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Fabio Balli, Université Concordia, Jean-Hugues Roy , Université du Québec à Montréal
Balli et Roy
Source : Founesoutra.com

L’UNESCO déclare que l’accès universel à une éducation de qualité est la clé pour construire la paix, assurer durablement le développement social et économique, et favoriser le dialogue interculturel. L’agence des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture promeut les logiciels libres et en source ouverte (voir les définitions en éditorial) comme une étape naturelle pour éradiquer la pauvreté et construire une société inclusive (objectifs 2030).

Les institutions d'enseignement supérieur utilisent cependant majoritairement des logiciels propriétaires, qui ne favorisent pas l’appropriation des technologies par la communauté, et qui ne garantissent pas le respect de la vie privée. Rappelons à ce point ces mots d’Edward Snowden1 :

  • « Dire que vous ne vous souciez pas du droit à la vie privée parce que vous n’avez rien à cacher n’est pas différent de dire que vous ne vous souciez pas de la liberté d’expression parce que vous n’avez rien à dire. C’est un principe profondément antisocial, car les droits ne sont pas seulement individuels, ils sont collectifs, et ce qui n’a peut-être pas de valeur pour vous aujourd’hui peut être valable pour toute une population, tout un peuple, tout le mode de vie de demain. Et si vous ne le défendez pas, alors qui le fera? »

Sans aborder plus avant cet enjeu, rappelons que l’acquisition seule des logiciels propriétaires pour la société québécoise se compte en millions de dollars par an, et ce uniquement pour ce qui est des universités et des cégeps (à lire au présent dossier : Ce que coûtent les logiciels « non libres » et la science « non ouverte ». Comment expliquer cet état de fait, alors même que la Loi sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement du Québec édicte depuis 2011 que le Conseil du trésor doit « prendre les mesures requises pour que les organismes publics considèrent l’ensemble des technologies offrant un potentiel d’économies ou de bénéfices et des modèles de développement ou d’acquisition disponibles pour répondre à leurs besoins, dont les logiciels libres » (article 10.1.8), sachant que les organismes publics incluent « les collèges d’enseignement général et professionnel et les établissements d’enseignement de niveau universitaire » (article 2.4.1)? Le Conseil du trésor a aussi édité un guide de référence, un guide d'analyse de maturité [pdf], un guide d'analyse du coût total de propriété [pdf], et même une Licence Libre du Québec.

Quelles sont alors des alternatives fiables aux outils propriétaires?

Sur la base de notre expérience, nous proposons ici divers logiciels qui nous paraissent pertinents en termes de fonctionnalités et d'expérience utilisateur. Des sites tels que FramaSoft proposent des listes plus exhaustives qui valent aussi le détour.

Les bases : ordinateur et système d'exploitation

Le premier enjeu du libre est le système d’exploitation, qui gère tous les autres logiciels. Malheureusement, acquérir un ordinateur sans Windows, Mac OS ou Chrome reste encore difficile dans la grande distribution et dans les boutiques universitaires, tout comme il est rare de trouver des logiciels libres dans les salles de classes et les bibliothèques. De même, se faire rembourser la licence du système d’exploitation que l’on n’a pas demandé demande souvent une volonté de fer.

Certains producteurs d’ordinateurs tels HP et Dell proposent cependant la vente de matériel sans système d’exploitation ou utilisant un système libre GNU/Linux tel que  Fedora, Ubuntu, Debian ou Qubes OS. Pour les personnes qui souhaitent des systèmes totalement transparents, la Free Software Foundation certifie des ordinateurs, et autres matériel, qui n’utilisent aucun code source propriétaire, y compris dans leurs processeurs et leur système de démarrage. Le cas échéant, il est impossible de vérifier si le caractère privé de notre vie privée est bien respecté, comme l’a démontré la faille des processeurs Intel, AMD et Arm.

