité à un document. Puisqu’un jeu vidéo n’a aucune trace visible de la réalité, les développeurs ont misé sur les capacités simulatrices et interactives des jeux. En jouant avec le système de règles d’un jeu qui simule un système social un joueur peut comprendre les forces qui donnent forme à une société. Or, quels sont les moyens qui favorisent une lecture documentarisante d’un jeu vidéo?

Roger Odin dans De la fiction théorise que si la lecture documentarisante est possible dans les films documentaires, c’est par la construction d’un énonciateur réel en contraste avec l’énonciateur fictif des films de fictions. La construction de ce type d’énonciateur se réalise par des faisceaux de détermination qui modulent le sens chez les spectateurs. Ces faisceaux peuvent prendre de multiples formes : publicités, interviews, titre, auteurs, démarches artistiques, etc…

Il faut adapter la théorie d’Odin aux jeux vidéo. Mon hypothèse est que l’énonciateur réel y prend forme au travers de trois entités : la simulation, le développeur, et le joueur. Afin de démontrer mon hypothèse, j’utiliserai plusieurs exemples allant à des jeux de fiction comme Assassin’s Creed 2 (Ubisoft 2009) en passant par des jeux documentaire comme JFK: Reloaded (Traffic Software 2004). 

Dans le cadre de cette communication, nous réaliserons une étude comparative entre la fable La Cigale et la Fourmi de Jean de La Fontaine et la chanson du même nom d’Alexandre Poulin. Notre analyse servira à exemplifier comment Poulin parvient à déjouer l’horizon d’attente [Jauss] de son auditoire en le poussant à croire dans un premier temps que sa chanson reprend la même morale que la fable de La Fontaine avant de renverser subitement les perspectives. Ce revirement survient lorsque le narrateur, jusqu’alors omniscient, manifeste tout à coup sa subjectivité en prenant parti pour la cigale. Il dévoile ainsi la nature profondément parodique de l’adaptation, dont le but est de contester la morale du récit original. Nous montrerons qu’Alexandre Poulin se sert des préjugés de son auditoire pour tromper ses attentes, puisqu’il s’appuie sur le fait que la morale de La Fontaine est ancrée dans la mémoire collective et que le public prendra naturellement position en faveur de la fourmi au début de la chanson.

En plus d’être axée sur la chanson, un médium hybride marginalisé par l’institution littéraire, notre recherche s’attache à l’œuvre d’un artiste québécois qui n’a pas encore fait l’objet d’études approfondies, de sorte qu’en situant les études de réception sur un terrain relativement neuf, notre communication amorce une réflexion sur l’efficacité rhétorique des chansons narratives de l’ensemble de l’œuvre chantée de Poulin ainsi que sur leur réception chez l’auditeur.

Résumé : Notre communication a pour ambition de présenter les plus récents résultats de recherche dans le domaine d’art scénique québécois. En évoquant deux exemples théâtraux Inferno de Bill Vorn (Montréal, Usine C, 2017) et Temporel de Lemieux Pilon (Montréal, Place des Arts, 2017), nous souhaitons défendre l’hypothèse selon laquelle ces deux créations artistiques produisent une rupture épistémique majeure par rapport à la conception dramaturgique traditionnelle. Basées sur la méditation technologique comme le vecteur narratif principal et non pas sur le récit dramatique, ces œuvres prennent la valeur emblématique d’un nouveau langage scénique, actuellement très débattu à l’intérieur du champ de l’intermédialité théâtrale. S’appuyant sur les théories les plus récentes[1], nous proposons la mise en perspective de ce langage ainsi que des effets qu’il produit lors d’une représentation théâtrale. En particulier, nous nous intéresserons à la dimension sonore dans la construction du lieu atmosphérique et aux différentes modalités de la substitution du corps (corps machinique, corps numérique) contribuant à la création d’un environnement immersif. Ainsi, notre présentation servira à comprendre comment s’articule structurellement la question du nouveau langage scénique au processus techno-artistique.

 

 

 

[1] Jean-Marc Larrue (dir.), Théâtre et intermédialité, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2015.

