Aller au contenu principal
Il y a présentement des items dans votre panier d'achat.

Cette communication présentera une partie des résultats d'une recherche postdoctorale sur la présence inuit à l'Exposition universelle organisée en 1967 à Montréal (Expo 67). Les organisateurs du pavillon canadien et d'Expo 67 investissent effectivement un ensemble de symboles culturels inuit, dont la langue et l'art, dans une mise en scène du Canada comme nation nordique. Cette présence inuit est toutefois rarement abordée dans les textes qui traitent d'Expo 67, alors même qu'elle constitue une source de réflexion précieuse sur les relations entre culture inuit, nationalisme canadien et public international. Peu d'informations sont ainsi disponibles, que ce soit sur les modalités de participation des artistes inuit, ou sur le devenir de certaines œuvres créées et présentées à Expo 67 dans les décennies qui suivent.

Cette communication s'intéressera ainsi plus particulièrement aux enjeux de patrimonialisation d'une série de murales créées par deux artistes de Kinngait, Kumukuluk Saggiak et Elijah (Pootoogook) Pudlat, pour le restaurant du pavillon canadien. En m'ancrant dans une approche biographique, qui retracent différentes périodes de la vie de ces murales, je présenterai une temporalité patrimoniale inachevée, qui commence dès leur création, avec un intérêt pour leur préservation post-Expo, jusqu'à aujourd'hui, avec un certain nombre d'enjeux concernant le renouvellement de leur interprétation et de leur mise en valeur.

La production littéraire des trente à quarante dernières années a connu un véritable travail d’hybridation. Des romans et des nouvelles qui prennent pour point de départ un genre sérieux – biographique ou autobiographique- afin de créer un nouveau sous-genre. Innombrables sont les formes de mobilisation qui sont nées de ce métissage : «biographie fictionnelle», «biographie fictive», «fiction biographique», «biofiction» et «autofiction». Devant cette nouvelle production, une question surgit : quelles sont les frontières de la fiction ? Autrement dit, comment définir les frontières qui séparent le réel du fictif ? Nombreux sont les critiques qui cherchent à répondre à ces interrogations : Genette 1991, Scheaffer 1999, Paval 1988, Gefen 2005, Lavocate 2016 et bien d’autres. En nous appuyant sur les développements théoriques proposés par ces chercheurs, nous faisons l’hypothèse que les frontières dans ces nouvelles productions hybrides ne sont pas brouillées mais plutôt superposées.

C’est à la question des frontières entre fait et fiction, réalité et imaginaire que nous souhaitons consacrer cette étude, en construisant notre réflexion à partir de l’œuvre d’un romancier, Yasmina Khadra, qui en met en scène un certain exemple, et en particulier du cas de «L’imposture des mots» (autofiction) et «La dernière nuit du Raïs» (biofiction).

Mots clés : Autofiction, Biofiction, Frontières, Fait, Fiction.

L’objectif de la présente communication est de faire un retour aux sources littéraires du personnage de Chimène en tant que figure féminine emblématique de la culture espagnole, avec un examen détaillé de sa représentation dans le « Cantar de Mio Cid », œuvre majeure composée au début du XIIIe siècle et inspirée des faits d’armes de Rodrigo Díaz de Vivar (dit le Cid), chevalier castillan de la seconde moitié du XIe siècle.

Si l’œuvre « Las mocedades del Cid » du dramaturge espagnol Guillén de Castro, créée en 1618, a été un moment clef dans l’évolution de la représentation de Chimène dans l’imaginaire occidental, en faisant d’elle une héroïne romantique déchirée entre l’amour et le devoir, le « Cantar de Mio Cid » s’inscrit au contraire dans la grande tradition du poème épique (au même titre, pour l’Espagne, que la « Chanson de Roland » en France ou le cycle arthurien en Grande-Bretagne). Puisant ses thèmes dans l’histoire, il nous présente l'épouse du héros comme une femme d’honneur dont le comportement et la discrétion dans tous les rôles qui lui incombent sont érigés en exemple.

L’examen des divers rôles attribués à Chimène tout au long du poème (ceux d’épouse et de mère, mais aussi celui d’intermédiaire privilégiée du héros auprès de Dieu), de ses mouvements, de ses paroles et même de ses absences, nous permettra de brosser le portrait d’une grande dame médiévale toute dévouée à servir la cause de son mari.

