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Sofia Laforest, Université de Strathclyde et Université d'Édimbourg (Écosse), Dominic Chartrand, Université Laval

Un parcours de recherche s’invente aussi au fil des rencontres et des occasions. Comme dans un réseau de cours d’eau, d’un échange s’ouvre de nouvelles routes, qui à leurs tours créent de nouveaux sillons... Nous devenons ainsi peu à peu des nœuds au sein de multiples réseaux.

Rencontre avec une postdoctorante et un doctorant œuvrant au sein du sous-réseau étudiant, le Comité des initiatives étudiantes, au sein du grand Réseau de recherche en santé cardiométabolique, diabète et obésité, le CMDO.

CMDO
Activité du camp d’hiver pour les étudiantes et étudiants du réseau CMDO, une formation intensive qui permet le réseautage +++. Source : CMDO.

Johanne Lebel : Bonjour Sofia, Dominic, pourriez nous dire un mot sur votre domaine de recherche?

Sofia Laforest : J'ai fait un baccalauréat en sciences biomédicales à l'Université Laval, où lors de mon dernier stage, j'ai rencontré celui qui deviendrait mon directeur de maîtrise et éventuellement de thèse, le docteur André Tchernof. En maîtrise, je me suis intéressée à la dysfonction du tissu adipeux chez les femmes en santé, et au doctorat, chez les femmes ayant un cancer du sein ou souffrant d'obésité morbide. 

Je suis maintenant chercheuse postdoctorale à l'Université de Strathclyde et à l'Université d'Édimbourg en Écosse. Je travaille sur la relation entre l’obésité et l’hypertension pulmonaire. 

Dominic Chartrand : À la suite de mon baccalauréat en kinésiologie à l’Université Laval, j'ai réalisé un diplôme d'études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) en kinésiologie clinique pour me perfectionner en réadaptation cardiaque, pulmonaire et métabolique. C’est là que j'ai rencontré le docteur Jean-Pierre Després qui deviendra mon directeur de recherche à la maîtrise et au doctorat. Mes études graduées sont également codirigées par la docteure Natalie Alméras.

Je m'intéresse aux relations entre la condition physique et la santé cardiométabolique. On sait que l’accumulation excessive de graisse à l'intérieur de l’abdomen, l’obésité viscérale, est néfaste pour la santé. À la maîtrise, je me suis intéressé à savoir si le fait d’être en forme permet de mobiliser cette graisse. Est-ce pour cela que les gens actifs ont une meilleure santé cardiométabolique? Au doctorat, j’examine les différents dépôts de graisse se logeant dans les organes maigres, comme le foie, le cœur et le muscle. Nos résultats préliminaires laissent voir que l’activité physique mobiliserait ces dépôts et contribuerait à la meilleure santé cardiométabolique chez les gens actifs.

Johanne Lebel : Les primates que nous sommes sont vraiment faits pour le mouvement... et pour réseauter. Comment votre réseau de recherche s’est-il constitué au sein de votre parcours? 

Dominic Chartrand : Pas toujours aisément. J’ai été formé, lors de mon D.E.S.S. en kinésiologie clinique, pour travailler avec des équipes multidisciplinaires, mais une fois sur le marché du travail en pratique clinique, j’ai réalisé que les différents professionnels de la santé ne communiquaient pas assez entre eux. C'était rare de voir une bonne prise en charge en équipe des patients et patientes. 

En recherche, j’ai retrouvé la même situation. Les équipes de recherche sont ultraspécialisées et communiquent trop peu entre elles. On connait le travail des autres par les publications, mais ce peut être long avant d’en entendre parler et on perd le momentum. 

Comme étudiants, il y a toujours des collègues qui pourraient nous aider à améliorer la qualité de nos travaux de recherche, mais on ne sait pas toujours qui contacter et on n'a pas toujours les outils pour les joindre facilement. Cela m'agaçait.

Johanne Lebel : Au CMDO, il y a eu des efforts de réaliser pour vous soutenir, je crois?

