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Barthes distinguait «l’écrivant» et «l’écrivant» selon leur attitude d’énonciation par rapport au langage, le premier l’utilisant comme instrument d’action sur le réel et le second le considérant comme le lieu dialectique d’une perpétuelle recomposition du monde. Nous proposons d’explorer l’œuvre d’Annie Ernaux comme une dialectisation de ces deux énonciateurs. Pour elle, toute écriture intériorise des normes sociales qui reproduisent la violence symbolique associée à la distinction des classes, agissant donc sur le réel et ses représentations. Elle perçoit dans le langage des écrivains le lieu d’une reproduction des codes de la bourgeoisie intellectuelle et choisit d’orienter son œuvre selon un dessein : le refus de réitérer les hiérarchisations impliquées par les codes du langage littéraire. Nous montrerons que pour ce faire, l’auteure ne représente le monde dans ses œuvres qu’en le mettant en relation avec l’activité d’écriture par lequel elle arrive à le transposer de manière singulière. Ainsi, la figuration de l’écriture prend la forme d’un événement situé, représentable dans le récit au même titre que tout autre événement. Sa représentation est en mouvement constant, puisqu’elle découle d’un jeu avec les possibilités multiples qu’offre le langage sur l’expression du monde. L’auteure s’autorise alors à user du langage pour exprimer sa vision du récit littéraire, tout en continuant d’en faire le lieu d’une dialectisation de la construction et de la déconstruction du monde.

Les thèmes de la participation des « femmes de l’espace » à la fabrique de la ville, ainsi que l’analyse des pratiques et usages d’appropriation des « femmes dans l’espace » au niveau de la ville nouvelle Ali Mendjeli, constituent la matière du présent article. Aujourd’hui, les villes algériennes font face au désordre qui règne dans plusieurs secteurs de la vie urbaine. L’espace public n’échappe pas à la crise multiforme qui secoue le pays, il est ainsi le théâtre de toutes les dérives. Les femmes algériennes, autrefois confinées « à l’intérieur » des espaces, se battent chaque jour pour « traverser » et prendre place activement au sein de leur ville, en se frayant un chemin « sécuritaire » jusqu’à leur destination quotidienne. Aujourd’hui, quelle est la place de la femme dans le processus de fabrication de la ville? Quel est sa participation réelle dans la production de l’espace? Quel rapport entretiennent « les femmes de l’espace » et « les femmes dans l’espace » avec la ville nouvelle Ali Mendjeli ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, une enquête qualitative a été menée et les propos qui suivent sont les premiers éléments de cette investigation. Si la participation des femmes se limitait à l’espace domestique, elle est à présent une réalité dans la fabrication et l’usage de la ville compte tenu d’un investissement « crescendo » à différentes échelles, de la sphère publique.

 

La Revue canadienne est une revue savante et littéraire, publiée entre les années 1864 et 1922. Elle est financée par Eusèbe Senécal, un jeune imprimeur-éditeur de Montréal, fondateur et propriétaire de cette publication. Le premier comité de direction (ou rédaction), est composé de 10 membres qui assurent le programme éditorial. Dès le début de l’aventure, les objectifs du comité et du propriétaire de la revue sont très clairs: mettre en place un organe de diffusion qui servira autant la cause de la littérature et des connaissances dites morale que celle de l’édification d’une conscience nationale francophone en Amérique. Le programme est ambitieux.

 

Pour cette communication, je présenterai la première décennie de la Revue canadienne, de 1864 à 1874, qui correspond  aux années où Eusèbe Senécal en est le propriétaire. Dans un premier temps, j’exposerai les sources consultées pour la réalisation de cette recherche. J’expliquerai ensuite le contexte historique dans lequel prend forme et évolue ce périodique, l’approche éditoriale de son comité de direction ainsi que l’administration de la revue. Enfin je brosserai un tableau des nombreux auteurs qui ont collaboré à la Revue canadienne pendant cette période.

