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Dans ses incarnations les plus formalistes, la littérature dite expérimentale se présente comme coupée du monde, du référent, du Réel: méta-réflexive et autotélique, la poétique textualiste implique ainsi un radical détachement face à tout ce qui pourrait relever du social, du politique, voire de l’éthique. Est-ce pour autant dire que l’expérimentation ne va pas de pair avec certaines formes… d’engagement ? L’écrivain expérimental peut-il, tout en explorant les possibles de son art, proposer des œuvres critiques, notamment à l’égard de ses contemporains en général et de la « vie littéraire » en particulier ? En nous penchant sur les deux ouvrages publiés au Quartanier – La vie littéraire (2014) et Le guide des bars et pubs de Saguenay (2016) – de l’écrivain québécois Mathieu Arsenault et en nous référant aux concepts de « paratopie » et d’« ethos discursif » que l’analyse du discours littéraire met à notre disposition, nous tâcherons d’identifier quelle(s) forme(s) un tel engagement prend chez cet auteur pour qui l’illustration de l’expérimentation littéraire ne demeure jamais bien loin de sa défense (comme en témoignent ses diverses prises de position théoriques). De la sorte, nous postulons que la « posture engagée » d’Arsenault est ce qui permet à ce dernier de singulariser sa pratique dans le champ de l’expérimentation littéraire contemporaine au Québec.

Bien qu’héritière de la biologie d’Aristote, l’ontologie heideggérienne est-elle conforme au tournant anthropologique de la philosophie ? Si non, est-elle ré-anthropologisable ? Répondant non à la première question, la communication part de l’hypothèse que la deuxième invite à penser le sens humain du mouvement de la vie facticielle. Nos objectifs sont de montrer que, herméneutiquement théologique, l’ontologie heideggérienne est de nature métaphysique ; la ré-anthropologiser exige de lui appliquer une herméneutique de la facticité de souche augustinienne, inspirée par H. Blumenberg et explicitable en dialogue avec J.-L. Marion. Méthodologiquement, en répondant par la négative à la question de savoir si « … Heidegger a[…] bien lu Augustin » (Y. Meessen, 2006), l’on répète « … les sources aristotéliciennes et néotestamentaires d'Être et Temps » (C. Sommer, 2015) en remontant de la métaphysique à la facticité, de l’objectivation de Dieu à la vie facticielle. Comme résultat, le rapport de Heidegger à Aristote est médiatisé par la théologie luthérienne de la croix, via la Bekümmerung, la souciance (M. Heidegger, 2017) comme accomplissement. Lequel se déploie non plus dans l’opposition entre homme et Dieu mais en un pâtir signifiant que « plus la vie vient à elle-même » (Heidegger, Gesamtsausgabe, 60, 240), plus l’humain mesure le divin. Notre apport est le suivant : telle la compassion de l’humain pour le divin (S. Yapo, 2018), ainsi de l’anthropologie au regard de la philosophie.

Dans leur étude publiée en 1983, None is Too Many : Canada and the Jews of Europe, 1933-1948, les historiens canadiens Irving Abella et Harold Troper ont analysé la politique d'accueil canadienne tout en insistant sur le refus clair du gouvernement d'accueillir des réfugiés juifs. Notre recherche se place dans la continuité de leur ouvrage et se focalise sur les 2 000 personnes (environ) qui, malgré les réticences et l’antisémitisme, ont pu trouver refuge au Canada. 

Grâce aux archives du Congrès Juif canadien (Montréal) et à une analyse prosopographique de ces sources, notre communication interrogera les différents circuits migratoires de ces individus ainsi que la/les mémoire(s) liée(s) à ces migrations. 

À partir de la correspondance entre les organisations d’aide (juives et non juives) et le gouvernement canadien, nous analyserons la mise en place de procédures permettant l’émigration de familles réfugiées en Espagne et au Portugal, le sauvetage d’étudiants bloqués à Shanghai mais aussi la libération de civils internés au Canada. Ce panel permettra de mettre en perspective leurs différents parcours migratoires, en centrant le propos sur ce qui les unit et ce qui les oppose. 

Enfin, nous montrerons que la mémoire des réfugiés internés a supplanté celle(s) des autres groupes et nous tenterons d’expliquer ce phénomène, contribuant ainsi à l’histoire des migrations transnationales et à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale au Canada.

