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Entre 1957 et 1963, Jean-Paul Gill, un photographe engagé par la ville de Montréal a parcouru les rues et les ruelles des quartiers les plus démunis de Montréal avec comme projet de faire l’inventaire des bâtiments à détruire selon le nouveau plan d’urbanisation en cours. Si ces images ont d’abord été associées à une commande du Bureau des bâtiments, leur statut (esthétique, énonciatif, historiographique) est aujourd’hui plus ambigu. L’étude du fonds du Plan Dozois pose plusieurs problèmes méthodologiques : quel imaginaire peut être tiré d’un corpus à la fois fragmentaire et vertigineux, incomplet et répétitif? Comment appréhender, du point de vue de l’histoire de l’art, des images dont ni la commande ni l’usage n’ont été pensés en termes esthétiques? Dans le cadre de cette communication, je propose de narrativiser le fonds photographique du Plan Dozois. Cette lecture permettra ultimement de mettre en récit les images documentaires, tout en questionnant les statuts et virtualités potentiels du document « insignifiant » pour la pratique historiographique. Cette méthode, déjà éprouvée par Philippe Bonnin (2006) devant des photographies d’espaces habités, fonde principalement l’hypothèse d’une potentialité dans la durée. En privilégiant une lecture sensible de l’archive, il s’agit ainsi de voir comment le théoricien peut opérer un réveil de l’histoire par l’image. 

Dans l’univers culturel, la notion d’indépendance est plus que jamais revendiquée par des acteurs de taille et de statut variés : librairies, maisons d’édition, structures de distribution qui mettent en avant des contenus ainsi que des façons de travailler « différentes » de celles des structures dominantes.

Ma recherche ambitionne de clarifier les valeurs que recouvre cette notion complexe en s’intéressant au travail de médiation réalisé dans la filière du livre et du cinéma, à partir de l’exemple des librairies et d’associations de défense du cinéma indépendant. Par leur travail de valorisation et d’accompagnement des biens présentés au public, ces dernières contribuent à produire la réception de films et d’ouvrages « indépendants », tout en construisant leur propre image sociale de médiateurs culturels. L’analyse des dispositifs mis en œuvre montre que ce qui est en jeu est l’affirmation d’un lien situé au-delà de la transaction commerciale, laquelle tend à être euphémisée afin de mieux se démarquer des acteurs « commerciaux » en exaltant la singularité et la proximité.

Ces premiers résultats de la recherche s’appuient sur des observations pratiquées lors de moments particuliers de médiation : lectures organisées en librairies et projections spéciales autour du cinéma indépendant. Elles ont été complétées par une analyse documentaire ainsi que par des entretiens avec des libraires, des éditeurs, des responsables d’association et des pouvoirs publics. 

En 1931, sous la direction d’Olivar Asselin, le quotidien libéral montréalais Le Canada introduit un nouvel élément dans l’économie de sa page éditoriale. Il s’agit d’une rubrique intitulée « Les réflexions de l’Oncle Anthime » et publiée régulièrement de 1931 à 1934. 180 chroniques réunissant 1883 très courts textes, souvent de la longueur d’une seule phrase, y paraissent. Portant sur des thèmes plus ou moins dictés par l’actualité, marquées au coin du discours partisan, ces sortes de brèves éditoriales se présentent au lecteur comme l’expression de faits généraux d’expérience soustraits aux règles communes de l’argumentation. Énoncées par le truchement d’un artifice littéraire, sous un pseudonyme transparent, qui, tout en ne voilant pas l’identité véritable du journaliste, la distancie de son propos, elles renouent, en contexte médiatique, avec un mode d’expression procédant par sentence parmi les plus anciens de la littérature. Dans le prolongement de l’effort d’inventaire des microformes journalistiques proposé par Marie-Ève Thérenty et Guillaume Pinson (2008), eu égard à la forme verbale à laquelle elles recourent et à la tradition littéraire qu’elles évoquent, nous désignerons ces brèves éditoriales du nom d’éditoriaux gnomiques. En guise de soutien à la proposition théorique esquissée, nous décrirons le corpus exhumé, puisant, pour orienter notre travail, du côté de commentateurs illustres de cette tradition, en commençant par Aristote (Rhétorique, II, 1294a-1395b).