Assurer le respect de la vie privée et le contrôle de ses technologies semblent cependant absent des préoccupations publiques à l’heure où le gouvernement du Québec songe plutôt à charger le secteur privé de la gestion de l’infonuagique, où des enseignants du primaire font des « sorties éducatives » dans les magasins Apple et où une école publique s’est faite certifier par Apple pour l’utilisation du logiciel propriétaire dans sa pédagogie.

Abordons maintenant les logiciels utilisables sur votre système d’exploitation, qu’il soit libre ou propriétaire.

Gérer ses références bibliographiques et rassembler des documents

Comment centraliser toutes ses références bibliographiques et citer ses sources sans avoir besoin d’EndNote? Comment enregistrer sous format PDF, réaliser des captures d'écran de pages web et réunir des liens en un seul endroit ? Comment synchroniser ces données sur différents ordinateurs ou les partager avec des pairs?

Zotero est un excellent outil, proposé à la fois comme module pour Firefox ou comme application de bureau. Grâce à des modules pour LibreOffice (ou Word si vous y tenez vraiment), Zotero permet de rédiger un article, de citer vos sources en fonction du style de citation de votre choix (APA, Vancouver, Chicago, IEEE, et près de 10 000 styles supplémentaires) et de produire automatiquement votre bibliographie.

Dans sa version navigateur, Zotero peut être enrichi par d’autres modules Firefox :

  • Zutilo ajoute de nombreuses options allant des raccourcis au paramétrage de l'interface
  • Zotero Scholar va chercher le nombre de citations dans Google Scholar
  • Zotero Maps montre les références recueillies sur une carte du monde
  • RTF / ODF scan insère des marqueurs de citations dans les articles rédigés
  • ZotFile permet de renommer les PDF et d’en extraire les annotations

La communauté Firefox propose également d’autres plug-ins intéressants.

  • LibX relie les références des site webs aux bibliothèques d’une université
  • uBlock Origin bloque les publicités, scripts et logiciels malveillants sur le navigateur
  • Ghostery bloque les traqueurs et les cookies
  • NoScript permet de choisir les sites d’origine des scripts à exécuter
  • HttpsEverywhere utilise un canal web sécurisé lorsque cela est possible
  • F.B. Purity permet de personnaliser les contenus affichés par Facebook
  • Dontprint optimise la mise en page des textes pour les liseuses électroniques
  • Reader nettoie les pages web pour une lecture plus fluide

Organiser les tâches

Avez-vous besoin de planifier et de suivre le travail en cours ? Un tableur FramaCalc (en ligne) ou LibreOffice (hors ligne) est certainement l’un des moyens les plus efficaces pour les petits projets.

Mais si vous préférez un outil agile de gestion de projet, GitLab, Wekan, Tuleap ou Taiga peuvent vous intéresser.

Gérer les collaborateurs, le matériel et la comptabilité

Vous voulez suivre les contributions financières de manière transparente et redistribuer des fonds aux personnes qui contribuent à votre projet ? Le Value Accounting System est une innovation exceptionnelle qui permet cela.

Vous souhaitez prendre des décisions collectives après les avoir discutées ne nécessitant pas de rencontres en présence ? Loomio permet de réaliser des votes par consensus. D’autres plateformes telle Democracy OS sont également à explorer.

Développé par la même communauté néo-zélandaise, CoBudget permet à un groupe de proposer différents projets dans lesquels investir, puis d’inviter chaque membre du groupe à affecter ses fonds aux projets les plus pertinents.

Pour une gestion plus traditionnelle, GnuCash est un bon moyen de garder l’œil sur votre comptabilité.

Lire et convertir

Vous devez gérer vos livres en ligne? Calibre est un outil pour lire et convertir.

Certains livres sont protégés par un DRM (.ascm) et doivent être téléchargés par le biais d’un logiciel spécifique.

Certaines librairies ont aussi un format spécifique (.azw), qui ne fonctionne que sur leurs appareils. Il existe des outils qui suppriment ces protections, mais vous préférerez peut-être rechercher des listes de livres publiés dans le domaine public.

Modéliser et illustrer

La visualisation est souvent efficace pour donner une vue d'ensemble sur un sujet.

