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Victoria Volkanova , Université de Moncton

J’ai eu l’honneur et le privilège de participer à cette étude tant attendue portant sur les réalités souvent désolantes des chercheuses et chercheurs universitaires francophones travaillant en contexte minoritaire au Canada. En tant que bibliothécaire spécialisée en communication savante, mon rôle fut d’appuyer l’équipe de recherche dans ses démarches, de fournir des données ou l’information pertinente, ainsi que de contribuer aux discussions et à la rédaction.

L’excellent et compréhensif rapport de l’étude, publié en juin 2021, contient une description fidèle des réalités et des défis des chercheuses et chercheurs francophones en milieu minoritaire, basée sur les résultat du sondage auprès de quelque 500 et plus répondants, une revue de littérature exhaustive, un portrait complet du cadre institutionnel de la recherche en français, et une analyse de la langue de diffusion et des demandes de financement soumises dans les dernières décennies. Mais aussi, et cela est plus qu’appréciable, des recommandations concrètes et ciblées, qui permettront d’améliorer les conditions de travail et de donner à la recherche faite en français partout au Canada la place qu’elle mérite.

Les réalités et les défis des chercheuses et chercheurs qui ressortent de la présente étude sont parfaitement corroborés par et reflétés dans les réalités et les défis des bibliothèques universitaires francophones du même milieu.

Les bibliothèques universitaires sont au cœur des activités d’enseignement et de recherche sur le campus. Leur raison d’être est de soutenir ces activités en offrant des ressources, des outils et des services, ainsi qu’un accès (idéalement) illimité à l’information, assorti des compétences informationnelles devenues essentielles à l’ère des technologies de l’information et des communications.

Les réalités et les défis des chercheuses et chercheurs qui ressortent de la présente étude sont parfaitement corroborés par et reflétés dans les réalités et les défis des bibliothèques universitaires francophones du même milieu.

À l’Université de Moncton, la plus grande université francophone à l’extérieur du Québec, nous évoluons dans un espace marqué par notre situation linguistique minoritaire dans la région de l’Atlantique anglophone, ainsi que par notre proximité de et nos excellentes relations de travail avec nos collègues québécois. Grâce aux consortia et autres regroupements petits et larges, nous avons tissé des liens d’entraide, de collaboration et de partage, ainsi avons navigué les eaux souvent hostiles de la publication savante contrôlée par les éditeurs commerciaux (de langue anglaise, puis-je ajouter!)

Retour en arrière

À la fin des années 1990, les bibliothèques universitaires commencèrent à se regrouper pour se donner un pouvoir d’achat et de négociation face aux prix faramineux et toujours croissant des bases de données et des revues scientifiques en ligne, phénomène couramment appelé « la crise des Big Deals ». À l’échelle nationale, il y a le Réseau canadien de documentation pour la recherche  (CRKN – RCDR) , un consortium dont les Bibliothèques de l’Université de Moncton sont membres, est le (). Sa mission est de faire « progresser un accès interconnecté et durable aux recherches mondiales et au patrimoine documentaire canadien » (https://www.crkn-rcdr.ca/fr/propos-du-rcdr, page consultée le 27 septembre 2021) en améliorant l’accès au contenu dans les universités canadiennes et en réduisant les coûts pour ses membres. À l’échelle régionale, nous bénéficions d’un partenariat très fructueux avec 18 autres institutions postsecondaires au sein du Conseil des bibliothèques universitaires de l’Atlantique (CAUL – CBUA) (Ce ne sont que deux exemples, il y en a bien d’autres.

Tous les efforts sont déployés pour que les interfaces, la documentation, les services, les sessions de formation et autres, soient disponibles en langue française pour répondre aux besoins des usagers francophones. Mais il n'en demeure pas moins que, pour des raisons si bien démontrées et résumées dans le Rapport de l’étude, la grande majorité des publications scientifiques et autres productions intellectuelles universitaires se font principalement en langue anglaise. Cette situation crée des problèmes de taille pour nos personnes enseignantes, chercheuses et étudiantes, et affecte la capacité des bibliothèques universitaires francophones de fournir un accès adéquat et équitable à l’information. Ajoutons à ceci les coûts astronomiques d’abonnements et d’achats des ressources électroniques, l’oligopole des grands éditeurs commerciaux, les réductions de budgets, les licences restrictives d’accès au matériel pédagogique, pour n’en nommer que les plus grands facteurs. Nous sommes à présent au cœur d’une « tempête parfaite » qui nous force à repenser nos façons habituelles de donner l’accès aux ressources, à nous réinventer dans nos manières mêmes de penser et à utiliser de nouvelles approches pour continuer à remplir notre mission en tant que bibliothèques universitaires. On s’appuie pour se faire sur une « combinaison de négociations, d'activisme, de modélisation commerciale, de recherche sur les besoins des utilisateurs et d'aide à la décision, entre autres. » (Ithaka S+R Research Report (2021). What’s the Big Deal? https://sr.ithaka.org/publications/whats-the-big-deal/, traduit)

