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La recherche participative est l'approche de recherche privilégiée par ces autrices. À partir de leurs projets passés ou en cours, elles exposent les caractéristiques singulières de cette approche. Elles nous font part aussi des apports de l'approche participative, tant pour la recherche en général que pour les milieux de pratique et pour la formation. Elles font ressortir toute la pertinence d’une diversité de points de vue et d'expériences quand on aborde des objets aussi complexes que l’apprentissage lié à des questions de science, de technologie et de société, selon les dimensions culturelles.

Des projets « avec »

De nombreux projets de recherches participatives ont été réalisés au cours des dernières décennies dans une diversité de domaines. Les travaux menés par des membres de notre équipe en didactique de la science et de la technologie, en didactique de l’univers social1, en évaluation des apprentissages2, ou encore, en sécurisation culturelle 3, permettent de porter un regard sur les retombées pour la pratique, la recherche et la formation de la collaboration praticien·nes-chercheur·euses.

Voici les projets dont nous allons présenter ici les retombées.

L’intention de ces projets est de faire de la recherche « avec » plutôt que « sur » les praticien·nes4 afin de coconstruire des savoirs sur les pratiques éducatives par des approches bien ancrées dans le contexte de la classe, de l’école. En recherche participative, le défi consiste à trouver un projet commun qui soit une occasion à la fois de développement professionnel et de production de connaissances. Enseignant·es, chercheur·euses, conseiller·ères pédagogiques et étudiant·es travaillent alors de concert pour développer des approches et des outils dont l’analyse contribue à produire des connaissances scientifiques.

L’intention [...] est de faire de la recherche « avec » plutôt que « sur » les praticien·nes4 afin de coconstruire des savoirs sur les pratiques éducatives par des approches bien ancrées dans le contexte de la classe, de l’école. En recherche participative, le défi consiste à trouver un projet commun qui soit une occasion à la fois de développement professionnel et de production de connaissances.

Concrètement, les projets évoqués consistent à développer et à documenter :

  • des exemples de pratiques gagnantes en science et technologie pour les rendre accessibles dans un site web aux fins de diffusion auprès des milieux de pratique et de recherche;
  • des pratiques d’enseignement relatives à la modélisation en science et technologie;
  • une approche intégrée en science, technologie et univers social pour la mobilisation de savoirs autochtones;
  • des pratiques de sécurisation culturelle pour soutenir la persévérance scolaire et la réussite éducative de jeunes et d’adultes des Premiers Peuples;
  • des pratiques et des outils d’évaluation en arrimant les savoirs et les démarches visés dans les didactiques.

La FIGURE ci-dessous illustre une approche intégrée pour la mobilisation des savoirs autochtones dans l’enseignement en science, technologie et univers social, développée avec des étudiantes innue et atikamekw dans nos cours de didactique, dans le cadre plus large du projet Petapan5.

Figure 1
FIGURE 1 : Approche intégrée pour la mobilisation des savoirs autochtones dans l’enseignement en science, technologie et univers social, développée avec des étudiantes innue et atikamekw dans nos cours de didactique, dans le cadre plus large du projet Petapan.

Nos projets reposent sur un maillage d’expertises non seulement entre praticien·nes et chercheur·euses, mais aussi entre chercheur·euses qui ont des points de vue et des perspectives bien ancrés dans leur spécialité. De façon générale, le maillage se fait dans un jeu d’influence réciproque où l’on considère le·la praticien·ne comme un·e acteur·trice compétent·e6. L’idée centrale n’est pas de trouver comment mettre en application des modèles théoriques, mais plutôt de s’en servir comme grille d’analyse réflexive pour coconstruire des approches, des outils et des savoirs sur les pratiques en codéveloppement. Illustrant ce maillage, la figure ci-dessous présente les trois espaces de collaboration mis en place dans le projet sur les pratiques d’évaluation et de rétroaction des enseignant·es du primaire en univers social et en science et technologie2.

Figure 2
FIGURE 2

Nos projets se déploient généralement sur une période de deux ans dans ce qu’on appelle une « communauté d’apprentissage ». Praticien·nes et chercheur·euses partent de la réalité du terrain pour réfléchir ensemble aux défis à relever et aux pistes à explorer. Nous nous interrogeons sur les pratiques et les cadres de référence, nous développons des approches et des outils, tout en procédant à la collecte de données. De l’analyse de celles-ci se dégagent alors des savoirs dont les modèles théoriques sont mis en dialogue avec ce qui se fait concrètement dans les classes. Les résultats de ces recherches ont ainsi des retombées tant pour la pratique et la recherche que pour la formation.