Amorcées à la fin des années 1980, les guerres culturelles américaines ont opéré sur de multiples terrains, la sphère muséale ne faisant pas exception. Certaines institutions américaines sont ainsi devenues le théâtre de luttes idéologiques largement médiatisées opposant progressistes et conservateurs. Après une dizaine d’années de relative quiétude, le monde muséal a été secoué récemment par une polémique de grande envergure . Cette fois, les interactions entre les acteurs impliqués étaient d’un ordre différent, les nouvelles technologies ayant changé la donne quant  à la naissance et le développement des controverses. Le vaste débat engendré par l’exposition Hide/Seek : Difference and Desire in American Portraiture, présentée à la National Portrait Gallery de Washington D.C. entre octobre 2010 et février 2011,  est en partie attribuable à un emploi intensif des médias sociaux, pôle de médiation aux possibilités virtuellement illimitées. Une temporalité nouvelle s’introduit, le conflit se développant désormais en temps réel. Il s’amorce également un changement dans le degré de publicité de la controverse muséale, le terrain de cette dernière semble s’être élargi, internet ayant créé un nouvel espace public. Il s’agira d’examiner la nature des interactions induites par ce changement de paradigme en analysant plus particulièrement le début de la controverse, moment particulièrement révélateur en ce qui concerne le rôle exercé par les médias sociaux dans cette polémique.  

L’œuvre de Jean-Marie Gleize contient une multitude de références à la psychanalyse et, surtout, aux travaux de Jacques Lacan et de Gilles Deleuze sur la métonymie comme moteur du désir. Pour Lacan, « [l]es énigmes que propose le désir […] ne tiennent à nul autre dérèglement de l’instinct qu’à sa prise dans les rails – éternellement tendus vers le désir d’autre chose – de la métonymie », comme si la métonymie rendait possible le voyage du désir d’un objet à un autre, le désir devenant ainsi infini, ouvert sur le monde, en proie aux hasards de la pensée et de l’émotion. Pour Deleuze, « il n’y a de désir qu’agencé ou machiné. Vous ne pouvez pas saisir ou concevoir un désir hors d’un agencement déterminé ». Cette idée rejoint les théories de Lacan dans la mesure où ces deux conceptions du désir s’appuient sur le transfert inductif et métonymique. Alors que la notion de nom du père (ou non du père) développée par Lacan dans le Séminaire III vient ancrer le sujet dans la langue communicationnelle et ses règles, la lalangue est conçue comme une porte de sortie, un retour à une liberté langagière infantile. Le but de cette présentation sera donc de montrer comment le rapport complexe qu’entretient Gleize avec la psychanalyse lui permet, par le biais de ce qu’il nomme l’« être-sans-père », de générer une « lalangue » présubjective, qui s’incarne entre autres par un retour obsessif vers la figure de l’enfant ludique, agençant et réagençant constamment les parties de son discours.

À ses origines, l’image-mouvement (Deleuze, 1983) au cinéma serait définie comme étant une succession mécanique d’instantanés caractérisée essentiellement par l’équidistance. La succession mécanique du mouvement par un codage serait intrinsèque à l'agencement dans l’image-mouvement. La problématique de l’image-mouvement réside dans l’idée selon laquelle la perception du mouvement à l'aide d'une succession de poses et la perception du mouvement par l’intermédiaire de dispositifs, réduisent l’interprétation du mouvement à un temps uniforme. À quel point cela va contraindre à saisir l’essentiel du mouvement, à savoir les micromouvements qui entrent dans ce régime de l’image-mouvement intensif et qui échappent à la mesurabilité de même qu'à l’agencement. Dans ce cas précis, la question serait de savoir non pas comment un mouvement succède à un autre mouvement, mais plutôt comment un mouvement donné se continue dans le mouvement suivant? Nos objectifs seront de comprendre le processus de l’analyse du mouvement en commençant par les travaux chronophotographiques à la capture du mouvement numérique. Nous entamerons une catégorisation de l’image-mouvement par le biais de la capture du mouvement numérique transférée sur les personnages en images de synthèse du film Avatar. Si plusieurs études portent sur l’analyse du mouvement au cinéma, aucune n'a encore considéré une classification qui éclaire le rapport d’individuation avec certaines catégories de l’image-mouvement.

