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Cette communication porterait sur les formes particulières de résistance, les détournements et subversions propres à certains spectacles de danse contemporaine, une discipline riche en nouvelles propositions esthétiques et critiques. La proposition traitera spécifiquement du spectacle Husk (2012) du chorégraphe montréalais George Stamos avec la compagnie Montréal Danse et la rockeuse Jackie Gallant. Cette pièce aborde métaphoriquement, mais sans détour, la performativité des genres, en passant par un éclatement de la figure du corps sexué. S’inscrivant dans un prolongement du travail théorique de Foucault sur le concept de pouvoir intrinsèquement lié à celui de résistance et de subversion, chorégraphes et interprètes proposent à leur manière des formes artistiques poursuivant cet effet. Ici, le travestissement, l’humour et l’informe sont employés comme procédés esthétiques ancrés dans l’imaginaire, permettant une forme de critique des normativités sociales. Ces procédés s’incarnent dans les représentations du corps dansant, dans les relations qui se créent entre les interprètes et dans le concept chorégraphique. En s’appuyant sur les études de genre, sur les théories du post-humain et les "performance studies", la recherche visera à comprendre de quelles manières ceux-ci réussissent à faire émerger un questionnement des normes sociales, politiques, culturelles voire économiques chez les spectateurs.

Albert Cossery (1913 – 2008), auteur égyptien qui fait « entendre la langue arabe dans le français », a dépeint une Égypte immuable en proie à la corruption et au mensonge. L’auteur s’exprime par la bouche de héros marginaux ou délinquants, des êtres flamboyants pour qui la seule réponse à la comédie du pouvoir est la dérision. Qualifié de visionnaire du Printemps égyptien de 2011, Cossery ne croit pas à la révolution ; il vante la sagesse populaire, mais sa peinture crue du « peuple » cairote lui vaut d’être taxé de cynisme par certains. Ses représentations de la femme, presque invariablement dépréciatives, ont suscité peu de critiques en France – statut d’auteur culte oblige –, mais choqué dans le monde anglo-saxon. En 2009 et 2010, trois œuvres de Cossery ont été traduites en anglais et publiées chez des éditeurs new-yorkais cotés. Les traductrices, enthousiastes devant le style, les intrigues et les personnages, ont pourtant systématiquement adouci, voire partiellement censuré des propos de la narration portant sur les femmes et sur le « peuple ». À la lumière de l’analyse de la réception critique des œuvres de Cossery en France – foyer de la génétique littéraire – et dans le monde anglo-saxon – où domine l’approche postcoloniale –, je montrerai que les traductrices, négociant leur loyauté entre l’auteur et l’institution littéraire à laquelle elles appartiennent, ont tenté de rendre Albert Cossery plus acceptable dans la culture réceptrice en infléchissant sa « voix ».

Depuis l’édition 2014 de SXSW (South by Southwest, à Austin, Texas) et la présentation de "Strangers with Patrick Watson", réalisé par les studios montréalais Felix & Paul, les enregistrements cinématographiques en 3D et à 360° sont sur le point de devenir une réalité majeure pour l’industrie de la musique et des jeux vidéos. Avec la commercialisation programmée de visiocasques de réalité virtuelle (Oculus Rift, Samsung Gear VR, Sony Morpheus...), la demande pour du contenu créatif destiné à ce nouveau moyen de consommer des performances musicales ouvre la boite de Pandore aussi bien pour les créateurs de musique que pour les ethnographes.


En nous plongeant au centre d’une expérience totalement immersive, cette technologie offre de nouvelles avenues pour conserver le patrimoine musical et culturel de l’humanité. Du côté de la recherche, comment ce changement paradigmatique peut-il influencer notre façon de faire de l’ethnographie musicale?


Cette conférence présentera nos premières données ethnomusicologiques collectées à l’aide d’un dispositif de captation audiovisuel 3D à 360° – ce qui nous permettra d’estimer le rôle de l’enregistrement omnibinaural dans la « restitution » en réalité virtuelle. Cette présentation abordera également quelques unes des problématiques méthodologiques, technologiques et épistémologiques soulevées par l’utilisation d’un tel dispositif, au demeurant expérimental.

