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Le territoire du Québec est vaste! Sur les quelques 1,7 million de km2 de superficie terrestre, la vaste majorité (92 %) relève du domaine public. La distribution spatiale de l’activité et de la population n’est ni homogène ni aléatoire, et elle se concentre le long de la vallée du Saint-Laurent. La partie septentrionale se limite dans sa plus grande partie à des usages liés à l’extraction des ressources. Cette configuration pose des défis importants en termes d’aménagement et de développement du territoire face aux enjeux de demain : démographie, logement, accès aux services, aléas climatiques, etc. 

À l’origine, le réseau des Universités du Québec (UQ) est pensé, entre autres, pour contrer ce déséquilibre spatial en délocalisant des constituantes hors des principaux pôles d'activité. L'enseignement supérieur venait enfin à la rencontre de la périphérie plutôt que de demander à ses habitants de migrer vers les centres urbains pour s’instruire. 

Plusieurs campus régionaux ont développé au fil des ans des programmes de formation et de recherche destinés à répondre aux besoins des milieux régionaux. Les programmes d’études de sciences régionales et territoriales1 ainsi que les groupes de recherche Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional de l’Est du Québec (GRIDEQ, 1974) et Groupe de recherche et d’intervention régionales (GRIR, 1984) ont ainsi été porteurs d’une longue tradition de réflexion sur les réalités régionales et territoriales québécoises.

La création d’un Réseau national d’observatoires renouvelle l’implication des universités régionales dans les enjeux d’aménagement; implication qui se comprend comme une démarche d’organisation de l’espace dans une logique prospective2. La réforme de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU, 2023) offre une opportunité de collaboration sans précédent pour les universités non métropolitaines et leur milieu respectif. De fait, les nouvelles exigences de cette loi impliquent la révision des schémas d’aménagement des MRC et l’établissement d’un système de monitorage destiné à faire le suivi du développement et de l’aménagement durables du territoire. La création d’un Réseau d’observatoires, destiné à assister les milieux non métropolitains dans cette mission, renouvèle la pertinence et la légitimité des universités décentralisées et de leurs programmes de formation et de recherche.

Planifier, aménager et développer les régions

La région est apparue comme un objet d’étude quand la nécessité de réfléchir et de planifier des actions et des politiques publiques s’est révélée indispensable pour stimuler leur développement3. Ainsi, le champ du développement régional et territorial a cultivé une tradition d’aménagement et de planification de l’activité à travers l’espace.

En 19794, le gouvernement du Québec adopte sa première monture de la LAU. C’est avec l’apparition d’un palier supralocal, les municipalités régionales de comté (MRC), que le Québec démontre plus concrètement son désir de mieux organiser l’espace avec l’instauration des Schémas d’aménagement et de développement (SAD). Processus long et complexe, les SAD produits par chaque MRC étaient une première tentative de mieux encadrer l’évolution des territoires.

Cependant, l’expérimentation sur près de quatre décennies a démontré que l’institutionnalisation de la planification territoriale est demeurée relativement procédurale jusqu’à ce jour, c’est-à-dire qu’elle s’est surtout cantonnée à l’aspect réglementaire de l’aménagement (plans, zonage, etc.), occultant ainsi ses liens profonds avec la dimension du développement. Les liens entre les dynamiques régionales avec les visées des politiques d’aménagement semblent alors diffus. En retour, les sciences régionales se sont peu intéressées au sujet, l’aménagement étant vu comme un corset institutionnel assez peu innovant5

Récemment, le besoin de suivre plus rigoureusement l’évolution des trajectoires de développement a été ravivé afin de répondre aux enjeux territoriaux spécifiques latents ou émergents.

Un Réseau pour monitorer l’aménagement et le développement des territoires

Dès 2022, coup sur coup, le ministère des Affaires municipales et de l’habitation (MAMH) élabore sa nouvelle Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire (PNAAT), puis procède à d’importantes modifications à la LAU. De là, sont adoptées les nouvelles Orientations gouvernementales en aménagement du territoire (OGAT).  Le gouvernement tente alors d’encadrer les initiatives régionales des MRC par des orientations générales, sans spécifiquement contraindre les planifications locales.