Depuis les années soixante-dix environ, avec l’arrivée des nouvelles technologies, la diversité des styles et une liberté de création motivée par un désir d'originalité, plusieurs auteurs ont défendu l'idée d'une crise de l'art. Ce que l'on constate aujourd'hui, dans les différents discours qui s'articulent autour de l'art actuel, c'est un effondrement des repères, tant esthétiques, sociaux, que philosophiques en ce qui a trait au statut et au rôle de l'art. Les démarches artistiques, les sujets et les productions sont éclatés à un point tel qu'il devient de plus en plus difficile, tant pour le public que pour la critique, de refaire du sens. 

Depuis que l'art s'est engagé dans une démarche auto-réflexive, la philosophie a obtenu une légitimité qui est de plus en plus importante lorsqu’il s’agit de réfléchir aux enjeux actuels et futurs de l’art. Par une analyse critique et rigoureuse des plus importants points de vue sur l’art contemporain, notamment grâces aux idées développées par Arthur Danto, Rainer Rochliz et Nathalie Heinich, nous désirons réfléchir aux productions contemporaines et à cette perte de sens décrite par tant d’auteurs.

L’art contemporain présente-t-il des symboles ou des symptômes ? Pourquoi est-il si difficile de réunifier les discours ? Que se passe-t-il avec l’art et que pouvons-nous espérer pour la suite ? La difficulté réside dans le manque de perspective historique que nous avons. Chose certaine, il faut "réenchanter" le monde.

The Realm of the Elderlings, de l’auteure Robin Hobb, est une série de fantasy employant des stratégies d’écriture féministes et postmodernes pour déstabiliser l’hétéronormativité. Notamment, cette remise en question de la norme hétérosexuelle se manifeste par l’intermédiaire du personnage du «Fool», lequel génère un brouillement entre le féminin et le masculin et met à mal les savoirs accumulés sur lui en incarnant tant des femmes que des hommes. Ainsi, cette figure sera au centre de notre communication, de même que le décentrement postmoderne du langage et de l’interprétation dont elle serait à l’origine. Nous postulerons que les performances et mascarades du personnage, de même que la subversion des substantifs contribuent à créer son illisibilité identitaire en brouillant les codes et les signes associés aux genres féminin et masculin. Parmi ces dispositifs, nous nous attarderons à un exemple précis, celui des performances parodiques, qui devrait permettre, en déstabilisant le genre, de dévoiler que celui-ci est une construction discursive. Pour ce faire, nous aurons recours à la performance de genre (Judith Butler), au concept d’excentré (Linda Hutcheon) et à l’emploi de la parodie comme stratégie d’écriture (Linda Hutcheon). En analysant dans une perspective queer et postmoderne cette figure plutôt que de tenter de la cloîtrer dans une catégorie prédéfinie, notre étude éclairera donc un aspect inédit du «Fool».

Dans cette communication, je me propose d'examiner la revue Dérives, Tiers-Monde/Québec, une nouvelle conjoncture culturelle (1975-1987) à l’aune de ses conditions sociales d’énonciation. En m'appuyant sur les recherches récentes de Ruth Amossy et de Jérôme Meizoz, j'étudierai par quels procédés discursifs sont construits l'éthos et la posture de Jean Jonassaint, le cofondateur de Dérives. Je m'appliquerai à montrer comment cet auteur haïtien remet en question les représentations collectives de l’être écrivain grâce à une double stratégie rhétorique. Pour ce faire, j'analyserai d'abord les espaces de recherche-création, « Notes pour une recherche » (n° 12) et « La déchirure du corpstexte » (n° 29-30, no° 36) où Jonassaint projette une image auctoriale à la limite de la spectralité. L'analyse se concentrera davantage sur les textes de présentation marquants : « Des cultures, du Québec » (n° 29-30), « Et puis écrire et puis » (n° 50) et « Prospectives/Perspectives » (n° 51). Deux procédés discursifs ressortent de ces textes liminaires : d'une part, l'énonciation in absentia opère un effacement de la subjectivité; de l'autre, les marques de l'énonciation diffusent l'image d'un locuteur engagé qui effectue une prise de position forte. Je conclurai en montrant que cette posture marginale et aporétique participe aux relations dynamiques entre les revues interculturelles et, plus spécifiquement, à un processus de légitimation constitutif du sous-champ de l'écriture migrante.

