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Sophie Veilleux, Université Laval
Un solide écosystème d’entrepreneuriat en santé repose sur une science publique solide, un système de brevets établi qui influence le modèle d’affaires et des collaborations régulières entre les acteurs. Les universités y jouent un rôle clé dans la diffusion de la connaissance et dans l’organisation d’activités favorisant les rencontres entre les parties prenantes, remplissant ainsi leur mission d’impact social. La combinaison de l’ensemble de ces conditions favorise l’entrepreneuriat par le démarrage d’entreprises à succès au sein d’un pôle d’expertise dont la masse critique attire les sociétés de financement, contribuant à leur tour à l’écosystème.
Sophie Veilleux
Sophie Veilleux

Alors que les journaux rapportent de belles découvertes prometteuses en santé dans nos universités, le chemin à parcourir reste long pour parvenir à un produit commercialisé. L’aventure est possible pourtant, en témoignent bon nombre d’innovations en santé provenant des universités qui ont ensuite été diffusées à l’industrie. Aussi, l’industrie pharmaceutique connaissant une baisse de sa productivité en matière de recherche et développement, la situation est favorable en ce moment à l’entrepreneuriat en santé issu des chercheurs universitaires. S’ouvrent alors les discussions sur la troisième mission des universités : les partenariats et le transfert de connaissances dans l’écosystème socioéconomique.

De chercheurs à entrepreneurs

Les chercheurs en santé sont maintenant perçus comme des agents de développement économique et social, surtout lorsqu’ils utilisent la synergie entre leurs rôles de scientifiques et celui de principaux utilisateurs d’innovations. Leur première motivation vient du sens donné à leur travail, du sentiment de contribuer à la société et de faire une différence. On note aussi d'être au sein d'un réseau de chercheurs, et plus spécifiquement avec une dimension internationale augmentent leur propension entrepreneuriale. Cet accès aux connaissances, aux compétences et aux ressources intensifie la perception de faisabilité d’un tel projet.   

Un même individu peut démontrer différents niveaux d’engagement entrepreneurial selon les mécanismes de support disponibles dans son université et les spécificités de ses projets de recherche, dont leur financement. Ses projets peuvent l’amener successivement à collaborer avec des entreprises, puis à devenir conseiller scientifique sur des comités-conseils des entreprises et même éventuellement à participer à la création d’une entreprise.

Les connaissances préalables sur les technologies, les besoins du marché, les caractéristiques de ceux qui feront l’acquisition du « produit », les fournisseurs potentiels et les compétiteurs permettent la reconnaissance d’opportunités d’affaires en santé, ce qui influence subséquemment les choix technologiques et entrepreneuriaux.

Le rôle des universités

Pour accroître le potentiel commercial des recherches universitaires, les découvertes doivent se rapprocher de produits commerciaux viables afin de les rendre plus attractifs et de faciliter leur transition vers l’industrie. À l’interne, l’université peut favoriser des liens entre les sciences et l’ingénierie, et avec la gestion. Des ateliers sur la gestion d'équipes, le développement de nouveaux produits et la propriété intellectuelle peuvent être offerts.

L’obtention de fonds pour franchir les jalons vers un produit commercialisable est hautement concurrentiel. Lorsque les chercheurs sont partiellement financés par leur université, ils ont une plus grande disposition à générer des brevets originaux. Ils se tournent ainsi davantage vers des collaborations avec le secteur privé. Cela met les enjeux de la protection de la propriété intellectuelle à l’avant-plan et complique cependant de tels partenariats. Les universités jouent alors le rôle d’intermédiaire pour favoriser les mises en contact et faciliter l’élaboration d’ententes.
Le prestige de l’université envoie un signal de qualité d’autant plus important lorsque la réputation du chercheur reste à bâtir. Par leur réseau, notamment à l’international, les universités favorisent le rayonnement de leurs chercheurs, la valorisation de leurs propriétés intellectuelles, la commercialisation plus rapide de leurs technologies dans le marché global et incidemment, le succès des entreprises qu’ils démarrent.

Par leur réseau, notamment à l’international, les universités favorisent le rayonnement de leurs chercheurs, la valorisation de leurs propriétés intellectuelles, la commercialisation plus rapide de leurs technologies dans le marché global et incidemment, le succès des entreprises qu’ils démarrent.

Les ressources humaines universitaires sont réputées pour être plus dynamiques et mobiles que dans le secteur privé. De fait, les universités reconnues pour leur entrepreneuriat académique en santé organisent régulièrement des activités de mises en contact des chercheurs avec d’autres parties prenantes de l’industrie : des associations de patients et de médecins, des agences réglementaires, des compagnies d’assurance, des gestionnaires de politiques publiques, des fournisseurs, des entreprises, des organismes de financement, etc. Certains bureaux de transfert déploient même des stratégies de partenariat avec des sociétés de capitaux de risque dédiées aux entreprises en préamorçage.

Cependant, les mécanismes pour favoriser les interactions avec l’environnement socioéconomique pourraient être renforcés. Des compétences réglementaires, fiscales, communicationnelles, notamment sur le plan de la narration et du charisme sont nécessaires au sein des universités pour convaincre les partenaires privés.