L’œuvre poétique de Marie Uguay est structurée par le désir d’aller à la rencontre de l’«autre visage» du monde. Dans cette quête, le désir amoureux est omniprésent, et l’objet de ce désir spécifique apparaît comme modulant le rapport au monde du Je lyrique. Parfois, ce sont «les lèvres qui offrent tous les paysages»; ailleurs, c’est l’absence de l’autre qui laisse l’énonciatrice «dans l’immobilité effroyable de toutes choses retirées». L’influence de la présence ou de l’absence de l’être aimé sur la capacité du Je lyrique à mettre en acte son désir du monde est manifeste. Afin de l’étudier, nous nous penchons sur la façon par laquelle l’objet du désir amoureux se manifeste dans l’espace énonciatif des poèmes. Il apparaît parfois intégré dans la première personne, sous forme de nous; parfois le Je s’adresse à lui à la deuxième personne; parfois, l’autre est évoqué à la troisième personne; parfois enfin il est absent de l’espace énonciatif. Nous nous attachons donc à comprendre la manière par laquelle ces différents degrés de présence modulent l’ouverture du Je au monde. Si le nous et le Je qui s’adresse au tu semblent constituer les entités dont le rapport au monde est le plus prodigue, les poèmes dans lesquels l’autre apparaît à la troisième personne sont pour leur part marqués d’une difficulté à se tendre vers le monde. Uguay est une pionnière dans l’histoire de la poésie au Québec et, si son œuvre à donné lieu à certains travaux, elle reste largement à explorer.

Gilles Deleuze a écrit Proust et les signes tout juste après la parution de son livre sur Kant. Sans doute n’est-ce pas un hasard : dans La philosophie critique de Kant, il explique que la subjectivité kantienne est dotée de facultés actives – pensons à l’entendement et à la raison – dont l’exercice transcendantal s’effectuerait de façon autonome vis-à-vis de l’expérience; tandis que, dans son étude sur Proust, Deleuze substitue au sujet actif kantien l’idée d’un sujet passif chez qui les facultés ne s’exerceraient qu’involontairement, c’est-à-dire sous la violence de signes matériels qui s’imposeraient à lui depuis la réalité extérieure. C’est dire que, contrairement à Kant, l’activité de la pensée en général requiert pour Deleuze une expérience concrète de laquelle dépendraient toutes les facultés relevant de l’ordre du transcendantal. Ainsi la pensée devient-elle l’affaire non plus d’un exercice autonome, comme c’est le cas dans la philosophie kantienne, mais de rencontres intrusives. Et pourtant, selon Deleuze, Kant avait lui-même déjà préparé une telle perspective de la subjectivité humaine comme sujet passif, notamment avec sa conception du sublime, tirée de sa critique du jugement. Ce qui nous occupera, c’est donc la distorsion que Deleuze a opéré sur le kantisme pour en faire émerger une pensée de la rencontre et de l’intrusion – pensée qu’il a développée dans son livre sur Proust, chez qui il voit un successeur de Kant en tant que penseur du transcendantal.



Dans cette communication, nous examinons les représentations de l'oral dans la bande dessinée Les passagers du vent (7 vol, 1979-2010) de François Bourgeon. Reconnue pour sa rigueur historique, cette oeuvre met en récit des personnages issus d’époques, de lieux et de milieux différents offrant ainsi une vaste palette à la représentation du français. Souvent analysée du point de vue récit/image, la bande dessinée a été peu examinée sous l’angle linguistique. Dans une perspective sociolinguistique et discursive, nous verrons l’apport de la cohabitation textuelle de plusieurs variétés de français (hétérolinguisme, Grutman, 1997) dans la composition du cadre diégétique. Compte tenu des difficultés de représentation d’une oralité datant du 18e siècle, nous interrogerons la relation de l’oral à l’écrit ainsi que la complémentarité de sens entre texte et image.

En procédant par comparaison linguistique (vocabulaire, prononciation, grammaire) nous exposerons les stratégies de différenciation entre divers groupes de personnages. Ensuite, nous nous pencherons sur des considérations littéraires : quel est l’impact de la représentation des diversités langagières dans la composition d’un récit ? En quoi l’oral est un indicateur du  cadre diégétique ? Comment la manifestation du parler en vient à « décrire » les personnages ? Enfin, en gardant à l’esprit le souci de réalisme historique de la série, nous examinerons la manifestation des divers « effets de langue » (Gauvin, 2000) à l'oeuvre.

