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Sylvie Tétreault et autres, Université Laval
Un chercheur en sciences sociales ou en santé part souvent en quête de « sujets » à sonder, à questionner, à évaluer. Or, ce recrutement n’est pas toujours chose aisée. L’existence de réseaux regroupant des millions d’individus, voire près d’un milliard pour le plus célèbre d’entre eux, ne peut alors qu’intéresser le chercheur-recruteur.

Comme chercheur, il importe de considérer les opportunités de ce vaste réseau qu’est Facebook, que ce soit pour recueillir des opinions, tester un outil de mesure en ligne, recruter des populations parfois difficiles à atteindre ou répondre à tout autre besoin d’interactions. De plus, les services de réseautage offrent aux chercheurs des occasions singulières de raffiner leur compréhension de phénomènes comportementaux ou d'évènements sociaux.

Contexte de l’étude

Nous avons récemment utilisé le réseau Facebook afin d'évaluer différentes propositions ayant comme but de soutenir les familles québécoises qui vivent avec un enfant handicapé. Il s’agissait de prioriser des solutions durables, novatrices et applicables au contexte de cette province. Pour cela, nous avons procédé à une vaste consultation populaire à travers 20 forums communautaires. Nous étions conscients que certaines personnes visées ne pourraient être présentes à ces rencontres. C’est ainsi que l’utilisation d’un groupe Facebook fut envisagée non seulement pour le recrutement, mais aussi pour augmenter la participation aux échanges d’idées.

Pour valider la création de ce groupe Facebook, nous nous sommes adressés au Comité d’éthique de la recherche. Il a été question, entre autres, du  choix d’un moyen pour s’assurer du consentement des participants et pour vérifier leur compréhension des objectifs de la recherche, de même que de l’utilisation des données recueillies. Il a fallu aussi préciser comment nous allions assurer la confidentialité de l’identité des membres.

Le recrutement, un enjeu majeur

Le groupe Facebook nommé Stratégies de soutien aux familles vivant avec un enfant handicapé a été conçu pour rejoindre les parents, intervenants, gestionnaires et citoyens intéressés par la question de ce soutien. Ces personnes ont été invitées à se joindre au groupe au moyen de courriels et de la publicité faite à l'occasion des 20 forums communautaires. Les associations et institutions du secteur concerné ont été les principaux agents de promotion.

Pour notre recherche, 38 personnes ont accédé au statut de membre, neuf mois après l’ouverture du groupe Facebook. Ce nombre est acceptable, considérant le fait qu’environ 200 personnes ont participé aux forums communautaires à travers le Québec.

Place aux échanges

Grâce à Facebook, les 38 membres ont pu réagir librement en s’exprimant sur le mur du groupe. Après s’être identifiés, ils pouvaient lire les opinions partagées par les participants et, à leur tour, faire part de leur avis. Considérant la nature personnelle des échanges, nous nous étions bien assurés, comme chercheurs, du respect de la confidentialité et du consentement des membres, en distribuant un feuillet portant sur ces aspects.

Le groupe est demeuré fermé : les autres utilisateurs Facebook intéressés à prendre connaissance du contenu devaient d’abord devenir membres. La liste des membres était publique, mais le contenu demeurait privé. En fait, la gestion du risque s’effectuait par autorégulation. Si une tentative d’abus était signalée, l’accès de l’individu pouvait être bloqué, ce qui mettait un terme immédiat au harcèlement potentiel. L’administrateur (le chercheur) pouvait supprimer les commentaires jugés désobligeants ou offensants.

Pour cette étude, un animateur (membre de l’équipe de chercheurs) a stimulé la discussion en posant une ou deux questions par semaine sur le mur, pendant un an. De façon à faciliter les contributions, des choix de réponses étaient proposés.

«L’application Question a permis d’aller chercher les avis des personnes moins actives au sein du groupe».

Comme souvent dans les groupes de discussion virtuelles, la participation était variable. Quelques membres ont contribué activement en répondant longuement et en donnant leur opinion à chaque occasion. Le partage d’expériences très personnelles caractérisait plusieurs interventions.

D’autres personnes ont apporté ponctuellement quelques idées en lien avec les thèmes proposés, mais elles étaient moins portées à dévoiler leur vécu. Par ailleurs, l’application Question, qui ne requiert qu’un clic sur l’énoncé se rapprochant le plus de l’opinion du répondant, a permis d’aller chercher les avis des personnes moins actives au sein du groupe.

Une expérience plutôt positive...

Il est clair que toute recherche peut bénéficier de cette forme de consultation à l'aide des réseaux sociaux numériques. C’est un moyen abordable et accessible, permettant d’augmenter la participation de populations difficiles à rejoindre en raison de l’isolement tant social que géographique . À ce propos, les participants de notre étude ont divulgué plus d’informations avec Facebook que dans le cadre des entrevues, et ceci en raison de l’anonymat. Ainsi, ce réseau permet de recueillir davantage d’opinions personnelles et le biais de désirabilité sociale est atténué.

«Les participants de notre étude ont divulgué plus d’informations avec Facebook que dans le cadre des entrevues, et ceci en raison de l’anonymat».

Mais pour être efficace, il faut y mettre le temps! Un animateur de « communauté » doit être disponible semaine après semaine pour stimuler la discussion. Ses rétroactions doivent amener les membres à approfondir leur réflexion et les échanges. Il faut également faire des efforts soutenus pour que l’invitation à ce groupe Facebook rejoigne bien les personnes ciblées par la recherche.

...et un avenir certain pour la recherche

L’utilisation des réseaux sociaux virtuels peut prendre diverses formes en recherche. On commence à peine cette exploration.

Les participants peuvent être consultés, par exemple, de façon synchrone ou non, par l’utilisation des applications de clavardage ou par la création de groupes que proposent plusieurs réseaux, dont Facebook et MySpace . Une recherche qualitative peut ainsi être réalisée à partir d’une consultation en ligne.

En somme, l’usage des réseaux sociaux permet de documenter rapidement les changements sociaux . Les membres peuvent être interrogés, faire circuler l’information et échanger avec d’autres individus. Un autre exemple des possibilités de ce média est illustré par l’historienne Vanessa Moriset (2013) dans son article « Rendez-vous sur Facebook : Foundland et la guerre électronique syrienne  ».

Dans le cadre d’une recherche-action, des réseaux d’entraide peuvent également être créés pour partager des expériences ainsi que des solutions. L’utilisation des réseaux sociaux virtuels ouvre des avenues prometteuses. Ils rendent possible le contact direct avec la population et réduisent les contraintes de temps, de lieu ou de matériel.


  • Sylvie Tétreault et autres
    Université Laval

    Sylvie Tétreault, Université Laval, Faculté de médecine, Département de réadaptation. Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale – CIRRIS.

    Pauline Beaupré, Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale – CIRRISUQAR, Campus de Lévis, Département des sciences de l’éducation.

    Pascale Marier Deschênes, Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale – CIRRIS.

    Ariane Langlois, Université Laval, Faculté de médecine, Département de réadaptation.

    Hubert Gascon, Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale – CIRRISUQAR, Campus de Lévis, Département des sciences de l’éducation. Équipe de recherche en innovation et soutien transdisciplinaire – ERIST.

    Normand Boucher, Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale – CIRRIS.

    Monique Carrière, Université Laval, Faculté de médecine, Département de réadaptation.

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