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Étant donné les avantages de tenir compte de la satisfaction dans le processus d’apprentissage, il nous paraît pertinent d’intégrer les réflexions didactiques autour de ce concept dans les planifications et les pratiques de l’enseignement des sciences et de la technologie (notre champ de recherche). Aussi, nous avançons que cette intégration serait aussi souhaitable à l’enseignement des autres matières.

De la déstabilisation à la satisfaction

La satisfaction exerce une influence positive sur les élèves. Elle est un bon prédicteur de la motivation à apprendre1. De plus, elle constitue un moyen de susciter le sentiment d’efficacité personnel2, mais aussi de favoriser la performance scolaire3. Par ailleurs, la satisfaction est considérée comme une condition nécessaire pour réussir le changement conceptuel, c’est-à-dire pour que les élèves transforment leurs conceptions d’objets d’apprentissage tels que les circuits électriques ou le cycle de l’eau. Enfin, et ce n’est pas la moindre des choses, elle contribue à diminuer les risques de décrochage scolaire4.

Étant donné les avantages de tenir compte de la satisfaction dans le processus d’apprentissage, il nous paraît pertinent d’intégrer les réflexions didactiques autour de ce concept dans les planifications et les pratiques de l’enseignement des sciences et de la technologie (notre champ de recherche). Aussi, nous avançons que cette intégration serait aussi souhaitable à l’enseignement de toutes autres matières.

Comme l’ont suggéré Posner et ses collègues (1982), il faut d’abord, pour soutenir le changement conceptuel chez l’élève, déstabiliser celui-ci dans sa pensée première en lien avec l’objet d’apprentissage. Ces auteurs suggèrent de lui proposer par la suite de nouvelles ressources compréhensibles, claires, accessibles, cohérentes, crédibles ou vraisemblables, fécondes, mais aussi… satisfaisantes5. En d’autres termes, l’élève doit ressentir un niveau de satisfaction par rapport aux ressources que l’enseignant·e lui propose. C’est ainsi qu’il considérera les nouveaux apprentissages (nouvelles conceptions) comme étant des outils d’interprétation ou de compréhension valables d’un phénomène scientifique ou du monde qui l’entoure. Ces apprentissages prendront alors une place dans son schéma conceptuel.

...pour soutenir le changement conceptuel chez l’élève, déstabiliser celui-ci dans sa pensée première [...] [et] proposer par la suite de nouvelles ressources compréhensibles, claires, accessibles, cohérentes, crédibles ou vraisemblables, fécondes, mais aussi... satisfaisantes.

La satisfaction au creux de la planification didactique

Le modèle Épistémique-Pragmatique-Relationnel (ÉPR) proposé par Vinatier (2009, 2013) et expliqué par Sy (2022) permet de décrire une pratique enseignante et d’accompagner un·e enseignant·e en formation dans la planification et l’analyse d’activités d’enseignement et d’apprentissage. Il s’appuie sur les aspects épistémiques (le savoir et sa progression), pragmatiques (la gestion du temps et de l’espace) et relationnels (les interactions entre les élèves et la personne enseignante, mais aussi entre les élèves).

On peut aussi employer ce modèle pour appuyer des aspects plus précis de la pratique enseignante, par exemple la mise en œuvre d’une activité de laboratoire. Il y a plusieurs manières dont l’élève peut éprouver de la satisfaction dans le contexte d’une activité d’apprentissage, et donc plusieurs manières de soutenir l’enseignant·e dans sa planification didactique, et ce, pour qu’il ou elle garde à l’esprit la satisfaction des élèves dans sa pratique quotidienne.

Tel qu’il est déployé ci-après, le modèle ÉPR porte surtout sur des aspects de la pratique enseignante, et moins sur le travail de l’élève. Nous illustrons nos propos autour de l’apprentissage d’un savoir réputé difficile, soit le concept d’Archimède.

D’un point de vue épistémique

L’élève rencontre souvent des difficultés de compréhension face au principe d’Archimède, un concept abstrait et complexe à expliquer. L’enseignant·e peut alors lui proposer une série d’expérimentations contextualisées l’invitant à s’engager cognitivement et à participer activement. Ici, l’élève peut manifester de la satisfaction s’il a un bon niveau d’engagement lors de la réalisation des tâches proposée, sans pour autant avoir trouvé la réponse attendue. Cet engagement peut s’exprimer, par exemple, par la participation à la recherche de solutions lors d’une démarche de résolution de problèmes.