L’émergence d’une entreprise

En santé, les entreprises essaimées des universités évaluent d’abord si les risques cliniques peuvent être convertis en occasion d’affaires. Elles tendent à aligner leur modèle et leurs stratégies avec les objectifs des politiques publiques. Elles peuvent ainsi mobiliser les participants de l’écosystème pour surmonter leurs contraintes en matière de ressources, car ces personnes sont plus enclines à s’impliquer en raison des directives ministérielles.  

La force du réseau de l’équipe fondatrice permet de combiner différentes alliances pour combler leurs besoins en termes de connaissances et de ressources tout au long de la chaîne de valeur, soit pour les activités créatrices de valeur menant à leur avantage concurrentiel.

La force du réseau de l’équipe fondatrice permet de combiner différentes alliances pour combler leurs besoins en termes de connaissances et de ressources tout au long de la chaîne de valeur, soit pour les activités créatrices de valeur menant à leur avantage concurrentiel.

Les jeunes entreprises situées dans des pays comme le Canada dont le marché domestique est restreint ont trois fois plus de probabilités de former des partenariats internationaux. Un portefeuille de propriété intellectuelle, un financement initial par du capital de risque indépendant, puis du capital de risque corporatif favoriseront la diffusion des innovations, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Tout ce financement est critique pour effectuer au moins les premières étapes des études cliniques. La découverte aura ainsi une plus grande valeur lors de la vente de sa licence à une entreprise privée. En effet, en biopharmaceutique, il faut compter au minimum 10 ans et 800 millions d’investissement de la conception à l’approbation d’un médicament par l’organisme réglementaire de chacun des marchés visés. Finalement, des investissements supplémentaires seront évidemment nécessaires pour la commercialisation.

Le rôle central de l’écosystème

Bien que le secteur de la santé soit une industrie globalisée, des différences institutionnelles majeures dans les systèmes de soins de santé d’un pays à l’autre, particulièrement en matière légale et réglementaire, ralentissent la commercialisation des innovations. Ce processus est d’autant plus long, complexe et coûteux, lorsque de nouvelles pratiques doivent être adoptées. En effet, au-delà du financement, la lenteur de la mise en marché repose sur le flou de la réglementation et des politiques gouvernementales encadrant l’achat des innovations. Les organisations de la santé du secteur public hésitent donc à acheter. C’est là où la promotion d’une culture d’innovation dans les organisations de santé prend tout son sens. Lorsque les professionnels de la santé participent au développement d’une innovation en amont, la probabilité d'une adoption augmente. De plus, les professionnels bénéficient d’un gain social, car les nouvelles compétences développées peuvent être transmises à leurs collègues faisant d’eux des utilisateurs exemplaires.

Les entreprises en santé tendent à émerger dans des régions dont la base scientifique sous-jacente est historiquement ancrée et reconnue. Par exemple, à Oslo en Norvège, l’hôpital était réputé pour son expertise en oncologie. Constatant qu’un pôle d’entreprises s’était naturellement formé autour de l’hôpital, le directeur de la fondation de l’hôpital et le recteur de l’université locale se sont unis pour capitaliser sur cette force régionale. Ils ont multiplié les collaborations entre les chercheurs et l’industrie à l’échelle locale, puis internationale et favorisé la commercialisation des technologies développées. Aujourd’hui, ce pôle couvre l’ensemble de la chaîne de valeur en oncologie.

Même aujourd’hui, alors que les technologies facilitent les communications internationales, davantage d’accords de licences sont conclus entre les entreprises d’une même région en raison de la proximité et des interactions sociales.

La qualité de l’environnement régional d’une université et la fréquence des contacts personnels entre les chercheurs universitaires et les industriels influencent sa capacité à commercialiser les résultats de la recherche scientifique. Aussi, une bonne relation des utilisateurs des innovations en santé et de bonnes connaissances de leurs besoins permettent aux entreprises de développer des « produits » plus utiles. Pour leur part, les sociétés de capital de risque s’installent dans des écosystèmes forts avec une masse critique d’entreprises. Elles tendent à investir localement pour surveiller leurs investissements et pour apporter une assistance aux entreprises financées. Un tel environnement attire à son tour de nouvelles entreprises qui s’établissent près des sources de connaissances et de financement. Même aujourd’hui, alors que les technologies facilitent les communications internationales, davantage d’accords de licences sont conclus entre les entreprises d’une même région en raison de la proximité et des interactions sociales.

Bref, un solide écosystème d’entrepreneuriat en santé repose sur une science publique solide, un système de brevets établi qui influence le modèle d’affaires et des collaborations régulières entre les acteurs. Les universités y jouent un rôle clé dans la diffusion de la connaissance et dans l’organisation d’activités favorisant les rencontres entre les parties prenantes, remplissant ainsi leur mission d’impact social. La combinaison de l’ensemble de ces conditions favorise l’entrepreneuriat par le démarrage d’entreprises à succès au sein d’un pôle d’expertise dont la masse critique attire les sociétés de financement, contribuant à leur tour à l’écosystème.


  • Sophie Veilleux
    Université Laval

    Sophie Veilleux est professeure agrégée d’entrepreneuriat technologique et international à l'Université Laval. Après avoir travaillé en consultation en démarrage d’entreprises technologiques, en internationalisation et en développement économique, elle mène maintenant des recherches sur le terrain pour approfondir ces thématiques. Elle s’intéresse au processus de développement technologique université-industrie, à leur valorisation par la création d’entreprises jusqu’à leur croissance sur les marchés étrangers.

     

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