Cette étude prend pour objet la pratique sculpturale de l’artiste française Hélène Bertaux (1825-1909). Le caractère exceptionnel de la carrière de cette dernière repose sur sa capacité à produire des œuvres s’intégrant parfaitement dans le canon du grand art, tel que promu par la tradition académique et encouragé par le système des Beaux-Arts, à une époque où les femmes sont exclues de l’École des Beaux-Arts et de l’accès aux concours. Bertaux est l’une des rares femmes sculpteurs de cette période à exercer en France dans le champ de l’art monumental. La connaissance à propos de son œuvre demeure toutefois très limitée. L’enjeu de cette recherche est de mettre en lumière son rapport à la tradition académique sur la longue durée grâce à l’analyse de trois nus, genre le plus noble selon la hiérarchie des genres: Jeune Gaulois prisonnier (1864), Jeune fille au bain (1873) et Psyché sous l’empire du mystère (1888). Au terme de cette recherche, nous serons ainsi en mesure de mieux situer sa production au sein de l’histoire de la sculpture française du XIXe siècle. La méthode employée pour mener notre réflexion est l’analyse formelle et iconographique des œuvres sélectionnées et de leur réception critique. Trois grands axes ponctueront notre communication abordant chacun un aspect spécifique de la relation de l’artiste au contexte académique. Cette communication présentera les résultats finaux d’une recherche réalisée dans le cadre d’un mémoire de maîtrise en histoire de l’art.

Albert Cossery (1913 – 2008), auteur égyptien qui fait « entendre la langue arabe dans le français », a dépeint une Égypte immuable en proie à la corruption et au mensonge. L’auteur s’exprime par la bouche de héros marginaux ou délinquants, des êtres flamboyants pour qui la seule réponse à la comédie du pouvoir est la dérision. Qualifié de visionnaire du Printemps égyptien de 2011, Cossery ne croit pas à la révolution ; il vante la sagesse populaire, mais sa peinture crue du « peuple » cairote lui vaut d’être taxé de cynisme par certains. Ses représentations de la femme, presque invariablement dépréciatives, ont suscité peu de critiques en France – statut d’auteur culte oblige –, mais choqué dans le monde anglo-saxon. En 2009 et 2010, trois œuvres de Cossery ont été traduites en anglais et publiées chez des éditeurs new-yorkais cotés. Les traductrices, enthousiastes devant le style, les intrigues et les personnages, ont pourtant systématiquement adouci, voire partiellement censuré des propos de la narration portant sur les femmes et sur le « peuple ». À la lumière de l’analyse de la réception critique des œuvres de Cossery en France – foyer de la génétique littéraire – et dans le monde anglo-saxon – où domine l’approche postcoloniale –, je montrerai que les traductrices, négociant leur loyauté entre l’auteur et l’institution littéraire à laquelle elles appartiennent, ont tenté de rendre Albert Cossery plus acceptable dans la culture réceptrice en infléchissant sa « voix ».

En anthropologie et en sciences de la santé, le racisme systémique envers les Inuit a été relevé dans le milieu de la santé de plusieurs villes canadiennes. Comment rendre la rencontre avec le système plus positive pour chacun, intervenant ou chercheur non-inuit et patient inuit ? L’autoethnographie et la recherche-création permettent d’aborder cette question sensible à travers l'introspection et la pratique réflexive. Les objectifs de la recherche ont été d’identifier les conditions contextuelles, historiques, socioculturelles et biographiques qui m’ont influencée comme non-Inuit dans mes rencontres avec des Inuit venant à Montréal pour leurs soins de santé. Pour ce faire, j’ai animé des ateliers d’arts visuels et d’artisanat pendant six mois au Module du Nord québécois, qui offre l’hébergement et des services de liaison dans le système de la santé entre Montréal et le Nunavik. De plus, j’ai réalisé une création participative à l’université pour mieux comprendre mon expérience culturelle. Les résultats préliminaires émergeant de mes notes de terrain indiquent que l’attention sur l’activité semble plus efficace pour la rencontre humaine comparativement à une interaction centrée sur des objectifs à atteindre. L’interactionnisme symbolique de Erving Goffman ainsi que des éléments des épistémologies autochtones et artistiques complèteront l’analyse. Ce projet, financé par le CRSH, contribuera à l’élan vers la réconciliation en éducation et en intervention interculturelle.