« Après s’être dit à la lueur des feux de foyer campagnards et avoir inspiré les auteurs de la toute jeune littérature canadienne-française de lafin du XIXesiècle, après avoir absorbé les folkloristes et s’être constitué en véritable objet d’étude pour des chercheurs issus de domaines variés dès la fin des années 70, le conte a resurgi en pleine ville vers 1990. (…)  Cette nouvelle vitalité et surtout cette grande visibilité, que la critique a convenu d’appeler le“renouveau” ou la“résurgence” du conte, a de quoi surprendre. » (É. Cormier, 2008)

Depuis Marius Barbeau, on sait que conter n’est pas simplement présenter une succession de récits, c’est un art verbal à part entière qui s’est transformé au fil des époques. Certaines de ces pratiques ont changé, d’autres sont demeurées. La relation entre un conteur et son public s’est ainsi transformée depuis le XIXe siècle, oscillant entre tradition et innovation. Une nouvelle génération de conteurs est apparue : les néoconteurs (A. Lazaridès, 2000).

Peut-on dire que Fred Pellerin fait partie de ces néoconteurs? Comment se définit l’art du conteux par rapport à celui du conteur? Quel est le « style » de Fred Pellerin?

C’est donc par l’analyse de la performance de Fred Pellerin et des rapports entre les éléments constitutifs (texte ou verbe, conteur, public, mise en scène, conditions scéniques de production, contexte, etc.) dans le spectacle l’Arracheuse de Temps que nous tenterons de répondre à ces questions.

L’augmentation des ventes et des emprunts de livres numériques (LN) ont fait l’objet de recherches qui permettent notamment de mieux comprendre les raisons pour lesquelles des lecteurs choisissent ce format et dans quelles circonstances (Lapointe, Luckerhoff et Niort, 2023). Ces recherches ont permis de constater un intérêt grandissant pour le livre audionumérique (LAN), chez les lecteurs de LN, mais pas seulement. Il semble en effet exister une catégorie d’auditeurs intéressés par tout ce qui s’écoute, notamment les balados (podcasts), les émissions de radio, la musique et les LAN (Snelling, 2021).

Nous avons animé des entretiens qualitatifs (Germain, Guillemette, Luckerhoff, 2023) avec des auditeurs de LAN et procédé à l’observation de fils de discussions sur les groupes Facebook Booktok Québec et Booktok Baddies pour mieux comprendre leur vécu. Se pose également l’enjeu de la découvrabilité : comment se fait-elle?

Nos résultats préliminaires montrent que pour ces auditeurs, le LAN fait partie d’une offre audio variée et ne constitue pas nécessairement un prolongement du LN, ni un format différent ou complémentaire à celui-ci. Nous constatons en outre que le LAN intéresse des adeptes du multitâche. Ils peuvent ainsi écouter un livre en s’adonnant à une autre activité d’une nature différente, comme conduire, faire du ménage ou de l’exercice. Le rapport à la lecture peut ainsi être transformé.

Depuis les années 2000, les musées multiplient les initiatives visant à faciliter l’accès aux publics dits « empêchés », qu’ils peinent à rejoindre par l’entremise des activités davantage prévues pour le grand public. Le cas des publics malvoyants ou non-voyants est représentatif de cette situation puisque ces derniers ne peuvent avoir accès aux œuvres au même titre que les autres visiteurs au sein du musée. La peinture, en raison de sa bidimensionnalité et de la place prépondérante accordée à la couleur, représente un défi particulier auquel les musées commencent à s’intéresser. Contrairement aux sculptures, il s’avère tout simplement impossible de lire une œuvre peinte par le toucher puisqu’aucun volume ne permet d’en saisir le contenu. Or, depuis 2015, plusieurs initiatives ont vu le jour afin de proposer différentes lectures tactiles d’œuvres peintes grâce, entre autres, à une interprétation numérique et à l’impression 3D. Toutefois, aucune solution n’est proposée en regard de la problématique de la couleur.

Ici, la réalisation d’un prototype permet de remettre en question notre façon d’envisager la couleur en histoire de l’art. Les résultats préliminaires de cette étude nous ont permis d’identifier une piste intéressante qui mériterait qu’on s’y attarde davantage, à savoir que les participants tendent à associer chaque couleur à la charge émotive qui y est traditionnellement liée dans notre culture nord-américaine. 

