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Cette recherche propose un cadre méthodologique intersectionnel et émancipatoire pour explorer l’influence de l’aménagement urbain sur le sentiment de sécurité et d’appartenance des femmes dans les espaces publics de Montréal. Bien que les structures patriarcales renforcent l’insécurité des femmes, les obligeant souvent à éviter certains lieux urbains, l'intégration des perspectives féministes dans les théories classiques d’aménagement reste insuffisante. Les recherches sur l'impact de l'aménagement urbain sur la sécurité et l'appartenance des femmes à Montréal et au Québec demeurent limitées.

Cette étude adopte une approche qualitative et phénoménologique, centrée sur les récits des participantes. En suivant une méthodologie émancipatrice, elle vise à impliquer activement les femmes à toutes les étapes du processus, afin de co-construire des savoirs qui reconnaissent leur expertise sur leurs propres vécus. La méthode Photovoix est employée comme outil principal de collecte de données, permettant aux participantes de capturer visuellement leurs expériences et perceptions des espaces urbains. Cette démarche leur donne un pouvoir narratif, illustrant les aspects de l’environnement qui influencent leur sécurité et leur appartenance.

Cette approche participative vise non seulement à enrichir la recherche en aménagement, mais aussi à proposer des recommandations concrètes pour des espaces urbains plus inclusifs et sécuritaires, en plaçant la voix des femmes au cœur de la réflexion.

Dans la création chorégraphique contemporaine, la reconnaissance et la compréhension du rôle du danseur dans la création des œuvres est un sujet à controverses. Car si les pratiques de création aujourd’hui se disent la plupart du temps se baser sur la sensibilité particulière de chaque interprète, le discours dominant en danse semble encore véhiculer des valeurs de soumission et d’engagement « corps et âme » au projet du chorégraphe. À travers cette communication,  je me propose d’examiner l’apport créatif du danseur dans une perspective écosystémique du processus de création, tentant de rendre compte de la complexité des échanges et des négociations en jeu entre le chorégraphe, le danseur et l’œuvre même. Cette réflexion s’appuiera sur les résultats d’une recherche-création menée au Doctorat en Études et Pratiques des Arts à l’UQAM dans laquelle je me suis plongée comme interprète dans le processus de création de trois œuvres chorégraphiques avec trois chorégraphes différents. Je proposerai alors de penser l’émergence de l’ « éco-corporéité » de chaque œuvre, expression de la rencontre de corporéités uniques dans un contexte particulier de création. Penser l’éco-corporéité de l’œuvre m’amènera à  questionner la pertinence même de chercher à connaître l’auteur réel d’une œuvre chorégraphique dans le sens de sa matière même, et mettra au cœur du débat l’importance de considérer davantage la porosité de chaque rencontre permettant l’émergence d’œuvres uniques et singulières.

La Lettre écarlate, roman publié par l'américain Nathaniel Hawthorne en 1850, a été écrit sous la forme d'une énigme à résoudre. Bien que le mystère qui entoure la naissance du bébé Pearl Prynne, fille illégitime d'Hester Prynne, ne soit pas aussi étanche que l'énigme du Double assassinat sur la Rue Morgue d'Edgar Allan Poe, le roman de Nathaniel Hawthorne jette en quelque sorte les bases du roman noir ou du polar. D'abord parce que le récit touche à l'injustice cautionnée par la société puritaine. Le cadre social dans lequel évolue la petite Pearl et sa mère tire ses sources de la conception du sacré selon Baruch Spinoza dans son Traité théologico-politique. Ainsi, le sacré devient le terrain de jeu propice aux inégalités sociales, à la corruption, à l'injustice et à la vengeance. Cette dérive mène à une crise identitaire chez le révérend Arthur Dimmesdale, forcé de voir son amante et sa fille humiliées sur la place publique. Selon Hannah Arendt dans son ouvrage Condition de l'Homme moderne, cette crise identitaire survient lorsque l'identité narrative ne s'est construite qu'à partir des normes sociales dictées par la modernité judéo-chrétienne. Nous verrons donc comment le roman de Nathaniel Hawthorne jette les bases du polar moderne, qui, lui, agit comme un catalyseur d'injustices.

