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Louis Berlinguet, 1926-2018
Louis Berlinguet, 1926-2018. Source : Prix du Québec.

Introduction

Carrière
La carrière de Louis Berlinguet est un parcours au cœur même des relations entre recherche et politique. On le rencontre d’abord du côté de la recherche, comme professeur-chercheur de biochimie pendant 19 ans (1950-1969). Puis du côté du politique, où pendant plus de 40 ans, il agira comme développeur, conseiller et administrateur d’institutions de recherche (1969-2006). Il est d’un nombre impressionnant de premières qui jalonne la modernisation du système de recherche québécois et canadien au 20e siècle.

Caractère
Un mot sur le caractère. Cette synthèse de génétique, de personnalité, de culture, de valeurs. Les collectivités dépendent de ces caractères comme des conjonctures. Louis Berlinguet était un bâtisseur à la nature chaleureuse et collégiale. Ceux qui l’ont connu disaient qu’il  « savait faire arriver les affaires ». Très vif pour saisir les questions comme pour y réagir, pour faire des liens entre des personnes, des idées, des opportunités. « Un efficace tacticien des relations intersectorielles, interdisciplinaires et interpersonnelles. »1.

Chronologie commentée
Cette forme semblait appropriée pour rendre compte d’une carrière foisonnante sans aligner au cordeau une longue suite de faits et de dates. Avouant un faible pour les chronologies commentées des écrivains traités à la « une » du Magazine littéraire, c’était une belle occasion de s’y exercer.

 

Chronologie

1702 : Les ancêtres Berlinguet débarquent en Amérique2

1880 : Famille, entre Trois-Rivières et Berthier

  • Thomas Berlinguet (1855-1957), le grand-père paternel, ingénieur et arpenteur, s’installe à Trois-Rivières en 1880. Premier ingénieur du district de Trois-Rivières, il réalise des études sur les ports de Québec et de Trois-Rivières. Retraité du gouvernement en 1915, il se donnera comme tâche de « mesurer » la Mauricie. Le petit Louis l’assiste dans ses travaux d’arpentage en transportant théodolite, trépied et bornes3 . Le grand-père Berlinguet prend sa retraite à 98 ans.
  • Le père de Louis Berlinguet, Maurice Berlinguet (1900-1987) fait son cours classique au séminaire de Trois-Rivières. Rigoureux et bilingue, il fera carrière dans les usines de papier à Grand-Mère, puis à Trois-Rivières, à la Canadian International Paper (CIP), la plus « grosse » de l’époque4
  • Sa mère, Ninette Daviault (1902-1997), est issue d’une famille de Berthier, propriétaire d’un magasin général. Louis sera très attaché à sa grand-mère maternelle qui consolait les chagrins, inspirait par ses récits de voyage européens et américains, réunissait la famille dans la grande demeure victorienne. Les quatre heures de bicyclette n’étaient pas un obstacle pour lui rendre visite5 .

1920 : Nouvelles institutions d'enseignement et de recherche

  • Ouverture de la Faculté des sciences de l'Université de Montréal, de l’École supérieure de chimie de l’Université Laval  et création des bourses d'études à l'étranger du gouvernement québécois.

1923 : Le 15 juin, rencontre de fondation de l’Acfas, dans le Quartier latin, à Montréal.

1926 : Naissance de Louis Berlinguet le 20 juin, premier enfant d’une famille de cinq.

1932-1938 : Écolier au Jardin de l’enfance

  • Il fréquente de 6 à 12 ans le Jardin de l’enfance de Trois-Rivières, une école privée pour les enfants de la bourgeoisie, tenue par Les filles de Jésus, des religieuses françaises.