 

 

 

Cette communication porterait sur les formes particulières de résistance, les détournements et subversions propres à certains spectacles de danse contemporaine, une discipline riche en nouvelles propositions esthétiques et critiques. La proposition traitera spécifiquement du spectacle Husk (2012) du chorégraphe montréalais George Stamos avec la compagnie Montréal Danse et la rockeuse Jackie Gallant. Cette pièce aborde métaphoriquement, mais sans détour, la performativité des genres, en passant par un éclatement de la figure du corps sexué. S’inscrivant dans un prolongement du travail théorique de Foucault sur le concept de pouvoir intrinsèquement lié à celui de résistance et de subversion, chorégraphes et interprètes proposent à leur manière des formes artistiques poursuivant cet effet. Ici, le travestissement, l’humour et l’informe sont employés comme procédés esthétiques ancrés dans l’imaginaire, permettant une forme de critique des normativités sociales. Ces procédés s’incarnent dans les représentations du corps dansant, dans les relations qui se créent entre les interprètes et dans le concept chorégraphique. En s’appuyant sur les études de genre, sur les théories du post-humain et les "performance studies", la recherche visera à comprendre de quelles manières ceux-ci réussissent à faire émerger un questionnement des normes sociales, politiques, culturelles voire économiques chez les spectateurs.

L'interculturalisme est une des clés de voûte des politiques d'intégration développées au Québec. Axées sur une notion d'échange et de réciprocité, les relations interculturelles prennent des formes variées plus ou moins marquées. Un des domaines privilégiés de ces relations est le domaine artistique, plus particulièrement le domaine musical. Les moyens mis en oeuvre pour valoriser la diversité culturelle et artistique montréalaise favorisent les partenariats entre artistes locaux et artistes immigrants ainsi que le métissage entre musique occidentale et musiques du monde.

La musique, souvent qualifiée de langage universel, favorise-t-elle la bidirectionnalité relationnelle propre à l'interculturalisme ? Les rapprochements de différentes cultures musicales encouragent-ils une ouverture vers l'Autre?

Les propos d'interprètes et de compositeurs recueillis lors d'enquêtes de terrain permettront d'identifier la nature des influences et des relations qui s'instaurent lors d'un métissage musical. Des exemples de parcours et de réalisations d'interprètes immigrants et québécois viendront illustrer cette notion d'interculturalisme appliquée à la musique.

Dans le cadre d'une recherche sociomusicologique sur la place et le rôle des musiciens immigrants au Québec, cette communication tentera de démontrer que l'interculturalisme musical est un outil pertinent pour affronter et apprivoiser l'altérité et qu'il influence les pratiques artistiques et les valeurs culturelles du public québécois.

Depuis l’édition 2014 de SXSW (South by Southwest, à Austin, Texas) et la présentation de "Strangers with Patrick Watson", réalisé par les studios montréalais Felix & Paul, les enregistrements cinématographiques en 3D et à 360° sont sur le point de devenir une réalité majeure pour l’industrie de la musique et des jeux vidéos. Avec la commercialisation programmée de visiocasques de réalité virtuelle (Oculus Rift, Samsung Gear VR, Sony Morpheus...), la demande pour du contenu créatif destiné à ce nouveau moyen de consommer des performances musicales ouvre la boite de Pandore aussi bien pour les créateurs de musique que pour les ethnographes.


En nous plongeant au centre d’une expérience totalement immersive, cette technologie offre de nouvelles avenues pour conserver le patrimoine musical et culturel de l’humanité. Du côté de la recherche, comment ce changement paradigmatique peut-il influencer notre façon de faire de l’ethnographie musicale?


Cette conférence présentera nos premières données ethnomusicologiques collectées à l’aide d’un dispositif de captation audiovisuel 3D à 360° – ce qui nous permettra d’estimer le rôle de l’enregistrement omnibinaural dans la « restitution » en réalité virtuelle. Cette présentation abordera également quelques unes des problématiques méthodologiques, technologiques et épistémologiques soulevées par l’utilisation d’un tel dispositif, au demeurant expérimental.

Le 12 décembre 1831, le député de Nicolet, Jean-Baptiste Proulx, proposait
qu’une somme « n’excédant pas trois cents livres courants, soit accordée à
Sa Majesté, pour mettre la Société littéraire et historique de Québec en état
d’obtenir et publier des documents historiques relatifs à l’histoire des temps
reculés de cette province ». Par cette résolution bien vite suivie
d’un projet de loi, les parlementaires du Bas-Canada se faisaient pour la
première fois les promoteurs de l’histoire de leur société et de la Nouvelle-France.
Mus par une conscience historique grandissante, les parlementaires du Bas-Canada
jouèrent un rôle déterminant dans la constitution d’archives destinées à
permettre l’écriture de l’histoire canadienne. Sous l’Union et sous l’Assemblée
législative du Québec, c’est le secrétaire général de la province qui perpétua
leurs efforts, et ce jusqu’à la crise économique de 1893.