Depuis la « Révolution sexuelle », bien que des études se soient intéressées au portrait de la sexualité « libérée » présenté par la culture visuelle occidentale en pleine effervescence, les efforts des chercheurs et des chercheuses ne ciblèrent pas précisément la représentation des actes sexuels en eux-mêmes; une figuration pourtant construite de toutes pièces et possiblement d’après les mêmes conventions qui régissaient cette « nouvelle » sexualité. Dans cette communication, je propose de synthétiser les résultats de l’étude empirique que j’ai menée dans le cadre de mon doctorat en Sciences humaines (PhD in Humanities, Fine Arts) à l’Université Concordia (Montréal) et qui porte sur la représentation des pratiques sexuelles telles qu’elles apparaissent dans un large échantillonnage de documents visuels diffusés en Occident de la fin des années 1950 à 1979. Plus précisément, je présenterai le portrait thématique du contenu sexuel des 872 images isolées dans 18 livres sur l’art au contenu sexuel et des 367 scènes sexuelles visibles dans une collection de 55 longs métrages de fiction commerciaux. À l’aide d’images et de graphiques, je résumerai mes constats en ce qui concerne la nature à la fois « libérée » et « conservatrice » du portrait révélé et de ses possibles conséquences sur ses spectateurs et spectatrices.

Cette recherche propose une réflexion historique sur le traitement de la figure de la reine Brunehaut dans l'hagiographie française en conduisant une analyse du motif du supplice dans des manuscrits peints (XIVe-XVe siècles). Elle interroge la pratique ancienne de la torture au Moyen-Âge en la situant dans l'espace contemporain de discussion et de confrontation des études féministes. La torture est ici fragmentation du corps et de l'identité. La souffrance est utilisée comme un mode de contrôle et de destruction des individus. Or la représentation de cette pratique de domination et de destruction porte en elle une ambiguïté, voire une antinomie, qui permet la redéfinition du sujet féminin. L'image est à la fois le théâtre du spectacle sadique de la torture dans lequel la femme est la proie du « male gaze », et un lieux de performance où les identités se déconstruisent et se reconstruisent ou encore se subvertissent et se déstabilisent. La femme suppliciée est châtiée. Elle est Ève, sorcière, pécheresse. Mais elle apparaît également comme martyre, sainte, Marie. Le motif de torture n'est plus seulement punition ; il est rédemption et salut divin. Si la figure de Brunehaut suppliciée sert dans un premier temps la propagande de Clotaire II en punissant symboliquement l'hybris de la reine noire, elle apparaît, dès le XIIIe siècle, comme l'outil de sa réhabilitation dans les manuscrits du De Casibus Virorum de Boccace et dans ses traductions.

Des années 1930 aux années 1980, Gilles Beaugrand-Champagne a dirigé, à Montréal, un atelier d'orfèvrerie qui a produit des milliers d'objets pour la clientèle ecclésiastique canadienne et américaine.

Le mode de production de son atelier était hérité de la tradition académique, dans laquelle l'objet d'art est associé au maître de l'atelier et signé de son nom, même si ce dernier n'est responsable que du dessin initial, alors que les étapes de production de l'objet étaient confiées à des artisans expérimentés. Notre présentation exposera la structuration de cette pratique, qui a permis à Gilles Beaugrand - c'est sous ce nom qu'il a fait carrière – d’être le créateur de nombreux objets de culte. Les œuvres de Beaugrand, aujourd'hui éparpillées dans des églises du Québec et de l'étranger, présentent une grande variété stylistique, en raison des goûts des clients et de l'évolution des courants artistiques. Parmi ces objets, notre communication permettra de mettre en valeur ceux qui présentent des formes et un décor hérités de l'art déco français des années vingt et trente, auquel Beaugrand était fortement attaché. Ils constituent non seulement un patrimoine moderne, à redécouvrir et à inventorier, mais aussi des ensembles décoratifs à considérer dans une perspective internationale. Une partie des données que nous utilisons proviennent du fonds d’archives de l’atelier Beaugrand, conservé à Montréal, et c’est grâce son contenu que nous pouvons aujourd’hui proposer nos analyses.