1938-1943 : Élève à l'Académie de la Salle

  • Un cours classique au séminaire de Trois-Rivières serait ici la suite attendue. On retrouve plutôt Louis à l’Académie de la Salle, une école publique tenue par les Frères des écoles chrétiennes, la congrégation de Marie-Victorin. Il apprécie l’enseignement qu'on y offre. En 12e année, il choisit, entre l'option commerciale ou scientifique, cette dernière, pour obtenir son diplôme de primaire supérieur. 6. Pour ces « primaires supérieurs », seules les études de sciences et génie étaient accessibles, « les facultés sérieuses, comme le droit, la médecine, la philosophie, la théologie et les lettres, leur étaient fermées »7 .  

1943-1947 : Bachelier à l’Université de Montréal

  • Il est le premier diplômé de l’Académie de la Salle admis à l’Université de Montréal8.
  • Un matin de septembre 1943, le jeune homme de 17 ans ne se rend pas au Quartier latin pour ses premiers cours, comme les premières générations de l’institution, mais sur la montagne dans le tout nouveau bâtiment conçu par l’architecte Ernest Cormier, dont la tour de 22 étages surplombe la ville. Ce pavillon porte depuis 2003 le nom de Roger Gaudry, premier recteur laïc de l'Université, et directeur de thèse de Louis Berlinguet.
  • Pendant quatre ans, il y effectue un baccalauréat en sciences, spécialisation biochimie, sous la gouverne des Léon Lortie, Abel Gauthier, Roger Barré et Marcel Rinfret9 .

1947-1950 : Doctorat à l’Université Laval

  • « On m'a dit, Berlinguet, allez-vous-en de Montréal, on vous a donné pendant quatre ans ce que l'on pouvait vous donner », raconte Louis Berlinguet lors d'un entretien avec Yves Gingras en 199210 [l'entretien audio est ici disponible]. On lui conseille d’aller à Toronto ou aux États-Unis. Mais en feuilletant le Canadian Journal of Chemistry, il repère un contributeur régulier, le biochimiste Roger Gaudry, Ph.D. d’Oxford, professeur et directeur du Département de biochimie de l'Université Laval depuis sa création en 1940 – département loti à la Faculté de médecine. Le laboratoire de Berlinguet voisinera celui de son directeur, favorisant les échanges. Et ses expériences testeront la vétusté des lieux quand il inondera les bureaux du vice-recteur, Mgr Alphonse-Marie Parent11. Sa thèse en chimie organique sur la synthèse des acides aminés s’intitule Contribution à l’étude de la synthèse de la DL-Proline.

1950 : État de la biologie moléculaire.

  • « Il faut se rappeler que c’était alors une époque charnière. En effet, quand Louis Berlinguet complète son doctorat, en 1950, la biologie moléculaire n’est pas encore née. C’est tout récemment qu’on venait de démontrer que les protéines ne sont pas le vecteur de l’hérédité comme on l’avait pensé, mais l’ADN. Jusque-là, on avait cru que l’ADN avec ses 4 bases était une structure trop monotone, trop simple, pour rendre compte de la diversité des organismes, de leurs variations et de la complexité inouïe des mécanismes de leur développement; les protéines avec leur vingtaine d’acides aminés – l’objet des travaux de Louis Berlinguet – étaient apparues jusque-là comme des candidates beaucoup plus plausibles. C’est trois ans après sa thèse que Francis Crick et James Watson, en 1953, établiront la structure en double hélice de l’ADN. Sa carrière proprement scientifique  aura donc débuté presque en même que la naissance de la biologie moléculaire, et elle s’achèvera vers 1970, deux ans avant que la découverte des enzymes de restriction n'ouvre la porte aux manipulations génétiques et aux biotechnologies »12.