Publié en 2006 sous le thème «La résistance culturelle», le numéro 273 de la revue Liberté marque l'arrivée d'un nouveau groupe d'intellectuels au sein du comité de rédaction. Je me propose d'analyser la mise en place, par le manifeste «Assoiffés de sens», d'un discours de la résistance. Celui-ci se fonde sur une double stratégie discursive: le comité de rédaction construit d'abord un ethos de la lutte; il s'inscrit parallèlement dans la filiation des intellectuels engagés d'ici et d'ailleurs. En m'appuyant sur les travaux de Ruth Amossy, je retracerai les subjectivèmes et les désignations collectives afin de définir le «nous» de Liberté. La rhétorique du manifeste étant en lien étroit avec l'ethos de la lutte, je plongerai au cœur du discours afin d'en dégager la structure ainsi que les couples axiologiques (Marc Angenot, La parole pamphlétaire). Avec «Assoiffés de sens», les membres de Liberté dépassent le projet des fondateurs de la revue pour effectuer une prise de position politique et esthétique. À l'instar des écrivains existentialistes des Temps modernes, des signataires du Refus global et des intellectuels des années soixante, ils arriment l'art au politique. Je conclurai en démontrant que la valorisation de ces filiations participe d'un refus de l'ère du désenchantement; combinée à l'ethos de la lutte, elle permet l'écriture au présent d'un nouveau Grand Récit, celui d'une communauté d'«assoiffés de sens».

Niranjana décrit l’idéologie comme une « confusion  de la linguistique avec la réalité naturelle » (de Man in Niranjana 1992, 171). Slavoj Žižek la définit comme un « fantasme inconscient qui structure la réalité sociale » (García et Sánchez 2008). Le « projet scientifique occidental » actuel et sa modernité sont une grossière « simplification » et une « mutilation » de la réalité (Marais 2014, 19), un fantasme, une idéologie. L’État moderne, les prétendues démocraties libérales et la modernité occidentales sont idéologiques. Essentiellement, nous tenterons, dans notre communication, de remettre en question les visions du monde hégémoniques qui construisent notre discipline et le projet impérialiste sur lequel la traductologie repose.

Plus précisément, nous chercherons à définir ou à esquisser les contours de possibles définitions de la traductologie de la libération. Nous nous appuierons sur les concepts de radicalisation et de déterritorialisation (Deleuze et Guattari 1980) dans une démarche d’épistémologie politique (Latour 2005, 249) et d’internationalisation de la traductologie, discipline qui se fera, par al même occasion, cheval de Troie au sein du projet hégémonique occidental. Nous nous inspirons aussi du concept de « zone autonome temporaire » (Bey 1985) et de formes de savoir non-rationnel, non-occidental des traditions ésotériques et mystiques, qui constitueraient une « histoire intellectuelle cachée de l’Occident » (Wilson 2018). 

Le 12 décembre 1831, le député de Nicolet, Jean-Baptiste Proulx, proposait
qu’une somme « n’excédant pas trois cents livres courants, soit accordée à
Sa Majesté, pour mettre la Société littéraire et historique de Québec en état
d’obtenir et publier des documents historiques relatifs à l’histoire des temps
reculés de cette province ». Par cette résolution bien vite suivie
d’un projet de loi, les parlementaires du Bas-Canada se faisaient pour la
première fois les promoteurs de l’histoire de leur société et de la Nouvelle-France.
Mus par une conscience historique grandissante, les parlementaires du Bas-Canada
jouèrent un rôle déterminant dans la constitution d’archives destinées à
permettre l’écriture de l’histoire canadienne. Sous l’Union et sous l’Assemblée
législative du Québec, c’est le secrétaire général de la province qui perpétua
leurs efforts, et ce jusqu’à la crise économique de 1893.

Dans le cadre de notre présentation, nous chercherons à expliquer et à souligner le rôle
des parlementaires dans la constitution des archives historiques canadiennes et
dans la promotion de l’écriture de l’histoire au XIXe siècle. Nous
nous appuierons sur des sources telles que les Statuts provinciaux du Bas-Canada et les documents émanant du
Secrétariat de la Province. Comme on le verra, la mise en valeur des archives
et plus particulièrement celles de la Nouvelle-France, était le fait de
certains parlementaires que l’on pourrait qualifier d’« individualités
intellectuelles ». 

Cinquante ans après l’émergence du cinéma en Afrique - qui a renforcé l’image de la femme comme symbolisation du nationalisme durant les luttes pour les indépendances et métaphore de ces nouvelles nations à venir - comment peut-on aujourd’hui concevoir le corps de la femme? En utilisant l’érotisme comme étant un champ spécifique de la compréhension de la sexualité qui vise à promouvoir l’agentivité et en constituant le corps érotique comme présence perceptive du social, du politique et du culturel, je propose, avec comme objet d’étude le film camerounais Les Saignantes (Jean-Pierre Bekolo, 2007), une réflexion axée sur le féminisme postmoderne (Judith Butler, Elizabeth Grosz) du corps érotique de la femme comme moyen de considérer le social dans le contexte socioculturel actuel du Cameroun.