Le travail conjoint réalisé avec nos partenaires des Premiers Peuples, dont nos étudiantes et notre collègue innue, enrichit nos recherches de nouvelles perspectives tout en développant des approches enracinées dans leurs ancrages culturels.  À ce propos, les membres des Premiers Peuples apprécient particulièrement cette intention de faire de la recherche « par et avec » plutôt que « sur et pour » les partenaires7. La reconnaissance de l’expertise des partenaires qui travaillent d’égal à égal avec les chercheur·euses, de façon complémentaire, est le principal point de rencontre entre les approches des recherches participatives et les principes de la recherche autochtone8. La représentation de la sécurisation culturelle, ci-dessous, co-illustrée avec des participant·es du projet d’action concertée9 et les artistes innus de Uashat Mak Mani-Utenam, Jean et Shana Saint-Onge, montre bien cette intention de reconnaître l’expertise des partenaires de la recherche et du rapport égalitaire à établir pour mailler les expertises.

Figure 3

FIGURE 3

Retombées de recherches participatives

Un regard transversal porté sur l’ensemble de nos projets permet d’en dégager des retombées pour la pratique, la recherche et la formation. Voici quelques exemples.

Pour la pratique
  • Des réinvestissements personnels : davantage d’importance accordée au questionnement des élèves, aux démarches d’investigation en science, aux critères des cadres d’évaluation; ouverture aux perspectives autochtones.
  • Des outils et des activités intégrés au répertoire des enseignant·es : planification, trousses, nouvelles activités, outils d’évaluation.
  • Des pistes de développement : précision des critères et des objets d’évaluation, outils de transfert pour la mobilisation de savoirs, réalités et perspectives autochtones dans l’enseignement. 
  • Des exemples à diffuser auprès de la communauté de pratique : descriptions et photos de réalisations d’élèves, de pratiques concrètes.
  • Des développements de pratiques d’enseignement : ouverture à diverses façons de faire des sciences et de la technologie en classe, à différents moyens d’évaluer les apprentissages et de mobiliser les perspectives autochtones.
Pour la recherche
  • Des objets d’étude dont la pertinence est reconnue pour la pratique et pour la recherche.
  • Le développement de connaissances intégrant le point de vue des programmes, des travaux de recherche en didactique, des cadres d’évaluation des apprentissages et de la pratique.
  • Des analyses d'exemples de pratique coconstruits avec les enseignant·es. 
  • Des productions scientifiques.
  • Des développements de pratiques de recherche.
  • L’émergence de nouvelles problématiques ou de nouveaux champs de recherche en sciences de l’éducation.
Pour la formation
  • Un meilleur arrimage entre l’université et le milieu scolaire.
  • L'utilisation des outils et des exemples de pratique construits avec les enseignant·es en formation initiale.
  • Des témoignages d'enseignant·es ayant participé aux projets dans les cours universitaires.
  • Des exemples de pratiques à partager.
  • Des pistes de développement à exploiter conjointement pour la formation initiale et continue.

Chacun de nos projets réalisés en collaboration avec des praticien·nes ouvre de nouvelles avenues au carrefour des besoins exprimés par les milieux scolaires et des questions qui se posent en recherche. C’est particulièrement le cas pour le projet sur l’évaluation des apprentissages, qui a permis de porter un regard plus précis sur cette dimension dans les didactiques, entre autres en ce qui concerne les modalités et les critères souvent utilisés pour évaluer les élèves en science et technologie et en univers social2. Nous avons pu envisager, avec des enseignant·es, comment axer davantage l’attention sur les processus en cours d’apprentissage, en lien avec les critères des cadres d’évaluation, plutôt que de se limiter à utiliser des tests de connaissances en fin d’apprentissage.