Par ailleurs, l’élève peut aussi trouver une satisfaction dans l’accompagnement offert, en étant d’accord avec les manières dont l’enseignant·e répond à ses besoins ou difficultés – par exemple, grâce à l’explication, à travers différentes situations concrètes, de la relation qui existe entre le volume d’eau déplacé et la poussée verticale selon le principe d’Archimède.

Finalement, l’élève peut manifester un sentiment de plaisir induit par un objet de savoir particulier6 lors de la réalisation d’une tâche, par exemple une expérimentation sur la flottabilité des objets. Ce plaisir l’amène à s’engager, à participer activement à cette activité.

D’un point de vue pragmatique

Toujours avec notre cher Archimède, l’élève peut exprimer un niveau de satisfaction élevé par rapport aux expérimentations suggérées du point de vue de leur organisation matérielle et de leur déroulement, mais également quant à la gradation du niveau de difficulté des tâches. L’enseignant·e pourrait, par exemple, organiser celles-ci de cette manière : prise de données sur les variables affectant la flottabilité, modélisation du principe d’Archimède et, finalement, utilisation du principe dans la conception d’une maquette de bateau.

La satisfaction de l’élève peut aussi ressortir de l’organisation des activités d’évaluation. En fait, en considérant l’arrangement des tâches demandées, l’enseignant·e pourrait inclure des tâches d’évaluation, particulièrement d’autoévaluation, pour que l’élève se situe par rapport aux apprentissages souhaités. La cohérence entre les activités d’apprentissage proposées et les activités d’évaluation est une source de satisfaction à prendre en compte.

D’un point de vue relationnel

L’élève peut démontrer aussi un niveau de satisfaction quant à ses relations avec ses pairs et avec l’enseignant·e. Par exemple, lors d’expérimentations relatives au principe d’Archimède, si le climat de classe est tel que l’élève se sent en sécurité, il participera activement aux activités et exprimera ses difficultés sans craindre de « perdre la face »7. L’élève peut aussi tirer de la satisfaction de la gestion par l’enseignant·e des relations interpersonnelles dans un travail collaboratif, par exemple la répartition des responsabilités pour s’assurer de l’implication de chacun des membres d’une équipe.

Figure
Figure 1 : Résumé des déclinaisons de la satisfaction recensées ci-dessus au sein du modèle ÉPR.

Conclusion

Les enseignant·es de sciences et technologie ont tout intérêt à considérer sérieusement le fort potentiel du sentiment de satisfaction dans la construction d’un apprentissage, surtout lorsqu’on sait que leur référentiel de formation contient désormais la compétence « Soutenir le plaisir d’apprendre ». Cette nouvelle compétence les pousse, entre autres, à considérer la satisfaction procurée par le processus d’apprentissage8. Le succès de leurs tâches se mesure non seulement en termes de résultats sommatifs des élèves, mais aussi en termes d’expérience positive. Dans ce contexte, soutenir la satisfaction, c’est réfléchir au bien-être, à l’apprentissage des élèves et à la mise en place d’une ambiance propice au plaisir d’acquérir des connaissances ensemble.

Enfin, pour tisser un lien plus explicite avec le thème de ce dossier du Magazine de l’Acfas, il nous semble pertinent de prendre en compte de tels principes didactiques pour l’enseignement de toutes les matières. De plus, le modèle ÉPR pourrait s’appliquer à divers types de pratique professionnelle. On pourrait ainsi réfléchir aux manières dont pourraient se décliner la satisfaction de l’ingénieur·e ou de ses client·es, celle de l’agent·e de bureau ou de l’hygiéniste dentaire, pour ne donner que quelques exemples, en décomposant leur travail en ses aspects épistémiques, pragmatiques et relationnels.

