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Carole Boulebsol, Université de Montréal

Les 40 ans du Protocole UQAM/Relais-femmes seront soulignés par le biais d’une exposition qui se tiendra à l’Écomusée du fier monde de Montréal, du 29 septembre au 23 octobre 2022. L’évènement sera l’occasion de revenir sur des décennies d’une recherche partenariale engagée entre universitaires et communautés féministes.

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Affiche de l'exposition qui se tiendra à l'Écomusée du fier monde de Montréal, du 29 septembre au 23 octobre 2022 Source : UQAM/Relais-femmes/Écomusée du fier monde (graphisme : Maïlys Ory).

Établi en 1982, le Protocole est une entente tripartite entre l’Université du Québec à Montréal, l’organisme Relais-Femmes et l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF). Il est à l’origine de centaines de projets et engage, bon an mal an, pas moins de 50 professeur·e·s et chargé·e·s de cours, 50 représentant·e·s des groupes terrain et autant d’étudiant·e·s.

Cet article propose un bref retour sur l’histoire et l’actualité du Protocole, ses objectifs et les moyens mis en place pour les atteindre. Il vise aussi à faire voir la force de la recherche partenariale et féministe ainsi que des collaborations intersectorielles et interdisciplinaires.

À l’origine du Protocole : la Politique 41 de l’UQAM et le Service aux collectivités (SAC)

Les mouvements syndicaux, féministes et communautaires influencent considérablement la société québécoise des années 1970 et l’Université du Québec à Montréal (UQAM) y jouera un rôle plus que notable1. Que ce soit à l’échelle internationale, canadienne ou québécoise, l’UQAM va rapidement se distinguer en mobilisant des ressources pour les groupes terrain afin de soutenir des projets qui répondent à leurs besoins et à leurs préoccupations2 . C’est ainsi qu’en 1976, un protocole entre l’UQAM, la CSN et la FTQ voir le jour3 . Trois ans plus tard, l’Université se dote d’une politique des services aux collectivités (Politique 41) et ajoute ainsi officiellement un troisième volet à sa mission. En complémentarité à la recherche et l’enseignement, se développent ainsi des pratiques qui visent à « favorise[r] une plus grande démocratisation de l’accès et de l'utilisation de ses ressources humaines, scientifiques et techniques, par le développement de nouveaux modes d'appropriation des ressources éducatives et scientifiques et d'une plus large diffusion du savoir»4. En d’autres mots, il s’agit de mobiliser des ressources universitaires en soutien à la société civile, de manière démocratique et accessible, à l’intérieur de partenariats solides et de la mise en place d’instances de gouvernance et d’encadrement5 . Les questions de pertinence et de responsabilité sociale sont au centre de l’initiative, laquelle propose un soutien à la production, à la mobilisation et au transfert de connaissances6 .

De la rencontre de militantes féministes à l’avènement du Protocole UQAM/Relais-Femmes

À partir des années 1970, les études féministes s’institutionnalisent progressivement, notamment à l’UQAM1 . En 1976, le groupe interdisciplinaire pour l’enseignement et la recherche sur les femmes (GIERF) est créé par des professeures et chargées de cours féministes et deviendra, en 1990, l’Institut de recherches et d’études féministes (l’IREF)7 . Comme le rappellent Courcy et al. (2019), « [m]inoritaires dans le corps professoral, les chercheuses féministes ont participé de façon disproportionnée au développement des services aux collectivités et aux objectifs de démocratisation de la recherche collaborative » (p. 1).

Sur le terrain, les organisations féministes se mobilisent également. En 1978, plusieurs regroupements se réunissent pour créer le Centre de ressources-information des femmes (le C.R.I. des femmes) afin de répondre de manière autonome aux besoins de recherche et de formation de leurs membres8 . Deux ans plus tard, Relais-femmes est officiellement fondé par la Fédération des femmes du Québec (FFQ), le Carrefour des associations de familles monoparentales, l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (AFEAS), le Centre d’information et de référence pour femmes, le Conseil du statut de la femme (CSF), ainsi que des professeures de l’UQAM et de l’Université de Montréal (Idem).

La militance partagée entre des universitaires et des membres de Relais-femmes contribuera à fédérer de multiples collaborations engagées pour une meilleure justice sociale et une réelle égalité entre les hommes et les femmes9 .

En 1982, le Protocole UQAM/Relais-Femmes est créé. Il aura pour objectif de soutenir la recherche partenariale féministe dans une perspective de coconstruction afin que « de la rencontre des différents savoirs, surgissent des pratiques transformatrices sur le terrain »8 . Le Protocole permet de mandater des professionnelles à la coordination des projets, de libérer des professeur·e·s par le biais de dégrèvements, de réserver des budgets internes ou encore de mettre à disposition des locaux, des laboratoires ou des outils de recherche variés8 .