Nos travaux se prolongent aussi dans une action concertée en sécurisation culturelle2 qui documente des pratiques développées dans les milieux éducatifs et communautaires pour soutenir la persévérance scolaire et la réussite de jeunes et d’adultes des Premiers Peuples. Une recherche postdoctorale porte spécifiquement sur la mobilisation de savoirs, réalités et perspectives autochtones dans l’enseignement dans le cadre de cette action concertée10. L’analyse de programmes et d’exemples de pratiques partagés par des participant·es qui travaillent avec ces jeunes et ces adultes, dont plus de la moitié sont innus dans un échantillon formé de 81 personnes, relève des pistes d’intervention pour soutenir la persévérance scolaire et la réussite. Les résultats de recherche et les outils coconstruits dans ce projet sont transférables et ajustables dans différents contextes éducatifs, dont la formation des enseignant·es.

L’enchaînement de nos projets témoigne de leur ancrage dans un processus de développement continu qui interpelle les milieux de pratique et de recherche, en lien avec les programmes et les nouveaux défis à relever. De nouvelles questions en rapport avec différents champs de l’intervention éducative se posent dans chacun de ces projets. Nos travaux s’enrichissent d’un regard plus précis sur l’évaluation des apprentissages et sur la mobilisation de savoirs, réalités et perspectives autochtones dans l’enseignement. Cet enchaînement est pour nous une manifestation de notre propre évolution à travers des projets que nous souhaitons porteurs de changements pour la pratique, la recherche et la formation.

L’enchaînement de nos projets témoigne de leur ancrage dans un processus de développement continu qui interpelle les milieux de pratique et de recherche, en lien avec les programmes et les nouveaux défis à relever. [...] Cet enchaînement est pour nous une manifestation de notre propre évolution à travers des projets que nous souhaitons porteurs de changements pour la pratique, la recherche et la formation.

Pour conclure

La question des données probantes pose le risque d’uniformiser les pratiques de recherche. « Les recherches basées sur les données probantes (evidence based practice) peuvent conduire à une simplification, voire à un triple réductionnisme11 : 1) un réductionnisme épistémologique qui exclut la diversité des formes de savoirs et d’approches; 2) un réductionnisme du sens de l’action, qui gomme la complexité de celle-ci et son aspect multidimensionnel; 3) un réductionnisme culturel, puisque les minorités culturelles sont statistiquement peu représentées, alors qu’il est important de mobiliser et considérer les perspectives des Premiers Peuples dans une avenue de sécurisation culturelle12. »

Rappelons que les recherches participatives, sans nécessairement aboutir à des preuves statistiques, produisent des connaissances bien ancrées dans la pratique qui mettent au jour des façons de faire concrètes, ajustables et transférables dans différents contextes.  Une fois les preuves statistiques établies pour appuyer l’efficacité d’une approche, il faut donc se demander ce qu’il reste comme sources d’inspiration qui contribueront au développement des pratiques.

C’est justement pour offrir des pistes concrètes, inscrites dans un processus de production de connaissances scientifiques répondant à des critères de crédibilité, de transférabilité, de fiabilité et de confirmation13, que les recherches participatives ont toute leur place dans un processus d’amélioration continue de la pratique, de la recherche et de la formation. Plus de 30 ans de recherches participatives en éducation témoignent de la pertinence de cette approche. À nous de la garder bien vivante en poursuivant le travail de collaboration entre praticien·nes et chercheur·euses.

[...] les recherches participatives [...] produisent des connaissances bien ancrées dans la pratique qui mettent au jour des façons de faire concrètes, ajustables et transférables dans différents contextes.

