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Les articles du dossier sont réunis et publiés sous le titre Penser l'après-COVID-19 [PDF].

[Tous les articles du présent dossier, coordonné par Catherine Girard, Isabelle Laforest-Lapointe et Félix Mathieu, ont été publiés initialement dans le journal La Presse, du 4 au 20 mai 2020, sous le titre La relève pense le Québec de l'après-COVID-19]

Avant la COVID-19, le monde de l’éducation au Québec était en ébullition. Après plusieurs années de vaches maigres et de vitesse de croisière, l’élection de la Coalition avenir Québec le 1er octobre 2018 – un gouvernement ayant fait de l’éducation un engagement quasi historique – entraînait un réinvestissement dans le système scolaire et de nombreux changements législatifs et réglementaires. La mise en œuvre de ces changements, auxquels il faut ajouter la négociation des conventions collectives, annonçait un hiver chaud, très chaud.

À l’inverse de son impact sur le milieu de la santé, la déclaration de l’état d’urgence sanitaire au Québec a en quelque sorte refroidi le milieu scolaire québécois. En fait, elle a interrompu les activités éducatives, du préscolaire jusqu’à l’universitaire, du moins dans les espaces physiques où elles se livrent normalement. Elle a eu pour effet de mettre – pour un temps – le couvercle sur la marmite. Cette mesure permettra-t-elle d’éviter les débordements? Ou n'est-ce que partie remise? Seul l’avenir nous le dira. Dans tous les cas, l’interruption prolongée des activités éducatives inhérentes à la poursuite de la mission de l’école québécoise aura mis en évidence un certain nombre de ses tares auxquelles les titulaires de charges publiques devront rapidement s’attaquer. 

La mission de l’école québécoise

Au cours des années 1960, les autorités publiques ont fait le choix de démocratiser l’éducation au Québec, du primaire jusqu’à l’universitaire. Dans le contexte du rapport Parent, cette démocratisation a pris forme à travers la création d’un ministère de l’Éducation ayant à sa tête un décideur public élu et imputable auprès de la population, ainsi que par l’entremise d’une accessibilité géographique et financière aux établissements scolaires et d’enseignement supérieur. Après avoir poursuivi pendant de nombreuses années cet idéal d’accessibilité pour tous, cette mission démocratique s’est vue quelque peu modifiée dans le contexte de la réforme scolaire initiée à la fin des années 1990 et reconnue aujourd’hui sous le nom de « Renouveau pédagogique ». Plutôt qu’une accessibilité pour tous, l’école québécoise devait désormais viser la réussite pour tous

Alors que plusieurs estimaient que l’idéal d’accessibilité était en quelque sorte atteint, la crise provoquée par la COVID-19 est venue jeter une ombre sur cette accessibilité. En ces temps de confinement où l’accès physique au milieu scolaire est impossible, seuls les établissements déjà engagés dans l’enseignement à distance sont arrivés à assurer efficacement cet accès. En ce qui concerne l’enseignement obligatoire (primaire et secondaire), ces institutions sont majoritairement issues du réseau d’enseignement privé, ce qui met sous les projecteurs les inégalités scolaires depuis longtemps décriées. Si les autorités en éducation ont déjà engagé un certain nombre d’initiatives visant à patlier ces inégalités, exacerbées par le contexte de crise, elles devront profiter de la sortie de crise pour mener une réflexion de fond sur ce système scolaire à plusieurs vitesses et poser des actions concrètes pour freiner la ségrégation scolaire, un facteur important de la ségrégation sociale. 

Si les autorités en éducation ont déjà engagé un certain nombre d’initiatives visant à palier ces inégalités, exacerbées par le contexte de crise, elles devront profiter de la sortie de crise pour mener une réflexion de fond sur ce système scolaire à plusieurs vitesses et poser des actions concrètes pour freiner la ségrégation scolaire, un facteur important de la ségrégation sociale. 

Alors que l’école québécoise poursuit un idéal de réussite pour tous depuis les années 1990, il existe un certain débat autour de la nature de cette réussite. Plutôt qu’un idéal de réussite scolaire, considérée comme trop attachée à l’instruction, la performance et la compétition, plusieurs préféreront celui de la réussite éducative, qui ajoute à cette mission d’instruction celles de la socialisation et de la qualification. Or, les initiatives déployées jusqu’ici par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur – par exemple la plateforme numérique L’école ouverte : Fais ton parcours ! ou la transmission de trousses pédagogiques hebdomadaires – se consacrent surtout à la mission d’instruction. Ces ressources impliquent également peu ou pas l’enseignant, un acteur pourtant au cœur de l’acte pédagogique. Il sera intéressant d’observer, au cours des prochains mois, si les mesures déployées par le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur arriveront à répondre, en tout ou en partie, au problème d’accessibilité en période de crise et à remplir à nouveau les missions de socialisation et de qualification. 

Enfin, l’interruption des activités éducatives provoquée par la crise de la COVID-19 a mis en évidence des points d’ombre entourant les rôles et les responsabilités des acteurs scolaires, particulièrement en matière de leadership et de gestion de crise. Sachant que la crise actuelle peut se perpétuer sur de nombreux mois et que de nouvelles crises analogues à celle-ci pourraient apparaître au cours des prochaines décennies, il est crucial d’y jeter un nouvel éclairage et de doter le milieu scolaire de solides plans de gestion des risques et de gestion de crise. Pour ce faire, les spécialistes en sciences de l’éducation devront jouer un rôle important pour accompagner les acteurs scolaires et les aider à relever les nombreux défis que dressent le contexte de crise et ses conséquences.  
 


  • Olivier Lemieux
    UQAR

    Olivier Lemieux est professeur en administration scolaire à l’UQAR
     

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