En utilisant la notion de performativité de Judith Butler, il s’agira d’exprimer l’idée que le corps érotique féminin ne se situe jamais à l’extérieur du social. Il s’agira donc, oui, de considérer le corps féminin en matière de nudité, mais la définition que je donne à l’érotique pousse à mettre de l’avant, au coeur de notions établies autour de la sexualité féminine, l’agentivité des femmes. Dans une perspective phénoménologique du corps féminin, Les Saignantes apparaît donc comme le moyen d’inscrire le corps érotique au coeur non seulement du social, mais de l’historique africain. Ce corps devenant ainsi le lieu de communication entre le sujet (ici, féminin) et le monde qui l’entoure. 

La « révolution numérique » a causé nombre de bouleversements dans l’industrie cinématographique, d’abord pour les manières de faire des techniciens, mais également pour l’ensemble de l’organisation du travail dont la nouvelle répartition des tâches a affecté toute la chaîne des métiers. Réciproquement, les technologies numériques se sont vues façonnées par les mutations dont elles ont été elles-mêmes, à l’origine, prises dans une histoire collective implicite et riches de circulations et d’hybridations.

Pour mettre les innovations technologiques au service de pratiques improvisées propres à son mode de réalisation, Abdellatif Kechiche bouscule les habitudes de production, établissant ses propres conditions et temporalités de travail, jusqu’à parfois jouer avec le cadre légal. L’organisation du travail spécialement aménagée par le cinéaste révèle comment les structures socioéconomiques de production jouent un rôle essentiel dans le développement de l’innovation technologique et leur pratique.

Les résultats finaux présentés au cours de la présente communication reposent sur une reconstitution de la méthode d’Abdellatif Kechiche à partir de 46 entretiens avec ses collaborateurs et plus de 200 archives. Par la manière dont il problématise la technique par l’entremise d’un regard historique, technico-professionnel et socioculturel, ce projet de recherche participe au vaste projet historiographique actuel autour des techniques et technologies du cinéma à l’ère du numérique.

Impression III (Concert) est un tableau de Vassily Kandinsky peint en 1911 et désormais conservé à la Lenbachhaus de Munich. Cette peinture, au bord de l’abstraction, représente la première confrontation de l’artiste avec la musique atonale d’Arnold Schönberg lors d’un concert à Munich le 2 janvier 1911. Alors que l’abstraction picturale et la musique atonale ont été largement étudiées dans le milieu universitaire, je propose ici un examen minutieux du tableau de Kandinsky et de deux esquisses préparatoires (Musée national d’Art moderne, Paris) que je rapproche des morceaux joués lors de cette soirée décisive pour l’amitié entre les deux artistes. À l’aide d’études portant sur la réception psychologique de l’atonalité (Fred Lerdahl et Ray Jackendoff, 1983 ; Michel Imberty, 1993), d’articles du début du XXe siècle témoignant de la perception de l’œuvre de Schönberg sur le public de l’époque, et des théories de la mémoire musicale (W. Jay Dowling, Barbara Tillamm et Dan F. Ayers, 2001), je postule que le concert de janvier 1902 n’est pas à proprement parler le sujet d’Impression III (Concert). Cette œuvre relève précisément de la perception sensorielle que Kandinsky en a eu et des souvenirs qu’il en a gardé. Ainsi, dans une perspective de synthèse des arts, la transcription picturale de l’atonalité de Schönberg s’ancre dans une dimension profondément intime et personnelle.