Références 
  • Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador – APNQL (2004). Protocoles de recherche des Premières Nations du Québec et du Labrador, Wendake, 98 pages.
  • Aurousseau, E., Couture, C., Duquette, C., Rock, J. (2024). Mobilisation de savoirs, réalités et perspectives autochtones dans l’enseignement. Rapport de recherche postdoctorale : Action concertée en sécurisation culturelle. FRQSC. Chaire UNESCO en transmission culturelle, UQAC.
  • Aurousseau Emmanuelle. (2017). Étude de pratiques d’enseignement relatives à la modélisation en sciences et technologies avec des enseignants du secondaire. Thèse de doctorat, Université du Québec à Chicoutimi
  • Couture, C., Kaine, E., Rock, J., Pinette, S., Aurousseau, E., Blanchet-Garneau, A., Baron, M-P., Cook, M., Dion, J., Duquette, C., Jacob, E., Marchand, A., Pulido, L., Tremblay, M-L., Vachon, J-F. (2024). Étude de pratiques de sécurisation culturelle développées sur la Côte-Nord pour soutenir la persévérance scolaire et la réussite éducative d’apprenant·es innu·es. Rapport de recherche : Action concertée en sécurisation culturelle. FRQSC. Chaire UNESCO en transmission culturelle, UQAC.
  • Couture, C., Bacon, M., Aurousseau, E., Pulido, L., Jacob, E., Lavoie, C., Duquette, C., Bizot, D. (2021). Projet Petapan : Pratiques pour soutenir la réussite d’élèves autochtones en milieu urbain. Rapport de recherche : Centre de services scolaire des Rives-du-Saguenay, UQAC – Centre des Premières Nations Nikanite, Centre d’amitié autochtone du Saguenay, CTREQ. https://www.ctreq.qc.ca/projets/le-projet-petapan-des-services-et-des-p…
  • Couture, C., Dionne, L., Savoie-Zajc, L., Aurousseau, E. (2015). Le développement des pratiques d’enseignement des sciences et des technologies à l’élémentaire et de recherche en didactique : selon quels critères? Recherches en didactique des sciences et des technologies. No.11, 109-132. https://journals.openedition.org/rdst/1004
  • Couturier, Y., Gagnon, D., & Carrier, S. (2009). Management des conduites professionnelles par les résultats probants de la recherche. Une analyse critique. Criminologie, 42(1), 185‑199. https://doi.org/10.7202/029812ar
  • Desgagné, S. (2001). La recherche collaborative : nouvelle dynamique de recherche en éducation. Dans M. Anadon (dir.) avec la collaboration de M. L’Hostie, Nouvelles dynamiques de recherche en éducation (p. 51-76). Québec : Les Presses de l’Université Laval.
  • Duquette, C., Couture, C., Blacksmith-Charlish, S. (2019). Intégrer les savoirs culturels autochtones en classe d’histoire et de sciences et technologie au primaire : une proposition. Site Histoire Canada. https://www.histoirecanada.ca/consulter/enseignement/integrer-les-savoi…
  • McNaughton C. et Rock, D. (2003). Les possibilités de la recherche autochtone : résultats du Dialogue du CRSH sur la recherche et les peuples autochtones. Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.
  • Monney, N, Duquette, C., Couture, C., Boulay, H. (2021). Réfléchir autour des considérations didactiques de l’univers social pour favoriser des pratiques évaluatives plus inclusives : quoi, pourquoi et comment? Revista Educativa 23.
  • Monney, N., Couture, C., Duquette, C., Boulay, H., (2020). Optimiser le questionnement didactique en science et technologie pour mieux rétroagir et évaluer les élèves. Revue hybride de l’éducation. Vol.4.No.4, 61-85. http://revues.uqac.ca/index.php/rhe/article/view/1067/1010
  • Savoie-Zajc, L. (2004). La recherche qualitative/interprétative en éducation. Dans T. Karsenti, & L. Savoie-Zajc (Éds.), La recherche en éducation : étapes et approches (3). Sherbrooke : Éditions du CRP.
  • 1Aurousseau, 2017; Couture et autres, 2015; Duquette et autres, 2019
  • 2 a b c d Monney et autres, 2020, 2021
  • 3Aurousseau et autres, 2024; Couture et autres, 2024
  • 4 a b Desgagné autres, 2001
  • 5Couture et autres, 2021
  • 6Desgagné et autres, 2001
  • 7McNaughton et Rock, 2003
  • 8APNQL, 2004
  • 9Couture et autres, 2024
  • 10Aurousseau et autres, 2024
  • 11Couturier, Gagnon et Carrier, 2009
  • 12Couturier, Y., Gagnon, D., & Carrier, S. (2009). Management des conduites professionnelles par les résultats probants de la recherche. Une analyse critique. Criminologie, 42(1), 185‑199. https://doi.org/10.7202/029812ar
  • 13Savoie-Zajc, 2004

  • Christine Couture, Emmanuelle Aurousseau, Catherine Duquette, Nicole Monney, UQAC, et Julie Rock - Katshishkutamatshesht, UQTR
    Université du Québec à Chicoutimi et Université du Québec à Trois-Rivières

    Respectivement professeures et chercheuses à l’Université du Québec à Chicoutimi en didactique de la science et de la technologie, en didactique de l’univers social, en évaluation des apprentissages, et à l’Université du Québec à Trois-Rivières en perspectives autochtones et intervention psychosociale

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