Depuis une trentaine d’années, on observe, au sein du corps professoral des universités québécoises, la présence de musiciens. Certains auteurs les nomment « chercheurs-créateurs » (Bruneau & Villeneuve 2007; Gosselin & Le Coquiec 2006). Or, des recherches récentes ont montré que ces artistes ne sont, la plupart du temps, pas engagés dans le domaine de la recherche-création, mais dans celui de la création essentiellement (Stévance & Lacasse 2013). Par conséquent, il demeure une lacune dans la compréhension des acteurs qui élaborent, développent et mènent des projets de recherche-création en musique. Pour mieux comprendre ce phénomène, je propose de rendre compte du profil du chercheur-créateur en musique, et incidemment du créateur à l’université, mais également de considérer la diversité des agents impliqués dans un projet de recherche-création dans la lignée de plusieurs auteurs (Léchot Hirt 2010, Stévance & Lacasse 2013), lesquels ont senti l'importance, dans le domaine de la recherche-création, de se concentrer sur le projet plutôt que sur l’individu, d'utiliser « la compétence créative propre […] aux artistes dans une démarche de recherche » plutôt que sur « la "boîte noire" de la création » (Léchot Hirt 2010: 29). Ainsi, en plus de préciser ce qu’est un projet de recherche-création, l’un de nos objectifs sera également de mettre en exergue les différents profils possibles de tous les protagonistes impliqués dans une telle démarche collective.

« Son lynchage a été vu par des millions d’internautes. Nous avons assisté en direct à l’exercice de la barbarie extrême […] Ses lyncheurs lui avaient confisqué la parole. J’ai tenté de la lui rendre, pour qu’il nous parle de ce qu’il a été, de ce qui a fait de lui un dictateur [1]. », ainsi a décrit l’auteur algérien francophone Yasmina Khadra la source d’inspiration qui a donné naissance à son roman La dernière nuit du Raïs, publié en 2015. Quatre ans après l’assassinat de Mouammar Kadhafi, le chef d’État libyen, l’œuvre reprend la scène historique de sa mort. Ce récit nous invite à réfléchir non seulement sur la structure narrative et discursive qui marquent son hybridité générique, mais également sur le(s) rapport(s) de la fiction avec/à la réalité historique et aux médias. Quels sont les mécanismes déployés par Khadra permettant le passage de l’écran au papier? Nous faisons l’hypothèse que le dialogue et la description jouent le principal rôle dans ce passage. Notre communication analysera donc les méandres de l’histoire et de la fiction dans le roman de Khadra afin de montrer la corrélation entre ses aspects narratifs et thématiques. Nous ferons ainsi appel à la transmédialité, à l’analyse des genres littéraires et au roman historique.

[1] Entretien de Yasmina Khadra avec Dan Burcea, 16 décembre 2015, Salon littéraire Lintern@ute.

The Realm of the Elderlings, de l’auteure Robin Hobb, est une série de fantasy employant des stratégies d’écriture féministes et postmodernes pour déstabiliser l’hétéronormativité. Notamment, cette remise en question de la norme hétérosexuelle se manifeste par l’intermédiaire du personnage du «Fool», lequel génère un brouillement entre le féminin et le masculin et met à mal les savoirs accumulés sur lui en incarnant tant des femmes que des hommes. Ainsi, cette figure sera au centre de notre communication, de même que le décentrement postmoderne du langage et de l’interprétation dont elle serait à l’origine. Nous postulerons que les performances et mascarades du personnage, de même que la subversion des substantifs contribuent à créer son illisibilité identitaire en brouillant les codes et les signes associés aux genres féminin et masculin. Parmi ces dispositifs, nous nous attarderons à un exemple précis, celui des performances parodiques, qui devrait permettre, en déstabilisant le genre, de dévoiler que celui-ci est une construction discursive. Pour ce faire, nous aurons recours à la performance de genre (Judith Butler), au concept d’excentré (Linda Hutcheon) et à l’emploi de la parodie comme stratégie d’écriture (Linda Hutcheon). En analysant dans une perspective queer et postmoderne cette figure plutôt que de tenter de la cloîtrer dans une catégorie prédéfinie, notre étude éclairera donc un aspect inédit du «Fool».