Dans le cadre de notre présentation, nous chercherons à expliquer et à souligner le rôle
des parlementaires dans la constitution des archives historiques canadiennes et
dans la promotion de l’écriture de l’histoire au XIXe siècle. Nous
nous appuierons sur des sources telles que les Statuts provinciaux du Bas-Canada et les documents émanant du
Secrétariat de la Province. Comme on le verra, la mise en valeur des archives
et plus particulièrement celles de la Nouvelle-France, était le fait de
certains parlementaires que l’on pourrait qualifier d’« individualités
intellectuelles ». 

Cinquante ans après l’émergence du cinéma en Afrique - qui a renforcé l’image de la femme comme symbolisation du nationalisme durant les luttes pour les indépendances et métaphore de ces nouvelles nations à venir - comment peut-on aujourd’hui concevoir le corps de la femme? En utilisant l’érotisme comme étant un champ spécifique de la compréhension de la sexualité qui vise à promouvoir l’agentivité et en constituant le corps érotique comme présence perceptive du social, du politique et du culturel, je propose, avec comme objet d’étude le film camerounais Les Saignantes (Jean-Pierre Bekolo, 2007), une réflexion axée sur le féminisme postmoderne (Judith Butler, Elizabeth Grosz) du corps érotique de la femme comme moyen de considérer le social dans le contexte socioculturel actuel du Cameroun.

En utilisant la notion de performativité de Judith Butler, il s’agira d’exprimer l’idée que le corps érotique féminin ne se situe jamais à l’extérieur du social. Il s’agira donc, oui, de considérer le corps féminin en matière de nudité, mais la définition que je donne à l’érotique pousse à mettre de l’avant, au coeur de notions établies autour de la sexualité féminine, l’agentivité des femmes. Dans une perspective phénoménologique du corps féminin, Les Saignantes apparaît donc comme le moyen d’inscrire le corps érotique au coeur non seulement du social, mais de l’historique africain. Ce corps devenant ainsi le lieu de communication entre le sujet (ici, féminin) et le monde qui l’entoure. 

Marie Uguay est une figure de proue du retour au lyrisme dans la poésie québécoise. Alors que vers les années soixante on écrivait surtout une poésie nationaliste caractérisé par un nous rassembleur, Marie Uguay publie à la fin des années soixante-dix une poésie plutôt intimiste tournée vers le Je lyrique. Ce retour au lyrisme fait état d’une expérience paysagère par laquelle le sujet poétique se constitue.  Le Je dans les trois recueils Signe et rumeur (1976), L’outre-vie (1979) et Autoportraits (1982) puise dans les échos de la nature et en éprouve ses réverbérations. Cette relation entre le sujet et le paysage évolue à travers les trois œuvres; dans la nature, le Je se trouve, mais trouve également l’autre, ce Tu qui devient parfois Nous. Le paysage est alors le reflet du sujet, mais aussi de l'être aimé; la nature devient ainsi un espace de contemplation et d'apaisement: « que la mer à nouveau m'apaise/ et ton corps, la mer/mon repos aux jours inabordables de la ville » (Signe et rumeur, 1976). En somme, l'écriture tendre, mais saisissante d'Uguay illustre la rencontre entre un sujet et son espace et comment cette expérience du lieu façonne l'être;  les saisons ainsi deviennent symboles de temporalité tandis que la météorologie et les éléments incarnent des états émotifs. La poésie de Marie Uguay renouvelle ainsi les représentations du paysage dans la poésie québécoise en y ajoutant un caractère intimiste qui tourne le regard de la nature vers le sujet.



Depuis une vingtaine d’années, les pratiques artistiques basées sur des systèmes robotiques ainsi que celles utilisant l’apprentissage automatisé sont en pleine expansion. Toutefois, les pratiques qui combinent l’apprentissage automatisé et l’art robotique sont quant à elles peu étudiées ou documentées. Les œuvres issues de ces pratiques mettent en scène des agents autonomes capables d’apprendre par eux-mêmes. Comme elles ne sont ni tout à fait des sculptures, ni des performances, ni des installations visuelles ou sonores, ni des œuvres purement computationnelles, elles appellent à de nouveaux cadres esthétiques et conceptuels afin de permettre aux créateurs, aux commissaires et au public de mieux les comprendre. À travers une approche de recherche-création itérative qui implique des allers-retours entre des ateliers de création collective et des activités de réflexivité sur les pratiques, nous proposons un cadre théorique permettant de comprendre les interrelations qui se déploient entre les robots, leurs comportements, l’environnement et l’artiste, lors de la création d’une expérience artistique à l’aide d’agents robotiques entraînés par apprentissage automatisé. En analysant les différentes sources observables (mouvement, lumière, son) ainsi que leur dynamique (amplitude, vitesse, accélération) dans leur relation aux perceptions humaines (affects, évocation, projections), nous définissions ainsi une esthétique des comportements générés par apprentissage automatisé.

