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Guy Laforest, École nationale d'administration publique, Félix Mathieu, Université de Winnipeg, Jean-Philippe Warren, Université Concordia

« Puissiez-vous vivre une époque intéressante » : telle est l’expression anglaise que l’on utilise parfois ironiquement pour souhaiter le pire à celui ou celle à qui on s’adresse. Jamais peut-être cette expression n’a-t-elle été plus appropriée que maintenant.

Intéressante, l’ère dans laquelle nous entrons l’est certainement. Inquiétante, elle l’est tout autant. Les défis s’accumulent, comme en fait foi le présent dossier. Les textes ici réunis nous renseignent sur la progression du réchauffement climatique, l’implacabilité du racisme à tendance plus ou moins systémique selon les contextes, l’exclusion des peuples autochtones, le délitement du tissu social, la vulnérabilité persistante de maints groupes sociaux, la montée des populismes, l’augmentation des disparités, parmi d’autres enjeux.

Entre le premier volet du Dossier Pensez l’après-COVID-19 sorti en mai et juin 2020 et celui que nous avons préparé autour du même thème en septembre 2021 – en réinvitant des auteurs, des autrices à revoir leur texte initial – une différence, d’ailleurs, se dégage : un certain optimisme, nourri par l’urgence de saisir l’occasion offerte par la crise de la pandémie de Covid-19 (« Never let a good crisis go to waste », aurait dit Winston Churchill), a fait place à un certain désabusement. 

En effet, il faut bien se rendre compte que la crise sanitaire a servi de révélateur et d’amplificateur à plusieurs phénomènes négatifs. De l’orgie des achats en ligne à l’inflation indécente de l’avoir des milliardaires, en passant par l’aggravation des problèmes de santé mentale et l’explosion record des déficits gouvernementaux, nous n’en finissons plus de découvrir l’étendue des répercussions des derniers mois que nous venons de traverser.

Cependant, on aurait tort de croire que le désabusement relatif des chercheuses et des chercheurs du présent dossier débouche sur le découragement ou, pire, le cynisme. Au contraire, l’ampleur de la tâche représente pour celles-ci et ceux-ci une occasion d’affiner leurs analyses, d’approfondir leurs réflexions, de pousser plus loin leurs enquêtes. Et aussi de proposer des pistes audacieuses de sorties de crise.

...on aurait tort de croire que le désabusement relatif des chercheuses et des chercheurs du présent dossier débouche sur le découragement ou, pire, le cynisme. Au contraire, l’ampleur de la tâche représente pour celles-ci et ceux-ci une occasion d’affiner leurs analyses, d’approfondir leurs réflexions, de pousser plus loin leurs enquêtes. Et aussi de proposer des pistes audacieuses de sorties de crise.

D’un côté, ces personnes dressent un portrait lucide des causes structurelles qui empêchent la solidarité de s’exprimer comme elle le devrait. Les pouvoirs et les savoirs sont encore trop souvent complices de la perpétuation de privilèges pour les uns et d’exclusions pour les autres. Le Québec a fait des progrès énormes sur le chemin de la justice sociale depuis cinquante ans, mais la route est encore longue pour atteindre une véritable égalité qui soit digne de ce nom.

De l’autre côté, elles formulent des plans d’action à la fois précis et holistiques pour responsabiliser les populations et les États. Elles sont conscientes que les efforts individuels sont trop souvent rendus caducs par des transformations dans les pratiques collectives. Le recyclage domestique en est un bon exemple : la présence de bacs bleus et verts n’a pas empêché la quantité totale de déchets produits par habitant d’augmenter de 50 % depuis dix ans au Québec…

La communauté des chercheur-euse-s du Québec veut outiller les législateurs et éclairer les faiseur-euse-s d’opinions en leur présentant des données probantes et des analyses concrètes. Elle cherche aussi à faire participer l’ensemble des citoyen-ne-s au processus de réflexion afin de mieux répondre aux enjeux auxquels la société québécoise est confrontée. Elle comprend que le Québec ne pourra sortir vraiment gagnant de la crise que nous traversons, que si tout le monde gagne.

En ce sens, le présent dossier représente à la fois l’occasion de prendre un certain recul et une invitation à l’action. En avril 2020, juste avant la crise des CHSLD, le premier ministre du Québec François Legault s’invitait lui-même et invitait ses concitoyennes et concitoyens, à livrer face à la pandémie la bataille de leur vie. Dix-huit mois plus tard, la bataille continue, avec un mélange de progrès et de vicissitudes sur le chemin vers une société plus juste, plus respectueuse de la dignité des uns et des autres, et plus bienveillante. En ajoutant à tout cela la vigilance critique, ce dossier est un modeste signe montrant que la communauté de la recherche est solidaire de ce beau dessein.


  • Guy Laforest
    École nationale d'administration publique

    Guy Laforest est directeur général de l’École nationale d’administration publique (ENAP) depuis le 14 août 2017, pour un mandat de cinq ans. Il était auparavant professeur titulaire au Département de science politique de l’Université Laval, institution dans laquelle il a œuvré pendant 29 ans.

  • Félix Mathieu
    Université de Winnipeg

    Félix Mathieu est professeur adjoint au département de science politique de l’Université de Winnipeg, où il enseigne les cours en politique canadienne. Ses travaux portent principalement sur le fédéralisme et le nationalisme dans une perspective comparée, ainsi que sur l’aménagement de la diversité dans les démocraties libérales. Avec Evelyne Brie, il vient de faire paraître aux Presses de l’Université Laval son quatrième livre, intitulé Un pays divisé : identité, fédéralisme et régionalisme au Canada.

  • Jean-Philippe Warren
    Université Concordia

    Titulaire d'une chaire d'études sur le Québec, Jean-Philippe Warren est professeur au Département de sociologie et d'anthropologie de l'Université Concordia. Il a publié de nombreux ouvrages sur l'histoire intellectuelle et culturelle au Québec. Source: Les Éditions du Boréal. 

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