Le film War Requiem du réalisateur britannique Derek Jarman (1989) présente une interprétation concrétisée en images de l’oratorio pacifiste du même titre par Benjamin Britten (1962). Dans plusieurs scènes du film, la nature de l’ennemi est remise en question par l’image. Ce film a reçu une réception mitigée de la part des critiques de cinéma et des musicologues à cause de sa mise en scène cliché. Or, un article d’Allen J. Frantzen (2013) réhabilite les images symboliques pour étudier la conjonction de ces images avec le texte; tout lorsqu'il montre comment l’image de la souffrance de la victime et de l’ennemi est mise au service des propos pacifistes de Britten. L’objet de cette communication est d’explorer comment la conjonction entre images et musique (identifiée dans les ouvrages séminaux de Mervyn Cooke [1991] ou Heather Wiebe [2015] sur la musique de guerre de Britten) renforce ces propos de Britten dans le film de Jarman. Pour ce faire, je propose une analyse comparative entre le film et la partition afin de mieux montrer les contrastes entre musique, image et texte et voir comment cette mise en scène allégorique peut en effet s’avérer efficace pour dénoncer la guerre en tant que nuisance sociale.

À la lecture d'un roman de la Grande Guerre, au visionnement d'un film se déroulant dans les tranchées, à la contemplation d'un tableau tentant d'en transmettre l'essence, le récepteur de l'œuvre peut aisément constater qu'il y a répétition de motifs, de thèmes, de signes, et ce malgré la diversité des supports. Ces éléments invariants présents dans le discours social (Marc Angenot) sur la Grande Guerre semblent traverser un siècle de représentations de la Première Guerre mondiale et participer à la formation d'un imaginaire de la tranchée (Pierre Popovic, Cornelius Castoriadis). Cette communication s’intéressera à la formation de cet imaginaire par le martèlement de motifs et de thèmes portés par des œuvres diverses. Elle interrogera la signification et la variation de certains éléments récurrents du monde des tranchées, et ce dans diverses formes d’arts (littérature, peinture, cinéma, photographie, bande dessinée, jeux vidéo). Enfin, cette communication montrera, par l’étude des cas des barbelés et de la boue, comment certains éléments se chargent symboliquement pour représenter les souffrances du soldat dans ce qui constitue, peu à peu, au fil des créations, un imaginaire social de la tranchée. 

Dans l’univers culturel, la notion d’indépendance est plus que jamais revendiquée par des acteurs de taille et de statut variés : librairies, maisons d’édition, structures de distribution qui mettent en avant des contenus ainsi que des façons de travailler « différentes » de celles des structures dominantes.

Ma recherche ambitionne de clarifier les valeurs que recouvre cette notion complexe en s’intéressant au travail de médiation réalisé dans la filière du livre et du cinéma, à partir de l’exemple des librairies et d’associations de défense du cinéma indépendant. Par leur travail de valorisation et d’accompagnement des biens présentés au public, ces dernières contribuent à produire la réception de films et d’ouvrages « indépendants », tout en construisant leur propre image sociale de médiateurs culturels. L’analyse des dispositifs mis en œuvre montre que ce qui est en jeu est l’affirmation d’un lien situé au-delà de la transaction commerciale, laquelle tend à être euphémisée afin de mieux se démarquer des acteurs « commerciaux » en exaltant la singularité et la proximité.

Ces premiers résultats de la recherche s’appuient sur des observations pratiquées lors de moments particuliers de médiation : lectures organisées en librairies et projections spéciales autour du cinéma indépendant. Elles ont été complétées par une analyse documentaire ainsi que par des entretiens avec des libraires, des éditeurs, des responsables d’association et des pouvoirs publics. 

En 1931, sous la direction d’Olivar Asselin, le quotidien libéral montréalais Le Canada introduit un nouvel élément dans l’économie de sa page éditoriale. Il s’agit d’une rubrique intitulée « Les réflexions de l’Oncle Anthime » et publiée régulièrement de 1931 à 1934. 180 chroniques réunissant 1883 très courts textes, souvent de la longueur d’une seule phrase, y paraissent. Portant sur des thèmes plus ou moins dictés par l’actualité, marquées au coin du discours partisan, ces sortes de brèves éditoriales se présentent au lecteur comme l’expression de faits généraux d’expérience soustraits aux règles communes de l’argumentation. Énoncées par le truchement d’un artifice littéraire, sous un pseudonyme transparent, qui, tout en ne voilant pas l’identité véritable du journaliste, la distancie de son propos, elles renouent, en contexte médiatique, avec un mode d’expression procédant par sentence parmi les plus anciens de la littérature. Dans le prolongement de l’effort d’inventaire des microformes journalistiques proposé par Marie-Ève Thérenty et Guillaume Pinson (2008), eu égard à la forme verbale à laquelle elles recourent et à la tradition littéraire qu’elles évoquent, nous désignerons ces brèves éditoriales du nom d’éditoriaux gnomiques. En guise de soutien à la proposition théorique esquissée, nous décrirons le corpus exhumé, puisant, pour orienter notre travail, du côté de commentateurs illustres de cette tradition, en commençant par Aristote (Rhétorique, II, 1294a-1395b).