En situation de performance musicale, le musicien-instrumentiste est souvent aux prises avec des tensions musculaires non fonctionnelles(Nuti, 2006), et des tensions psychologiques, telles que l’angoisse de performance(Arcier, 1998;Brugues, 2011).Les méthodes d’éducation somatique offrent des outils de développement de la conscience par le mouvement permettant d’enrichir le répertoire de gestes des musiciens et d’engendrer une optimisation de la dynamique corporelle et un jeu instrumental plus fluide. Ces approches holistiques peuvent aussi apporter des changements plus généraux, en modifiant le rapport à soi et l’attitude et les croyances sur le corps et la performance(Alcantara, 2000;Beaudoin, 2000;Chamagne, 1998,2000). Notrehypothèse est que la pratique approfondie de méthodes d’éducation somatique permet aux musiciens de développer des outils fonctionnels de l’ordre de l’expérience subjective, tels que des repères physiques fonctionnels ou des repères attentionnels, qui, appliqués en situation de performance, facilitent son déroulement.Dans cette communication, je présenterai les résultats d’une étude préliminaire pour évaluer la pertinence de l’utilisation de la psychophénoménologie(Vermersch, 2012), et, plus précisément, de l’entretien d’explicitation(Vermersch, 2010)pour l’étude de l’expérience subjective du musicien en situation de performance.

Dans le cadre du tournage de Mektoub my love : canto uno d'Abdellatif Kechiche (2018), les pratiques improvisées du cinéaste et des opérateurs dépendent largement, non seulement, de la spécificité numérique des machines, mais également de leur matérialité propre (dimensions, poids, design, matériau). Dans le cas de Mektoub, l'apparence physique des objets techniques joue un rôle prépondérant dans l’organisation générale du tournage : des techniciens néophytes sont recrutés comme opérateurs; le matériel à bas coût est acheté plutôt que loué; le plan de travail est très flexible, ajusté du jour au lendemain, car le matériel est facilement transportable et nécessite très peu de temps d’installation, etc. La matérialité des machines constitue donc un enjeu d'importance, tout particulièrement en ce qui a trait à la division du travail et à la logistique. Par cette communication consacrée à une pratique technique à l'ère du numérique, nous proposons de présenter un autre aspect des machines cinématographiques en nous intéressant spécifiquement à leur dimension matérielle, trop souvent éclipsée par les préoccupations informatiques, virtuelles, « dématérialisées », qui sont presque toujours au centre de l'attention dès qu'il est sujet des technologies numériques et du tournant numérique (digital turn). Les résultats finaux présentés reposent sur une enquête réalisée à partir de 46 entretiens avec les collaborateurs du cinéaste, ainsi que sur 200 documents d'archives inédits.

Cette présentation part de plusieurs présuppositions des théoriciens contemporains (Stengers, Baudrillard, Rancière), qui dénoncent les cadres exclusivement rationnels du monde occidental, en les caractérisant comme des captures démoniques de l’âme, similaires à celles présentes dans la pensée animiste traditionnelle. Pour contourner ces captures, nous devrions mobiliser différents types de savoir et de pratiques qui ont été longtemps oubliés ou reniés. Nous devrions ravitailler des modes de pensée dont nous avons perdu les outils appropriés – l`efficacité symbolique, l`analogie, la métaphore, en trouvant dans la littérature les outils affectifs capables de rouvrir le monde sensorial. Cela, grâce aux notions de monde animé, de matière vibrante ou d`agents non-humains, qui constituent le sol pour une nouvelle métaphore politique.À cet effet, je vais analyser la vision intensément poétique de Herta Müller, qui a remporté le prix Nobel de littérature en 2009. Elle met l’accent sur le symbolisme animal hybride en tant que paradigme d’un monde totalitaire où l’humanité est abolie. La seule chance de survie dans un tel contexte est la régression vers le tout-puissant flux de la nature. A la fois versions allégoriques et pratiques culturelles, histoires de survie et dialogues avec la nature et avec Dieu, ses histoires décrivent un univers magique alternatif. Le roman Animal du cœur de H.Müller offre une perspective significative sur les paysages cosmopolitiques contemporains.