Les outils intéressants sont FreeMind pour une carte heuristique standard et Compendium NG pour une cartographie à plusieurs niveaux. MetaMaps est une option intéressante pour les cartes en ligne.

Pour les diagrammes et les graphiques, Calligra Flow or Dia peuvent être utilisés. LibreOffice vient également avec son propre outil.

Si vous souhaitez dessiner des schémas électriques, tournez-vous vers KiCad, Fritzing ou gEDA. Pour créer un modèle 3D, Blender peut vous aider. Pour fabriquer vos modèles en impression 3D, Slic3r permet de convertir votre document pour l’imprimante. De nombreux modèles éditables sont également disponibles sur des sites tels que Thingiverse.

Pour ce qui est des illustrations, si vous souhaitez éditer des graphiques pixelisés tels que des photos, utilisez GIMP. Pour des graphiques vectoriels – qui conservent la même qualité, quel que soit la taille –, utilisez Inkskape. Plus d'explications.

Des images libres de droits sont disponibles sur des bases telles que WikiMedia Commons et Pexels. Des icônes sont aussi accessibles sur des sites tels que FlatIcon ou PublicDomainVectors.

Écrire

LibreOffice est le logiciel standard dont vous avez besoin. Outre Writer, il fournit une suite d’outils : Calc, Impress, Draw, Base, Math et Graphiques.

Pour travailler simultanément avec d'autres personnes sur le même document, Sandstrom est une alternative à Google Drive qui vous permet de choisir l'emplacement de stockage de vos données. La gestion des modifications et commentaires n'est cependant pas encore optimale.

Préférez-vous une interface pour structurer sous forme de document scientifique, avec des styles basés sur la structure et non sur l'apparence ? Lyx pourra vous intéresser.

Si rédiger votre thèse ou un autre document sous forme de scénario, parce que vous estimez que c’est plus attrayant, Trelby ou Twine pourront répondre à vos besoins.

Et si vous souhaitez ajouter un contrôle de version à vos documents, essayez simplement GitLab; GitBook est un outil spécialement dédié aux textes, mais n'est pas en source ouverte.

Pour vos communications scientifiques, pensez à sélectionner une publication en accès totalement libre. Le Directory of Open Access Journals est d’une grande utilité. A noter que vous avez dans la plupart des cas le droit de partager vos communications en ligne même si elles sont publiées, lisez à ce sujet les microfiches sur le libre accès proposées par Olivier Charbonneau.

Analyser des données

Calc, le tableur de LibreOffice ou d’OpenOffice, peut vous permettre rapidement d’extraire du sens de vos données si leur volume n’est pas trop important.

Si vous avez des fichiers de données dépassant les 100 Mo ou les 200 000 enregistrements, vous respirerez peut-être mieux avec MySQL, l’outil de gestion de bases de données à code source ouvert le plus répandu. D’autres versions de SQL, libres elles aussi, pourraient également répondre à vos besoins: PostGreSQL ou encore SQLite, qui peut prendre la forme d’une extension dans Firefox.

Si vous êtes à l’aise avec la programmation, la suite Anaconda est le coffre à outils qui s’impose, de nos jours, dans l’univers de la science des données. Elle contient une variété de modules des langages Python et R. En Python, le module Pandas est celui qui vous permettra d’analyser le plus rapidement et le plus facilement de grands volumes de données. Vous pourrez également partager vos analyses en les rédigeant dans des carnets Jupyter.

Lire et créer des sons, des vidéos ou des jeux

Si vous devez éditer des sons, Audacity est un bon logiciel.

Pour les films, il ne semble pas y avoir d’éditeur en source libre disposant de fonctions avancées. VLMC est un éditeur de base. Plus développé, HyperEngine n'existe que pour Mac OS, OpenMovieEditor est disponible pour GNU / Linux. Une option multiplateforme semble être DaVinciResolve, qui n’est pas en source libre, mais gratuit. CinePaint peut aussi être utilisé pour améliorer les textures.