L’acte de manger est mis en scène avec insistance dans l’univers télésériel américain, qu’on pense aux nombreux personnages de chef, de Monica Geller (Friends) à Sookie St. James et Luke Danes (Gilmore Girls). Si des ouvrages d’Anne Martinetti (2007, 2008) ou de Christopher Styler (2007) recensent les recettes évoquées dans certaines séries populaires, peu de chercheurs ont encore choisi l’aliment comme fil d’Ariane pour explorer ce corpus contemporain. Lors de cette communication, qui s’inscrit à la croisée des études télévisuelles et des études sur l’alimentation, je m’intéresserai à la représentation de la nourriture (et de la mort) dans la série Pushing Daisies de Bryan Fuller (2007-2009, ABC), où le pâtissier Ned possède la singulière aptitude de ramener à la vie les êtres, bêtes et végétaux qu’il touche, ce qui lui permet de cuisiner des tartes aux fruits toujours frais et d’élucider des meurtres avec ses compagnons Emerson Cod et Charlotte Charles. Je montrerai que, dans ce « conte de fées médico-légal » à l’esthétique visuelle singulière, où les protagonistes oscillent entre l’hésitation et la prise de risque (Butcher, 2012), la nourriture est associée à un passé heureux perdu, est au cœur du quotidien des personnages excentriques qui gravitent autour du Pie Hole, devient offrande, monnaie d’échange ou source de réconfort, et constitue une interface entre le monde, Ned et Chuck, qui ont du mal à tisser des liens avec autrui à cause du don secret du pâtissier.

Une production imaginaire abondante aide-t-elle davantage qu'une production limitée à enrichir le sens donné à une peinture ou à une sculpture présentée dans une exposition?
Nous avons tenté de répondre à cette question à partir des "discours" produits par 30 adultes tirés d'un échantillon stratifié de 90 qui "pensaient tout haut" durant leur parcours d'une collection de peintures et de sculptures présentées dans un musée de beaux arts.  Quinze de ces visiteurs sont ceux des 90 qui ont eu la production imaginaire la plus élevée, alors que les 15 autres sont ceux qui ont eu la production la plus basse.
Les données obtenues indiquent que la production imaginaire de ces visiteurs donne lieu à quatre cas de figure employés différemment par les visiteurs qui emploient le plus et le moins leur fonctionnement  imaginaire.

Présentation et interprétation des données obtenues

Forme hybride de la narration, reposant sur deux éléments fondamentaux que sont la biographie et la fiction, la biofiction est considérée comme un sous-genre «situé à la croisée de ces deux hyper-genres ou méta-genres que sont la fiction et le récit biographique» (Gefen, 2005). Si le terme est utilisé par Alain Buisine pour la première fois en 1991, il a été particulièrement étudié par Alexandre Gefen à partir de 2005. L’intérêt pour ce genre réside dans le changement et les nouveautés apportées à l’écriture biographique au cours du XXe siècle, où plusieurs récits - Les vies imaginaires de Marcel Schwob (1896), Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar (1948) et Vies minuscules de Pierre Michon (1984) - relatent la vie de certains personnages connus avec des ajouts imaginaires créés par l’auteur. La production d’une biofiction est envisagée comme « une postulation générique forte, qui suppose à la fois une reconfiguration du territoire du roman moderne et une révision de l’histoire littéraire » (Gefen, 2005). Devant cette nouvelle production, une question surgit : comment décrire la dynamique de ces relations intergénériques ? 

C’est à la question de la modulation générique, la métamorphose du genre que nous souhaitons consacrer cette étude, en construisant notre réflexion à partir de l’œuvre d’un romancier, Yasmina Khadra, qui en met en scène un certain exemple, et en particulier du cas de «L’écrivain» (autobiographie) et «La dernière nuit du Raïs» (biofiction)

 

Le scénario de cinéma est largement perçu comme une étape, voire une formalité en vue de la réalisation d’une œuvre audiovisuelle et sa littérarité est peu considérée. Or, nous sommes bel et bien en présence d’une écriture de fiction et d’un rapport spécifique au langage, dicté par différents codes esthétiques et formels.

Alors que les travaux comparatifs dédiés à la littérature et au cinéma sont déjà nombreux – mais tournent le plus souvent autour de questions liées à l’adaptation filmique d’œuvres littéraires, sinon à l’inverse, de novellisation – je souhaite aborder le scénario et ses pratiques (écriture, lecture, analyse) comme de nouveaux objets pour réfléchir les circulations et les interactions possibles entre le texte et l’écran. L’étude du scénario soulève également des enjeux et des questions en lien avec les processus sociaux de légitimation esthétique des objets culturels, ainsi que l’organisation des savoirs et des disciplines dans les universités. L’approche intermédiale autorise ici le croisement multidisciplinaire de préoccupations littéraires et cinématographiques (J.E. Müller, Johanne Villeneuve). Elle permet également de penser le scénario à l’aune des «modalités de réception publique» et de «discursivité sociale» (André Gaudreault, Philippe Marion). L’intermédialité ouvre donc la voie à un double renouveau théorique autour du scénario et de ses pratiques. La présente communication sera l’occasion d’exposer mes principales pistes de réflexion en ce sens.