Geographie der Pflanzen in den Tropen-Ländern, de Alexander von Humboldt
NDLR : Alexander Von Humbolt (1769-1859) a été le grand scientifique de son époque. Intéressé par tout, du micro au macro, il était satisfait quand il mettait en relation les différentes composantes de la planète Terre, des micro-organismes aux sociétés humaines, des montagnes aux océans. Le présente illustration a été réalisé par Alexander lui-même. Elle illustre magnifiquement un formidable appétit de connaitre. Extrait de l'illustration "Geographie der Pflanzen in den Tropen-Ländern", de Alexander von Humboldt. Source : Leibniz-Institut für Länderkunde, Leipzig - déposé dans Wikimedia Commons.
Références
  • Abdous, M. h. (2019). Well Begun Is Half Done: Using Online Orientation to Foster Online Students' Academic Self-Efficacy. Online Learning, 23(3), 161-187.
  • Hutabarat, R., Hutabarat, F., & Hutabarat, F. (2020). Factor analysis of students’ satisfaction with academic courses. HUMAN BEHAVIOUR, DEVELOPMENT and SOCIETY, 21(1), 78-84.
  • Klein, H. J., Noe, R. A., Wang, C., Klein, H. J., Noe, R. A., & Wang, C. (2006). Course Satisfaction Scale. Motivation to learn and course outcomes: The impact of delivery mode, learning goal orientation, and perceived barriers and enablers, 59(3), 665-702.
  • Ministère de l’Éducation. (2020). Référentiel de compétences professionnelles — Profession enseignante. Gouvernement du Québec. https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/education/publications-adm/devenir-enseignant/referentiel_competences_professionnelles_profession_enseignante.pdf
  • Posner, G. J., Strike, K. A., Hewson, P. W., & Gertzog, W. A. (1982). Toward a theory of conceptual change. Science education, 66(2), 211-227.
  • Sy, O. (2019). Effet des pratiques enseignantes effectives sur l’intérêt des élèves sénégalais du cycle moyen à l’égard des sciences et de la technologie. (Doctorat en éducation.) Université du Québec à Montréal, Montréal.
  • Sy, O. (2022). Le modèle Épistémique-Pragmatique-Relationnel (ÉPR) Un outil d’aide à la planification didactique et à l’accompagnement de (futurs) enseignants et des (futures) enseignantes. Spectre, 51 (3), 27-30.
  • Vasileva-Stojanovska, T., Malinovski, T., Vasileva, M., Jovevski, D., & Trajkovik, V. (2015). Impact of satisfaction, personality and learning style on educational outcomes in a blended learning environment. Learning and Individual Differences, 38, 127-135.
  • Vinatier, I. (2009). Pour une didactique professionnelle de l’enseignement. Rennes : P.U.R.
  • Vinatier, I. (2013). Le travail de l’enseignant. Une approche par la didactique professionnelle. (1 éd.). Bruxelles, Belgique : De Boeck.
  • 1Klein, Noe et Wang, 2006
  • 2Abdous, 2017
  • 3Vasileva-Stojanovska, Malinovski, Vasileva, Jovevski et Trajkovik, 2015
  • 4Entezari et Javdan, 2016
  • 5Posner et coll., 1982
  • 6Hasni et Potvin, 2015
  • 7 Sy, 2019
  • 8Ministère de l’Éducation, 2020

  • Gabriel Lecompte
    UQTR

    Gabriel Lecompte est assistant de recherche et étudiant au doctorat en éducation. Ses travaux se penchent sur divers aspects de la compétence du numérique dans le cadre de l’enseignement des sciences et de la technologie. Dans son projet de maîtrise, il s’est intéressé à la façon dont les élèves du secondaire jugent s’ils peuvent avoir confiance en une information scientifique offerte en ligne. Pour son doctorat, il vise à développer une situation d’apprentissage de la programmation informatique en S&T.

  • Ousmane Sy
    UQTR

    Ousmane Sy est professeur de didactique des sciences et de la technologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières depuis 2018. Il enseigne la didactique des sciences et de la technologie auprès d’étudiants et d’étudiantes en enseignement au primaire, au secondaire et en adaptation scolaire et il contribue à la formation de chercheurs et de chercheuses en éducation. Ses travaux de recherche portent principalement sur les pratiques effectives en enseignement des sciences et de la technologie (S&T) ainsi que sur les effets de celles-ci sur l’intérêt des élèves pour les S&T, sur le processus de changement conceptuel, sur la satisfaction des élèves à la suite d’une activité didactique en S&T.

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