1950-1969 : Professeur-chercheur à l’Université Laval

  • À la fin de sa thèse et au début de son parcours d'enseignement, il complète sa formation en recherche, d'abord aux États-Unis : chez Kodak pour s’initier à la chromatographie de partition (1949), au Département de chimie de l’Université de Chicago (1950) et au National Cancer Institute de Bethesda (1951). Ensuite en Angleterre, au National Institute for Medical Research (1952)13.
  • Jeune enseignant à la Faculté de médecine, on peut l’imaginer devant une centaine d’aspirants médecins « fraîchement émoulus du cours classique », à qui il annonce qu’il va leur « enseigner la vie par la biochimie »14 .
  • Il se crée « rapidement une réputation de grand professeur, de pédagogue soucieux, et capable, de rendre la biochimie intelligible »15 . De nombreux étudiant-e-s, dont les Jean Rochon et Fernand Labrie, se pointaient le samedi matin en catimini, pour se faire expliquer la matière que d’autres professeurs moins doués ont rendue ennuyeuse, ou pire, totalement opaque15 . « Au laboratoire, Louis Berlinguet se promenait autour de nous. Il venait s’asseoir à côté de moi. On jasait brièvement de biochimie, et puis de tout et de rien », raconte Jean Rochon16 . Le biochimiste était bien intrigué par cet étudiant initialement formé en droit, et qui avait bifurqué vers la médecine.
  • Au début de sa carrière, la recherche n’est pas si courante dans les universités. « Mais déjà, Louis Berlinguet appartenait au groupe encore restreint des professeurs qui se définissaient indissolublement comme enseignants et comme chercheurs »12 . En 1960-1961, selon le Rapport annuel de l’Université Laval, cinq des projets de recherches du Département de biochimie de la Faculté de médecine sont menés ou codirigés par Louis Berlinguet17. En 1963, il devient directeur du département, et quatre ans plus tard vice-doyen à la recherche de la Faculté, sans être médecin...
  • Il s’implique aussi hors de la Faculté, avec des collègues des sciences sociales. C’est au temps des Guy Rocher, Yves Martin et Fernand Dumont, dont il appréciait l’expertise.
  • Il sera le troisième président de l’Association des professeurs de l’Université Laval.
  • « Quand j’ai quitté l’enseignement, je ne me suis pas ennuyé du travail en laboratoire. Je me suis ennuyé des étudiants », dira-t-il18.

1955-1967 : Membre du conseil d’administration du Conseil national de recherche du Canada (1955-1967)

1957 : Inauguration du pavillon Landry, abritant la Faculté de médecine, au nouveau campus de l’Université Laval à Sainte-Foy. Ce sera là que désormais Louis Berlinguet enseignera.

1962 : Apparition du terme « politique scientifique »

  • L’expression « politique scientifique » serait apparue pour la première fois au Québec en 1962 dans le mémoire de l’Acfas à la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la Province de Québec (commission Parent)19.

1965 : Conseiller scientifique pour le rapport Lacroix

  • Un de ses premiers engagements de conseiller scientifique. Il assiste le juge Gérard Lacroix dans un mandat confié à ce dernier par le gouvernement Lesage : réaliser une étude sur l’état de la chiropratique et de l’ostéopathie au Canada, deux disciplines alors en développement.

1967, janvier : Loi instituant les cégeps

  • En janvier 1967, le projet de loi20 instituant les cégeps reçoit l’appui de tous les députés. Le 18 septembre 1967, douze établissements ouvrent leurs portes. Trois ans plus tard, le nombre de collégien-ne-s passait de 18 541 à 70 385.

1967, automne : Membre du Comité pour développer un réseau universitaire

  • Un comité se forme au ministère de l’Éducation, car la demande étudiante issue des nouveaux collèges va se répercuter sur les universités. Il faut donc aussi développer l’offre universitaire publique. Le haut fonctionnaire Pierre Martin21 qui avait rédigé le mémoire et la loi constituant les cégeps en sera, et Louis Berlinguet aussi. C’est une structure fédérative, sur le modèle californien que Pierre Martin connaissait bien, qui est retenue : un siège social et des unités constituantes semi-autonomes réparties sur le territoire22.