Dans cette communication, j'exposerai les conclusions principales de mon mémoire de maîtrise, qui étudie de quelles façons l’œuvre ‘Diarios de motocicleta’ de Walter Salles (2004) est symptomatique de la transformation de l’icône politique d’Ernesto « Che » Guevara en icône culturelle. Je proposerai que l’œuvre de Salles participe à la dépolitisation de l’icône du révolutionnaire dans le contexte contemporain de mondialisation. J'aborderai pour ce faire la « resémantisation culturelle » (Cossia 2010) du Che, qui s'opère notamment dans le film par l’idéalisation romantique du héros.

Dans mon argumentation, je m’appuierai sur les travaux d’Alain Brossat (2008), qui voit une expansion continuelle de la culture face à la rétraction de la sphère politique, et de Georges Yúdice (2003), qui soutient que la culture est devenue une ressource de l’économie mondialisée. 

L’originalité de cette proposition réside tant dans l’application de ces théories de la culture à l’analyse cinématographique que dans l’approche de l’œuvre de Salles en tant que produit culturel de la mondialisation, incarnée par le film non seulement par sa thématique, mais également par le caractère international de sa diffusion, des acteurs et de l’équipe de production. 

Pour aborder les différentes images du Che, je me servirai de deux méthodes d'analyse de l’idéologie, soit la sémiologie de Roland Barthes, pour qui « le mythe est une parole dépolitisée » (1957: 216), et l'iconologie de W.J.T. Mitchell (1986). 

Au Québec, les œuvres où figurent des représentations ou des évocations d’architecture ont été très peu répertoriées et étudiées. Ces œuvres sont bien souvent de l’ordre de médiums comme le dessin, la photographie, la sculpture ou dans certains cas des techniques mixtes. Notamment, la Révolution tranquille et l’effervescence qui la caractérise ont donné lieu à plusieurs projets où les arts interrogent l’architecture; dans les années 1960, un langage hybride se crée entre la sculpture et l’architecture. Une conjoncture particulière s’instaure alors entre les deux arts. D’une part, les sculpteurs explorent la notion d’habitat, ils veulent participer à l’organisation spatiale de la société. D’autre part, les architectes reviennent à la sculpture afin de penser de nouveaux types architecturaux. Dans le cadre de cette communication, je me pencherai sur un corpus inédit d’œuvres de sculpteurs des années 1960 et 1970 qui ont interrogé l’espace et les jeux d’échelle afin de se faire créateurs de lieux. Plus précisément, il s’agira de vérifier pourquoi les sculpteurs s’intéressent durant cette période aux formes architecturales, quelles sont les idéologies et le discours qui sont sous-jacents à un tel engagement. De même, je chercherai à établir comment le médium de la sculpture s’approprie le langage de l’architecture et de ses utopies.

Image : Maquette de ville modulaire réalisée par Robert Roussil et Christophe Petitcollot, dans Vers l'universalité le cul par terre, Roussil, 1977.

Cette communication aborde la problématique de l’intégration des outils d’intelligence artificielle générative (IAG) dans l’enseignement universitaire du design. La récente montée en puissance d’applications comme ChatGPT et MidJourney soulève d’importantes questions. Devrait-on intégrer ces technologies aux formations universitaires en design? Comment en faire usage efficacement et éthiquement? Comment préparer les étudiants à naviguer dans un paysage professionnel en pleine mutation? Pour explorer ces questions, nous avons mené une expérimentation pédagogique pendant laquelle trois étudiantes ont utilisé l’IAG librement et sans contrainte dans un projet de design d’expérience numérique. Des activités d’autoethnographie, d’observation qualitative et d’entretiens ont été effectuées pour recueillir leurs réflexions et analyser leur expérience. Dans cette présentation, nous éclairons les limites et les possibles de l'utilisation l’IAG dans l’enseignement universitaire du design d’expérience et nous proposons une approche d’intégration des outils d’IAG dans la démarche de conception accompagnée d’une série de recommandations pratiques pour les étudiants et enseignants en design.