Ma recherche porte sur l’articulation entre notre contexte naturel, anthropocénique, et le cinéma. Elle s’appuie sur des œuvres expérimentales, contemporaines et internationales dont l’altération de l’image et l’intérêt pour la nature constituent les points de croisement. Elle interroge la capacité de cet art à présenter et exprimer par les altérations des réalités écologiques et à nous y sensibiliser. Pour analyser ces œuvres, j’utilise une méthode alliant des lectures formelle et phénoménologique, distinguant les gestes d’altération et leurs dynamiques. Cette étape détermine l’articulation de ces pratiques avec la nature filmée : les altérations décrivent les espaces, composent un milieu et caractérisent la nature anthropocénique, suscitant une sensibilité écologique qui nous engage dans ces enjeux actuels. Pour prolonger ces résultats et nourrir la problématique, ma réflexion s’appuie sur la philosophie de l’altération mise en écho avec les capacités spatiales, mésographiques du cinéma. Je questionne aussi la nature dans le cinéma expérimental et l’ecocinema, et l’anthropocène au cinéma. Ma recherche ambitionne d’étendre les facultés expressives du cinéma vis-à-vis du vivant en le réfléchissant comme une pratique écologique (participant aux mouvements écologiques), environnementale (nourrissant notre compréhension de l’environnement) et sociétale (disant quelque chose de notre rapport à la nature), pleinement ancrée dans notre actualité.

La littérature migrante occupe aujourd’hui une place de plus en plus importante dans le corpus québécois. Les auteurs haïtiens ont su se démarquer sur la scène littéraire montréalaise, voire mondiale. Dans cette diaspora haïtienne, l’œuvre de Laferrière propose un parcours empreint d’errance et de nomadisme. Or, si le thème de l’exil a maintes fois été abordé, nous proposons plutôt de l’observer, à travers le prisme de l’approche géopoétique, sous le mode de l’habiter. Comment l’Amérique de Nord et ses espaces nordiques – et plus précisément Montréal – sont-ils investis et perçus par cet auteur du « Sud »? Et comment cette posture d’errance, marquée par une dérive sur le continent américain, se résout-elle par un retour au pays natal, rappelant ainsi la circularité du mode de vie nomade (Deleuze et Guattari)?

Ce que nous proposons ici est en quelque sorte une géopoétique « climatique ». Comparant le sud au nord (Glissant), il est possible d’observer comment le climat influence notre façon d’habiter l’espace. En plus d’invoquer la mémoire des lieux (Bachelard), nous utiliserons, pour y parvenir, des notions de parcours et de paysage (Collot). Afin d’observer et d’analyser l’influence que le passage d’Haïti à Montréal exerce sur le protagoniste, nous étudierons quatre des romans de « l’autobiographie américaine » laferrienne soit : L’odeur du café, Chronique de la dérive douce, Cette grenade dans la main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit? et Pays sans chapeau.

Lorsque l’art s’affiche dans des espaces publicitaires (L. Levine, B. Kruger, J. Holzer), les œuvres sont soumises à la contingence de la réception. Celles qui portent en plus un message politique dépendent d’une disponibilité et d’une sensibilité soutenue de la part des spectateurs pour engendrer un effet. Pour Jacques Rancière, l’efficacité politique de l’art contemporain ne s’envisage qu’à partir d’une expérience esthétique qui, par la distance qu’elle instaure avec « l’expérience ordinaire du sensible », actualiserait ce qu’il appelle le pouvoir dissensuel de l’art. L’étude de l’efficacité politique du billboard art repose donc, en premier lieu, sur une expérience esthétique comme un état de réception optimal des oeuvres. Si la proposition de Rancière semble convenir au corpus, sa définition du concept est trop prescriptive pour véritablement cerner les possibilités de leur réception. De ce fait, à travers la synthèse de différentes approches en esthétique continentale (Y. Michaud), analytique (M. Beardsley), pragmatique (R. Shusterman) et en psychologie de la réception (M. Csikszentmihalyi) et, se basant sur les dimensions constitutionnelles décrites du concept, une conception de l’expérience esthétique adaptée au billboard art politique sera proposée. Elle sera composée de quatre dimensions (perceptuelle, communicationnelle, émotionnelle, intellectuelle) qui serviront de cadre analytique à l’évaluation de l’efficacité politique du corpus.