1969-70 : Président de l’Acfas

  • Louis Berlinguet devient président de l'Acfas en 1969. Il avait présenté ses travaux au congrès annuel dès sa première année de doctorat en 1947. « À peine élu [président], à l’Assemblée générale de novembre 1969, Louis Berlinguet annonce qu’il faut démocratiser l’Acfas et "penser à l’élément scientifique féminin" »23. En 1970, Lise Nicole, qu’il a dirigée au doctorat, devient la première femme à prendre part au CA.
  • Il tient aussi à ce que l'Acfas s'attarde à la responsabilité des scientifiques dans la société24.  Au Congrès de 1970, tenu du 15 au 17 octobre à l’Université Laval, il interrompt son discours pour annoncer la mort du ministre Pierre Laporte25 .

1969-1976 : Vice-président à la recherche du réseau de l’Université du Québec  

  • Automne 1968 :  Le rapport de recherche sur le développement d'un réseau universitaire, rédigé par Pierre Martin, est déposé à l'automne et dès décembre, le projet de loi 88 sur l’Université du Québec est adoptée26.
  • Année 1969 :  Huit mois seulement pour créer plusieurs établissements avec tous les cycles, recherche incluse. Le quartier général est établi au Claridge, un édifice à logements dans le Vieux-Québec27. De là, « on prenait la route pour rencontrer des candidats au rectorat »28. Recteurs, vice-recteurs, professeurs, personnel de soutien, il faut peupler en moins d’un an toutes ces institutions. En recrutant au Québec, d’abord. On débauche parfois, tel un Pierre Dansereau, soutiré à l’Université de Montréal pour venir enseigner la biologie à l’Université du Québec à Montréal (Louis Berlinguet avait été l’un de ses étudiants lors de son baccalauréat à l’Université de Montréal29 ). Il faut aussi dénicher des locaux, souvent d’anciens collèges ou couvents, valider les programmes d’études, etc. « Nous avons travaillé nuit et jour. »27.
  • Automne 1969 : L'Université du Québec ouvre ses portes à Chicoutimi, Montréal, Trois-Rivières et Rimouski.
  • L’UQAT suivra en 1970 et l’UQO en 1971. Puis l'ÉNAP, l'INRS, l'ÉTS.

1969 : Parmi les fondateurs de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS)

  • 1969 : Comme vice-président à la recherche du réseau de l’Université du Québec, Louis Berlinguet doit trouver des laboratoires adéquats et « des chercheurs dignes de diriger les équipes de recherche, et ce, dès l’ouverture »30. Son défi est de doter ces nouvelles universités de véritables centres de recherche.
  • En cette année où l’on doit monter de toutes pièces quelques universités, la recherche, sans surprise, n’est pas la priorité. Les locaux convenables ne sont pas disponibles à court terme, il y a peu de candidat-e-s détenant un doctorat, et bâtir une équipe de recherche efficace, productive et reconnue nécessite au moins une décennie, estime-il30. Mais il s’entête, pour ne pas « condamner » le réseau à l’enseignement. Un institut de recherche scientifique, comme l’une des constituantes de l’UQ, sera l'une des solutions à court terme.
  • Décembre 1969 : un projet de loi est accepté par le gouvernement, qui, enthousiaste, coiffe l'établissement d’un national. L’approche sera thématique plutôt que disciplinaire et répondra aux besoins du Québec d'alors : eau, énergie, télécommunications et études urbaines31.

1970-1976 : Premier président du conseil d’administration de l’INRS

  • En janvier 1970, le premier conseil d’administration de l’INRS se réunit sous la présidence de Louis Berlinguet. Le réseau de l'UQ sera enrichi très rapidement d’une offre de deuxième et troisième cycles. Cela ne sera pas sans irriter les universités où la recherche est déjà bien installée. Et on verra un Louis Berlinguet exaspéré, représentant alors l’UQ à une conférence des recteur-trice-s, partir en claquant la porte32.
  • Il jouera, par la suite, un rôle important dans l’intégration en 197533 de l’Institut Armand-Frappier au réseau de l’UQ17.