Dominic Chartrand : Oui, le réseau CMDO est une plate-forme incroyable pour mettre en lien tous les étudiants et les étudiantes et faciliter l’entraide. Le Comité des initiatives étudiantes nous permet de mettre en contact des gens répartis à la grandeur du Québec dans les différentes universités. 

On travaille très fort pour créer une communauté où le réseautage est efficace. C'est un gros défi que de rejoindre les étudiantes et étudiants actifs au sein des équipes de recherche et des centres de recherche dispersés sur le territoire. 

Le directeur des opérations, Lucien Junior Bergeron fait un travail monstre avec ses infolettres et le site web du CMDO pour partager l'information. Sur Twitter, Sofia rejoint une large communauté, incluant des étudiants chercheurs hors du CMDO. Pour ma part, j'ai créé un groupe Facebook de résolution de problèmes. Quand le thème touche beaucoup les étudiants, la discussion se fait naturellement, mais quand c'est très spécifique, les échanges en personne fonctionnent mieux. 

Chaque année, pour les étudiants du CMDO, il y a une rencontre scientifique en février. C'est une occasion pour les étudiantes et les étudiants de se retrouver. On présente nos travaux, on voit qui travaille sur quoi, et là le réseau se développe aisément. 

Avec la pandémie, on a développé une série de webinaires où les étudiants chercheurs et étudiantes chercheuses, mais aussi des chercheurs et chercheuses plus séniors, présentent leurs travaux. C’est populaire. Les gens interagissaient beaucoup. Mais c'est toujours le défi de réussir à aller chercher tout le monde.

CMDO - congres
Congrès 2020 du Réseau de recherche en santé cardiométabolique, diabète et obésité, le CMDO. Source : CMDO

Johanne Lebel : Qu’est-ce qui explique cette difficulté?

Sofia Laforest : Les raisons sont multiples. On fait partie de plusieurs réseaux, nos besoins évoluent au cours du parcours, et nos horaires sont très chargés. 

Notre premier réseau, c’est notre équipe de recherche « de proximité » où se passent nos activités de recherche et un réseautage « intra-équipe ». Après, on a un groupe de recherche, un centre de recherche, notre université, et puis les réseaux provinciaux, comme le CMDO. Et tous communiquent avec leurs membres par de multiples canaux. 

Une difficulté vient donc de la multiplicité des groupes et des canaux. Les gens font partie de tellement de réseaux différents qui échangent par des méthodes différentes, email, Facebook, Twitter, LinkedIn. 

Comment se démarquer comme réseau, comment montrer notre plus-value? Ce qui fait la différence au CMDO, c’est peut-être cette activité parallèle sur trois réseaux. 

Johanne Lebel : De multiples réseaux emboîtés et à un moment de votre parcours, il y en a un qui peut être plus important que l'autre.

Sofia Laforest : Exact, très importants aussi sont les réseaux où nous introduisent les chercheur·se·s séniors. Elles et ils ont une responsabilité d’introduire leurs étudiantes et étudiants sur les réseaux qui comptent pour le développement de leur parcours. Il y a tellement d'offres et on doit faire des choix. Et, il faut accepter qu'on ne peut pas tout faire… 

Johanne Lebel : Être introduit, faire ses premiers pas dans un réseau… ce sont des moments importants.

Sofia Laforest : En effet, et on n’y échappe pas. Au début de mon parcours, l’idée de rencontrer d’autres chercheuses et chercheurs m'angoissait énormément. Quelles questions poser, comment se tenir? Comment passer d’auditrice passive dans un cours aux discussions où l’on s’engage plus profondément? 

Et ce n'est pas tout d’avoir un réseau, il faut savoir y naviguer. Dominic est clinicien, donc les relations font partie de sa pratique. Je suis du côté fondamental, et dans nos labos, avec nos éprouvettes, on peut manquer d’entraînement. On est un peu des petits rats de laboratoire, si je peux dire. L'aspect réseautage peut être plus difficile. 