Aider les personnes en situation d'itinérance à se réinsérer socialement nécessite plus que trouver un logement et une source de revenus. Les préjugés à leur égard et leur isolement sont des embuches. Se réinsérer nécessite de réapprendre à créer des liens. Dans ce contexte, est-ce qu'un projet d'art peut favoriser leur inclusion sociale? Le refuge pour hommes sans-abri, Mission Old Brewery, et des collaborateurs (CHUM-UQAM) ont proposé la réalisation d'ateliers artistiques à l'intérieur de leurs murs dans le but d'offrir une expérience positive aux participants. Trois séries d'ateliers combinant des approches artistiques et pédagogiques, dont la photographie, les déambulations urbaines, le dialogue et le contact avec des oeuvres d'art, furent réalisées. Une recherche-action qualitative a permis d'identifier lesquelles des approches adoptées par l'artiste favorisaient un mieux-être, une autonomie et la participation sociale des hommes. Nous avons observé que les créations individuelles (photographies et dessins), lorsqu'elles sont combinées à des expériences en groupe (déambulations urbaines et échanges sur l'art), favorisent la réalisation d'une création collective (vidéos, installation photographique). Ce processus devient propice pour tisser de nouveaux liens. La présentation finale du projet devant un public devient un moment significatif, car ces personnes apparaissent dans leur individualité, c'est-à-dire au-delà de leur condition de souffrance.

Depuis les Rébellions de 1837-1838, de nombreuses oeuvres ont présenté le patriotisme canadien-français de l'époque, parfois en en faisant l'éloge, parfois en en faisant la critique, et en le décrivant tantôt comme rassemblant ou diviseant le peuple canadien-français.  À travers ces nombreuses oeuvres, deux romans jeunesse de Marie-Claire Daveluy, Le Richelieu héroïque et sa suite, Michel et Josephte dans la tourmente, publiés d'abord dana L'oiseau bleu à la fin des années 1930, puis en volumes en 1940, viennent dresser un portrait intéressant du patriotisme canadien.  Jusqu'ici peu étudiées, ces oeuvres dressent, dans le contexte des Rébellions de 1837-1838, un portrait de deux "factions patriotes", celle des patriotes "ardents", prêts à prendre les armes pour combattre l'oppresseur britannique, et celle des patriotes "modérés", qui privilégient plutôt la voie de la patience et de la conciliation afin d'obtenir des concessions des autorités britanniques afin d'améliorer le sort des Canadiens français.  Or, loin de simplement dresser ces deux portraits, on remarque bien rapidement que, si Daveluy, fait tout de même l'éloge de l'une et l'autre de ces deux formes de patriotisme, elle leur prête toutefois des résultats bien différents et laisse même-sous entendre que l'une de ces formes sert beaucoup plus efficacement la cause des Canadiens français que l'autre.  C'est ce phénomène que nous nous proposons de présenter.



Avec l’arrivée des nouvelles technologies numériques, plusieurs auteurs observent les multiples trajectoires qui relient le privé et le public. La vie quotidienne est promulguée au rang d’objet public au travers des blogs et des réseaux sociaux, et les téléphones intelligents regroupent une foule de fonctions qui enregistrent la vie privée : appareil photo, caméra vidéo, dictaphone, géolocalisateur…

L’objectif de la recherche sera de mettre en lumière le contexte dans lequel opère un glissement des limites entre le privé et le public, puis de montrer de quelle manière les artistes en art contemporain utilisent des méthodes d’appropriation afin d’illustrer le déplacement de l’espace privé vers le public.

Pour ce faire, seront analysées les oeuvres des artistes Sophie Calle, Sylvie Cotton, Marc-Antoine K. Phaneuf et Donigan Cumming. Nous nous appuierons sur le concept d’intimité (Bachelard, 1948; Henri-Pierre Jeudy, 2007), la pratique de la collection (Baudrillard, 1968), la pratique ethnographique (Laplantine, 1996) ainsi que la pratique de la surveillance (Foucault, 1975).

