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Le gouvernement du Québec confie à l’Université du Québec (UQ) en 1968 un triple mandat : augmenter le niveau de formation de la population par une accessibilité accrue à l’université, assurer l’essor scientifique du Québec et contribuer au développement de ses régions. Le troisième volet de ce mandat, le développement des régions, constitue encore aujourd’hui un aspect central de sa mission.

Détour conceptuel

Le concept de « territoire » renvoie à une partie délimitée de la surface terrestre qui présente une unité. Un glissement conceptuel est néanmoins opéré depuis le territoire comme référent géographique vers le territoire comme lieu de pratiques collectives1. Il s’agit là d’une perspective culturaliste où le territoire est d’abord considéré d’un point de vue social plutôt que géographique. 

Le concept de « région » fait référence à la portion d’un territoire délimité par ses caractéristiques physiques ou humaines. Les territoires dits « vécus » sont définis par les pratiques des populations alors que les territoires « aliénés » relèvent de critères administratifs1. Le Québec est découpé en 17 régions administratives. Au fil du temps, ces territoires aliénés deviennent des territoires vécus.

Les territoires de l’UQAR

Le territoire « naturel » de l’UQAR est constitué des régions du Bas-Saint-Laurent et de Chaudière-Appalaches, de la Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine et du secteur ouest de la Côte-Nord. Sa superficie est équivalente à celle de l’Islande.

L’UQAR est ainsi présente dans l’est du Québec avec un campus à Rimouski et un autre à Lévis, et des antennes à Baie-Comeau et en Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine. Elle accueille près de 6900 étudiant·es dans 170 programmes. Les recherches réalisées par ses quelque 235 professeur·es sont souvent caractérisées par leur structuration autour d’axes d’excellence.

Comment se déploie l’ancrage de l’UQAR dans le territoire? Nous répondons à cette question en présentant les éléments de contexte, en analysant les nouvelles approches de formation et de recherche, et en examinant ses relations avec les trois grandes missions de base d’une université : formation, recherche et service à la collectivité.

Éléments de contexte

Voici d’abord quelques données statistiques.

  • La population du Québec est estimée à 9,1 millions de personnes.
  • Près de 80 % de cette population est établie le long du fleuve Saint-Laurent.
  • Environ 75 % a comme langue maternelle le français.
  • Environ 39 % de la population adulte (25 à 64 ans) détient un diplôme universitaire. Dans ce groupe, les femmes (43 %) sont plus nombreuses que les hommes (34 %). 

Sur le plan de l’accessibilité sociale, la proximité des personnes avec leur université favorise la conciliation études-travail-famille, selon l’argumentaire utilisé par l’UQAR à la suite d’enquêtes auprès de sa population étudiante. 

Une des dimensions de l’accessibilité sociale concerne les étudiant·es de première génération (EPG) appartenant à des familles à faible capital scolaire. À l’Université du Québec, c’est le cas d’environ 50 % d’entre eux. L’UQAR est une des universités en Amérique du Nord qui accueille le plus d’EPG, soit 64 % de sa population étudiante, selon les statistiques qu’elle collige. Près de 80 % des personnes diplômées demeurent dans la région où elles ont fait leurs études, selon ces mêmes statistiques.

Nouvelles approches : formation et recherche 

Au moment de la création de l’UQAR en 1968, l’offre des programmes de premier cycle est marquée par des pratiques universitaires conditionnées par le découpage disciplinaire des savoirs. 

Dès les années 1970, la nécessité de développer la programmation aux cycles supérieurs s’impose afin de soutenir la mission de recherche de l’UQAR, mais surtout pour que celle-ci s’affirme comme une université à part entière. 

Les universités déjà existantes ne souhaitaient pas cependant que l’UQ déploie ses programmes à tous les cycles et dans toutes les disciplines. L’UQAR s’investira alors dans des domaines qui se distinguent de la logique disciplinaire en privilégiant la multidisciplinarité et l’approche « objet » fondée sur la résolution de problèmes. « L’université met d’emblée délibérément l’accent sur la recherche pratique, ce qui la conduit à expérimenter plus précocement que les autres les enjeux bien contemporains que sont les liens entre recherche universitaire et milieux industriels, les rapports entre liberté critique et commandites », Lucia Ferretti, 19942.

Une telle « contextualisation » de la recherche s’accompagne d’une « professionnalisation » de la formation, en ce sens que celle-ci sera davantage orientée vers les compétences utiles en situation d’emploi. Ce mouvement se renforce à compter des années 1990 grâce à la planification institutionnelle, qui se traduit dans des plans stratégiques assortis d’indicateurs de suivis. 

Aujourd’hui, l’UQAR mise sur quelques axes d’excellence : 

  1. L’axe de la nordicité, qui s’articule autour de l’étude interdisciplinaire des organismes et des populations présents dans les environnements nordiques.
  2. L’axe des sciences de la mer, enrichi de la mention des zones côtières pour mettre en évidence l’expertise développée dans ce champ.
  3. L’axe du développement régional, transformé en axe sur la ruralité et la maritimité, considérant que les populations des milieux ruraux et maritimes partagent certaines caractéristiques.
  4. L’axe de la prévention et de l’inclusion en pratiques sociales et en santé, qui s’intéresse aux personnes en situation de vulnérabilité.
Formation

Le concept de formation, plus générique que celui d’enseignement, repose sur le paradigme de l’apprentissage, qui, lui, remplace graduellement celui de l’enseignement. De fait, l’enseignement universitaire dans sa forme traditionnelle tend, de nos jours, à devenir désuet, une situation que la crise sanitaire a accélérée. On constate maintenant un mouvement de délocalisation de la formation universitaire qui implique une offre hors campus ou sous d’autres formes que le mode présentiel. C’est là un enjeu existentiel quant à cette première mission d’une université. et pour l’UQAR, cet enjeu sous-tend plusieurs défis étant donné la volonté de proximité.