Marie Uguay est une figure de proue du retour au lyrisme dans la poésie québécoise. Alors que vers les années soixante on écrivait surtout une poésie nationaliste caractérisé par un nous rassembleur, Marie Uguay publie à la fin des années soixante-dix une poésie plutôt intimiste tournée vers le Je lyrique. Ce retour au lyrisme fait état d’une expérience paysagère par laquelle le sujet poétique se constitue.  Le Je dans les trois recueils Signe et rumeur (1976), L’outre-vie (1979) et Autoportraits (1982) puise dans les échos de la nature et en éprouve ses réverbérations. Cette relation entre le sujet et le paysage évolue à travers les trois œuvres; dans la nature, le Je se trouve, mais trouve également l’autre, ce Tu qui devient parfois Nous. Le paysage est alors le reflet du sujet, mais aussi de l'être aimé; la nature devient ainsi un espace de contemplation et d'apaisement: « que la mer à nouveau m'apaise/ et ton corps, la mer/mon repos aux jours inabordables de la ville » (Signe et rumeur, 1976). En somme, l'écriture tendre, mais saisissante d'Uguay illustre la rencontre entre un sujet et son espace et comment cette expérience du lieu façonne l'être;  les saisons ainsi deviennent symboles de temporalité tandis que la météorologie et les éléments incarnent des états émotifs. La poésie de Marie Uguay renouvelle ainsi les représentations du paysage dans la poésie québécoise en y ajoutant un caractère intimiste qui tourne le regard de la nature vers le sujet.



L’objectif de la présente communication est de faire un retour aux sources littéraires du personnage de Chimène en tant que figure féminine emblématique de la culture espagnole, avec un examen détaillé de sa représentation dans le « Cantar de Mio Cid », œuvre majeure composée au début du XIIIe siècle et inspirée des faits d’armes de Rodrigo Díaz de Vivar (dit le Cid), chevalier castillan de la seconde moitié du XIe siècle.

Si l’œuvre « Las mocedades del Cid » du dramaturge espagnol Guillén de Castro, créée en 1618, a été un moment clef dans l’évolution de la représentation de Chimène dans l’imaginaire occidental, en faisant d’elle une héroïne romantique déchirée entre l’amour et le devoir, le « Cantar de Mio Cid » s’inscrit au contraire dans la grande tradition du poème épique (au même titre, pour l’Espagne, que la « Chanson de Roland » en France ou le cycle arthurien en Grande-Bretagne). Puisant ses thèmes dans l’histoire, il nous présente l'épouse du héros comme une femme d’honneur dont le comportement et la discrétion dans tous les rôles qui lui incombent sont érigés en exemple.

L’examen des divers rôles attribués à Chimène tout au long du poème (ceux d’épouse et de mère, mais aussi celui d’intermédiaire privilégiée du héros auprès de Dieu), de ses mouvements, de ses paroles et même de ses absences, nous permettra de brosser le portrait d’une grande dame médiévale toute dévouée à servir la cause de son mari.

Julien d’Abrigeon est un auteur, poète et performeur français. La vidéo de son poème-action intitulé «Fast fantrasque du temps passant» (2013) servira de point de départ pour réfléchir aux questions sémiotiques et temporelles que sous-tend la notion de «vanitas» (ou vanité) dans la création artistique contemporaine. Il s’agira, grâce à diverses théories sémiotiques (J.-M. Klinkenberg, C.S. Peirce, C. Saouter, U. Eco), de distinguer les enjeux du texte et de l'action de la performance et ceux de la documentation vidéo. De plus, l’analyse permettra de situer l’œuvre de d’Abrigeon en regard de la sémiose des vanitas depuis leur apogée au XVIIe siècle jusqu’à nos jours, en se référant à divers auteurs qui ont abordé les vanitas historiques (Karine Lanini, Armelle Wolff, Louis Marin) et les vanitas contemporaines (Anne-Marie Charbonneau, Anne Philippon, Évelyne Artaud). De plus, l’œuvre de poésie-performance de Julien d’Abrigeon permettra de clarifier le symbole de la vanité qui oscille, selon l’interprétation, entre le type d’art, le genre autonome et la thématique. On pourra donc mettre en évidence le rôle interprétatif du spectateur qui passe par l'interprétant peircien, ainsi que l'importance de la notion d’expérience telle que la propose Paul Ardenne dans «Un art contextuel».

Le propos de cette communication s’inscrit dans un projet plus vaste qui envisage l’analyse de ce que nous appelons les « poétiques de l’indicible » dans deux romans francophones : Shaba deux de V. Mudimbe et Un dimanche au cachot de P. Chamoiseau. À partir de cette perspective, il sera ici question d’examiner la dimension intertextuelle de Shaba deux, en tant que processus de langage implicite sollicité par l’écrivain pour dire « l’indicible ». Ce roman rend compte d’une situation de violence profonde, tout en analysant les traumatismes que celle-ci a provoqués chez les êtres qui l’ont vécue. Dans sa volonté d’exprimer l’inexprimable des horreurs de la guerre, de la colonisation et de ce qui en découle, Mudimbe s’efforce, par divers biais et de façon latérale, à représenter l’irreprésentable et à produire du sens, même dans l’impuissance du mot. Cette quête d’une parole capable de dire ce qu’elle ne dit pas aboutit à une esthétique « de la sobriété », où l’intertexte joue un rôle important en tant que vecteur de sens implicites. Ce travail aura comme visée d’en mesurer la place, la signification, la fonction et la force à l’intérieur du roman, afin de porter un nouveau regard sur cette œuvre, à partir de l’analyse de l’efficacité de l’intertextualité comme processus discursif de la poétique mudimbienne de « l’indicible ».