Or, pour répondre cette fois à la nécessité de suivi de la mise en œuvre des instruments de la planification territoriale – comme le schéma d’aménagement et de développement (SAD) – le ministère impose un système de monitorage au niveau national et régional. Les MRC se voient octroyer des ressources supplémentaires pour réaliser le monitorage à l’échelle de leur territoire. Du même souffle, le Réseau national d’observatoires6 est mis sur pied et adossé à cinq constituantes du réseau de l’UQ : UQAT, UQO, UQAR, UQTR et UQAC. 

Cinq observatoires couvrent ainsi l’ensemble de la province (87 MRC sur 14 régions administratives)7. Le mandat principal réseau est d’accompagner les MRC dans la mise en place du système de monitorage, tant dans la réalisation proprement dite que dans les phases préparatoires. 

Les défis du monitorage 

Le monitorage n’est pas une pratique courante en aménagement du territoire. Des expérimentations ont bien été conduites dans des contextes semblables ou à des échelles différentes, au Québec, au Canada ou ailleurs dans le monde. Cependant, il en ressort qu’il n’existe pas de solution simple ou unique au défi que représente l’instauration d’un système de monitorage8

De manière générale, l’aménagement est compris comme une démarche d’organisation de l’espace dans une logique prospective9, donc de développement. Par nature, il couvre un large spectre disciplinaire, affectant à la fois les activités humaines et l’environnement naturel. 

La démarche de planification cède sa place à des actions et des initiatives à évaluer par l’intermédiaire d’une démarche de monitorage. Celle-ci est comprise comme un système destiné à mesurer l’efficacité de la planification et des interventions en aménagement au moyen d’indicateurs et de cibles. Ce système est ainsi pensé en cohérence avec les planifications régionales (schéma d’aménagement) et vise à suivre les avancées et les changements territoriaux. 

Néanmoins, dans un environnement régional complexe, le changement n’est pas un phénomène facile à appréhender ni à relier à des initiatives en amont. Il confronte dans un contexte d’incertitude des processus organisationnels, des visions et des orientations stratégiques, mais aussi des processus politiques ambigus. À cela s’ajoutent les défis de l’interdisciplinarité, mais aussi ceux de la méthodologie, et de l’accès aux données et aux informations. Le monitorage de l’aménagement devient alors un des points les plus exposés à la controverse dans les évaluations d’impacts.

Le système de monitorage se trouve donc à la frontière entre une vision et une stratégie régionale d’un côté et un ensemble de considérations techniques, voire technologiques (indicateurs, données, analyse pré et post monitorage) de l’autre.

Une pertinence manifeste d’un réseau national d’observatoires porté par le réseau UQ

Le Réseau national d’observatoires s’est approprié le processus d’élaboration et de mise en œuvre d’un système de monitorage pensé par l’un de ses membres, soit l’observatoire du développement de l’Outaouais (ODO). 

Il propose un cycle de 4 étapes charnières  :

  • comprendre le territoire;
  • mesurer à l’aide d’indicateurs et de cibles;
  • évaluer les résultats obtenus et finalement;
  • discuter ou réorienter les outils de planification régionale.
Modèle de monitorage
Figure 1. Le cycle du monitorage (RNOADDT, adapté de Charron et coll., 2018)

Ce Réseau d’observatoires, sis dans des universités régionales, trouve sa pertinence au niveau de l’expertise scientifique et de la tradition d’ancrage des UQ dans et avec leur territoire d’appartenance. À travers les universités d’attache et de façon transversale, les observatoires collaborent et soutiennent activement les MRC dans la compréhension des réalités locales, mais aussi dans un transfert de connaissances et un soutien à la concertation et à la décision. 

Ainsi, ce réseau intervient à un niveau technique en proposant des approches innovantes en soutien à la création d’un système de monitorage cohérent avec la vision stratégique régionale. Il réalise également des synthèses de littérature, participe à l’élaboration de portraits régionaux et de veilles informationnelles, et aspire à développer des outils de visualisation des données. 