1970-1979 : Membre du conseil d'administration (1970), puis vice-président sénior (1976) du Centre de recherche pour le développement international du Canada (CRDI)

  • Dès sa création du CRDI en 1970, Louis Berlinguet rejoint l'organisme. Ce projet est lancé et présidé par Lester B. Pearson. L’ex-premier ministre canadien lui offre le poste de vice-président du Conseil des gouverneurs du Centre. Il s’en étonne vu son manque d’expertise dans le domaine. « Louis, please. Do me a favor », de dire Pearson. Louis Berlinguet raconte qu'il s’est mis à rire, faisant part qu’il comprenait qu’un Québécois permettrait de faire bonne figure. Pearson « a  acquiescé en souriant et m’a tendu la main. Puis nous nous sommes rendus à la réunion, chacun dans sa limousine surmontée d’un drapeau canadien. »34.
  • En 1976, il accepte le mandat de vice-président sénior. Un travail à temps plein, sur le terrain, une « vie intense de porteur de valises et de passager "au long cours" ».

1975-78 : Président du Conseil de la politique scientifique du Québec

  • Octobre 1971. Lors du banquet de clôture du congrès annuel de l’Acfas, le ministre de l’Éducation, Guy Saint-Pierre, annonce la création de ce Conseil que réclamait l’Acfas depuis une dizaine d’années. Après Lionel Boulet (1919-1996), Louis Berlinguet devient son deuxième président en 1975. Il donnera sa démission trois ans plus tard, « renonçant à œuvrer au sein d’un organisme qui était si peu considéré par son propre ministère et dont les ressources étaient trop limitées pour réaliser son mandat d’élaboration de politiques scientifiques »35 .
  • Le Conseil va par la suite « passer trois années en état de demi-sommeil (1978-1980) »36 .

1980-83 : Conseiller scientifique à l’Ambassade du Canada à Paris

  • Dès son entrée en fonction, Louis Berlinguet est confronté au peu d’intérêt réservé au secteur scientifique par rapport au militaire, à l’économique et au culturel. Aguerri, il réussit rapidement à s’extraire du sous-sol, littéralement, où on l’avait confiné avec une demi-secrétaire. Son travail oscille entre développement de coopérations diverses, aide aux ressortissants, et réceptions, où on l’avait formé à se méfier des espions. Parmi ses principaux dossiers se trouvent ceux du réacteur nucléaire CANDU (Canada Deuterium Uranium), de l’Agence Spatiale Européenne et des nouvelles technologies. Dans ce dernier domaine, il croisera Jean-Jacques Servan-Schreiber, alors président du nouveau Centre Mondial Informatique et ressource Humaine (CMIRH)37.

1981 : Auteur d'un article dans Science : « Science and Technology for Development »

  • Après neuf ans au CRDI, Louis Berlinguet partage ici sa vision du développement. L’article38 est structuré autour de l’idée des frontières que la recherche partage avec divers univers. « Pour éviter de devenir une île isolée ou une tour d'ivoire, la science doit agir à l’interface de nombreuses frontières qui incluent non seulement la connaissance, mais la technologie, donc la société, la politique et le développement. »
  • Sur la frontière du politique, il écrit que celle-ci, « à travers les mécanismes de financement de la recherche, a envahi ce qui était jusqu'à récemment notre liberté d'action presque totale. Bien que nous, en tant que scientifiques, ayons tendance à rester passifs, à ne réagir qu'à la défense des budgets, cette frontière se traverse dans les deux directions, et nous pourrions avoir de profonds effets, si nous sommes bien coordonnés dans nos actions. »
  • Quant à l’aide aux pays en développement, il rappelle que l’aide financière n’est pas la seule contribution d’importance. Sont à considérer « une collaboration active dans un projet commun; une participation intensive à la formation des jeunes scientifiques, à la diffusion de la recherche et des innovations technologiques; et une intensification des programmes de recherche orientée vers la solution des problèmes pertinents », pour les premiers concernés.