Au lendemain des élections présidentielles de 2000, le Sénégal tourne la page sur 40 ans de régime socialiste, et traverse pacifiquement les élections les plus redoutées de son histoire politique. La presse privée, nouveau contre-pouvoir, «élit» son candidat. Une fois aux commandes, cet homme « idéal » est loin de faire l’unanimité selon les médias indépendants, qui, du coup, constituent un obstacle pour lui. Il s’instaure alors un bras de fer entre les ex-alliés. À deux ans de la fin de ce mandat, une webradio créée par un  émigrant sénégalais, voit le jour (Keurgoumak). Le concepteur décide, à travers des interviews (Pencum Sénégal) de personnalités politiques, de poser un regard neutre et objectif sur le septennat finissant. Mais une radio au dispositif technique presque assimilable à du « journalisme citoyen », née dans des conditions sociopolitiques si particulières, peut-elle être neutre? Peut-elle échapper à la subjectivité, avec des interviews si politiquement colorées? Nous allons observer et analyser,  à travers la conduite des entretiens médiatiques par le journaliste, des éléments axiologiques qui pourraient mettre à jour une forme de subjectivité biaisée et partisane.  Notre approche a une orientation énonciative et interactionnelle.

Mots clefs : entretien médiatique, discours médiatique, énonciation, subjectivité, approche conversationnelle-interactionniste, argumentation, wolof, Sénégal.

Traitée presque uniformément par la littérature beure et la littérature francophone en Algérie, l’écriture de la Mort constitue un événement majeur dans toutes les fictions imaginées qui l’abordent.  Cela dit, la Mort est souvent appréhendée comme un événement ethnologique unissant dans les mêmes conditions les faits et gestes des protagonistes romanesques évoluant tant en France qu’en Algérie. En somme l’hégémonie de la Tradition musulmane au sein de la communauté algérienne évoluant en Occident, impose des figures de la Mort, souvent adaptées par des attitudes collectives, depuis l’avènement de son exode forcé vers la France. Par conséquent quels que soient l’Espace et le Temps, tout est posé comme un a priori quant aux pratiques sociales inhérentes au deuil. Ce qui soulève inéluctablement certaines questions relatives aussi bien à l’Intégration, dans les sociétés dites postmodernes, qu’à l’Interculturalité avec tout ce qu’elle suppose comme valeurs libérales comme la Liberté dans le choix du Culte, la Tolérance et le droit à la Différence. 

La littérature de jeunesse est issue d'une tradition qui la définie comme optimiste, ce que démontrent les processus de censure auxquels elle est souvent soumise par le milieu éditorial. Dans un tel contexte, comment expliquer la vague de popularité des dystopies pour la jeunesse ayant eu lieu au début du XXIe siècle ? Ce sous-genre science-fictionnel, présentant une société fictive souvent futuriste dans laquelle évolue un protagoniste qui y souffre et désire se révolter contre elle, est en effet caractérisé par un pessimisme assez prononcé. En constatant cette problématique, nous nous sommes demandé comment le pessimisme des dystopies pour adolescents pouvait s'harmoniser à l'optimisme de la littérature de jeunesse. Notre hypothèse est que ce pessimisme est présenté de manière édulcorée au jeune public visé, et l'avancée de notre recherche montre que cette atténuation se fait de deux façons : d'abord par la diminution du poids mis sur les épaules du personnage - et, par association, du lecteur visé - et qui est dû à la révolte qu'il doit mener contre sa société, et en second lieu par l'effet de familiarité que peut ressentir le jeune lecteur et qui est causé par les ressemblances de la dystopie avec l'ensemble de la littérature pour adolescents. Une comparaison avec des œuvres pour adultes nous a permis d'étudier, pour l'instant, deux éléments principaux amenant cette atténuation, soit le processus d'identification du lecteur au protagoniste et le choix des thèmes abordés.

Au Centre jeunesse de Montréal (CJM-IU), on accueille les jeunes contrevenants membres de gang de rue pour leur réadaptation. Ces jeunes s’engageraient dans une délinquance plus violente et plus grave que les délinquants qui ne sont pas membres de gang (Laurier et Morin, 2014), mais seraient toutefois davantage victimes de violence (Abram et al., 2004). Les intervenants disposent de peu de temps pour créer une alliance avec eux et cherchent des moyens pour les rejoindre. L'utilisation d'un atelier de poésie Slam, similaire au rap qu'ils écoutent, a été explorée par le CJM-IU.