Le processus photographique est perçu à la fois comme un art de divertissement et un art documentaire. Bien que le public n’observe généralement que le propos, la conception de l'oeuvre est, quant à elle, transparente à la diffusion. Le but de l’artiste à tendre vers cette invisibilité se divise en deux arguments logiques : il souhaite créer une illusion auprès de son auditoire quant à l’authenticité d’un scénario, ou alors il veut représenter fidèlement une réalité quelconque. Quoi qu’il en soit, lorsque l’intention dépasse les probabilités de captation réelle, d’autres artistes collaborent afin de fabriquer des décors artificiels que ce soit à l’aide de maquettes, ou entièrement numériques en amalgamant dessins, peintures, photographies et infographie 3D. Cette complexité grandissante à conceptualiser de fausses représentations change ainsi le paradigme sur l’authenticité du processus photographique. À l’écran, comment le public peut-il distinguer le vrai de ce qui est fabriqué? Dans ce sens, comment les artistes collaborateurs peuvent-ils promouvoir leur talent si l’auditoire qualifie la résultante comme étant des images documentaires? L'hypothèse avancée est d’éduquer les gens sur cette possibilité de manipulation et cette éducation passe d'abord par la mise en place d’une typologie formelle qui cerne ces images de synthèse. Ce classement proposé servira aussi à quiconque douterait de l’authenticité d’une image, animée ou non, afin de révéler toutes oeuvres intermédiales. 

Le lyrisme du XIXe siècle est de retour aujourd’hui dans le vers, mais se trouve touché par la simplicité plutôt que par le sublime. Se voulant une représentation du familier et du commun, il conduit à des modifications radicales dans les principes du genre poétique, notamment en ce qui concerne la conception du sujet lyrique qui a singulièrement évolué depuis ces changements. Si le je est présent dans les œuvres contemporaines, la communication des sentiments et des sensibilités est complètement effacée. En prenant comme exemple l’œuvre poétique d’Engelbert Mveng Balafon publiée en 1972, nous essayerons dans notre étude de démontrer comment le je lyrique devient un sujet incertain, se cherchant parmi les tas d’objets qui composent le monde. La description du monde matériel caractérise, en effet, cette œuvre particulière de Mveng. Le je qui y présent est conscient de cette situation de coprésence et se voit contraint à s’adapter au monde plein d’objets. Il en résulte un effacement de son expression affective qui entraîne la modification des principes du genre poétique. Reliés à une conscience de soi incertaine, les poèmes du recueil sont déstructurés : les répétitions, les accumulations, les énumérations font éclater le texte, l’éloignant de tout style soigné. Bref, attaché de plus en plus aux objets les plus prosaïques et matériels, le lyrisme représente, de nos jours, la volonté de reconstitution de soi du sujet lyrique. 

«Le Rêve d’Urmila» explore l'impact de l'hybridation culturelle dans une pratique théâtrale qui marie théâtralité orientale, par le biais du kathakali et l’étude du Natyasastra, et théâtre occidental. Pour ma pièce, j'ai choisi comme personnage principal, la princesse Urmila, une héroïne oubliée du Ramayana. L’épopée de l’Inde classique raconte l'histoire de Rama et de sa femme Sita. Écrit par Valmiki entre le 5e et le 1e AJC, il existe des centaines de versions du mythe. Des versions anciennes et modernes proposent des relectures plus féminines du récit. Le point de départ de ma recherche a été la similitude entre le destin de Pénélope, qui attend le retour d’Ulysse, et celui d’Urmila dont le mari Lakshmana est en exil avec son frère Rama. Suite à l’étude de différentes versions du Ramayana, ma pièce a évolué autour d'Urmila. Mon récit commence là où se termine le récit épique. Devenue veuve, comment réagira Urmila ? À des fins de recherche, j'ai choisi de mettre en scène les huit émotions décrites dans le Natyasastra, traité de dramaturgie de l’Inde, par le biais de figures féminines qui les incarnent telles que Manthara (le dégoût), Surpanaka (la colère) et la Kaikeyi (la peur). La pièce utilise différentes techniques narratives telles que les dialogues, le racontage ainsi que l’utilisation du chœur et du chant pour les textes poétiques. Le spectacle a été présenté à l’Université Laval à l’automne 2018 avec huit artistes, acteurs-danseurs, chanteur, musicien, vidéaste.