La militance partagée entre des universitaires et des membres de Relais-femmes contribuera à fédérer de multiples collaborations engagées pour une meilleure justice sociale et une réelle égalité entre les hommes et les femmes.

Les piliers du Protocole : le collectif, la coconstruction, la mobilisation et le transfert des connaissances

Les projets affiliés au Protocole impliquent la constitution d’un collectif ad hoc de recherche et d’action constitué de membres aux savoirs multiples et complémentaires (expérientiels, pratiques, théoriques et politiques). Il est donc constitué de personnes qui œuvrent tant du côté de la recherche que de celui du terrain. Le collectif est coordonné le plus souvent par une travailleuse du Service aux collectivités (SAC). Il va prendre forme à partir des préoccupations communes. Son approche de travail consistera à inviter les membres à prendre part activement aux différentes étapes des projets, au-delà d’une simple consultation et en évitant toute instrumentalisation10 : idéation, opérationnalisation, recrutement, collecte et analyse des données, identification des livrables, rédaction, révision, communication et diffusion.

Au-delà de cette démarche, la coconstruction implique un engagement actif de toutes les personnes ou instances participantes. La mobilisation et le transfert de connaissances ont lieu en fonction des besoins et des contextes des groupes terrain. Ainsi, les projets portés par le Protocole peuvent avoir des objectifs variés comme la documentation, la formation, la création d’outils d’information ou encore de sensibilisation. Différentes problématiques ont été abordées à travers les 40 années d’exercice du Protocole, parmi lesquelles il est possible de citer les questions relatives :

  • aux conditions de travail des femmes ou à leurs réalités économiques;
  • aux différentes formes de violences envers les femmes;
  • aux outils d’intervention féministe;
  • aux enjeux de précarité et de pauvreté;
  • à la question de la place des femmes dans les métiers non traditionnels;
  • ou encore dans les domaines des arts et de la culture.

Alors que les groupes de femmes du terrain constituent le moteur des initiatives de projets, ils peuvent mobiliser leurs résultats à des fins d’information, de formation ou encore de défense de droits.

Si chaque année, plus d’une cinquantaine de groupes et autant de professeur.·e·s s’investissent dans le cadre du Protocole, la même proportion d’étudiant·e·s contribue à sa programmation. La relève étudiante est le plus souvent impliquée à titre d’auxiliaires de recherche. Plusieurs rapportent avoir pu être co-autrices ou co-auteurs de rapports ou d’articles scientifiques, avoir davantage développé leur réseau professionnel et académique, avoir acquis de nouvelles compétences ou renforcé des capacités en recherche-action, en partenariat ou encore en gestion de projet11 . Autrement dit, en plus de soutenir des projets innovants tant au niveau de la recherche que de l’action communautaire, le Protocole UQAM/Relais femmes a contribué à la formation de plusieurs générations d’étudiant·e·s et remplit en ce sens la pleine mission de l’Université.

Le Protocole UQAM/Relais femmes a contribué à la formation de plusieurs générations d’étudiant·e·s et remplit en ce sens la pleine mission de l’Université.

En conclusion

Enfin, rappelons-nous que les droits acquis des femmes demeurent fragiles et que l’égalité réelle n’est toujours pas atteinte (Institut de la statistique du Québec, 2022). Parallèlement, les perspectives féministes restent minoritaires dans les milieux académiques12  et les groupes communautaires, dont les groupes de femmes, souffrent encore d’un manque de reconnaissance symbolique et financière.

Dans ce contexte, le maintien et le développement de protocoles comme celui-ci apparaissent indispensables. C’est là, l’une des voies que peut emprunter le dialogue entre scientifiques et citoyen·ne·s, l’un des tremplins vers la valorisation des savoirs croisés et l’assurance d’une convergence d’intérêts aux services des communautés avant tout8 .

Pour que de telles aventures continuent, il importe de leur accorder des temps longs, des ressources humaines, matérielles et financières… et parfois même, une exposition!

Celles et ceux encore peu familier·e·s avec le Protocole UQAM/Relais femmes sont donc encouragé·e·s à venir à l’Écomusée du fier monde, à consulter les sites internet du Service aux collectivités de l’UQAM ainsi que des trois instances (UQAM, Relais-Femmes et IREF) qui composent le protocole UQAM/Relais femmes. Une kyrielle de projets pourraient inspirer et donner des idées de collaboration à plusieurs!