Il existe un conflit irréductible entre les deux sphères hétérogènes que sont la philosophie et la politique, ce qui amène le philosophe à se questionner sur la manière de se comporter dans une communauté sociale. En fait, trois postures s’offrent à lui. Le philosophe trouve une place dans le monde politique soit 1) en forçant ses interlocuteurs à remettre en question le donné (incitation à la conversion philosophique) ; soit 2) en faisant passer sa philosophie pour une opinion (participation au jeu des apparences pour parvenir à ses fins) ; soit 3) en prenant ses distances (philosophie en retrait). La pensée de Jean-Jacques Rousseau est le chantier idéal pour illustrer et mettre à l’épreuve ces postures intellectuelles. Cet auteur du XVIIIe siècle pratique à la fois la philosophie engagée en dénonçant les absurdités de l’ordre politique (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes), la philosophie rusée en employant la ruse et les subtilités afin de parvenir à ses fins (Contrat social, Émile, La Nouvelle Héloïse) et la philosophie en retrait en choisissant parfois de se tourner vers lui-même comme pour éviter de s’attirer les foudres publiques (Rêveries du promeneur solitaire et Confessions). Plutôt que de voir Rousseau comme un auteur peu cohérent qui semble souffrir d’un dédoublement, voire d’un détriplement, de personnalité, il convient de l’aborder comme un penseur qui possède la souplesse d’adopter le ton philosophique qui convient.

Niranjana décrit l’idéologie comme une « confusion  de la linguistique avec la réalité naturelle » (de Man in Niranjana 1992, 171). Slavoj Žižek la définit comme un « fantasme inconscient qui structure la réalité sociale » (García et Sánchez 2008). Le « projet scientifique occidental » actuel et sa modernité sont une grossière « simplification » et une « mutilation » de la réalité (Marais 2014, 19), un fantasme, une idéologie. L’État moderne, les prétendues démocraties libérales et la modernité occidentales sont idéologiques. Essentiellement, nous tenterons, dans notre communication, de remettre en question les visions du monde hégémoniques qui construisent notre discipline et le projet impérialiste sur lequel la traductologie repose.

Plus précisément, nous chercherons à définir ou à esquisser les contours de possibles définitions de la traductologie de la libération. Nous nous appuierons sur les concepts de radicalisation et de déterritorialisation (Deleuze et Guattari 1980) dans une démarche d’épistémologie politique (Latour 2005, 249) et d’internationalisation de la traductologie, discipline qui se fera, par al même occasion, cheval de Troie au sein du projet hégémonique occidental. Nous nous inspirons aussi du concept de « zone autonome temporaire » (Bey 1985) et de formes de savoir non-rationnel, non-occidental des traditions ésotériques et mystiques, qui constitueraient une « histoire intellectuelle cachée de l’Occident » (Wilson 2018). 

La contribution de la pensée de George Herbert Mead a été largement négligée comparativement au traitement qu’ont reçu les correspondances et les écrits des autres auteurs classiques du pragmatisme américain. Cela a notamment eu pour effet de nous priver d’une compréhension plus riche de l’influence de l’idéalisme allemand dans le développement du pragmatisme (Hannan, 2008), phénomène que Gérard Deledalle décrivait comme « la fusion de l’idéalisme hégélien et de l’évolutionnisme darwinien ». (Deledalle, 1983, p.107). Notre objectif est de discerner et de circonscrire l’influence d’Hegel et de Kant dans la pensée de Mead tout en y posant un regard critique. Dans un premier temps, nous mettrons en lumière l’intégration de l’intersubjectivité et la dialectique d’Hegel de la part de Mead à l’intérieur même de sa conception du naturalisme et de sa méthode expérimentale (Carreira da Silva, 2007). Nous observerons ensuite comment la pensée holiste de Mead s’articulera avec l’universalisme kantien : le projet social de cette « dialectique naturaliste » doit conduire à la création d’une communauté communicative universelle. Nous terminerons ainsi ce parcours en proposant une critique sur les limites de la rationalité et de la dialectique à réconcilier les divergences et les conflits d’intérêts. Nous proposerons comme solution une intégration du pluralisme de William James, lequel vise davantage l’inclusion des différences et des tensions que de leurs résolutions (James, 1891).

La « révolution numérique » a causé nombre de bouleversements dans l’industrie cinématographique, d’abord pour les manières de faire des techniciens, mais également pour l’ensemble de l’organisation du travail dont la nouvelle répartition des tâches a affecté toute la chaîne des métiers. Réciproquement, les technologies numériques se sont vues façonnées par les mutations dont elles ont été elles-mêmes, à l’origine, prises dans une histoire collective implicite et riches de circulations et d’hybridations.