 

Les résultats finaux obtenus lors d'une recherche qualitative sont prometteurs. Douze entrevues d'approche phénoménologique descriptive de Giorgi (2012) ont eu lieu pour creuser l'expérience créative des jeunes sur le plan expressif, psychologique et relationnel. L'artiste médiateur, David Goudreault, a été interviewé et les observations des ateliers assuraient une multivocalité (Tracy, 2013). Aucune étude sur le Slam, ni le rap n'a rencontré cette population spécifique auparavant. 

 

Cette étude souligne le potentiel de l'utilisation des interventions par l'art, notamment l'écriture du Slam pour évacuer les souffrances psychiques et les violences accumulées par ces jeunes. Elle permet de contourner les mécanismes de défense et les réponses automatiques des adolescents. Elle favorise leur désir de partager leur histoire sous forme de Slam, un moyen perçu comme acceptable pour exprimer leurs émotions.

Apparu pour la première fois chez Freud, le concept d'objet sexuel sous-tend aujourd'hui en grande partie le discours féministe. Il est sous-entendu dans le concept plus connu de rape culture, qui accuse le genre masculin d'une domination unilatérale et injuste du genre féminin. Pourtant, peu de féministes s'interrogent sur le concept d'objet sexuel : elles en font usage sans le questionner. Nous tenterons ici de circonscrire les présupposés de cet usage, puis de les examiner au regard des faits et de plusieurs témoignages pour voir à quel point ils sont valides ou non. Après quoi, nous tenterons de déterminer un usage plus pertinent du concept d'objet sexuel que celui qui prévaut habituellement dans la pensée féministe. Nous nous appuierons notamment sur le critère du consentement, trop souvent ignoré dans cette pensée, pour montrer en quoi l'objectisation sexuelle peut valoir pour la perception que chaque sexe a de l'autre (ou du même), et ne saurait être considérée comme l'apanage exclusif d'un sexe sur l'autre. On verra également que l'objectisation, même lorsqu'elle a lieu, n'est jamais totale, et que l'une des sources du plaisir sexuel est la tension entre subjectivité et objectisation - source que l'on aurait tort de rejeter d'emblée dès lors que les agents moraux impliqués dans la relation se révèlent consentants et si possible informés.

Dans une perspective agonistique (Castillo Durante), soit de lutte et de je(ux), cette communication convie à une réflexion sur l’inclination pour la démarche intermédiale particulière à l’auteure-artiste surréaliste Leonor Fini dans sa recherche d’une identité artistique, démarche s’apparentant à l'autofiction littéraire. Il s’agit d’examiner les dispositifs d’autoreprésentation dans ses autoportraits peints et ses textes littéraires de nature autobiographiques pour lesquels les études sont rares. L’ancrage historique de notre projet se situe dans une époque précédant l’autofiction et nous parlerons d’anachronisme ou de plagiat par anticipation (Bayard). C’est aussi à partir d'une perspective interartiale (Walter Moser) utilisant les outils méthodologiques de l’altérité que nous réfléchirons. Aujourd'hui, plusieurs chaires de recherche se penchent sur les méthodes d’analyse d’une œuvre relavant à la fois des arts visuels et de la littérature. Or, nous croyons que le concept d’interagonicité peut éclairer de telles oeuvres où la confrontation à l'Autre permettrait de se découvrir soi-même. Leonor Fini aurait ainsi contribué à l’apparition de nouvelles « sortes d’autofictions », voire des autofictions visuelles que nous nommons à titre heuristique des « expeaufictions ». Notre étude s’insère donc dans une recherche plus large sur les pratiques artistiques et littéraires féminines pour trouver les références et les stratégies à partir desquelles elles se renouvellent.

Si les représentations visuelles et picturales des paysages ont donné lieu à de nombreuses études critiques et théoriques, peu d’entre elles s’intéressent à leurs transcriptions littéraires autrement qu’en les réduisant à des versions écrites de tableaux peints. En m’appuyant sur les théories de Michel Collot qui, dans L’invention du paysage paru en 2011, propose des outils pour aborder le paysage littéraire, mais également en employant certaines notions provenant de la géographie, de la philosophie (Augustin Berque) et plus spécifiquement du champ de l’écocritique (Stéphanie Posthumus et Catrin Gersdorf), je me propose d’étudier les représentations paysagères du désert américain dans Méridien de sang de Cormac McCathy. La trame narrative de ce roman a comme caractéristique principale d’accorder une place prépondérante aux descriptions spatiales afin d’établir une « démocratie optique du paysage » où chaque chose, humaine ou non, se doit d’être représentée de manière équitable. Des permutations s’opèrent entre les protagonistes et le désert, que ce soit par l’action du sable, de la lumière ou de l’immensité de cet espace, rendant parfois difficile leur distinction d’avec le paysage et engendrant leur minéralisation. Ancrée dans le réel, l’écriture de McCarthy semble proposer un nouveau mode d’appréhension du monde en réaction à l’ethos colonial américain qui viendrait rétablir une neutralité entre l’individu et son environnement.