[...] la grande majorité des publications scientifiques et autres productions intellectuelles universitaires se font principalement en langue anglaise. Cette situation crée des problèmes de taille pour nos personnes enseignantes, chercheuses et étudiantes, et affecte la capacité des bibliothèques universitaires francophones de fournir un accès adéquat et équitable à l’information

Et maintenant?

La pandémie de la COVID-19 qui nous a enfermés physiquement dans nos maisons pendant plusieurs mois, a, paradoxalement, ouvert le monde, malgré toutes les restrictions imposées, grâce aux TIC : l’enseignement, les conférences, les réunions, les activités de recherche (dans la mesure du possible), et toute autre activité qui se prêtait moindrement au format virtuel sont passés en ligne. Or, le contexte de l’enseignement à distance et des activités qui en découlent pose des défis inhabituels en matière d’accès aux ressources et au matériel didactique en démasquant les façons largement propriétaires dont les éditeurs contrôlent ces accès1. De fait, en réponse à cette situation urgente, les personnes enseignantes appuyées par leurs bibliothèques universitaires et collégiales, ont fait un virage plus prononcé vers les manuels de cours libres de droit ou les REL (Ressources électroniques libres / Open Educational Resources) – une tendance qui va, espérons-le, continuer à prendre de l’ampleur, et qui à l’avenir rapproché fera des REL un moyen privilégié d’enseignement, tout comme le libre accès prend de plus en plus sa place centrale dans le monde de la publication savante.

[...] les personnes enseignantes appuyées par leurs bibliothèques universitaires et collégiales, ont fait un virage plus prononcé vers les manuels de cours libres de droit ou les REL (Ressources électroniques libres / Open Educational Resources) – une tendance qui va, espérons-le, continuer à prendre de l’ampleur, et qui à l’avenir rapproché fera des REL un moyen privilégié d’enseignement, tout comme le libre accès prend de plus en plus sa place centrale dans le monde de la publication savante.

Nous nous en réjouissons et nous joignons à nos collègues anglophones pour offrir à nos personnes enseignantes les ressources et le soutien nécessaires, mais la réalité nous frappe encore : les manuels de cours et les objets d’apprentissage libres de droits qui existent en français sont très peu nombreux, et la tâche de bâtir une collection de REL aussi diversifiée que celle qui existe en anglais est énorme.

En conclusion, je voudrais réitérer que l’accès systématique et équitable à la recherche publiée demeure une composante essentielle de l’infrastructure de la recherche du Canada et que nous sommes là pour le défendre et pour soutenir et épauler nos chercheuses et chercheurs francophones en milieu minoritaire dans leurs activités d’enseignement et de recherche.

Bonne lecture et surtout bonne continuation sur la voie, maintenant bien éclairée, menant à une valorisation accrue et un appui transversal de la recherche en français!

 

À consulter :

Le rapport long - https://www.acfas.ca/sites/default/files/documents_utiles/rapport_francophonie_final_1.pdf
Le rapport sommaire - https://www.acfas.ca/sites/default/files/documents_utiles/rapport_francophonie_sommaire_final_1.pdf
Le rapport en anglais - https://www.acfas.ca/sites/default/files/documents_utiles/rapport_francophonie_sommaire_en_final_0.pdf

Pour consulter les autres articles du dossier Francophonie canadienne, cliquez ici.

  • 1« La pandémie souligne l’importance des ressources éducatives libres et de l’édition en libre accès » paru dans le Bulletin ACCPU, Mai-Juin 2021 (p.28).

  • Victoria Volkanova
    Université de Moncton

    Victoria Volkanova détient une maîtrise en sciences de l’information de l’Université de Montréal (2004). Depuis 2005, elle travaille à l’Université de Moncton au Nouveau-Brunswick. Après avoir été chef du Service des systèmes informatisés pendant neuf ans, elle est actuellement bibliothécaire de référence, responsable du dossier de la communication savante, de l’IDD, des données statistiques et de recherche. Ses intérêts de recherche comprennent le libre accès à la recherche, les ressources éducatives libres, les données ouvertes et autres aspects de la communication savante ouverte.

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