Pour mettre les innovations technologiques au service de pratiques improvisées propres à son mode de réalisation, Abdellatif Kechiche bouscule les habitudes de production, établissant ses propres conditions et temporalités de travail, jusqu’à parfois jouer avec le cadre légal. L’organisation du travail spécialement aménagée par le cinéaste révèle comment les structures socioéconomiques de production jouent un rôle essentiel dans le développement de l’innovation technologique et leur pratique.

Les résultats finaux présentés au cours de la présente communication reposent sur une reconstitution de la méthode d’Abdellatif Kechiche à partir de 46 entretiens avec ses collaborateurs et plus de 200 archives. Par la manière dont il problématise la technique par l’entremise d’un regard historique, technico-professionnel et socioculturel, ce projet de recherche participe au vaste projet historiographique actuel autour des techniques et technologies du cinéma à l’ère du numérique.

Le présent est-il condamné à vivre dans l’ombre du passé ? Souvenons-nous de la polémique suscitée en février 2017 par Emmanuel Macron qui, en visite en Algérie, a qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité », propos jugés « indignes » par certains de ses opposants. Cet exemple illustre la dimension politique et idéologique de notre interprétation des événements historiques que les romans à l’étude, Volkswagen Blues de J. Poulin (1984) et L’Amour, la fantasia d’A. Djebar (1985), entreprennent de dénoncer.

Les protagonistes des deux romans posent ainsi les bases d'une nouvelle démarche historiographique qui tient autant du soupçon vis-à-vis l’Histoire qu’elles cherchent à déconstruire que de la filiation, ces dernières s’inscrivant dans cette même Histoire (de Certeau). Au(x) il(s) masculins de l’Histoire officielle fait écho un je féminin hybride dont la subjectivité permet de remettre en cause un discours présenté comme objectif (White).

Si l'Histoire est comparée à une « grotte-tombe » chez Djebar, elle est « fosse commune » chez Poulin, la narration ayant valeur de pèlerinage. Sa réévaluation doit entraîner une redéfinition politique (autre version de l’Histoire), sociologique (donner une voix aux souffrances des Amérindiens et des Algériens), culturel (remettre en cause l'hégémonie du discours occidental, notamment le rêve américain et la mission civilisatrice de la France), mais aussi identitaire, l’excavation des moi passés devenant exploration du moi présent.

Impression III (Concert) est un tableau de Vassily Kandinsky peint en 1911 et désormais conservé à la Lenbachhaus de Munich. Cette peinture, au bord de l’abstraction, représente la première confrontation de l’artiste avec la musique atonale d’Arnold Schönberg lors d’un concert à Munich le 2 janvier 1911. Alors que l’abstraction picturale et la musique atonale ont été largement étudiées dans le milieu universitaire, je propose ici un examen minutieux du tableau de Kandinsky et de deux esquisses préparatoires (Musée national d’Art moderne, Paris) que je rapproche des morceaux joués lors de cette soirée décisive pour l’amitié entre les deux artistes. À l’aide d’études portant sur la réception psychologique de l’atonalité (Fred Lerdahl et Ray Jackendoff, 1983 ; Michel Imberty, 1993), d’articles du début du XXe siècle témoignant de la perception de l’œuvre de Schönberg sur le public de l’époque, et des théories de la mémoire musicale (W. Jay Dowling, Barbara Tillamm et Dan F. Ayers, 2001), je postule que le concert de janvier 1902 n’est pas à proprement parler le sujet d’Impression III (Concert). Cette œuvre relève précisément de la perception sensorielle que Kandinsky en a eu et des souvenirs qu’il en a gardé. Ainsi, dans une perspective de synthèse des arts, la transcription picturale de l’atonalité de Schönberg s’ancre dans une dimension profondément intime et personnelle.

Julien d’Abrigeon est un auteur, poète et performeur français. La vidéo de son poème-action intitulé «Fast fantrasque du temps passant» (2013) servira de point de départ pour réfléchir aux questions sémiotiques et temporelles que sous-tend la notion de «vanitas» (ou vanité) dans la création artistique contemporaine. Il s’agira, grâce à diverses théories sémiotiques (J.-M. Klinkenberg, C.S. Peirce, C. Saouter, U. Eco), de distinguer les enjeux du texte et de l'action de la performance et ceux de la documentation vidéo. De plus, l’analyse permettra de situer l’œuvre de d’Abrigeon en regard de la sémiose des vanitas depuis leur apogée au XVIIe siècle jusqu’à nos jours, en se référant à divers auteurs qui ont abordé les vanitas historiques (Karine Lanini, Armelle Wolff, Louis Marin) et les vanitas contemporaines (Anne-Marie Charbonneau, Anne Philippon, Évelyne Artaud). De plus, l’œuvre de poésie-performance de Julien d’Abrigeon permettra de clarifier le symbole de la vanité qui oscille, selon l’interprétation, entre le type d’art, le genre autonome et la thématique. On pourra donc mettre en évidence le rôle interprétatif du spectateur qui passe par l'interprétant peircien, ainsi que l'importance de la notion d’expérience telle que la propose Paul Ardenne dans «Un art contextuel».

