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Sylvie Vauclair, Institut de recherches en astrophysique et planétologie

Le bonheur est dans la recherche, dans l’évolution permanente, dans la créativité qui anime chacun d’entre nous. Nous pouvons peut-être nous considérer chacun comme une sorte de ponctuation active, une respiration, un souffle, une reprise, un changement, un redémarrage… autrement dit, une virgule dans l’espace-temps!

VauclairSur une minuscule planète

Depuis quelques dizaines d’années, les êtres humains prennent conscience de leur situation d’être vivant sur une minuscule planète, face à un Univers immense qu’il découvre avec stupeur. Ces nouvelles connaissances ne concernent pas seulement quelques scientifiques, elles rejaillissent sur l’humanité entière. Il est donc indispensable de les partager. L’humanité doit devenir adulte et se prendre en charge en connaissance de cause face à toute cette immensité.

Nous vivons la période la plus extraordinaire de toute notre histoire. Dans le passé, la vie ne se concevait que sur le sol terrestre ou dans les océans. Il était impossible de s’en échapper, sauf par le rêve ou la poésie. À présent, des êtres vivants sur la surface de la Terre ont réussi à s’extraire de leur berceau planétaire. Ils ont conquis la troisième dimension, la verticalité. Ils ont quitté le sol pour évoluer dans le ciel qui, jusqu’alors, paraissait inaccessible. Les conséquences sont immenses, avec des répercussions fondamentales sur les sociétés humaines.

Tout est allé très vite. Soixante-dix ans seulement après la construction des premiers aéroplanes, l’être humain se rendait sur la Lune, et quelques décennies plus tard, quelque mille satellites tournent autour de la Terre. La communication est alors devenue instantanée sur toute la planète. Dans le passé, les relations humaines se limitaient essentiellement au voisinage géographique. À présent chacun peut communiquer avec le monde entier par-delà les frontières. Les villages sont devenus internationaux, sous la forme des réseaux sociaux.

Des sondes spatiales vont rendre visite aux planètes du système solaire et les étudier de près. Elles en profitent pour regarder la Terre de loin et nous retourner cette image d’une petite planète bleue perdue dans l’immensité de l’espace. Nous prenons ainsi conscience d’une manière aigüe de sa petitesse et de sa finitude. La Terre est petite, mais elle est extraordinaire, car elle abrite la vie. Ses ressources sont limitées, son atmosphère fragile. La vision de la Terre dans son ensemble conduit à une prise de conscience planétaire, du jamais vu dans l’histoire passée de l’humanité.

Des instruments astronomiques ultraperformants sont aussi envoyés dans l’espace, pour observer l’Univers lointain sans être gênés par l’atmosphère terrestre. Ainsi, des études peuvent être menées en observant les objets célestes dans tous les rayonnements qui n’arrivent pas jusqu’au sol, comme l’infrarouge lointain, l’ultra-violet, les rayons X et gamma. Les découvertes qui en résultent ont bouleversé nos connaissances.

Le divertissement pascalien

Mais qui sommes-nous donc? Quel est le sens de notre vie sur Terre? Que signifie cette humanité qui s’y développe depuis des centaines de milliers d’années, une éternité pour nous, mais une paille dans l’échelle de temps universelle! Et qui suis-je, moi, au milieu de tous ces hommes et ces femmes qui composent nos sociétés humaines? Chacun gère à sa manière cet immense malaise qui est notre lot à tous, à défaut d’y pouvoir répondre. La méthode la plus simple peut-être pour réussir à vivre malgré « le malheur naturel de notre condition faible et mortelle », selon Blaise Pascal, c’est de penser à autre chose: « Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser ». C’est le divertissement pascalien, que nous utilisons tous d’une manière ou d’une autre, au moins comme « soupape ». Et pourtant, une pleine prise de conscience de la situation de l’être humain par rapport à cet Univers immense dont il fait partie me semble indispensable pour acquérir la plénitude et pour participer d’une manière efficace et constructive à l’évolution ultérieure de l’humanité.

"Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser", Pascal

Le début de l’Univers fut le début du temps

Dans toutes ces considérations individuelles, une notion apparait de manière primordiale, celle du temps. Qu’est-ce donc que le temps? Le temps existe-t-il réellement? Que signifie-t-il? Les découvertes contemporaines montrent que déroulement du temps n’est pas le même suivant les circonstances, suivant les endroits, suivant les mouvements, et que l’instant en tant que tel n’existe pas. De plus, l’Univers n’a pas toujours existé. Il a eu un début. C’est alors que s’impose à nous cette découverte étonnamment paradoxale et lourde de conséquences : le début de l’Univers fut le début du temps aussi bien que celui de l’espace. Qu’est-ce que cela signifie? Lorsqu’on parle de début, cela suppose en général un temps qui s’écoule, avec un « avant » et un « après ». Mais s’il s’agit du début du temps lui-même? Dans le langage courant, nous n’avons pas les mots pour le dire. L’étude des mots et des images à notre disposition, et de leurs limites, représente un sujet de recherche passionnant.