Ainsi, il sera démontré que les artistes qui pratiquent l’espionnage d’inconnus, en dévoilant les objets intimes de ceux-ci, n’interviennent pas dans une posture de surveillance, mais empruntent plutôt aux méthodes de la filature dans un soucis de durée et de constance. De ce fait, c'est dans un rapport empathique et curieux qu'ils s'intéressent à leurs sujets.  

Mots-clés : art contemporain, intimité, vie privée

Peu de choses ont été dites ou écrites sur Albert Laberge (1871-1960). Il faut dire que l’auteur de La Scouine n’est pratiquement pas lu de son vivant. Qualifié de pornographe par l’archevêque Bruchési, puis par l’abbé Camille Roy, il se fait discret, se contentant de donner à ses proches les quelques exemplaires des livres qu’il imprime à ses frais. La Révolution tranquille lui apporte une certaine gloire posthume. La Scouine est rééditée, et nombreux sont ceux qui voient en ce roman au réalisme grinçant un heureux contrepoint à l’idéalisme de la littérature du terroir. C’est d’ailleurs sous cet angle que l’œuvre d’Albert Laberge sera dorénavant abordée, et rares sont ceux qui considèrent aujourd’hui comme autre chose qu’un qu’un romancier de l’« anti-terroir ». Or, ce statut est remis en question par la lecture des treize autres livres de Laberge, de même que par celle du manuscrit de Lamento, son grand roman inachevé. Si on ne retrouve pas le « pornographe » qui avait tant choqué ses contemporains, on découvre néanmoins un écrivain beaucoup moins préoccupé par la représentation du travail de la terre que par celle des multiples facettes du désir et de la sexualité qui, chez lui, se déploient systématiquement en dehors du cadre établi par la société. Cent ans après la publication de La Scouine, cette communication invite à redécouvrir l’œuvre de Laberge et sa « lancinante obsession de la chair ».

Le projet de recherche CINÉPROF (2019-2020) avait comme objectif de questionner des enseignants du secondaire qui intègrent le cinéma à leur curriculum. Cette recherche visait à répondre à trois questions sur leur enseignement du cinéma : 1) quelles connaissances et compétences enseignent-ils?  2) comment l’enseignent-ils? 3) dans quelles conditions l’enseignent-ils? Outre ma thèse doctorale (Martin, 2019), il n’existe aucune recherche sur l’enseignement du cinéma dans les écoles secondaires québécoises. Dissimulé dans des cours optionnels aux appellations diverses, le cinéma ne laisse aucune trace dans les statistiques du MEES. Cette recherche met donc à jour une part invisible du curriculum « réel » de l’enseignement au Québec. Cette recherche a été menée grâce à des outils quantitatifs et qualitatifs. Sur 83 participants, 75 ont répondu à un questionnaire à choix de réponses et 17 ont participé à un entretien individuel semi-dirigé ou à un groupe de discussion centrée. Le questionnaire nous a permis entre autres de connaître la formation initiale des enseignants, leur matériel technologique et pédagogique, leurs contenus disciplinaires et leurs approches didactiques. Les entretiens individuels et les groupes de discussion centrée nous ont permis de connaître les raisons qui les poussent à intégrer le cinéma dans leurs cours, leurs défis pédagogiques et techniques, leurs besoins de formation et de matériel pédagogique et leur vision de l’avenir de l’enseignement de cet art.

Le second procès de l’ex-cardiologue Guy Turcotte occupe moins d’espace médiatique que le premier. Cette mise en scène apparemment explicative où le droit rencontre la psychiatrie tient en haleine l’opinion publique impatiente de voir disparaître derrière les barreaux un dangereux malade, avant d’apprendre l’assassinat probable en prison de ce meurtrier d’enfant. Cette mascarade médiatique demeure pourtant instructive sur l’incapacité du droit non seulement à saisir l’élément tragique de l’affaire; plus encore à extraire l’accusé du cycle de la violence. Ayant échappé « miraculeusement » à la prison à vie par une décision de jury aussi inattendue qu’inexplicable reposant sur un « trouble de l’adaptation avec humeur dépressive », Turcotte devrait cette fois succomber à la reprise du procès. Culpabilité ou non-responsabilité tiennent à l’arbitraire psychiatrique, tantôt à l’impéritie tantôt à l’ingéniosité d’experts transposant des vignettes du DSM dans l’univers noir ou blanc d’un verdict. La psychiatrie a beau ne pas être une « science exacte », le premier diagnostic exonératoire de « trouble d’adaptation » fut assimilé dans le second procès à un « rhume » en regard de l’article 16 du C. cr. S’agit-il d’une démarche rationnelle ou d’une exécution qui permettra à une communauté de se réconcilier selon le paradigme girardien?