L’écriture et la consommation d’une drogue peuvent paraître deux activités difficilement conciliables. La drogue jette le sujet dans des bouleversements perceptifs et psychiques qui se révèlent souvent revêches à l’expression — s’ils ne sont pas carrément indicibles (de Certeau, 1982). Le psychotrope absorbé mine (parfois irrémédiablement) ses capacités de remémoration et de reconstitution. Le simple fait de tenir un crayon et de tracer des signes relève, dans certains cas, de l’exploit. Malgré ces écueils, plusieurs auteurs ont consigné par écrit leur expérience de la drogue. Leurs textes présentent en ce sens une volonté de re-tracer l’expérience, de re-trouver, à travers les réminiscences ou les quelques notes prises en cours d’expérimentation, le chemin des mots (Arslan, 2000; Fintz, 1997) : l’écriture de la drogue s’effectue à rebours. Dans le cadre de cette communication, nous proposons d’envisager ce mouvement particulier de l’écriture de la drogue en examinant les textes de différents auteurs (Michaux, Huxley, Duits, Benjamin). Il s’agit de montrer comment l’écrit se déploie dans cette entreprise de re-mise en mots de l’expérience. Nous considérons que l’écriture de la drogue est avant tout « ré-écriture » : il est question de re-composer, de re-construire  l’expérience, mais aussi (et même surtout) de la re-vivre, la re-faire — cette fois au moyen du langage. La drogue semble dès lors un pré-texte à l’écriture et le texte lui-même, un nouvel espace expérientiel. 

L'objet de cette présentation est une étude portant sur l’éducation au patrimoine dans le cadre scolaire au Québec. Elle se décline en deux principaux axes : le premier vise à faire un bref état des lieux des pratiques pédagogiques en lien avec le patrimoine réalisées dans la province. L’objectif est d’étudier la forme que prend cette forme éducative au niveau des intentions d’apprentissage, du rôle des enseignants et des institutions culturelles, du type de patrimoine enseigné ainsi que des disciplines dans lesquelles elle s’insère. Le deuxième axe s’articule autour d’une approche collaborative que j’adopte pour intégrer le patrimoine sur une base plus ou moins durable dans le cours d'histoire du Québec et du Canada, mon terrain d’étude. Les collections archéologiques du site Cartier-Roberval, représentatives de la première tentative d’implantation permanente française en Amérique (Samson et Fiset, 2013 : 9), sont utilisées à titre d’exemple en ce sens pour développer des ateliers éducatifs en lien avec le patrimoine. La méthodologie de la recherche-action employée au sein de cette étude permet d'établir un partenariat étroit avec les professeurs participants et, par la même occasion leurs étudiants, afin de saisir pleinement les enjeux et les particularités de l'éducation au patrimoine dans ce milieu d'apprentissage. Principalement d'ordre qualitatifs, les résultats de l'étude visent ainsi à mieux documenter l'implantation de cette forme éducative au Québec.

The Alexandria Quartet de Lawrence Durrell joue sur les stéréotypes par l’intermédiaire des interprétations que font les personnages des actions d’autrui. Les stéréotypes donnent chacun « une impression de clarté, d'univocité, et accélèrent ainsi le rythme de la lecture » (Amossy, Les discours du cliché, 1982). Ils stimulent aussi la réaction passive du lecteur en agissant «[comme] des signaux génériques, ils orientent l’attention du lecteur vers des horizons de sens familiers» (idem.). Or, ces sens sont systématiquement déconstruits dans le Quartet : au fur et à mesure de son développement, la narration propose des perspectives nouvelles sur l’identité des personnages, lesquelles remettent en question l'interprétation initiale, la maintenant dans un état perpétuel d’indétermination. Lorsque certains éléments manquent au répertoire du lecteur, celui-ci est contraint de se lancer à la recherche de nouvelles configurations sémantiques. Le lecteur est appelé à revoir une idée préconçue. Par exemple, la description que fait Darley d’un policier et ancien marin dans le premier volume met de l’avant sa masculinité donnée pour traditionnelle. Suivant la lecture de Darley, le corsaire tout d’un bloc se révèle avoir été un travesti affublé d’un Dolly Varden. Dans le cadre de cette communication, nous analyserons la constitution des stéréotypes dans le Quartet et la façon dont ils interviennent pour produire un effet d’indétermination identitaire sur des personnages tels que Scobie.