À notre échelle, nous avons la perception d’un temps qui s’écoule entre la naissance et la mort. Il apparaît souvent comme synonyme de dégradation, de fuite irrémédiable vers le néant. Cependant, c’est aussi le progrès, la création, le dépassement de soi. Dans tous les cas, c’est une dynamique.

Nous faisons nous-mêmes partie d’une grande aventure universelle. Le temps écoulé depuis l’émergence de l’espèce humaine sur la Terre, comparé à l’âge de notre planète, n’est pas plus important que l’épaisseur de l’ongle comparée à la taille du corps entier. Cette constatation conduit à repenser, à resituer et à modifier la conscience humaine qui ne peut plus se comporter comme par le passé, lorsque l’on croyait que l’être humain représentait la finalité du monde. Les découvertes contemporaines ont de toute évidence une répercussion dramatique sur notre esprit.

Partout des planètes

Depuis environ vingt ans, nous savons que de nombreuses planètes orbitent autour d’étoiles autres que le Soleil, en dehors de notre propre système planétaire. Les dénombrements de ces planètes montrent qu’il peut y en avoir une centaine de milliards dans notre Galaxie. Il n’y a pas de raison qu’il n’en aille pas de même dans les autres galaxies. C’est un immense vertige, qui conduit toujours à la même question : quelle est l’importance de l’espèce humaine dans cet énorme Univers? S’il y a des milliards et des milliards de planètes dans l’espace, et sans doute de la vie sur certaines d’entre elles, quel est le sens de notre présence sur Terre?

Ces découvertes contemporaines conduisent à de nouvelles perspectives au sujet de l’origine de la vie. Comment la vie est-elle arrivée sur notre planète? Y a-t-il de la vie ailleurs, sur d’autres planètes? Et d’abord, qu’est-ce que la vie? Paradoxalement, si on creuse un peu cette question, on s’aperçoit que si tout le monde parle de la vie, il n’existe pas de définition claire, précise et universelle de ce qu’on entend par ce mot. De très nombreuses idées de définition de la vie ont été proposées dans la littérature, sans convergence globale. Cette situation reflète sans doute les difficultés de compréhension du passage du non-vivant au vivant.

L’être humain n’est pas un système clos. L’individu en tant qu’être séparé du monde n’existe pas.

Le destin de l'être humain est cosmique

L’être humain n’est pas un système clos. L’individu en tant qu’être séparé du monde n’existe pas. Il fait partie intégrante du tout, de la collectivité, qu’il le veuille ou non. L’importance de l’environnement sur le développement de l’individu est une évidence. Le corps humain abrite des milliards de bactéries qui participent au métabolisme et peuvent modifier l’allure extérieure, l’humeur et le caractère de la personne. Le destin de l'être humain est cosmique. Les éléments dont il est constitué viennent du cosmos et retourneront au cosmos quoiqu’il arrive. Que nous soyons enterrés ou brulés à notre mort, le résultat final est le même. Plus tard, dans le cadre de l’évolution cosmique, certains de ces éléments se retrouveront peut-être sur une autre planète, dans une autre forme de vie, qui sait?

Nous vivons sur Terre pendant un temps limité, mais notre mort individuelle est nécessaire à l’évolution de la collectivité. Nous sommes parties prenantes de cette évolution. Si nous ne mourions pas, si nous étions éternels, plus rien ne changerait. Tout deviendrait figé et par là invivable. La vie serait alors d’un « ennui mortel »!

Est-ce que la présence de l’être humain sur la Terre peut avoir une quelconque signification par rapport à l’évolution globale de l’Univers? Notre passage sur Terre correspond à la période au cours de laquelle nos éléments fondamentaux sont organisés et structurés selon les processus du vivant et du conscient. Qu’est-ce que la conscience? Les découvertes actuelles nous conduisent à repenser notre existence au cosmos, dans le cadre du gigantesque espace-temps dont nous faisons partie.

Impossible dans ces conditions de rester à ne rien faire. Le bonheur est dans la recherche, dans l’évolution permanente, dans la créativité qui anime chacun d’entre nous. Nous pouvons peut-être nous considérer chacun comme une sorte de ponctuation active, une respiration, un souffle, une reprise, un changement, un redémarrage… autrement dit, une virgule dans l’espace-temps!

Présentation de Sylvie Vauclair au 19e Forum international Science et société de l'Acfas, novembre 2018

Pour en savoir plus :

 


  • Sylvie Vauclair
    Institut de recherches en astrophysique et planétologie

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