Alors que le chasse nous rappelle notre appartenance au règne animal, elle est simultanément l’activité à partir de laquelle l’humanité s’est distinguée de celui-ci. On accorde d’ailleurs l’émergence du récit aux chasseurs de la préhistoire qui déchiffraient des séquences narratives à partir des traces laissées par leurs proies (Guizburg : 1989). La mise en récit des ruses, des espérances ou des exploits de la chasse témoigne ainsi d’une relation spécifique à la nature, mais aussi d’un rapport particulier à la narration et, par conséquent, à la communauté.
Si le témoignage cynégétique se construit principalement autour du passage de l’expérience vécue (Erlebnis) vers l’expérience transmise (Erfarhung), il se révèle également comme un puissant véhicule culturel. Ainsi, en racontant la « quête de l’animal », l’histoire de chasse déborderait de son cadre énonciatif initial et alimenterait un discours complexe sur les différents partages entre nature et culture, vie et mort, individu et société.
À partir d’extraits, tirés de L’histoire de la chasse au Québec de Paul-Louis Martin et de la revue Sentier Chasse et Pêche, cette présentation compte interroger la parole cynégétique québécoise afin de saisir ses enjeux et sa portée. Autrement dit, il s’agira, en rapatriant vers les études littéraires et, plus spécifiquement, vers la sociocritique, un objet d’étude généralement attribué aux anthropologues, de « lire » les visées sociales, voire politiques, attenantes au récit de chasse.