Pour regarder des films ou écouter des sons, VLC offre tout ce dont vous avez besoin. La plateforme Jamendo permet par ailleurs d'écouter gratuitement des artistes dans un cadre non-commercial, et d'y diffuser ses oeuvres en choisissant différents types de licences.

Comment créer une expérience immersive et interactive mieux qu'avec des jeux? Il existe divers moteurs de jeux tels que Godot, GDevelop ou Xenko. Ceux-ci sont cependant encore moins puissants qu'un moteur comme Unity3D, gratuit mais non en source libre.

Envoyer et diffuser

La messagerie électronique représente une part importante de votre activité ?

Souhaitez-vous personnaliser les courriels que vous envoyez à un grand nombre de personnes?

Thunderbird et sa grande quantité de modules est ce dont vous avez besoin.

Thunderbird gère également les flux RSS, qui permettent de s'abonner à tous types d'actualités.

Finalement, Diaspora ou Mastodon sont des réseaux sociaux basés sur une gestion décentralisée ou distribuée des décisions, à l’instar d’Internet. Ces outils offrent donc une alternative aux GAFAM. En termes de messagerie, on pourra opter pour un logiciel tel que Signal, qui peut communiquer sans intermédiaire (en peer-to-peer) au lieu de Whatsapp.

Prendre soin de soi

Si vous travaillez tard, sachez que vous devriez éviter de regarder un écran 30 minutes avant de dormir. Flux est une application fort utile qui réduit la luminosité de votre écran la nuit.

Il est également essentiel de faire des pauses toutes les demi-heures pour reposer son corps et améliorer son efficacité. La tentation de faire « juste un peu plus » rend cependant difficile l'adoption de cette pratique. Workrave sur GNU / Linux et Windows, WristSave sur Mac OS permettent d'assombrir l'écran ou d'afficher un message lorsqu'une pause est requise.

Des suggestions?

À noter qu’il existe des initiatives libres dans de nombreux autres domaines, allant de machines agricoles (Global Village Construction Set) au dossier patient (GNU Health).

Avez-vous d'autres suggestions? Commentez cet article ! ;-)

 

Cet article est sous licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.

Note de la rédaction : Les textes publiés et les opinions exprimées dans Découvrir n’engagent que les auteurs, et ne représentent pas nécessairement les positions de l’Acfas.


  • Fabio Balli
    Université Concordia

    Chercheur à l'Université Concordia, Fabio Balli développe un modèle socioculturel dans lequel chacun·e peut vivre pleinement et dans le respect d'autrui.
    Depuis 2014, Fabio coordonne Breathing Games, un commun qui encourage chacun·e à prendre soin de sa santé respiratoire à travers des jeux et des capteurs produits collectivement et diffusés sous licences libres (250 contributeurs, 4 équipes de recherche, 50 communications scientifiques). Fabio est également membre du comité éditorial de Découvrir, membre du comité de l'Institut du Changement Emergent – Madeleine Laugeri SA et vice-président de l'Association suisse d'analyse transactionnelle SR. L’analyse transactionnelle est une approche de psychologie sociale développée par le psychiatre montréalais Éric Berne (1910-1970). Fabio bénéficie de 11 ans d'expérience en entreprises et en institutions, où il a accompagné des équipes dans la mise en place de cultures et de technologies collaboratives. Titulaire d'un Master of Advanced Studies in Human Systems Engineering (HES-SO), il étudie actuellement à Concordia et à l’Ecole d’administration publique de Montréal.

  • Jean-Hugues Roy
    Université du Québec à Montréal

    Jean-Hugues Roy est professeur au programme de journalisme de l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal depuis 2011. Il enseigne, entre autres, l’application de l’informatique au journalisme: programmation, gestion des bases de données, visualisation de données, etc. Il est à la recherche de collègues des sciences sociales pour qui l’informatique est utile dans le cadre de leurs recherches ou de leurs cours. Si c’est votre cas, il attend de vos nouvelles par courriel : roy.jean-hugues@uqam.ca

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