L’objectif de la présente communication est de faire un retour aux sources littéraires du personnage de Chimène en tant que figure féminine emblématique de la culture espagnole, avec un examen détaillé de sa représentation dans le « Cantar de Mio Cid », œuvre majeure composée au début du XIIIe siècle et inspirée des faits d’armes de Rodrigo Díaz de Vivar (dit le Cid), chevalier castillan de la seconde moitié du XIe siècle.

Si l’œuvre « Las mocedades del Cid » du dramaturge espagnol Guillén de Castro, créée en 1618, a été un moment clef dans l’évolution de la représentation de Chimène dans l’imaginaire occidental, en faisant d’elle une héroïne romantique déchirée entre l’amour et le devoir, le « Cantar de Mio Cid » s’inscrit au contraire dans la grande tradition du poème épique (au même titre, pour l’Espagne, que la « Chanson de Roland » en France ou le cycle arthurien en Grande-Bretagne). Puisant ses thèmes dans l’histoire, il nous présente l'épouse du héros comme une femme d’honneur dont le comportement et la discrétion dans tous les rôles qui lui incombent sont érigés en exemple.

L’examen des divers rôles attribués à Chimène tout au long du poème (ceux d’épouse et de mère, mais aussi celui d’intermédiaire privilégiée du héros auprès de Dieu), de ses mouvements, de ses paroles et même de ses absences, nous permettra de brosser le portrait d’une grande dame médiévale toute dévouée à servir la cause de son mari.

Le propos de cette communication s’inscrit dans un projet plus vaste qui envisage l’analyse de ce que nous appelons les « poétiques de l’indicible » dans deux romans francophones : Shaba deux de V. Mudimbe et Un dimanche au cachot de P. Chamoiseau. À partir de cette perspective, il sera ici question d’examiner la dimension intertextuelle de Shaba deux, en tant que processus de langage implicite sollicité par l’écrivain pour dire « l’indicible ». Ce roman rend compte d’une situation de violence profonde, tout en analysant les traumatismes que celle-ci a provoqués chez les êtres qui l’ont vécue. Dans sa volonté d’exprimer l’inexprimable des horreurs de la guerre, de la colonisation et de ce qui en découle, Mudimbe s’efforce, par divers biais et de façon latérale, à représenter l’irreprésentable et à produire du sens, même dans l’impuissance du mot. Cette quête d’une parole capable de dire ce qu’elle ne dit pas aboutit à une esthétique « de la sobriété », où l’intertexte joue un rôle important en tant que vecteur de sens implicites. Ce travail aura comme visée d’en mesurer la place, la signification, la fonction et la force à l’intérieur du roman, afin de porter un nouveau regard sur cette œuvre, à partir de l’analyse de l’efficacité de l’intertextualité comme processus discursif de la poétique mudimbienne de « l’indicible ».

Parmi les caractéristiques des diasporas contemporaines, soulignées par le politicologue William Safran, figure la construction d’une conscience et d’une solidarité collectives définies autour d’une relation continue avec la mère patrie. Dans cette mouvance, la stratégie gouvernementale de l’Inde est passée, depuis la dernière décennie, de l’indifférence à un dialogue proactif avec sa communauté diasporique. D’abord reconnue pour sa force économique, elle s’avère de plus en plus influente sur le plan culturel ; elle représente un groupe avec lequel les citoyens de l’Inde doivent dorénavant négocier. 

La communication s’attachera à examiner les enjeux artistiques et sociaux liés à la censure de l’œuvre I Love My India, de Tejal Shah, lors de l’exposition Indian Highway présentée à Shanghai en 2012. Cette oeuvre vidéo s’inscrit dans un effort de compréhension des émeutes produites à Gujarat (2002) en Inde, pendant lesquelles près de 2000 musulmans auraient été décimés par les hindous. Ce retrait par le gouvernement de l’Inde, à la demande de la diaspora indienne en Chine, rend compte d’une dynamique nouvelle et engagée dans les flux migratoires de la globalisation. L’examen des points de vue des diverses communautés, impliquées dans le débat transnational entourant l’œuvre, permettra de saisir les effets de cette "Inde élargie" sur la production et la diffusion de l’art contemporain de ce pays internationalement reconnu pour sa liberté d’expression.