L’œuvre Les maisons de la rue Sherbrooke, exposée dans le cadre de l'exposition Corridart et détruite par Jean Drapeau, relève d’une nouvelle utopie soit la démocratie culturelle, en ce sens qu’un nouveau public fut invité à participer au projet de l’artiste. Autrement dit, cette oeuvre historiquement associée à l’underground est institutionnalisée dans le cadre de la mise en place d’un nouveau paradigme culturel. Pour une première fois, il sera démontré que l’art underground du Québec est souhaité et supporté économiquement par l’État et que l’artiste collabore avec ce dernier. Nous prouverons notre hypothèse en établissant un parallèle entre les spécificités du discours esthétique artistique avant-gardiste étudiées par la sociologie de l’art (Francine Couture) et les caractéristiques de la démocratie culturelle énoncées par la sociologie de la culture (Guy Bellavance, Lise Santerre) au regard de la notion de nouveau public de l’art. Nous exposerons alors les intentions esthétiques de Charney et celles du ministre de la Culture Jean-Paul L’Allier exprimées dans sa politique culturelle. C’est à travers la notion de public que nous établirons des liens entre la politique culturelle gouvernementale et la production d’une œuvre de conscientisation sociopolitique. Qu’il s’agisse de l’artiste ou du ministre, tous deux veulent atteindre un nouveau public néophyte et favoriser la production d’une culture populaire répondant aux nécessités des participants devenus actifs. ?

Le nombre d’emprunts de livres papier est à la baisse, alors que celui des livres numériques augmente (Lapointe, et al., 2023). Un autre type de lecteur est clairement apparu dans un projet subséquent : le « lecteur » audionumérique (Luckerhoff & Lapointe, 2024).  Dans ce projet, nous nous intéressons d’abord aux raisons qui motivent la lecture d’un livre audionumérique (LAN), puis aux mutations provoquées par son format qui permet de « multitâcher » (Goumi & Guéraud, 2023). En effet, la lecture par l’ouïe plutôt que par la vue ouvre sur de nouvelles habitudes de lecture. 

Nous avons animé 34 entretiens qualitatifs (Germain, et al., 2023) avec des utilisateurs de LAN afin de mieux comprendre la place qu’il occupe dans leur quotidien en lien avec d’autres tâches. La lecture faite en même temps qu’une autre activité nuit-elle à l’appréciation d’une œuvre? Est-il possible de « multitâcher » tout en étant concentré sur le livre?

Nos analyses montrent que les utilisateurs de LAN présentent une forte tendance à « multitâcher ». Ils parviennent non seulement à augmenter les moments de lecture, mais aussi à accéder à un plus grand éventail de genres, la facilité de compréhension étant souvent au cœur de leurs choix littéraires. Nous constatons également que le LAN accentue l’accessibilité à la lecture, notamment chez des individus présentant des difficultés d’apprentissage : le LAN leur permet, parfois, de générer des périodes d’hyperconcentration et d’accroître leur productivité.

La présente communication propose d'interroger, au théâtre contemporain, au théâtre contemporain, la violence dans le langage comme modalité de négociation avec le réel et propose de considerer, ici, le réel principalement dans son rapport au spectateur et au monde obscène. Dans un premier temps, nous mettrons en lumière, à l’aide d’extraits de l’analyse de la pièce Rouge gueule d’Étienne Lepage, un langage désubjectivé (Gilles Deleuze et Félix Guattari, Pierre Ouellet) au cœur duquel la présence de l'altérité remplace une certaine aliénation. Inscrivant notre démarche à la croisée des études littéraires et théâtrales, à la suite des travaux de Marion Chénetier-Alev sur l'oralité au théâtre, nous exposerons à la fois la violence faite au dispositif théâtral et aux lecteurs-spectateurs dans l'espace du théâtre rendu possible par la violence du langage. Notre réflexion se posera finalement dans une visée plus large, interrogeant l'inscription du théâtre in-yer-face britannique (Sarah Kane) et de ses répercussions dans le théâtre québécois contemporain, en soulignant la connaissance de la dramaturgie québécoise dont fait preuve la pièce. En ce sens, nous voulons aussi penser le langage inventé par le jeune dramaturge comme offrant le contrepoint à un certain cynisme contemporain et imposant un langage riche et conscient de son histoire.