Dominic Chartrand : Pour casser l’appréhension des nouvelles étudiantes et nouveaux étudiants à la rentrée d’automne et d’hiver, on organise une activité de réseautage, en virtuel ou en présence, et on le fait dans les différentes villes. Les étudiantes et étudiants apprennent alors à se connaître. Le stress baisse et les interactions deviennent plus simples.

Sofia Laforest : Une grande difficulté pour les personnes qui organisent ces activités, c'est de faire en sorte que les interactions se produisent. On peut aller à un congrès, assister à des présentations, regarder des affiches et ne parler à personne. Je l'ai fait plein de fois. Il faut plonger et l’eau n’est finalement pas si froide…

Au doctorat, j'avais vraiment besoin d'un bon microscope. Celui de notre laboratoire était vieux et pas adapté au marquage que je faisais. Un étudiant est venu me questionner sur ma technique qui l’intéressait au plus haut point. Je lui ai expliqué la chose tout en lui laissant savoir que mon vrai problème c'était de réaliser une bonne image de ma lame. Ma technique était bonne, mais l’analyse était assez misérable. Il m'a dit : « Et bien, nous avons justement ce microscope dans notre équipe ». 

Dominic Chartrand : On voit vraiment l'importance de briser les silos et de travailler en équipe. 

Sofia Laforest : Exact. Et on pourrait même dire que ces nouvelles formes de réseautages sont un effet positif de la pandémie. Lors des colloques, les chercheuses et chercheurs souvent se retrouvent entre eux, et les étudiantes et étudiants, dans un autre groupe. À l’écran, tout le monde est là en même temps, au même plan. 

Plus facile aussi de maintenir des relations partout au Canada, en Europe. D’Écosse, je peux continuer à m'impliquer au CMDO. 

Johanne Lebel : Et en mot de conclusion?

Sofia Laforest : J’aimerais rappeler le plaisir et la richesse des relations entre nous, entre étudiantes et étudiants.  Mon directeur André a été proche de ses collègues lors de ses études. Il m’a raconté l’importance de ces relations nouées au doctorat. C'est là que je me suis vraiment rendu compte, que je me suis dit, « bien oui Sofia, il ne faut pas juste que tu essaies de parler aux chercheuses et chercheurs. Il faut que tu t'intéresses également à ce que les autres font. Mais pas juste du point de vue de leur science, mais de ce qui les motive, de ce qu'ils sont en tant que personne, ne pas penser qu’en termes de recherche, de retombées immédiates. »

Et aujourd’hui de l'autre bord de l'Atlantique, je suis en contact avec mes collègues au Québec parce qu'il se fait de la belle recherche partout dans le monde. Puis j'ai la chance de pouvoir revenir au Québec, de parler français, d'avoir cette proximité-là. Donc, je ne veux pas perdre ça.

Dominic Chartrand : Interagir avec les autres, s’impliquer dans notre milieu et apprendre à connaître les personnes qui nous entourent, c’est tellement important. C’est souvent lorsqu’on parle de nos travaux, de nos projets, de nos ambitions et de nos intérêts avec des collègues que les portes s’ouvrent et qu’on obtient des réponses à nos questions. Discuter avec des gens avec des expertises différentes peut parfois permettre de résoudre un problème en l’abordant de plusieurs angles différents. Le réseautage permet ainsi d’améliorer la qualité des travaux de recherche. Je suis d’ailleurs convaincu que c’est grâce au réseautage, en partageant nos connaissances et en travaillant ensemble qu’on va résoudre les problèmes de manière optimale. Il permet même aux étudiantes et aux étudiants gradués d’accéder à des collaborations et à des opportunités de stage ou d’emploi. En plus, les études graduées, c’est exigeant. C’est important d’avoir des personnes autour de nous sur qui on peut compter dans les moments plus difficiles. J’encourage donc tout le monde à prendre le temps de réseauter. On ne sait jamais. Ça pourrait mener à une discussion intéressante, à une collaboration, à une amitié ou à une belle opportunité.


  • Sofia Laforest
    Université de Strathclyde et Université d'Édimbourg (Écosse)
  • Dominic Chartrand
    Université Laval

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