Le propos de cette communication s’inscrit dans un projet plus vaste qui envisage l’analyse de ce que nous appelons les « poétiques de l’indicible » dans deux romans francophones : Shaba deux de V. Mudimbe et Un dimanche au cachot de P. Chamoiseau. À partir de cette perspective, il sera ici question d’examiner la dimension intertextuelle de Shaba deux, en tant que processus de langage implicite sollicité par l’écrivain pour dire « l’indicible ». Ce roman rend compte d’une situation de violence profonde, tout en analysant les traumatismes que celle-ci a provoqués chez les êtres qui l’ont vécue. Dans sa volonté d’exprimer l’inexprimable des horreurs de la guerre, de la colonisation et de ce qui en découle, Mudimbe s’efforce, par divers biais et de façon latérale, à représenter l’irreprésentable et à produire du sens, même dans l’impuissance du mot. Cette quête d’une parole capable de dire ce qu’elle ne dit pas aboutit à une esthétique « de la sobriété », où l’intertexte joue un rôle important en tant que vecteur de sens implicites. Ce travail aura comme visée d’en mesurer la place, la signification, la fonction et la force à l’intérieur du roman, afin de porter un nouveau regard sur cette œuvre, à partir de l’analyse de l’efficacité de l’intertextualité comme processus discursif de la poétique mudimbienne de « l’indicible ».

Parmi les caractéristiques des diasporas contemporaines, soulignées par le politicologue William Safran, figure la construction d’une conscience et d’une solidarité collectives définies autour d’une relation continue avec la mère patrie. Dans cette mouvance, la stratégie gouvernementale de l’Inde est passée, depuis la dernière décennie, de l’indifférence à un dialogue proactif avec sa communauté diasporique. D’abord reconnue pour sa force économique, elle s’avère de plus en plus influente sur le plan culturel ; elle représente un groupe avec lequel les citoyens de l’Inde doivent dorénavant négocier. 

La communication s’attachera à examiner les enjeux artistiques et sociaux liés à la censure de l’œuvre I Love My India, de Tejal Shah, lors de l’exposition Indian Highway présentée à Shanghai en 2012. Cette oeuvre vidéo s’inscrit dans un effort de compréhension des émeutes produites à Gujarat (2002) en Inde, pendant lesquelles près de 2000 musulmans auraient été décimés par les hindous. Ce retrait par le gouvernement de l’Inde, à la demande de la diaspora indienne en Chine, rend compte d’une dynamique nouvelle et engagée dans les flux migratoires de la globalisation. L’examen des points de vue des diverses communautés, impliquées dans le débat transnational entourant l’œuvre, permettra de saisir les effets de cette "Inde élargie" sur la production et la diffusion de l’art contemporain de ce pays internationalement reconnu pour sa liberté d’expression.

Dans cette communication, je me propose d'examiner la revue Dérives, Tiers-Monde/Québec, une nouvelle conjoncture culturelle (1975-1987) à l’aune de ses conditions sociales d’énonciation. En m'appuyant sur les recherches récentes de Ruth Amossy et de Jérôme Meizoz, j'étudierai par quels procédés discursifs sont construits l'éthos et la posture de Jean Jonassaint, le cofondateur de Dérives. Je m'appliquerai à montrer comment cet auteur haïtien remet en question les représentations collectives de l’être écrivain grâce à une double stratégie rhétorique. Pour ce faire, j'analyserai d'abord les espaces de recherche-création, « Notes pour une recherche » (n° 12) et « La déchirure du corpstexte » (n° 29-30, no° 36) où Jonassaint projette une image auctoriale à la limite de la spectralité. L'analyse se concentrera davantage sur les textes de présentation marquants : « Des cultures, du Québec » (n° 29-30), « Et puis écrire et puis » (n° 50) et « Prospectives/Perspectives » (n° 51). Deux procédés discursifs ressortent de ces textes liminaires : d'une part, l'énonciation in absentia opère un effacement de la subjectivité; de l'autre, les marques de l'énonciation diffusent l'image d'un locuteur engagé qui effectue une prise de position forte. Je conclurai en montrant que cette posture marginale et aporétique participe aux relations dynamiques entre les revues interculturelles et, plus spécifiquement, à un processus de légitimation constitutif du sous-champ de l'écriture migrante.