1983-85 : Premier conseiller scientifique et sous-ministre au ministère des Sciences et de la Technologie du Canada

  • Passant de la diplomatie internationale à la politique canadienne, il devient premier conseiller scientifique du Canada et sous-ministre au ministère des Sciences et de la Technologie à Ottawa. Pendant son mandat, il aura, sous Trudeau, à réduire le Ministère. Puis, en1984, sous Mulroney, on  le priera de doubler le personnel, pour un retour à la case départ...
  • Mais ce mandat sera aussi et surtout l’occasion d’une belle entente Québec-Canada. Le fédéral offrait alors des « fonds partagés » souvent utilisés pour les ponts et chaussées. Louis Berlinguet sera approché par Camille Limoges, sous-ministre aux Sciences et à la Technologie à Québec, et, sous leurs efforts communs, ce seront 100 millions qui iront « pour les sciences au Québec »39 .

1985-90 : Directeur général de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST)

  • La nomination de Louis Berlinguet comme directeur général coïncide avec le virage vers « la sécurité et la réadaptation des travailleurs » prise par l'Institut40. Se retrouvant à la tête d’un organisme qui fonctionnait bien, il écrit qu'il avait un peu l'impression d'être en vacances après son expérience ministérielle41 . Pendant son mandat, il aura à contrer le couperet de la commission Gobeil, sous le gouvernement Bourassa, chargée d’analyser la pertinence des organismes paragouvernementaux42

1990-97 : Président du Conseil de la science et de la technologie

  • En 1990, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Claude Ryan, l’invite « avec grande insistance », dira-t-il, à présider le Conseil. Il quitte donc l’IRSST pour tenter une deuxième fois de faire avancer les choses avec le Conseil. L'organisme est désormais pourvu d'un personnel scientifique permanent pour y réaliser des études, et Maurice Labbé, qui l'a précédé à la présidence, a fait du bon travail15. Si les avis du Conseil ne sont pas toujours pris en compte par le gouvernement, ils ont une influence extérieure notable comme documents de référence, source de données et d’analyses43
  • À l’hiver 1991, un premier avis est publié sous sa présidence, La science et la technologie : un enjeu prioritaire dans le débat sur l’avenir politique et constitutionnel du Québec44.
  • Dans le rapport annuel 1991-1992, Berlinguet écrit : « La compétition économique remplace la compétition armée, les blocs économiques se redéfinissent et se modifient ».  Il parle aussi de rendre « le système de la science plus efficace et plus rentable. »44
  • 1993 : Publication d'Urgence technologie : pour un Québec audacieux, compétitif et prospère. À travers cet avis, dans cette période suivant la chute du mur de Berlin, le Conseil dit souhaiter « voir émerger au Québec un consensus sur un modèle de société dynamique et compétitive, qui accepte les nouvelles règles du jeu international ».
  • Cette période sera aussi marquée « par l’affirmation accentuée de préoccupations, outre la recherche universitaire et la culture scientifique, pour le transfert des connaissances et de la technologie, et pour la recherche industrielle et l’innovation »7.
  • Le philosophe et historien des sciences, Camille Limoges, lui succèdera à la présidence du Conseil en 1997.

1993 : La loi 44 confirme les cégeps comme lieux de recherche

  • C’est en 1993 que se trouve confirmé par une loi ce qui était admis déjà dans la pratique : les cégeps comme lieu d’enseignement supérieur sont aussi des lieux de recherche45.

1994 : Président du Conseil consultatif sur l’autoroute de l’information (Parizeau)

  • En 1994, le Conseil de la science et de la technologie du Québec publie son rapport Miser sur le savoir : les nouvelles technologies de l’information. Son président, Louis Berlinguet, est invité par Jacques Parizeau, premier ministre, à présider le Comité consultatif sur l’autoroute de l’information. En juillet 1995, le Comité dépose Inforoute Québec : Plan d’action pour la mise en œuvre de l’autoroute de l’information, le « rapport Berlinguet ». Un « grand moment de prise de conscience et d’éducation collectives quant à la mondialisation des échanges d’information, au rôle clé des nouvelles technologies de l’information et des télécommunications dans la nouvelle économie, une économie du savoir et des communications », selon Camille Limoges46.