La disparition des témoins de l’Holocauste et une plus grande ouverture des fonds d’archives de l’Occupation (1940-1945) en France ont incité des descendants, héritiers de traumatismes transgénérationnels, à commencer leur généalogie. Les documents recherchés sont souvent imprégnés par différentes attributions (répression, anéantissement, réparation, réconciliation). Traversant des temps de constitution, de sauvegarde et de réutilisation, ces documents ont « une portée signifiante qui change en fonction des effets souhaités par les utilisateurs » (Klein et Lemay, 2013, p. 245). Au travers d’un cheminement généalogique personnel et l’étude des dossiers de déportés conservés à la Division des archives des victimes des conflits contemporains, ce projet a pour objectifs de recenser les conditions d’utilisation des archives en contexte généalogique et de décrire les implications de leurs exploitations sur le plan archivistique. Quelles sont les expériences vécues par les généalogistes en matière d’archives et de quelles manières les exploitent-ils? Qu’est-ce que la pratique généalogique est à même d’apprendre aux archivistes et quels rôles peuvent assumer ces derniers dans l’aide à l’exploitation généalogique des archives ? Quelles nouvelles fonctions peuvent être attribuées aux lieux archivistiques? Notre recherche favorisera une meilleure compréhension de l’expérience généalogique des archives pour les archivistes et les usagers tout en ouvrant de nouveaux champs de recherche.

Figure d’exception, Mihri Rasim (1886-1954) est la première plasticienne turque à vivre de son art. C’est elle qui, en 1914 à Istanbul, fonde l’École de beaux-arts pour femmes. Ce faisant, elle défie les conventions qui sont imposées aux femmes par la société et qui limitent la place de celles-ci dans la sphère publique en les reléguant à l’espace privé. Mais, est-ce que les changements structuraux de la société, à savoir les réformes du système d’éducation qui désormais offre la possibilité aux femmes de choisir le milieu des arts plastiques comme métier, ont vraiment eu un impact sur leur propre conception au sein de la société?

Autrement dit, malgré sa vie d’avant-garde, dans Autoportrait avec la tasse de café, Mihri Rasim succombe-t-elle sous la pression de conformisme exercée par la société? Et au contraire, sa nièce, Hale Asaf (1903-1937) dans Autoportrait avec la palette dépasse-t-elle cette pression? L’analyse comparative de ces deux œuvres permet de contraster le rapport dialogique de Rasim et d’Asaf à leur identité et à leur identification comme femme et peintre. Ces toiles décrivent leur relation avec la société turque à deux moments différents et leur place dans celle-ci. Dans cette perspective, j’examinerai la place sociale de la femme actuelle turque pour souligner que, sous une modernité apparente, elle est encore soumise aux conventions ancrées dans les rapports interpersonnels.  

Des architectes et artistes, dont László Moholy-Nagy (1895-1946) et Melvin Charney (1935-2012), ont utilisé de la photographie dans le cadre de processus créatifs en architecture. La photographie ne leur a pas servi à représenter des œuvres bâties, ils en ont fait un outil pour noter des observations, exprimer des compréhensions et réfléchir sur ce qui est donné à voir. 

Au prisme d’idées cueillies dans la théorie de la photographie, dont l’une de Philippe Dubois élevant la photographie à une catégorie de pensée qui puisse introduire à de nouvelles compréhensions, j’ai étudié l’œuvre théorique et artistique de Charney. Le but était d'exposer les potentiels de la photographie pour la production du savoir en architecture. La photographie s’y révèle inséparable d’une approche intellectuelle de l’architecture fondée sur l’élucidation d’un savoir inscrit dans la ville; pour Charney, l’architecte doit être apte à découvrir la source des systèmes qui constituent et qui ont fabriqué la ville. Des techniques photographiques, la dimension documentaire des images et la richesse symbolique qu’elles transmettent lui ont permis de questionner l’origine des formes bâties, de découvrir les caractéristiques constitutives des monuments, d’exposer le contenu figuratif de l’architecture urbaine et d’enseigner à regarder et comprendre la ville, autrement.