Nous interrogeons les manières dont la guerrière actuelle réactualise, ou au contraire, reconduit les limites et les reconfigurations des normes des genres sexuels au sein de la culture populaire contemporaine. Selon nous, malgré son récent gain en visibilité, il persisterait des manières codifiées de représenter la violence et l’agressivité féminine, témoignant de la présence de contraintes normatives et iconographiques. Nous tendons à démontrer que si la guerrière contemporaine déjoue la trajectoire identitaire archétypale du personnage féminin, il persisterait en elle une sorte d’incompatibilité de cohabitation entre les attributs fondamentalement féminins et masculins. Nous postulons que les productions actuelles exposeraient et exploiteraient cette dimension dualiste sur le plan narratif, exprimant ainsi les difficultés mêmes d’une telle représentation. Pour illustrer notre hypothèse, nous nous intéresserons au caractère autoréflexif que présente l’arc narratif de Katniss Everdeen, héroïne guerrière de la série littéraire et filmique The Hunger Games. Aucune recherche d’envergure n'a encore été effectuée au sujet des personnages féminins guerriers des productions culturelles récentes. La pertinence de notre projet repose sur sa volonté d'unir les études de genres, féministes et culturelles; de questionner à la fois le statut et la représentation du héros féminin d’action; et d’interroger au final les articulations contemporaines de la violence au féminin.



Grâce à certains procédés textuels consolidant leur voix auctoriale, Jane Austen et George Eliot ont véhiculé dans leurs romans une contestation subtile des normes sociales et féminisé l’autorité narrative à la troisième personne. Or, cette subversion qui se produit à travers la voix du narrateur aura-t-elle été conservée dans les traductions françaises de leurs œuvres? Il semble les traductions étudiées sont soumises à deux systèmes normatifs distincts : à la fois celui du champ littéraire d’accueil et celui imposé aux femmes et à leur travail en régime patriarcal. Certaines traductions sont soumises à des critères moraux entourant les femmes, ce qui peut entrainer des modifications à l’intrigue comme au lexique, alors que d'autres, bien qu’elles soient guidées par un souci de fidélité, voient leur style refléter leur allégeance institutionnelle, ainsi que la manière dont elles s’insèrent dans le champ littéraire d’arrivée. L’étude des traductions pourra éclairer de manière nouvelle la façon dont l’autorité narrative est mise en place chez les auteures étudiées et contribuer à faire entendre, à travers le voile qui sépare les langues, leur voix unique. Dans cette communication, je m’interrogerai sur le succès du transfert de leurs œuvres dans le champ littéraire français : sous quelles conditions leurs voix auront-elles été relayées ou étouffées? La qualité subversive de leurs écrits aura-t-elle réussi à traverser la Manche?

« La mère porte le fils de l’homme, la sainte lave les péchés. La putain baise la lie de l’humanité. » (Delorme 84). La protagoniste rappelle ici les multiples facettes de la femme : Aimée et aimante, serviable et asservie, elle est à la fois objet et sujet de la sexualité, comme si son genre ne pouvait dépasser son sexe. Cependant, l’auteure, Wendy Delorme (1979*), n’entend pas réaffirmer simplement ces trois visages. A travers son roman (2012), elle raconte la (pro-)création de son futur enfant à qui elle s’adresse directement. Jouant non seulement du « je », elle ajoute un « tu » qui, pas encore né.e, vit déjà à travers Berlin, Paris ou encore Helden. Il s’agit ainsi moins de décrire l’enfantement et la grossesse que de perturber la normativité des trois visages : La femme ne porte pas l’un ou l’autre. Elle se masque de tous pour démasquer une société binaire, laissant à son « presque-garçon » le choix du genre peu importe son sexe. C’est là tout l’intérêt de ce dialogue qui veut apporter un nouveau savoir à cette société : celui de la non-importance du genre. La protagoniste semble également renaître à travers cette intro-/extrospection, se libérant des catégories. Le roman de Delorme soulève donc la question de la perturbation des normes par la renaissance de son personnage principal. Je présenterai la déconstruction des trois visages donnés à la femme (genre et corps) dans le but d’en relever la signification en deux temps : celui du dialogue et celui de la renaissance.

La science-fiction, par sa capacité à transgresser les frontières entre sciences et fiction, ses temporalités multiples et son traitement du changement global, devient pour les chercheurs une voie privilégiée dont ils font usage. L’objectif de cette communication est d’analyser l’Anthropocène au prisme des dialogues entre sciences et fictions, rompant avec le « grand partage » entre chercheurs et auteurs.

Dans une perspective diachronique et critique d’un corpus francophone, nous nous concentrerons dans un premier temps, sur ce qui constitue les bases fertiles d’un dialogisme entre science et fiction : l’appel aux récits et l’attention nouvelle aux futurs. Nous analyserons ces processus à travers l’imaginaire spéculatif chez Debaise et Stengers. Nous soulignerons ensuite la critique de la notion de progrès à travers deux formes d’usages de la S.F. : la réinterprétation d’un texte Bradley chez Hache et la rupture science-fictionnelle chez Latour. Enfin, nous analyserons la façon dont les chercheurs font usage de la S.F. pour « conjurer » la fin des temps, au regard des textes de Engélibert, Rumpala, Citton et Rasmi.