Les symbolistes, pionniers des littératures étrangères, utilisèrent, à partir de 1885, les petites revues d’avant-garde pour s’opposer à la littérature des académies et du naturalisme, en publiant, entre autres, des chroniques sur différentes littératures venues d’ailleurs. De plus, le regroupement à Paris d’auteurs venus de province et de pays étrangers permit à ces petites revues d’engager des chroniqueurs tout en étant indépendantes de la presse à grand tirage. Ainsi, La Revue Blanche et le Mercure de France sont celles qui, de manière significative, ont contribué à l’apport littéraire étranger dans la presse d’avant-garde en utilisant l’impact de la nouveauté et des informations exotiques souvent rares sous forme de chroniques, de biographies d’auteurs, de recensions critiques et de traductions. Par ailleurs, leur opposition à la nationalisation de la littérature et de l’art, par une importation antinationale, a occasionné la croissance des transferts culturels créant des réseaux de contacts internationaux composés pour la majorité d’intellectuels français et étrangers échangeant entre eux des informations récentes. Nous proposons ici d’étudier le cas de la présence de la littérature portugaise dans les chroniques « Lettres Portugaises » du Mercure de France, durant les dernières années du XIXe siècle, comme vecteur de transfert culturel enrichissant la littérature d’une réflexion nouvelle : l’apport de l’étranger comme nouvelle critique et autocritique.

Depuis le début des années 2000, l’écrivain français P.N.A. Handschin propose des ouvrages iconoclastes qui participent à un véritable renouveau expérimental dans le champ littéraire français contemporain, notamment par l’intermédiaire des remaniements, voire des violences, qu’ils font subir à la syntaxe et à la mimésis. Notre communication se propose d’analyser cet OVNI (objet verbal non identifié) qu’est Ma vie (Argol, 2010), premier ouvrage « autobiographique » de l’auteur, à la lumière des propositions méthodologiques de Michel Beaujour dans Miroirs d’encre. Rhétorique de l’autoportrait : nous posons en effet l’hypothèse que Ma vie relève de la tradition de l’autoportrait, une tradition désormais marquée par ce que nous appellerons la désinvolture. Du coup, par la torsion qu'elle fait subir précisément à la question de l'embrayage énonciatif, l’écriture néo-expérimentale de Handschin (comme celle de certains de ses contemporains comme Édouard Levé ou Nathalie Quintane) pointerait en direction d’un renouveau (?) du paradigme des écritures de soi.

Les Improvisations sont des essais critiques où Michel Butor réfléchit sur les œuvres d’auteurs avec lesquels il estime partager certaines idées, certaines préoccupations. Il est dès lors étonnant de constater que la plus volumineuse de ces études soit consacrée à Balzac, dont l’esthétique semble très éloignée de celle de Butor. Ma communication démontrera que dans les Improvisations sur Balzac, Butor pose les jalons de sa propre esthétique en plaçant à l’avant-plan certaines de ses propres préoccupations littéraires. Il existerait donc deux niveaux de lecture à cet ouvrage, l’un traitant de Balzac, l’autre de Butor. Ce chevauchement invite à des rapprochements inédits et à des interprétations nouvelles de chacune des deux œuvres. En me basant sur les travaux critiques de Mireille Calle-Gruber et de Jean Starobinski, j’expliquerai d’abord les modalités de ce discours à deux niveaux, qui n’a été jusqu’à maintenant que très peu étudié. Je fournirai ensuite un exemple démontrant comment l’analyse d’un texte de Balzac (La peau de chagrin) par Butor repose sur des principes esthétiques propres à certains de ses textes (L’emploi du temps, Mobile). Cette analyse sera centrée sur le thème de la géographie, qui revêt une grande importance chez les deux auteurs. Ma communication s’engagera dans une voie originale puisqu’elle rapprochera d’une manière inédite deux auteurs en apparence opposés en plus de contribuer à mettre en valeur les travaux critiques de Butor.