Cette étude contribue à la reconnaissance d’expériences hybrides entre art et architecture comme méthode de production du savoir en architecture.

En 1863, dans une lettre adressée au jardinier en chef de Central Park, l’architecte paysagiste Frederick Law Olmsted relate avec enthousiasme un moment fort de sa traversée du Panama. Sensible aux paysages tropicaux, Olmsted dit avoir été saisi d’une émotion que la littérature actuelle désignerait comme une expérience esthétique au sens fort d’un vécu cognitivement et affectivement marquant (Schaeffer, 2015). Olmsted n’hésite pas quant à lui à qualifier ce sentiment de « moral » et à le rattacher à certains traits du paysage panaméen. Cette expérience est si marquante qu’il décide d’effectuer de mémoire une analyse formelle du paysage, et ce dans le but d’en reproduire les effets à son retour à Central Park.

Cet épisode nous donne un aperçu de la particularité de l’approche réformiste chez le célèbre architecte paysagiste. Car bien que la littérature existante ait souligné la visée hygiéniste de ses parcs (autant d’un point de vue psychologique que physiologique), peu ont cherché à analyser son approche d’un point de vue esthétique. Construit autour d’une étude de Prospect Park, cette présentation vise à démontrer comment cette expérience influença la conception du parc de Brooklyn (plus que de Central Park qui était déjà construit), tout en démontrant comment la sensibilité esthétique d’Olmsted s’inscrivait de façon plus large dans un courant de pensée au cœur duquel la relation esthétique fut envisagée comme une expérience d’abord émotionnelle et moralement forte.

Cette communication focalise sur les conditions dans lesquelles évoluent les pratiques muséales aujourd’hui en prenant pour objet d’étude le récent département «Curatorial Asian Art», du Musée Guggenheim de New York, financé par la corporation Samsung. Au lendemain de sa constitution en 2006, ce département s’est pourvu d’un comité d’experts ad hoc, issus de diverses disciplines telles que l’histoire de l’art, l’anthropologie et la philosophie, afin de réfléchir à son développement stratégique en tenant compte des expositions et de la collection d'art asiatique moderne et contemporain sous sa responsabilité. En d’autres mots, ce comité devait réfléchir aux moyens de mettre en valeur un corpus artistique que l’institution en question nomme «art global». Cette description soulève deux points d’intérêt. D’abord, qu’est-ce que l’art global ? En tenant compte des études postcoloniales et de l’évolution des pratiques muséales, en regard de l’exposition de corpus étrangers dans les musées occidentaux, nous tenterons d’exposer la signification de ce qualificatif de plus en plus récurrent dans le milieu de l'art. En guise de second point d’analyse, il sera question de s’attarder sur le phénomène peu étudié du financement corporatif asiatique en milieu muséal occidental. Ce dernier aspect permettra d’aborder la montée fulgurante et récente du marché de l’art asiatique et de questionner les enjeux diplomatiques et artistiques qui découlent de ces partenariats économiques.

Jean Renoir avait l’habitude dans ses œuvres tardives de filmer avec réalisme un théâtre qui revendiquait son artificialité, et par conséquent de mettre en scène non seulement ses personnages, mais également une œuvre scénique. Cette mise en abîme de l’œuvre scénique permettait de faire apparaître son « cadre » au sens où l’entend Lotman, c’est-à-dire ses limites avec le monde réel, l’œuvre d’art représentant toujours « un modèle fini d’un monde infini » (La structure du texte artistique 300).

Le déjeuner sur l’herbe, réalisé en 1959 après Le Carrosse d’or et French Cancan, laisse présager, par son décor de campagne provençale, un retour à l’esthétique réaliste qui avait été la marque de Renoir de Toni (1935) à La bête humaine (1938). Or, dans ce décor réaliste, le merveilleux jaillit subitement : le dieux Pan sort d’un champ de blé pour venir, par un air de flûte, gâcher ce déjeuner qu’on s’apprêtait à déguster sur l’herbe.

