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Les présents résultats montrent que la recherche menée par les postdoctorants financés par les fonds québécois et canadiens a, en moyenne, davantage d’impact scientifique que celle des professeurs et des doctorants.

Republication de ce billet de la chronique Les mesures de la recherche, de Vincent Larivière et menée avec divers collaborateurs. Le texte a été initialement été publié en novembre 2014.

Nous voulons démontrer ici l’importante contribution des postdoctorants à l’avancement des connaissances et la qualité scientifique de leurs travaux; une démonstration qui s’appuiera sur des données concernant  l’ensemble des postdoctorants financés entre 2004 et 2008 par les organismes subventionnaires québécois et canadiens. Notre but n'est pas de régler le sort des postdoctorants, mais bien de souligner que leur traitement n’est vraiment pas à la hauteur de leur contribution...

Déjà en 1876…

Les premiers stages postdoctoraux ont été créés aux États-Unis en 1876, à partir d’une initiative du président de l’Université Johns Hopkins. Afin d’être plus compétitive vis-à-vis des grandes institutions de recherche scientifique européennes, l’Université offrit alors une bourse à 20 diplômés intéressés à poursuivre des études supplémentaires en lettres ou en sciences. Puisque quatre d’entre eux possédaient déjà un doctorat, ils sont ainsi devenus les premiers boursiers postdoctoraux (Mervis, 1999).

Leur nombre, leur traitement

Le postdoctorat est, de nos jours, un point de passage obligé pour les nouveaux diplômés de doctorat visant à poursuivre une carrière universitaire. Depuis une vingtaine d’années, le nombre de chercheurs suivant cette voie a augmenté de façon significative, tout comme la durée de leur stage (Mitchell, 2013). Par exemple, une étude des National Institutes of Health (NIH, 2012) a montré que le nombre de postdoctorants a doublé entre 1989 et 2009 – conséquence principale de la stabilisation, voire du déclin, du nombre de postes dans les universités, ainsi que de la crise de 2008 qui incita bon nombre d’entreprises à réduire leur nombre de postes en recherche et développement.

Ni étudiants, ni travailleurs, les postdoctorants ont les désavantages des deux statuts : ils sont payés comme des étudiants, mais leurs bourses sont imposables; ils ont un salaire, mais aucune sécurité d’emploi ni, jusqu’à récemment, accès au chômage. En effet, contrairement aux doctorants, dont les bourses ne sont imposées ni au provincial, ni au fédéral, les postdoctorants voir les leurs imposées, et ce, dans bien des cas – les domaines jugés non prioritaires par Québec, généralement en sciences sociales et humaines  – aux deux paliers de gouvernement. En conséquence, les postdoctorants boursiers – représentant l’élite des jeunes chercheurs – sont souvent moins bien rémunérés que les détenteurs d’une bourse de doctorant!

Leur contribution scientifique

Éléments méthodologiques. Le statut des auteurs n’apparait que rarement dans les articles. Ainsi, afin d’isoler les articles savants auxquels les postdoctorants ont contribués, nous avons donc utilisé la liste des noms de chacun des postdoctorants financés par les conseils subventionnaires canadiens et québécois entre 2004 et 2008 (N = 3 454) et retracé leurs articles indexés dans le Web of Science. Après désambiguïsation des noms – plusieurs postdoctorants avaient des homonymes –, nous avons retracé 11 327 articles écrits par 3 014 postdoctorants canadiens. Ainsi, 440 postdoctorants (12,7 %) n’ont contribué à aucun article indexé dans le Web of Science. Les articles écrits au cours de l’année de compétition ainsi qu’au cours des deux années suivantes sont considérés comme des articles écrits en tant que postdoctorants. Enfin, l’activité de recherche des postdoctorants canadiens et son impact scientifique sont comparés avec ceux des professeurs d’universités québécoises et des doctorants de ces mêmes universités (données tirées de Larivière, 2010).