Malgré la paix officielle établie en 1989 avec les Accords de Taëf, la guerre civile n’a jamais véritablement pris fin au Liban : la disparition de centaines d’individus dont on n’a jamais retrouvé le corps, l’assassinat du Président de la République du Liban Rafic Hariri en 2005, l’éclatement en 2006 d’une guerre entre le Hezbollah et Israël et les attentats ponctuels témoignent non pas de la fin des hostilités, mais de leur perpétuation sous forme de guerre froide. La paix forcée, concrétisée par une loi d’amnistie, n’a fait que couver la violence d’un passé qui ne passe pas.

La recherche sur la guerre civile libanaise s’attarde généralement au problème de la mémoire posthume et de la commémoration. En cristallisant le traumatisme de la destruction comme chose du passé, cette perspective fait l’impasse sur la rémanence de la disparition. La perte articulée aux techniques de l’image que sont la photographie, le cinéma et la vidéo permet de penser la hantise du passé à partir du rapport spectral à l’objet reproduit dans son absence. Ma recherche aborde conjointement la photographie, la vidéo et le cinéma libanais pour faire émerger la parenté des problèmes qu’ils mettent en forme (disparition, destruction des ruines, urbanisation sauvage, répétition de la violence, rituels de deuil) et d’ainsi faire le pont entre des techniques rarement reliées, à partir d’une réflexion sur la spectralité et d’une thématisation psychanalytique du deuil.



Parmi les raisons ayant présidé au développement de la narration transmédia définie par Jenkins comme « the art of world making », notre hypothèse est que l’une d’elles se situe dans la nature même du processus de création/réception du cinéma narratif : les supports permettant la construction diégétique d’un long-métrage de fiction (la diégèse au sens défini par Souriau étant : « tout ce qui appartient [...] à l’histoire racontée, au monde supposé ou proposé par la fiction du film »), de sa genèse à sa réception spectatorielle, sont plurimédiaux (scénario papier, pitch oral, storyboard dessiné, cinématique, film...), multiplateformes (cinéma, télévision, Internet, réseaux sociaux...), en dialogue avec une multitude de lecteurs/spectateurs (producteurs, lecteurs institutionnels, techniciens, comédiens, distributeurs, spectateurs...). Ces supports contiennent un potentiel transmédia qui peut être actualisé par expansion de la diégèse, le film n’étant qu’une version, un agencement narratif parmi d’autres possibles (et souvent présents sur les supports antérieurs) de cet univers diégétique. En suivant le modèle des trois mimesis proposé par Ricœur, il s'agira de s'intéresser au processus de construction diégétique d’Émilie de Guillaume Lonergan (2013), une comédie romantique réaliste devenue la première narration transmédia québécoise, et de Mars et Avril de Martin Villeneuve (2012), long-métrage « classique » proposant un univers de science fiction riche et complexe.

En situation de performance musicale, le musicien-instrumentiste est souvent aux prises avec des tensions musculaires non fonctionnelles(Nuti, 2006), et des tensions psychologiques, telles que l’angoisse de performance(Arcier, 1998;Brugues, 2011).Les méthodes d’éducation somatique offrent des outils de développement de la conscience par le mouvement permettant d’enrichir le répertoire de gestes des musiciens et d’engendrer une optimisation de la dynamique corporelle et un jeu instrumental plus fluide. Ces approches holistiques peuvent aussi apporter des changements plus généraux, en modifiant le rapport à soi et l’attitude et les croyances sur le corps et la performance(Alcantara, 2000;Beaudoin, 2000;Chamagne, 1998,2000). Notrehypothèse est que la pratique approfondie de méthodes d’éducation somatique permet aux musiciens de développer des outils fonctionnels de l’ordre de l’expérience subjective, tels que des repères physiques fonctionnels ou des repères attentionnels, qui, appliqués en situation de performance, facilitent son déroulement.Dans cette communication, je présenterai les résultats d’une étude préliminaire pour évaluer la pertinence de l’utilisation de la psychophénoménologie(Vermersch, 2012), et, plus précisément, de l’entretien d’explicitation(Vermersch, 2010)pour l’étude de l’expérience subjective du musicien en situation de performance.