Recherche

À l’UQAR, la dimension collective de la recherche est promue et caractérise son approche de cette deuxième mission universitaire. Cela se traduit par différentes formes de regroupements. Au moins deux personnes peuvent former une équipe de recherche, qui ne dispose toutefois pas d’une reconnaissance institutionnelle. Le groupe de recherche est un collectif ayant atteint un stade de développement plus avancé : il réunit une dizaine de personnes, et il est soutenu par l’UQAR et des organismes externes. La chaire de recherche est organisée autour d’un·e professeur·e de réputation, et soutenue par un organisme externe. Enfin, plusieurs équipes, groupes ou chaires de recherche peuvent se constituer en réseau de recherche

Un portrait de la situation dans huit universités francophones québécoises quant à leurs stratégies d’organisation de la recherche dénombre, il y a une dizaine d’années, 736 collectifs de recherche, dont les pratiques sont alors analysées3. Il ressort de cet exercice que l’UQAR est l’université qui pratique le plus la science ouverte, celle-ci étant ainsi définie : « Une production commune de connaissances par des chercheuses et chercheurs de disciplines variées, mais aussi par des acteurs non scientifiques (État, industrie, société civile), et dont les résultats (bruts ou transformés) sont accessibles gratuitement pour tous les citoyens et citoyennes et, de préférence, dans leur langue d’origine », Nancy Émond, 20144. La localisation des universités dans les régions et la présence d’équipes multidisciplinaires et interuniversitaires expliquent notamment ce constat.

Service à la collectivité 

Le service à la collectivité s’institutionnalise au cours des années 1970 et devient la troisième mission de l’université. À l’UQAR, la définition de tâche de chaque professeur·e est adoptée par les collègues. La tâche d’enseignement annuelle prescrite correspond à l’offre de quatre cours de trois crédits. Les professeur·es sont tenu·es de la compléter avec des activités de recherche, de service à la collectivité ou d’administration pédagogique. Ces volets sont modulés en pourcentages. Les professeur·es consacrent de 5 % à 15 % de leur tâche aux activités de service à la collectivité. 

Conclusion

L’UQAR a le mandat de rendre accessible une formation pertinente et de qualité aux populations des territoires qu’elle dessert, et de contribuer au développement de sa région grâce à ses activités de recherche et de service à la collectivité. 

Sur le plan financier, offrir des formations sur un vaste territoire et à de petites cohortes coûte cher. La formule de financement actuelle des universités n’est pas adaptée à cette situation. 

Sur le plan de l’équité, la planification des universités conduit à des choix stratégiques à l’échelle institutionnelle, mais ségrégatifs à l’échelle des individus. Pour sa part, la définition d’axes d’excellence impose de concentrer les ressources institutionnelles dans un nombre limité de secteurs : nordicité, sciences de la mer et des zones côtières, ruralité et maritimité, prévention et inclusion en pratiques sociales et en santé. Certaines personnes y trouvent leur profit, alors que d’autres se retrouvent à la marge, puisqu’elles ont moins accès, hors des grands axes, aux ressources institutionnelles.

L’UQAR est ancrée dans le territoire dont elle se réclame, mais les attentes à son endroit sont parfois démesurées. La recherche ne peut contribuer à régler tous les problèmes, elle ne peut être le seul recours. De plus, elle se construit à long terme, alors que les personnes aux prises avec les problèmes souhaitent des solutions rapides. Les professeur·es doivent respecter des normes rigoureuses et éthiques, et jouer la joute de la publication savante dans un environnement hautement concurrentiel. C’est là une exigence qui ne coïncide pas toujours avec la finalité d’agir sur le monde pour le transformer, ici et maintenant. 

Les professeur·es doivent respecter des normes rigoureuses et éthiques, et jouer la joute de la publication savante dans un environnement hautement concurrentiel. C’est là une exigence qui ne coïncide pas toujours avec la finalité d’agir sur le monde pour le transformer, ici et maintenant.

Références
  • 1a1b

     Giraut, 2008.

  • 2

    Ferretti, 1994, p. 70.

  • 3

     Émond, 2014.

  • 4

    Émond, 2014, p. 146.


  • Jean Bernatchez
    UQAR

    Jean Bernatchez est professeur-chercheur à l'UQAR. Politologue, il détient un doctorat en administration et politique scolaires de l'Université Laval. Il possède en outre une expérience préalable de 25 ans en gestion de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il dispense ses cours dans le contexte du DESS en administration scolaire et de la maîtrise en sciences de l'éducation. Membre du comité de direction du réseau PÉRISCOPE sur la persévérance et la réussite scolaires, il est aussi membre du Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional de l'Est du Québec (GRIDEQ), membre du Laboratoire interdisciplinaire sur l'enseignement supérieur (LIRES), chercheur associé au Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ) et membre de l'Équipe de recherche et d'intervention sur l'organisation du travail des directions d'établissement d'enseignement (GRIDE). Il publie et communique les résultats de ses travaux au Québec et à l'étranger. Père de quatre jeunes adultes, il est sept fois grand-père et se révèle un citoyen engagé.

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