Enfin, le réseau s’adapte au rythme et aux capacités des MRC. Les observatoires sont en mesure soutenir le travail des équipes dans l’appropriation des résultats visés et l’identification d’indicateurs pertinents. Ils peuvent également s’impliquer pour une meilleure concertation locale, entre élus et citoyens tout au long du processus de création du système de monitorage et de son arrimage avec les SAD. Cela n’est possible qu’avec la présence d’universités régionales enracinées et en dialogue avec leur milieu mettant à profit des expertises en aménagement, urbanisme et développement régional et territorial. 

Par sa présence, le réseau UQ obtient une opportunité de consolider son ancrage régional à condition de valoriser et de soutenir les programmes d’études et de recherche œuvrant aux développement régional et territorial. En retour, les MRC profitent d’expertises et d’accompagnement dans l’orientation de leurs trajectoires régionales à travers la création de leur futur système de monitorage. Une relation gagnant-gagnant à fort potentiel.

Par sa présence, le réseau UQ obtient une opportunité de consolider son ancrage régional à condition de valoriser et de soutenir les programmes d’études et de recherche œuvrant aux développement régional et territorial. En retour, les MRC profitent d’expertises et d’accompagnement dans l’orientation de leurs trajectoires régionales à travers la création de leur futur système de monitorage. Une relation gagnant-gagnant à fort potentiel.

Références
  • Aydalot, P. (1987). Le concept de région dans la définition de la planification régionale. Canadian Journal of Regional Science, 10(2), 203‑214.
  • Charron, M., Chiasson, G., Gauthier, M., & et collaborateurs. (2018). Proposition d’un modèle de monitorage pour le schéma d’aménagement et de développement révisé (SADR) de la Ville de Gatineau – Rapport final. UQO - Université du Québec en Outaouais.
  • Hoernig, H., & Seasons, M. (2004). Monitoring of indicators in local and regional planning practice : Concepts and issues. Planning, practice & research, 19(1), 81‑99.
  • Merlin, P. (1990). Géographie et aménagement. Travaux de l’Institut de Géographie de Reims, 79(1), 21‑28.
  • 1

    Notamment à l’UQAC, l’UQAR et l’UQO.

  • 2

     Merlin, 1990

  • 3

     Aydalot, 1987

  • 4

    Source : https://env4016.teluq.ca/2-2/

  • 5

     Beaudet et Meloche, 2012

  • 6

    https://reseau.uquebec.ca/fr/reseau-national-observatoires

  • 7

    Donc la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ) et de Montréal (CMM), et les MRC qui sont en tout ou en partie intégrées à ces deux pôles, et donc sous l’influence du Plan métropolitain d’aménagement et d’urbanisme (PMAD) – l’équivalent du SAD, mais pour les communautés métropolitaines.

  • 8

     Hoernig et Seasons, 2004

  • 9

     Merlin, 1990.


  • Nicolas Devaux
    UQAR

    Nicolas Devaux est professeur au département sociétés territoires et développement de l’UQAR. Tandis que ses champs d’intérêt portent sur l’économie urbaine et régionales, ses travaux ciblent l’analyse des impacts de politiques publiques et d’aménagement, les valeurs foncières ou encore les infrastructures de transport. Il porte également un intérêt marqué pour la collecte et l’utilisation de données massives pour l’analyse du développement régional. Nicolas Devaux est directeur de l’Observatoire des trajectoires territoriales et régionales (OTTER) de l’UQAR.

  • Sabrina Tremblay
    UQAC

    Sabrina Tremblay est professeure au département des Sciences humaines et sociales de l’UQAC en développement des communautés et développement local.  Ses principaux champs d’intérêt portent sur l’intervention dans les collectivités rurales et éloignées, particulièrement celles éprouvant des difficultés de développement.  Elle est directrice de l’Observatoire des territoires – Aménagement, urbanisme et développement (OTERAUD) et coordonnatrice du Groupe de recherche et d’intervention régionales (GRIR) de l’UQAC.

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