Malgré la paix officielle établie en 1989 avec les Accords de Taëf, la guerre civile n’a jamais véritablement pris fin au Liban : la disparition de centaines d’individus dont on n’a jamais retrouvé le corps, l’assassinat du Président de la République du Liban Rafic Hariri en 2005, l’éclatement en 2006 d’une guerre entre le Hezbollah et Israël et les attentats ponctuels témoignent non pas de la fin des hostilités, mais de leur perpétuation sous forme de guerre froide. La paix forcée, concrétisée par une loi d’amnistie, n’a fait que couver la violence d’un passé qui ne passe pas.

La recherche sur la guerre civile libanaise s’attarde généralement au problème de la mémoire posthume et de la commémoration. En cristallisant le traumatisme de la destruction comme chose du passé, cette perspective fait l’impasse sur la rémanence de la disparition. La perte articulée aux techniques de l’image que sont la photographie, le cinéma et la vidéo permet de penser la hantise du passé à partir du rapport spectral à l’objet reproduit dans son absence. Ma recherche aborde conjointement la photographie, la vidéo et le cinéma libanais pour faire émerger la parenté des problèmes qu’ils mettent en forme (disparition, destruction des ruines, urbanisation sauvage, répétition de la violence, rituels de deuil) et d’ainsi faire le pont entre des techniques rarement reliées, à partir d’une réflexion sur la spectralité et d’une thématisation psychanalytique du deuil.



Dans cette présentation, nous étudierons les éléments référentiels, leurs caractéristiques et leur rôle dans le roman contemporain.

Le discours factuel n’a été que rarement et partiellement étudié dans les théories littéraires. Selon nos constatations, celles-ci ont

négligé le contexte du récit factuel (certaines études ont comparé des récits fictionnels publiés au 20e siècle à des récits factuels

publiés au 19e siècle). Les fonctions du récit factuel ne sont pas, à leur tour, bien développées. Selon les théoriciens ces fonctions

sont, dans le roman, cognitives et testimoniales. Or, il suffit de lire Le ravissement de Britney Spears de Jean Rolin pour remarquer

que le récit factuel relève aussi du divertissement. Il n’est jamais question non plus des contraintes de ce type d’écriture (les

délimitations et les exclusions étaient seulement par rapport à la fiction). Bref, le récit référentiel, considéré souvent comme un type

extra-littéraire, n’a pas constitué une vraie matière d’analyse pour les chercheurs. Pour cela, nous proposons de l’examiner.

Ensuite, nous analyserons les raisons de la présence abondante d'éléments factuels dans le roman contemporain. La présence de

ce type d’éléments dans les romans des siècles précédents servait aux romanciers à construire un cadre spatio-temporel référentiel.

Or, les éléments référentiels présents de nos jours dans le roman ont-ils la même fonction qu’auparavant ? Si non, à quoi servent-ils

?

Nombreux sont les critiques à avoir pointé l’état de crise de la narratrice dans La chair décevante de Jovette Bernier (Allard, 1986; Rannaud, 2018; Saint-Martin, [1999] 2017). Les stratégies narratives traduisant le déchirement de Didi, entre ses valeurs propres et celles, traditionnelles, de la société catholique, ont insufflé une modernité au roman québécois (Allard 1986). Selon Allard et Rannaud, la multiplication de vides dans le discours narratif (phrases hachurée, sans verbes ou incomplètes, points de suspensions) illustrent un vacillement entre le respect des traditions et l’exploration de désirs modernes. Or cette poétique du manque s’étend à la temporalité (dates incomplètes, ellipses, chronologie décousue) dans l’œuvre. Nous proposons d’y analyser l’expérience temporelle fictive (Ricœur, 1984) et ainsi déterminer si et comment s’inscrit le clivage entre Didi et son présent recelant de valeurs traditionnelles.

ALLARD, Jacques (1986), « La novation dans la narrativité romanesque au Québec (1900-1960) », dans Lamonde et Trépanier (dir.), L’avènement de la modernité culturelle au Québec, Québec, IQRC, p.43-68.

RANNAUD, Adrien (2018), De l’amour et de l’audace. Femmes et roman au Québec dans les années 1930, Montréal, PUM, 328 p.