Dans le cadre du tournage de Mektoub my love : canto uno d'Abdellatif Kechiche (2018), les pratiques improvisées du cinéaste et des opérateurs dépendent largement, non seulement, de la spécificité numérique des machines, mais également de leur matérialité propre (dimensions, poids, design, matériau). Dans le cas de Mektoub, l'apparence physique des objets techniques joue un rôle prépondérant dans l’organisation générale du tournage : des techniciens néophytes sont recrutés comme opérateurs; le matériel à bas coût est acheté plutôt que loué; le plan de travail est très flexible, ajusté du jour au lendemain, car le matériel est facilement transportable et nécessite très peu de temps d’installation, etc. La matérialité des machines constitue donc un enjeu d'importance, tout particulièrement en ce qui a trait à la division du travail et à la logistique. Par cette communication consacrée à une pratique technique à l'ère du numérique, nous proposons de présenter un autre aspect des machines cinématographiques en nous intéressant spécifiquement à leur dimension matérielle, trop souvent éclipsée par les préoccupations informatiques, virtuelles, « dématérialisées », qui sont presque toujours au centre de l'attention dès qu'il est sujet des technologies numériques et du tournant numérique (digital turn). Les résultats finaux présentés reposent sur une enquête réalisée à partir de 46 entretiens avec les collaborateurs du cinéaste, ainsi que sur 200 documents d'archives inédits.

Cette présentation part de plusieurs présuppositions des théoriciens contemporains (Stengers, Baudrillard, Rancière), qui dénoncent les cadres exclusivement rationnels du monde occidental, en les caractérisant comme des captures démoniques de l’âme, similaires à celles présentes dans la pensée animiste traditionnelle. Pour contourner ces captures, nous devrions mobiliser différents types de savoir et de pratiques qui ont été longtemps oubliés ou reniés. Nous devrions ravitailler des modes de pensée dont nous avons perdu les outils appropriés – l`efficacité symbolique, l`analogie, la métaphore, en trouvant dans la littérature les outils affectifs capables de rouvrir le monde sensorial. Cela, grâce aux notions de monde animé, de matière vibrante ou d`agents non-humains, qui constituent le sol pour une nouvelle métaphore politique.À cet effet, je vais analyser la vision intensément poétique de Herta Müller, qui a remporté le prix Nobel de littérature en 2009. Elle met l’accent sur le symbolisme animal hybride en tant que paradigme d’un monde totalitaire où l’humanité est abolie. La seule chance de survie dans un tel contexte est la régression vers le tout-puissant flux de la nature. A la fois versions allégoriques et pratiques culturelles, histoires de survie et dialogues avec la nature et avec Dieu, ses histoires décrivent un univers magique alternatif. Le roman Animal du cœur de H.Müller offre une perspective significative sur les paysages cosmopolitiques contemporains.

Ma recherche porte sur l’articulation entre notre contexte naturel, anthropocénique, et le cinéma. Elle s’appuie sur des œuvres expérimentales, contemporaines et internationales dont l’altération de l’image et l’intérêt pour la nature constituent les points de croisement. Elle interroge la capacité de cet art à présenter et exprimer par les altérations des réalités écologiques et à nous y sensibiliser. Pour analyser ces œuvres, j’utilise une méthode alliant des lectures formelle et phénoménologique, distinguant les gestes d’altération et leurs dynamiques. Cette étape détermine l’articulation de ces pratiques avec la nature filmée : les altérations décrivent les espaces, composent un milieu et caractérisent la nature anthropocénique, suscitant une sensibilité écologique qui nous engage dans ces enjeux actuels. Pour prolonger ces résultats et nourrir la problématique, ma réflexion s’appuie sur la philosophie de l’altération mise en écho avec les capacités spatiales, mésographiques du cinéma. Je questionne aussi la nature dans le cinéma expérimental et l’ecocinema, et l’anthropocène au cinéma. Ma recherche ambitionne d’étendre les facultés expressives du cinéma vis-à-vis du vivant en le réfléchissant comme une pratique écologique (participant aux mouvements écologiques), environnementale (nourrissant notre compréhension de l’environnement) et sociétale (disant quelque chose de notre rapport à la nature), pleinement ancrée dans notre actualité.