Parmi les caractéristiques des diasporas contemporaines, soulignées par le politicologue William Safran, figure la construction d’une conscience et d’une solidarité collectives définies autour d’une relation continue avec la mère patrie. Dans cette mouvance, la stratégie gouvernementale de l’Inde est passée, depuis la dernière décennie, de l’indifférence à un dialogue proactif avec sa communauté diasporique. D’abord reconnue pour sa force économique, elle s’avère de plus en plus influente sur le plan culturel ; elle représente un groupe avec lequel les citoyens de l’Inde doivent dorénavant négocier. 

La communication s’attachera à examiner les enjeux artistiques et sociaux liés à la censure de l’œuvre I Love My India, de Tejal Shah, lors de l’exposition Indian Highway présentée à Shanghai en 2012. Cette oeuvre vidéo s’inscrit dans un effort de compréhension des émeutes produites à Gujarat (2002) en Inde, pendant lesquelles près de 2000 musulmans auraient été décimés par les hindous. Ce retrait par le gouvernement de l’Inde, à la demande de la diaspora indienne en Chine, rend compte d’une dynamique nouvelle et engagée dans les flux migratoires de la globalisation. L’examen des points de vue des diverses communautés, impliquées dans le débat transnational entourant l’œuvre, permettra de saisir les effets de cette "Inde élargie" sur la production et la diffusion de l’art contemporain de ce pays internationalement reconnu pour sa liberté d’expression.

Dans cette communication, je me propose d'examiner la revue Dérives, Tiers-Monde/Québec, une nouvelle conjoncture culturelle (1975-1987) à l’aune de ses conditions sociales d’énonciation. En m'appuyant sur les recherches récentes de Ruth Amossy et de Jérôme Meizoz, j'étudierai par quels procédés discursifs sont construits l'éthos et la posture de Jean Jonassaint, le cofondateur de Dérives. Je m'appliquerai à montrer comment cet auteur haïtien remet en question les représentations collectives de l’être écrivain grâce à une double stratégie rhétorique. Pour ce faire, j'analyserai d'abord les espaces de recherche-création, « Notes pour une recherche » (n° 12) et « La déchirure du corpstexte » (n° 29-30, no° 36) où Jonassaint projette une image auctoriale à la limite de la spectralité. L'analyse se concentrera davantage sur les textes de présentation marquants : « Des cultures, du Québec » (n° 29-30), « Et puis écrire et puis » (n° 50) et « Prospectives/Perspectives » (n° 51). Deux procédés discursifs ressortent de ces textes liminaires : d'une part, l'énonciation in absentia opère un effacement de la subjectivité; de l'autre, les marques de l'énonciation diffusent l'image d'un locuteur engagé qui effectue une prise de position forte. Je conclurai en montrant que cette posture marginale et aporétique participe aux relations dynamiques entre les revues interculturelles et, plus spécifiquement, à un processus de légitimation constitutif du sous-champ de l'écriture migrante.

Malgré la paix officielle établie en 1989 avec les Accords de Taëf, la guerre civile n’a jamais véritablement pris fin au Liban : la disparition de centaines d’individus dont on n’a jamais retrouvé le corps, l’assassinat du Président de la République du Liban Rafic Hariri en 2005, l’éclatement en 2006 d’une guerre entre le Hezbollah et Israël et les attentats ponctuels témoignent non pas de la fin des hostilités, mais de leur perpétuation sous forme de guerre froide. La paix forcée, concrétisée par une loi d’amnistie, n’a fait que couver la violence d’un passé qui ne passe pas.