On fera l’hypothèse que Renoir, dans Le déjeuner sur l’herbe, s’appuie directement sur les propriétés du média filmique pour reproduire cet endroit paradoxal qu’est l’œuvre d’art plutôt que d’avoir recours à une commedia dell’arte filmé avec naturalisme (œuvres tardives) ou encore à un mélodrame tourné dans un décor naturel (période réaliste). C’est la singularité médiatique du film en question que l’on souhaite faire apparaître par une analyse croisée du film et de la pensée de Clément Rosset, notamment ses réflexions sur le cinéma. 

La guitare présente des caractéristiques qui rendent illogique le positionnement des notes sur sa plaque de touches. Par exemple, le fait qu’on puisse jouer une même note à plusieurs endroits différents, qu’une note puisse être jouée à vide ou fermée, ou encore que l’accordement de l’instrument soit presque toujours en quartes sauf entre la 2e et la 3e corde, qui sont séparées par une tierce. Toutes ces particularités font que la lecture à la guitare est une habilitée difficile à développer. Dans ce contexte, le changement de position se présente comme une difficulté importante qui doit être surmontée.

Dans cette communication, nous présenterons les résultats de notre recherche doctorale, laquelle visait à développer du matériel éducatif afin de favoriser le jeu instrumental de la région moyenne à la région suraiguë, c'est-à-dire de la Ve position à la XVe position. Pour ce faire, nous avons utilisé le processus méthodologique du modèle de développement de matériel éducatif en pédagogie instrumentale proposé par Dubé, Héroux et Garcia (2011, sous-presse), ainsi que des concepts issus de la psychologie cognitive. Dans l’optique de créer des automatismes de lecture, nous avons organisé une série d’études ainsi que des tableaux de triades et des exercices préparatoires pour chaque région concernée.

En définissant le chronotope comme « la corrélation essentielle des rapports spatio-temporels, telle qu’elle a été assimilée par la littérature » (Esthétique et théorie du roman. Paris : Gallimard, 1978, p. 237), Mikhaïl Bakhtine suggère que la nature complexe de l'espace-temps fictionnel révèle des caractéristiques uniques sur les textes et les médiums. Bien qu'il ait été lié aux études cinématographiques par plusieurs chercheur·ses (Pepita Hesselberth 2014, Martin Flanagan 2009, Peter King 1993), le chronotope demeure un concept riche en débouchés qui, appliqué à des récits pathographiques, met en relief la complexité de l’espace-temps du sujet malade en donnant un nouvel éclairage sur ces représentations artistiques.

Dans cette communication, nous souhaitons prendre l’exemple des essais pathographiques d’Esther Valiquette (Récit d’A, 1990 et Le singe bleu, 1992) et, en utilisant le concept du chronotope du voyage, voir comment l’espace-temps de la maladie trouve une issue dans l’espace-temps de la traversée. En analysant le langage cinématographique des deux essais de la cinéaste québécoise, nous montrerons comment l’espace-temps du voyage se manifeste comme une voix/voie hors de l’emprise du sida sur le corps et l’esprit de la malade, ainsi que ceux de ses interlocuteurs.  

À partir d’une analyse menée sur la Pietà (c.1477-1478) d’Antonello da Messina (c.1430-1479), cette communication propose d’aborder les transferts culturels et leurs impacts dans la peinture de l’artiste sicilien. Plus largement, nous soulignerons l’apport important de courants artistiques internationaux dans le développement de la peinture italienne de la Renaissance au Quattrocento. Notre enquête débute au tournant du XVe siècle, lors des conflits qui voient s’affronter les familles d’Anjou et d’Aragon pour la conquête du royaume de Naples. Ces dynasties qui se succèdent à la tête du royaume apportent des cultures différentes et favorisent l’apparition d’un milieu artistique international dans les territoires qu’elles contrôlent. C’est ainsi que l’apprentissage et les jeunes années de peintre d’Antonello passées à Naples sont marqués par un multiculturalisme artistique empreint d’un art flamand très présent. Durant toute sa carrière et ses voyages, Antonello développe un style pictural particulier qui emprunte à la peinture italienne et à la peinture flamande leurs traditions iconographiques et formelles tout en les modifiant selon ses propres intérêts. Cette synthèse qui caractérise l’œuvre d’Antonello lui assurera une grande notoriété et marquera la peinture de la Renaissance. Peu étudiée, cette Pietà nous paraît révélatrice du caractère multiculturel de la peinture d’Antonello et représentative d’un métissage culturel national et international très présent à l’époque.