Notre démarche interdisciplinaire mêle analyse historique et études littéraires. Nous proposons ainsi une mise en regard de l’Anthropocène au prisme de l’analyse des dialogues entre sciences et fiction. En quoi le changement global et le tournant cosmologique qui lui est associé constituent-t-ils un levier de la fin du grand partage entre science et fiction ?

Les enjeux de ce travail sont avant tout théoriques : il s’agit de comprendre quel a été l’apport spécifique des romans historiques dans la réception de l’héritage humaniste au XXe siècle. Nous proposons d’aborder le problème par une analyse de la figure de l’humaniste dans L’Œuvre au Noir de Marguerite Yourcenar. Nous le ferons dans le contexte plus large des débats qui ont divisé les historiens et les philosophes autour de la « question de l’humanisme » depuis la parution de la Lettre sur l’humanisme de Heidegger (1946) jusqu’à la publication du roman de Yourcenar (1968).

Nous chercherons à démontrer que L’Œuvre au Noir présente de nombreux échos de ces controverses, qui ont notamment opposé Paul O. Kristeller et Eugenio Garin. Nous soutiendrons néanmoins que le texte romanesque récuse toute interprétation globale de l’humanisme, en réactivant, parfois de manière ironique, une série de lieux communs associés à la querelle opposant les historiens aux philosophes (anthropocentrisme, rationalisme exacerbé, optimisme naïf).

Le caractère novateur de cette étude consiste en son approche pluridisciplinaire visant une synthèse susceptible de regrouper la somme importante de travaux dont l’humanisme a fait l’objet au sein de disciplines aussi variées que le sont la critique littéraire, la sociologie et l’historiographie.

Les thèmes de la participation des « femmes de l’espace » à la fabrique de la ville, ainsi que l’analyse des pratiques et usages d’appropriation des « femmes dans l’espace » au niveau de la ville nouvelle Ali Mendjeli, constituent la matière du présent article. Aujourd’hui, les villes algériennes font face au désordre qui règne dans plusieurs secteurs de la vie urbaine. L’espace public n’échappe pas à la crise multiforme qui secoue le pays, il est ainsi le théâtre de toutes les dérives. Les femmes algériennes, autrefois confinées « à l’intérieur » des espaces, se battent chaque jour pour « traverser » et prendre place activement au sein de leur ville, en se frayant un chemin « sécuritaire » jusqu’à leur destination quotidienne. Aujourd’hui, quelle est la place de la femme dans le processus de fabrication de la ville? Quel est sa participation réelle dans la production de l’espace? Quel rapport entretiennent « les femmes de l’espace » et « les femmes dans l’espace » avec la ville nouvelle Ali Mendjeli ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, une enquête qualitative a été menée et les propos qui suivent sont les premiers éléments de cette investigation. Si la participation des femmes se limitait à l’espace domestique, elle est à présent une réalité dans la fabrication et l’usage de la ville compte tenu d’un investissement « crescendo » à différentes échelles, de la sphère publique.

 

La Revue canadienne est une revue savante et littéraire, publiée entre les années 1864 et 1922. Elle est financée par Eusèbe Senécal, un jeune imprimeur-éditeur de Montréal, fondateur et propriétaire de cette publication. Le premier comité de direction (ou rédaction), est composé de 10 membres qui assurent le programme éditorial. Dès le début de l’aventure, les objectifs du comité et du propriétaire de la revue sont très clairs: mettre en place un organe de diffusion qui servira autant la cause de la littérature et des connaissances dites morale que celle de l’édification d’une conscience nationale francophone en Amérique. Le programme est ambitieux.

 

Pour cette communication, je présenterai la première décennie de la Revue canadienne, de 1864 à 1874, qui correspond  aux années où Eusèbe Senécal en est le propriétaire. Dans un premier temps, j’exposerai les sources consultées pour la réalisation de cette recherche. J’expliquerai ensuite le contexte historique dans lequel prend forme et évolue ce périodique, l’approche éditoriale de son comité de direction ainsi que l’administration de la revue. Enfin je brosserai un tableau des nombreux auteurs qui ont collaboré à la Revue canadienne pendant cette période.