La recherche sur la guerre civile libanaise s’attarde généralement au problème de la mémoire posthume et de la commémoration. En cristallisant le traumatisme de la destruction comme chose du passé, cette perspective fait l’impasse sur la rémanence de la disparition. La perte articulée aux techniques de l’image que sont la photographie, le cinéma et la vidéo permet de penser la hantise du passé à partir du rapport spectral à l’objet reproduit dans son absence. Ma recherche aborde conjointement la photographie, la vidéo et le cinéma libanais pour faire émerger la parenté des problèmes qu’ils mettent en forme (disparition, destruction des ruines, urbanisation sauvage, répétition de la violence, rituels de deuil) et d’ainsi faire le pont entre des techniques rarement reliées, à partir d’une réflexion sur la spectralité et d’une thématisation psychanalytique du deuil.



Parmi les raisons ayant présidé au développement de la narration transmédia définie par Jenkins comme « the art of world making », notre hypothèse est que l’une d’elles se situe dans la nature même du processus de création/réception du cinéma narratif : les supports permettant la construction diégétique d’un long-métrage de fiction (la diégèse au sens défini par Souriau étant : « tout ce qui appartient [...] à l’histoire racontée, au monde supposé ou proposé par la fiction du film »), de sa genèse à sa réception spectatorielle, sont plurimédiaux (scénario papier, pitch oral, storyboard dessiné, cinématique, film...), multiplateformes (cinéma, télévision, Internet, réseaux sociaux...), en dialogue avec une multitude de lecteurs/spectateurs (producteurs, lecteurs institutionnels, techniciens, comédiens, distributeurs, spectateurs...). Ces supports contiennent un potentiel transmédia qui peut être actualisé par expansion de la diégèse, le film n’étant qu’une version, un agencement narratif parmi d’autres possibles (et souvent présents sur les supports antérieurs) de cet univers diégétique. En suivant le modèle des trois mimesis proposé par Ricœur, il s'agira de s'intéresser au processus de construction diégétique d’Émilie de Guillaume Lonergan (2013), une comédie romantique réaliste devenue la première narration transmédia québécoise, et de Mars et Avril de Martin Villeneuve (2012), long-métrage « classique » proposant un univers de science fiction riche et complexe.

En situation de performance musicale, le musicien-instrumentiste est souvent aux prises avec des tensions musculaires non fonctionnelles(Nuti, 2006), et des tensions psychologiques, telles que l’angoisse de performance(Arcier, 1998;Brugues, 2011).Les méthodes d’éducation somatique offrent des outils de développement de la conscience par le mouvement permettant d’enrichir le répertoire de gestes des musiciens et d’engendrer une optimisation de la dynamique corporelle et un jeu instrumental plus fluide. Ces approches holistiques peuvent aussi apporter des changements plus généraux, en modifiant le rapport à soi et l’attitude et les croyances sur le corps et la performance(Alcantara, 2000;Beaudoin, 2000;Chamagne, 1998,2000). Notrehypothèse est que la pratique approfondie de méthodes d’éducation somatique permet aux musiciens de développer des outils fonctionnels de l’ordre de l’expérience subjective, tels que des repères physiques fonctionnels ou des repères attentionnels, qui, appliqués en situation de performance, facilitent son déroulement.Dans cette communication, je présenterai les résultats d’une étude préliminaire pour évaluer la pertinence de l’utilisation de la psychophénoménologie(Vermersch, 2012), et, plus précisément, de l’entretien d’explicitation(Vermersch, 2010)pour l’étude de l’expérience subjective du musicien en situation de performance.

La « critique des traductions » fait partie des sous-disciplines de la traductologie depuis que James Holmes a publié une première cartographie du domaine en 1972. Dès lors, le nombre de théories sur le sujet ne fait qu’augmenter, tandis que les études sur le champ montrent qu’il existe un véritable fossé entre les propos critiques des spécialistes et ceux du lectorat moyen (Audet 2009; Doyle 2018; Desai 2020). Le Canada est un cas particulier en traductologie : en plus de disposer de deux prix nationaux en traduction, l’État finance chaque année la traduction de plusieurs dizaines d’œuvres. Pourtant, on en sait peu sur le processus évaluatif qui précède la remise de ces prix, et les rétroactions des jurys n’ont jamais été soumis à une étude approfondie.

Dans cette communication, une lacune historique est d'abord comblée en présentant le contexte qui a mené à la création du Prix de traduction John-Glassco et de la catégorie Traduction des Prix littéraires du Gouverneur général. Une analyse des critères d’admissibilité à ces prix et des quelques rares « directives » d’évaluation rédigées par certains membres du jury pour coter les traductions gagnantes est ensuite proposée. Les documents d’archives ainsi examinés témoignent de l’étonnante diversité qui caractérise les critères d’évaluation utilisés, même parmi les experts canadiens, et renseignent les lecteurs, les traducteurs et les critiques sur les présupposés que nous détenons tous sur la traduction littéraire (Vanderschelden 2000).