RICOEUR, Paul (1984), Temps et Récit. La configuration dans le récit de fiction, Paris, Seuil, 298 p.

SAINT-MARTIN, Lori ([1999] 2017), Le nom de la mère. Mères, filles et écriture dans la littérature québécoise au féminin, Montréal, Alias, 438 p.

Parmi les raisons ayant présidé au développement de la narration transmédia définie par Jenkins comme « the art of world making », notre hypothèse est que l’une d’elles se situe dans la nature même du processus de création/réception du cinéma narratif : les supports permettant la construction diégétique d’un long-métrage de fiction (la diégèse au sens défini par Souriau étant : « tout ce qui appartient [...] à l’histoire racontée, au monde supposé ou proposé par la fiction du film »), de sa genèse à sa réception spectatorielle, sont plurimédiaux (scénario papier, pitch oral, storyboard dessiné, cinématique, film...), multiplateformes (cinéma, télévision, Internet, réseaux sociaux...), en dialogue avec une multitude de lecteurs/spectateurs (producteurs, lecteurs institutionnels, techniciens, comédiens, distributeurs, spectateurs...). Ces supports contiennent un potentiel transmédia qui peut être actualisé par expansion de la diégèse, le film n’étant qu’une version, un agencement narratif parmi d’autres possibles (et souvent présents sur les supports antérieurs) de cet univers diégétique. En suivant le modèle des trois mimesis proposé par Ricœur, il s'agira de s'intéresser au processus de construction diégétique d’Émilie de Guillaume Lonergan (2013), une comédie romantique réaliste devenue la première narration transmédia québécoise, et de Mars et Avril de Martin Villeneuve (2012), long-métrage « classique » proposant un univers de science fiction riche et complexe.

En situation de performance musicale, le musicien-instrumentiste est souvent aux prises avec des tensions musculaires non fonctionnelles(Nuti, 2006), et des tensions psychologiques, telles que l’angoisse de performance(Arcier, 1998;Brugues, 2011).Les méthodes d’éducation somatique offrent des outils de développement de la conscience par le mouvement permettant d’enrichir le répertoire de gestes des musiciens et d’engendrer une optimisation de la dynamique corporelle et un jeu instrumental plus fluide. Ces approches holistiques peuvent aussi apporter des changements plus généraux, en modifiant le rapport à soi et l’attitude et les croyances sur le corps et la performance(Alcantara, 2000;Beaudoin, 2000;Chamagne, 1998,2000). Notrehypothèse est que la pratique approfondie de méthodes d’éducation somatique permet aux musiciens de développer des outils fonctionnels de l’ordre de l’expérience subjective, tels que des repères physiques fonctionnels ou des repères attentionnels, qui, appliqués en situation de performance, facilitent son déroulement.Dans cette communication, je présenterai les résultats d’une étude préliminaire pour évaluer la pertinence de l’utilisation de la psychophénoménologie(Vermersch, 2012), et, plus précisément, de l’entretien d’explicitation(Vermersch, 2010)pour l’étude de l’expérience subjective du musicien en situation de performance.

Cette présentation part de plusieurs présuppositions des théoriciens contemporains (Stengers, Baudrillard, Rancière), qui dénoncent les cadres exclusivement rationnels du monde occidental, en les caractérisant comme des captures démoniques de l’âme, similaires à celles présentes dans la pensée animiste traditionnelle. Pour contourner ces captures, nous devrions mobiliser différents types de savoir et de pratiques qui ont été longtemps oubliés ou reniés. Nous devrions ravitailler des modes de pensée dont nous avons perdu les outils appropriés – l`efficacité symbolique, l`analogie, la métaphore, en trouvant dans la littérature les outils affectifs capables de rouvrir le monde sensorial. Cela, grâce aux notions de monde animé, de matière vibrante ou d`agents non-humains, qui constituent le sol pour une nouvelle métaphore politique.À cet effet, je vais analyser la vision intensément poétique de Herta Müller, qui a remporté le prix Nobel de littérature en 2009. Elle met l’accent sur le symbolisme animal hybride en tant que paradigme d’un monde totalitaire où l’humanité est abolie. La seule chance de survie dans un tel contexte est la régression vers le tout-puissant flux de la nature. A la fois versions allégoriques et pratiques culturelles, histoires de survie et dialogues avec la nature et avec Dieu, ses histoires décrivent un univers magique alternatif. Le roman Animal du cœur de H.Müller offre une perspective significative sur les paysages cosmopolitiques contemporains.