En histoire de la musique médiévale, l’héritage de la civilisation byzantine est, dans les rares cas où l’on s’y intéresse, étudié comme un objet à part, séparément du reste de la matière qui forme le corpus traditionnel sur la musique du Moyen Âge. C’est un fait étrange, alors qu’une recherche plus approfondie nous permet de découvrir que les Byzantins, en plus d’avoir eu une riche production musicale, ont exercé une influence déterminante sur la musique de l’Occident au cours de la période médiévale, et ce dans plusieurs domaines : répertoire, liturgie, notation, théorie, organologie, etc. Cette recherche est une étude de la musique byzantine visant à démontrer l’influence et l’importance de cette dernière sur celle de l’Occident au cours du haut Moyen Âge. C’est un angle d’approche que l’on ne retrouve pas développé en détail dans la littérature sur le sujet. En se basant sur les sources primaires et secondaires (traités théoriques, étude de la paléographie, analyse du répertoire et des instruments), l’objectif est d’offrir une synthèse des influences, des échanges et des emprunts musicaux qu'il y a eu entre la musique byzantine et la musique de l'Europe de l'ouest durant la période s'étendant entre le VIIsiècle et le XIIIe siècle. 

L’œuvre de Corinna Bille, romancière, poète et nouvelliste suisse, accorde une large place à l’amour et à la sexualité. Ce qui se dégage des nouvelles présentes dans les recueils La Fraise noire et La Demoiselle sauvage, c’est une impossibilité de parvenir à l’Autre, ici entendu au sens lacanien du terme, soit comme autre sexe. De fait, les personnages semblent confondre amour et sexualité, pensés en termes d’opposition par Lacan dans son Séminaire XX : Encore. Cela les contraint à demeurer dans ce qui relève du fantasme et de l’illusion, et rend impossible une véritable rencontre avec l’Autre. L’illusion d’une rencontre effective est dénoncée lorsque le désir s’assouvit et cette dénonciation est étrangement liée à la mort. La présente communication vise à interroger la nature des rapports qui se tissent entre les personnages. L’amour véritable existe-t-il dans les nouvelles, ou permet-il plutôt de légitimer une sexualité fortement liée à l’interdit, religieux comme moral? Est-ce parce que l’assouvissement du désir témoigne de la transgression d’un interdit qu’il est ainsi associé à la mort? Nous chercherons à montrer, par une approche thématique et sémiotique, que les thèmes de l’amour et de la sexualité sont pensés chez Corinna Bille en fonction de l’interdit religieux, de la punition, et de la recherche d’un au-delà qui réfère à la fois à Dieu, à la connaissance et à l’Un primordial.

La sorcière est souvent utilisée pour exploiter la marginalité, l’altérité, le rapport au pouvoir ou l’identité féminine. Dans Moi, Tituba sorcière…, Maryse Condé explore ces thèmes tout en exposant des enjeux sociaux, raciaux et culturels liés à la sorcellerie. Condé transforme le discours sur les événements qui ont eu lieu à Salem en 1692 en réhabilitant l’histoire de Tituba, d’abord mise en fiction dans la pièce d’Arthur Miller Les sorcières de Salem, de sorte qu’elle ne soit plus condamnée à l’oubli. Le roman réanime l’esclave Tituba afin de déplacer certains clichés liés à cette figure-rebelle et de dialoguer avec d’autres images de la sorcière qui existent déjà en littérature et dans l’imaginaire social. Il lie les révoltes des sorcières de Salem aux premières révoltes d’esclaves dans les Antilles et aux révoltes d’autres groupes périphériques (femmes, Juifs, Amérindiens) dans le but de dévoiler l’identité complexe du personnage marginalisé et de mettre en lumière son histoire trop souvent considérée anhistorique. Dans cette communication, nous étudierons, dans une perspective sociocritique, les marginaux dans Moi, Tituba sorcière… Nous explorerons d'abord le contexte de production du roman afin de mieux connaître les discours sociaux qui circulent dans les années 1980. Puis, nous terminerons en nous intéressant plus précisément à la figure de la sorcière et des marginaux dans le texte en vue d’illustrer ses points de contact avec les discours ambiants.