1995 : 3e lauréat du Prix du Québec Armand-Frappier

  • Il reçoit, après Lionel Boutet et Maurice L’Abbé, ce prix décerné « à une personne qui a mené une carrière en recherche et qui a contribué au développement d'une institution de recherche ou qui s’est consacrée à l'administration ou à la promotion de la recherche et qui, de ce fait, a su favoriser la relève scientifique et susciter l'intérêt de la population pour la science et la technologie »47.

1997-2004 : Président du CA du Centre de recherche en calcul appliqué (CERCA)

  • Motivé par les possibles rapprochements entre la recherche universitaire et l’industrie et par la mise en pratique de la théorie au service de la société, il accepte le poste. Ce centre de liaison et de transfert établi en 1992 n’aura cependant pas atteint les résultats souhaités en 2003. De bâtisseur, il se fera ici liquidateur : « Sûrement le pire boulot de ma carrière », écrit-il48.  

1997-2003 : Président du Comité innovation et transfert du Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO)

  • Le mandat « était de s’assurer du transfert des connaissances aux partenaires des différents projets ». À la conclusion de ce mandat, il avouera que « les problèmes scientifiques sont plus faciles à résoudre »49 que les questions sociales.

1999 : Centre des sciences

  • Mandat de conseil auprès de Claude Benoit, conceptrice et future directrice du Centre des sciences.

2000 : Conseiller du ministre Jean Rochon au nouveau ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie

  • Dans les premiers jours après sa nomination, le ministre Rochon reçoit « un gros dossier » : une somme de documents cumulée par Louis Berlinguet au cours de ses mandats. « J’en ai eu pour quelques jours à passer à travers, de raconter Jean Rochon. Je faisais mes classes sur le milieu de la recherche. J’ai retrouvé le professeur formidable que j’avais connu quelques décennies auparavant. J’ai beaucoup appris de lui et de Camille Limoges. »16
  • Camille Limoges, alors président du Conseil de la science et de la technologie, rejoindra l'équipe de Jean Rochon au poste de sous-ministre, et il prendra en charge le développement de la nouvelle politique scientifique, lancée en 2001, Savoir changer le monde : Politique québécoise de la science et de la technologie.

2001-2006 : Membre du conseil d'administration de Génome Québec

  • Il apportera ici sa dernière contribution de conseiller, et prendra sa retraite à 80 ans.

21 janvier 2018 : Décès de Louis Berlinguet

 

Références

  • Berlinguet, Louis (2008). Louis Berlinguet, parcours d'un scientifique engagé (propos recueillis par Jacynthe Harvey), ISBN: 978-2-9810698-0-1.
  • Berlinguet, Louis (1981).  « Science and technology for development », dans Science, vol. 213, no. 4512, 4 sept.
  • Conseil de la science et de la technologie (2002). 30 ans d’histoire, Gouvernement du Québec, ISBN : 2-550-39049-0
  • Corbo, Claude, et coll. (2018, 27 janvier). « Hommage à Louis Berlinguet (1926-2018) », dans Le Devoir.
  • Gingras, Yves (1994). Pour l'avancement des sciences : Histoire de l'Acfas 1923-1993, Éditions du Boréal.
  • Lebel, Johanne (2018, janvier). « Louis Berlinguet, le bâtisseur (1926-2018) », dans Magazine de l'Acfas.
  • Limoges, Camille (2006). Texte rendant hommage à la carrière de Louis Berlinguet.
  • Limoges, Camille (2021). Propos recueillis par Johanne Lebel.
  • Rochon, Jean (2021). Propos recueillis par Johanne Lebel.

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Commentaires

Luce Gauthier
Bonjour Mme Lebel, J'ai trouvé votre article sur Louis Berlinguet extrêmement intéressant. Pourriez-vous, s'il-vous-plaît, me donner la référence complète à ce qui est mentionné comme Berlinguet avec un numéro de page. Je vous remercie de votre attention, Luce Gauthier PhD(physique théorique,1973)