C'est peu dire que d'affirmer qu'un effet de spectralité est perceptible dans les fictions aurévilliennes. Tout l'univers du romancier semble, en effet, travaillé en profondeur par un clair-obscur oppressant qui spectralise les êtres et les choses. Sur cette thématique spectrale, la critique aurévillienne ne s'est par ailleurs pas vraiment attardée, la rapportant souvent à l'idéologie profondément réactionnaire d'un écrivain monarchiste.

S'il est vrai que l'idéologie antirévolutionnaire sous-tend de bout en bout l'oeuvre aurévillienne, il nous semble malaisé d'expliquer un tel déploiement de l'imaginaire spectral uniquement à travers son prisme, tant les raisons idéologiques évoquées demeurent en deçà des enjeux esthétiques de l'oeuvre en ramenant le choix du fantastique à une sorte d'impasse esthétique. Aussi nous proposons-nous de déplacer les termes de la question, et ce en s'interrogeant sur la présence d'un régime spectral de la représentation chez Barbey.

Cette communication sera donc le lieu d'un double enjeu: il s'agira dans un premier temps d'extraire la matière spectrale et d'en dresser un rapide inventaire, ensuite de voir en quoi il s'agit d'une spectralité opérante, véritable principe dynamique qui génère une poïétique des images en négatif et une politique de conjuration-hantise. Nous tenterons ainsi d'expliciter notre hypothèse de départ qui pose l'image spectrale comme une image métapoétique proposée par les textes aurévilliens pour symboliser leur propre forme.

 

Albert Cossery (1913 – 2008), auteur égyptien qui fait « entendre la langue arabe dans le français », a dépeint une Égypte immuable en proie à la corruption et au mensonge. L’auteur s’exprime par la bouche de héros marginaux ou délinquants, des êtres flamboyants pour qui la seule réponse à la comédie du pouvoir est la dérision. Qualifié de visionnaire du Printemps égyptien de 2011, Cossery ne croit pas à la révolution ; il vante la sagesse populaire, mais sa peinture crue du « peuple » cairote lui vaut d’être taxé de cynisme par certains. Ses représentations de la femme, presque invariablement dépréciatives, ont suscité peu de critiques en France – statut d’auteur culte oblige –, mais choqué dans le monde anglo-saxon. En 2009 et 2010, trois œuvres de Cossery ont été traduites en anglais et publiées chez des éditeurs new-yorkais cotés. Les traductrices, enthousiastes devant le style, les intrigues et les personnages, ont pourtant systématiquement adouci, voire partiellement censuré des propos de la narration portant sur les femmes et sur le « peuple ». À la lumière de l’analyse de la réception critique des œuvres de Cossery en France – foyer de la génétique littéraire – et dans le monde anglo-saxon – où domine l’approche postcoloniale –, je montrerai que les traductrices, négociant leur loyauté entre l’auteur et l’institution littéraire à laquelle elles appartiennent, ont tenté de rendre Albert Cossery plus acceptable dans la culture réceptrice en infléchissant sa « voix ».

Depuis la « Révolution sexuelle », bien que des études se soient intéressées au portrait de la sexualité « libérée » présenté par la culture visuelle occidentale en pleine effervescence, les efforts des chercheurs et des chercheuses ne ciblèrent pas précisément la représentation des actes sexuels en eux-mêmes; une figuration pourtant construite de toutes pièces et possiblement d’après les mêmes conventions qui régissaient cette « nouvelle » sexualité. Dans cette communication, je propose de synthétiser les résultats de l’étude empirique que j’ai menée dans le cadre de mon doctorat en Sciences humaines (PhD in Humanities, Fine Arts) à l’Université Concordia (Montréal) et qui porte sur la représentation des pratiques sexuelles telles qu’elles apparaissent dans un large échantillonnage de documents visuels diffusés en Occident de la fin des années 1950 à 1979. Plus précisément, je présenterai le portrait thématique du contenu sexuel des 872 images isolées dans 18 livres sur l’art au contenu sexuel et des 367 scènes sexuelles visibles dans une collection de 55 longs métrages de fiction commerciaux. À l’aide d’images et de graphiques, je résumerai mes constats en ce qui concerne la nature à la fois « libérée » et « conservatrice » du portrait révélé et de ses possibles conséquences sur ses spectateurs et spectatrices.