Le présent est-il condamné à vivre dans l’ombre du passé ? Souvenons-nous de la polémique suscitée en février 2017 par Emmanuel Macron qui, en visite en Algérie, a qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité », propos jugés « indignes » par certains de ses opposants. Cet exemple illustre la dimension politique et idéologique de notre interprétation des événements historiques que les romans à l’étude, Volkswagen Blues de J. Poulin (1984) et L’Amour, la fantasia d’A. Djebar (1985), entreprennent de dénoncer.
Les protagonistes des deux romans posent ainsi les bases d'une nouvelle démarche historiographique qui tient autant du soupçon vis-à-vis l’Histoire qu’elles cherchent à déconstruire que de la filiation, ces dernières s’inscrivant dans cette même Histoire (de Certeau). Au(x) il(s) masculins de l’Histoire officielle fait écho un je féminin hybride dont la subjectivité permet de remettre en cause un discours présenté comme objectif (White).
Si l'Histoire est comparée à une « grotte-tombe » chez Djebar, elle est « fosse commune » chez Poulin, la narration ayant valeur de pèlerinage. Sa réévaluation doit entraîner une redéfinition politique (autre version de l’Histoire), sociologique (donner une voix aux souffrances des Amérindiens et des Algériens), culturel (remettre en cause l'hégémonie du discours occidental, notamment le rêve américain et la mission civilisatrice de la France), mais aussi identitaire, l’excavation des moi passés devenant exploration du moi présent.