Journaliste, historien, écrivain, folkloriste et grand militant de la cause acadienne, Emery Leblanc a été une des figures marquantes de l’Acadie des années 1950 et 1960. Il publie, en 1957, un an avant l’arrivée d’Antonine Maillet sur la scène littéraire, un recueil de récits intitulé Les entretiens du village, basés sur des personnages réels et recouvrant 400 ans d’histoire depuis la fondation de l’Acadie en 1604 jusqu’au 20e siècle. Ce recueil vient clore et compléter de façon remarquable le corpus d’œuvres qui font partie de la littérature acadienne traditionnelle (1875-1957) dont il constitue une parfaite synthèse sur les plans ethnologique, sociologique, historique, géographique et littéraire. Cette communication mettra en valeur ces divers aspects de l’œuvre aussi bien que certains aspects son édition critique dont le but est de redonner cet ouvrage important, enrichi par un travail d’érudition considérable, au domaine patrimonial acadien, canadien et francophone. Nous utilisons la méthodologie de la textologie littéraire et les notions qu'elle a élaborées (Laufer, Irigouin et Catach) et le protocole d'édition critique de la Bibliothèque du Nouveau Monde de l’Université d’Ottawa. Ce travail est réalisé dans le cadre du Projet d’édition critique des œuvres fondamentales de la littérature acadienne, financé par le CRSH et l’Université de Moncton, et de sa collection « Bibliothèque acadienne », à l’Institut d’études acadiennes, où trois œuvres viennent de paraître.

Dans Voyage au bout de la nuit, c’est parce que le progrès est contesté en tant qu’amélioration palpable dans la société des hommes qu’il peut être appréhendé comme mythe, c’est-à-dire comme fait imaginaire qui existe surtout afin de réunir les hommes autour de valeurs communes et justifier la voie empruntée par la société dont ils font partie intégrante. Ce faisant, le progrès apparaîtra dans le roman comme un outil symbolique de réunion plus que comme un fait vérifiable et quantifiable dans la réalité et conduira, suivant notre hypothèse, à une réactualisation du tragique par la mise en scène d’une conscience aux prises avec un conflit intérieur insoluble.

Nous nous proposons d’examiner ce que George Steiner appelle le changement de style et de convention du tragique dans le chapitre XVI où, après une errance dans le quartier de Manhattan à New York, symbole du progrès, Bardamu médite sur la difficulté de la condition humaine. Convaincu qu’il est impossible de s’arracher à la marche du monde malgré la conscience profonde de sa vanité, Bardamu se résout à se rendre au cinéma afin de se « gaver de rêves pour traverser la vie qui vous attend dehors, […] durer quelques jours de plus à travers cette atrocité des choses et des hommes ». Nous nous intéresserons au passage du théâtral au romanesque, de la transcendance de la fatalité à son immanence ainsi qu’à l’introduction du prosaïque afin de montrer ce que nous pourrions appeler une horizontalisation du tragique.

 

Par l’étude du cadrage comme élément le plus subtil de l’esthétique filmique, nous analyserons dans cet article les matériaux du sentiment formel; ce qui décrit à travers l’étude de l’espace, le style anti-dramatique de Bergman.

Comment peut-on relier la notion de pensée au cadrage ?

Qu’en est-il du rapport entre le cadrage et le trame narrative ?

Pourquoi le cinéaste envahit-il le cadrage par le silence, la distance et l’absence ?

Quelle est la part du cadrage dans le renouvellement des modes d’expression que propose son image?

Quel est le but final du conflit entre son style formel et sa pensée existentielle-chrétienne?

« Le sujet de Persona tourne précisément autour des efforts que fait un cinéaste pour saisir, clarifier et communiquer les images qui déclenchent l’écriture d'un scénario »[1]. Bergman a donc des images à montrer plutôt qu’un  message à délivrer. Comme José Moure confronte le cadrage à la dimension du vide, de l’hétérogène et du non-raccord, Bergman montrent une transformation de l’horreur de l’absence vers une autre façon d’appréhender l’invisible, voire l’infilmable.

L’approche formaliste nous amène à analyser le cadrage. Les corps bloqués, les visages décadrés, les figures bouleversées ou à contre-jour, les regards déconnectés, les trois quarts arrière, tous conduisent les bords du cadre à susciter une attente, une quête.

 

 

 

[1]. Steene, Birgitta et Michaels, Lloyd (2000), Ingmar Bergman’s Persona, Cambridge, Cambridge University Press, p. 29-30.