Cette présentation part de plusieurs présuppositions des théoriciens contemporains (Stengers, Baudrillard, Rancière), qui dénoncent les cadres exclusivement rationnels du monde occidental, en les caractérisant comme des captures démoniques de l’âme, similaires à celles présentes dans la pensée animiste traditionnelle. Pour contourner ces captures, nous devrions mobiliser différents types de savoir et de pratiques qui ont été longtemps oubliés ou reniés. Nous devrions ravitailler des modes de pensée dont nous avons perdu les outils appropriés – l`efficacité symbolique, l`analogie, la métaphore, en trouvant dans la littérature les outils affectifs capables de rouvrir le monde sensorial. Cela, grâce aux notions de monde animé, de matière vibrante ou d`agents non-humains, qui constituent le sol pour une nouvelle métaphore politique.À cet effet, je vais analyser la vision intensément poétique de Herta Müller, qui a remporté le prix Nobel de littérature en 2009. Elle met l’accent sur le symbolisme animal hybride en tant que paradigme d’un monde totalitaire où l’humanité est abolie. La seule chance de survie dans un tel contexte est la régression vers le tout-puissant flux de la nature. A la fois versions allégoriques et pratiques culturelles, histoires de survie et dialogues avec la nature et avec Dieu, ses histoires décrivent un univers magique alternatif. Le roman Animal du cœur de H.Müller offre une perspective significative sur les paysages cosmopolitiques contemporains.

Il s'agit des actions politiques employées pendant le consulat de Napoléon Bonaparte, liées au processus de colonisation française de Saint-Domingue, aujourd'hui Haïti, qui a débuté dans la première moitié du XVIIe siècle. Et les stratégies développées par les protagonistes Toussaint Louverture et Jean Jacques Dessalines, anciens esclaves qui ont vaincu le système esclavagiste en général et les troupes expéditionnaires françaises en particulier. En France, en 1799, toujours dans le contexte politique tumultueux de la révolution de 1789, l'ère napoléonienne introduite par le consulat a été mise en place. Parallèlement à ces événements, le scénario n'était pas différent dans la plus importante colonie française d'Amérique. Le contexte sociopolitique a fourni de multiples défis et ambitions diverses dans cette partie de l'île, surtout avec la montée en puissance de dirigeants noirs qui sont devenus des agents conscients de leur histoire, actifs et capables de remettre en question l'ordre dominant. Opposés aux politiques coloniales françaises, ils ont utilisé des stratégies politiques et des mécanismes juridiques importants pour affronter à la fois le consulat et le gouvernement impérial français. Dans cette optique, ce travail de thèse propose, à travers d'analyse de documents, d'étudier les actes et les décisions politiques de ces protagonistes et leurs contributions à la scène coloniale, de la fin du XVIIIe siècle au début du XIXe siècle.

Le 19 août 1829, le corps du colporteur François-Xavier Guillemet est retrouvé tout près de Saint-Jean-Port-Joli. Un dénommé François Marois – connu sous plusieurs pseudonymes, est rapidement arrêté. Marois avait déjà été condamné au pilori et emprisonné quelques années auparavant pour avoir battu un homme de Lévis. Accusé du meurtre, il est reconnu coupable et exécuté devant la prison de Québec le 29 septembre suivant.

D’abord, nous présenterons le crime de François Marois et l’importante couverture médiatique qu’il a suscité. Nous verrons comment cette première manifestation littéraire du personnage du Docteur l’Indienne a influencé sa représentation dans de nombreux ouvrages.

Nous aborderons, ensuite, le thème de la transfictionnalité suivant la définition qu’en donne Richard Saint-Gelais dans son texte « Contours de la transfictionnalité » (La fiction : suites et variations, 2007, p. 5-25.), c’est-à-dire un personnage qui est capable de : « […] transcender le texte qui l’a instauré ». Richard Saint-Gelais souligne que la transfictionnalité propose : « […] des entités qui ne sont ni tout à fait autre, ni tout à fait mêmes ». C'est-à-dire qu’elles sont ambivalentes, voire évanescentes. Nous tenterons de démontrer que le Docteur l’Indienne est une figure définitivement mouvante. Si bien, qu’il est possible de s'interroger sur la véracité de la filiation entre François Marois et le Docteur l’Indienne telle qu’assumée par les contributeurs à l’état de la recherche de nos jours.