Le 19 août 1829, le corps du colporteur François-Xavier Guillemet est retrouvé tout près de Saint-Jean-Port-Joli. Un dénommé François Marois – connu sous plusieurs pseudonymes, est rapidement arrêté. Marois avait déjà été condamné au pilori et emprisonné quelques années auparavant pour avoir battu un homme de Lévis. Accusé du meurtre, il est reconnu coupable et exécuté devant la prison de Québec le 29 septembre suivant.

D’abord, nous présenterons le crime de François Marois et l’importante couverture médiatique qu’il a suscité. Nous verrons comment cette première manifestation littéraire du personnage du Docteur l’Indienne a influencé sa représentation dans de nombreux ouvrages.

Nous aborderons, ensuite, le thème de la transfictionnalité suivant la définition qu’en donne Richard Saint-Gelais dans son texte « Contours de la transfictionnalité » (La fiction : suites et variations, 2007, p. 5-25.), c’est-à-dire un personnage qui est capable de : « […] transcender le texte qui l’a instauré ». Richard Saint-Gelais souligne que la transfictionnalité propose : « […] des entités qui ne sont ni tout à fait autre, ni tout à fait mêmes ». C'est-à-dire qu’elles sont ambivalentes, voire évanescentes. Nous tenterons de démontrer que le Docteur l’Indienne est une figure définitivement mouvante. Si bien, qu’il est possible de s'interroger sur la véracité de la filiation entre François Marois et le Docteur l’Indienne telle qu’assumée par les contributeurs à l’état de la recherche de nos jours.

Lorsque l’art s’affiche dans des espaces publicitaires (L. Levine, B. Kruger, J. Holzer), les œuvres sont soumises à la contingence de la réception. Celles qui portent en plus un message politique dépendent d’une disponibilité et d’une sensibilité soutenue de la part des spectateurs pour engendrer un effet. Pour Jacques Rancière, l’efficacité politique de l’art contemporain ne s’envisage qu’à partir d’une expérience esthétique qui, par la distance qu’elle instaure avec « l’expérience ordinaire du sensible », actualiserait ce qu’il appelle le pouvoir dissensuel de l’art. L’étude de l’efficacité politique du billboard art repose donc, en premier lieu, sur une expérience esthétique comme un état de réception optimal des oeuvres. Si la proposition de Rancière semble convenir au corpus, sa définition du concept est trop prescriptive pour véritablement cerner les possibilités de leur réception. De ce fait, à travers la synthèse de différentes approches en esthétique continentale (Y. Michaud), analytique (M. Beardsley), pragmatique (R. Shusterman) et en psychologie de la réception (M. Csikszentmihalyi) et, se basant sur les dimensions constitutionnelles décrites du concept, une conception de l’expérience esthétique adaptée au billboard art politique sera proposée. Elle sera composée de quatre dimensions (perceptuelle, communicationnelle, émotionnelle, intellectuelle) qui serviront de cadre analytique à l’évaluation de l’efficacité politique du corpus.

Le lyrisme du XIXe siècle est de retour aujourd’hui dans le vers, mais se trouve touché par la simplicité plutôt que par le sublime. Se voulant une représentation du familier et du commun, il conduit à des modifications radicales dans les principes du genre poétique, notamment en ce qui concerne la conception du sujet lyrique qui a singulièrement évolué depuis ces changements. Si le je est présent dans les œuvres contemporaines, la communication des sentiments et des sensibilités est complètement effacée. En prenant comme exemple l’œuvre poétique d’Engelbert Mveng Balafon publiée en 1972, nous essayerons dans notre étude de démontrer comment le je lyrique devient un sujet incertain, se cherchant parmi les tas d’objets qui composent le monde. La description du monde matériel caractérise, en effet, cette œuvre particulière de Mveng. Le je qui y présent est conscient de cette situation de coprésence et se voit contraint à s’adapter au monde plein d’objets. Il en résulte un effacement de son expression affective qui entraîne la modification des principes du genre poétique. Reliés à une conscience de soi incertaine, les poèmes du recueil sont déstructurés : les répétitions, les accumulations, les énumérations font éclater le texte, l’éloignant de tout style soigné. Bref, attaché de plus en plus aux objets les plus prosaïques et matériels, le lyrisme représente, de nos jours, la volonté de reconstitution de soi du sujet lyrique.