Panneau
L'un des panneau de l'exposition, portant les retombées partagées. Source : UQAM/Relais-femmes/Écomusée du fier monde (graphisme : Maïlys Ory)
Manifeste À nous la recherche

Une série de publications visuelles et audio, À nous la recherche !, a traité des défis particuliers de la recherche partenariale féministe, de l’apport du travail de liaison dans la mutualisation des savoirs et a présenté brièvement l’expérience et les retombées du projet pilote Nouvelles Alliances.Tirées de cette expérience, des recommandations susceptibles de soutenir des collaborations université-communauté porteuses d’égalité sont reprises dans ce manifeste.

Références
  • Akrich, M. (2013). Co-construction. In I. Casillo, R. Barbier, L. Blondiaux, F. Chateauraynaud, J.-M. Fourniau, R. Lefebvre, C. Neveu, & D. Salles (Eds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation: Démocratie et Participation.
  • Blanc, M., Fontaine, C., Kurtzman, L., Lizée, M., Vanier, C., & Schendel (van), V. (2011). L’UQAM dans la Cité : la contribution du Service aux collectivités. https://sac.uqam.ca/upload/files/UQAM_dans_la_cite.pdf
  • Bussières, D., Chicoine, G., Fontan, J.-M., Kurtzman, L., Grosbois (de), S., Létourneau-Guillon, G., Lizée, M., Pelletier, M., Riverin, J.-A., Van Schendel, V., V., & Vanier, C. (2018). La coconstruction des connaissances : l’expérience du Service aux collectivités de l’UQAM. Une inspiration majeure pour les TIESS. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3552554
  • Chagnon, R. (2021). Le rôle de l’IREF dans le développement des éudes féministes dans la francophonie, dans F. Descarries & C. Désy (Eds.), L’UQAM pionnière du développement des études féministes dasn la francophonie (pp. 5-7). https://iref.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/56/2021/03/IREF-2021-interactif.pdf
  • Chicoine, G., Kurtzman, L., Lampron, È.-M., Lefevre-Radelli, L., Pelletier, M., Rioux-Pelletier, M.-È., & Riverin, J.-A. (2020). Mémoire préparé par les agentes de développement du Service aux collectivités de l’UQAM, dans le cadre des consultations sur L’Université québécoise du futur. Tendances, enjeux, pistes d’action et recommandations.
  • Courcy, I., Kurtzman, L., Lacharité, B., Pelletier-Landry, L., Côté, I., & Lafranchise, N. (2019). La recherche partenariale féministe : des rapports égalitaires sous tension, dans Recherches féministes, 32(2). https://doi.org/10.7202/1068351ar
  • Descarries, F., & Désy, C. (2021). L’UQAM pionnière du développement des études féministes dans la francophonie, dans Cahiers de recherche de l’IREF. Institut de recherches et d’études féministes. https://iref.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/56/2021/03/IREF-2021-interactif.pdf
  • Gervais, L. (2004). Relais-femmes, Rencontre entre des savoirs : la mise en action d’une utopie..., dans Labrys, études féministes / estudos feministas, 6. https://www.labrys.net.br/labrys6/quebec/gervais.htm
  • Institut de la statistque du Québec. (2022). Vitrine statistique sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Gouvernement du Québec. https://statistique.quebec.ca/vitrine/egalite
  • 1 a b Bussières et al., 2018; Descarries & Désy, 2021
  • 2Courcy et al., 2019, et Blanc et al., 2011
  • 3Blanc et al., 2011
  • 4UQAM, 1979 dans Blanc et al. 2011, p.39
  • 5Bussières et al., 2018
  • 6Blanc et al. 2011
  • 7Bussières et al., 2018; Chagnon, 2021
  • 8 a b c d Gervais, 2004
  • 9Bussières et al., 2018; Gervais, 2004
  • 10(Akrich, 2013; Courcy et al., 2019
  • 11Chicoine et al., 2020
  • 12Courcy et al., 2019

  • Carole Boulebsol
    Université de Montréal

    Carole Boulebsol est doctorante en sciences humaines appliquées à l’Université de Montréal. Forte d’une quinzaine d’années d’expérience en recherche partenariale, elle a siégé plusieurs années au Comité des services aux collectivités (CSAC) en tant que représentante des groupes de femmes. Plus récemment, elle s’est impliquée dans différents projets de recherches féministes sur la violence notamment et dans lesquels la collaboration entre universitaires et milieux communautaires est centrale. Parallèlement, elle est membre du conseil d’administration de Relais-femmes ainsi que de celui de l’Acfas.

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