Lorsque l’art s’affiche dans des espaces publicitaires (L. Levine, B. Kruger, J. Holzer), les œuvres sont soumises à la contingence de la réception. Celles qui portent en plus un message politique dépendent d’une disponibilité et d’une sensibilité soutenue de la part des spectateurs pour engendrer un effet. Pour Jacques Rancière, l’efficacité politique de l’art contemporain ne s’envisage qu’à partir d’une expérience esthétique qui, par la distance qu’elle instaure avec « l’expérience ordinaire du sensible », actualiserait ce qu’il appelle le pouvoir dissensuel de l’art. L’étude de l’efficacité politique du billboard art repose donc, en premier lieu, sur une expérience esthétique comme un état de réception optimal des oeuvres. Si la proposition de Rancière semble convenir au corpus, sa définition du concept est trop prescriptive pour véritablement cerner les possibilités de leur réception. De ce fait, à travers la synthèse de différentes approches en esthétique continentale (Y. Michaud), analytique (M. Beardsley), pragmatique (R. Shusterman) et en psychologie de la réception (M. Csikszentmihalyi) et, se basant sur les dimensions constitutionnelles décrites du concept, une conception de l’expérience esthétique adaptée au billboard art politique sera proposée. Elle sera composée de quatre dimensions (perceptuelle, communicationnelle, émotionnelle, intellectuelle) qui serviront de cadre analytique à l’évaluation de l’efficacité politique du corpus.

Le lyrisme du XIXe siècle est de retour aujourd’hui dans le vers, mais se trouve touché par la simplicité plutôt que par le sublime. Se voulant une représentation du familier et du commun, il conduit à des modifications radicales dans les principes du genre poétique, notamment en ce qui concerne la conception du sujet lyrique qui a singulièrement évolué depuis ces changements. Si le je est présent dans les œuvres contemporaines, la communication des sentiments et des sensibilités est complètement effacée. En prenant comme exemple l’œuvre poétique d’Engelbert Mveng Balafon publiée en 1972, nous essayerons dans notre étude de démontrer comment le je lyrique devient un sujet incertain, se cherchant parmi les tas d’objets qui composent le monde. La description du monde matériel caractérise, en effet, cette œuvre particulière de Mveng. Le je qui y présent est conscient de cette situation de coprésence et se voit contraint à s’adapter au monde plein d’objets. Il en résulte un effacement de son expression affective qui entraîne la modification des principes du genre poétique. Reliés à une conscience de soi incertaine, les poèmes du recueil sont déstructurés : les répétitions, les accumulations, les énumérations font éclater le texte, l’éloignant de tout style soigné. Bref, attaché de plus en plus aux objets les plus prosaïques et matériels, le lyrisme représente, de nos jours, la volonté de reconstitution de soi du sujet lyrique. 

« L'idée d'une "autodéfinition de l'individu" et de son "autonomisation" par rapport à la société relève largement du fantasme. » (Heinich citée par Chenet 2008, p. 36) Prépondérant dans le champ culturel, ce discours teinte l’entrée littéraire de Mikella Nicol, qui signe en 2014 Les filles bleues de l'été, premier roman générant un discours médiatique luxuriant. Inéluctable, le lien entre Nicol et son père, l'écrivain Patrick Nicol, est évoqué systématiquement par les médias, qui transposent dans la sphère privée l’impossible « autodéfinition de l’individu ». Comment ces deux réalités distinctes se conjuguent-elles lorsque l'identité d'un nouvel auteur trahit des liens préexistants avec le domaine littéraire ?

À la lumière de trois entrevues accordées par Mikella Nicol au sujet de son premier roman, je propose de confronter le discours des instances de réception (Plus on est de fous, plus on lit !, La Presse et ARTV) à la posture auctoriale de l’écrivaine. Tandis que Nicol projette une image gouvernée par un principe d'autonomie filiale, les critiques et journalistes accusent un mouvement de va-et-vient incessant entre les mérites de l'auteure et les rapports, autant familiaux que littéraires, qui orientent sa position dans le champ littéraire.

CHENET, Éric. « Question d'identité : une entrevue avec Nathalie Heinich », ETC, [En ligne], n°82, juin 2008, p. 36-38, https://www.erudit.org/fr/revues/etc/2008-n82-etc1134672/34600ac/ (Page consultée le 11 avril 2019).