Résultats. La FIGURE 1 montre le nombre d’articles moyen publié annuellement par les postdoctorants boursiers, les professeurs et les doctorants. On remarque que, dans l’ensemble, les postdoctorants publient davantage d’articles annuellement que le font les professeurs d’université et les doctorants. En effet, alors que les postdoctorants du domaine de la santé ont publié 1,3 article en moyenne, ce nombre est de 0,85 et de 0,25 pour les professeurs et les doctorants, respectivement. En sciences naturelles et génie, la différence entre les postdoctorants et les professeurs est plus faible (1,27 contre 1,18), bien que les premiers aient tout de même un nombre d’articles plus important que les seconds. Enfin, en sciences sociales et humaines, aucune différence n’est observable entre les professeurs et les postdoctorants – les deux groupes ayant contribué en moyenne à 0,19 article annuellement – bien qu’ils soient tous deux plus actifs que les doctorants. Aussi, notons que la proportion de postdoctorants ayant publié au moins un article est plus élevée que celle des deux autres groupes – 95 % en santé et en sciences naturelles et génie, et 70 % en sciences sociales et humaines.

Pour ce qui est de l’impact scientifique, tel que mesuré par les citations reçues par les articles (normalisées selon l’année de publication et la spécialité), on voit dans la FIGURE 2 que dans chacun des domaines, les articles des postdoctorants ont davantage d’impact en moyenne que ceux des professeurs et des étudiants de doctorat. Tant en sciences de la santé qu’en sciences naturelles et génie, cet impact scientifique est de 60 % plus élevé que la moyenne mondiale, et est de près de 40 points de pourcentage supérieur à celui des professeurs. Bien que la différence soit plus petite en sciences sociales et humaines, les postdoctorants ont tout de même un impact scientifique moyen situé à 15 points de pourcentage au-dessus de celui des professeurs.

Conclusions

Ces résultats montrent que la recherche menée par les postdoctorants financés par les fonds québécois et canadiens a, en moyenne, davantage d’impact scientifique que celle des professeurs et des doctorants. Ce n'est pas surprenant : la littérature en psychologie de la créativité (Feist, 2006; Simonton, 1984) montre que dans les domaines scientifiques, c’est lorsqu’ils sont jeunes que les chercheurs sont le plus créatifs. Dans la même veine, c’est également en début de carrière qu’ils sont le plus susceptibles d’effectuer des découvertes révolutionnaires, puisque leur esprit scientifique n’est pas encore totalement formé au paradigme dominant et qu’ils ont un regard nouveau sur les problèmes (Kuhn, 1963). Les postdoctorants ont donc une importance cruciale dans la communauté scientifique québécoise et canadienne. Il importe de leur donner des moyens à la hauteur de leur contribution.

Références :

  • 1. FEIST, G.J. (2006). Psychology of Science and the Origins of the Scientific Mind, New Haven, Yale University Press.
  • 2. KUHNT, S. (1962). The Structure of Scientific Revolutions, Chicago, University of Chicago Press.
  • 3. LARIVIÈRE, V. (2010). A bibliometric analysis of Québec’s PhD students’ contribution to the advancement of knowledge, Thèse (Ph.D.) en sciences de l'information, McGill University.
  • 4. MERVIS, J. (1999). « Introduction to special issue : the world of postdocs », Science, 285 : 5433.
  • 5. MITCHELL, J.S., V.E. WALKER, R.B. ANNAN,  T.C. CORKERY, N. GOEL, L. HARVEY, D.G. KENT, J. PETERS et S.L. VILCHES (2013). The 2013 Canadian Postdoc Survey: Painting a Picture of Canadian Postdoctoral Scholars, Canadian Association of Postdoctoral Scholars and Mitacs.
  • 6. NATIONAL INSTITUTES OF HEALTH (NIH). Working Group of the Advisory Committee to the Director. (2012). Biomedical research workforce working group report.
  • 7. SIMONTON, D.K. (1994). Greatness: Who makes history and why, New York, Guilford Press.

  • Held Barbosa de Souza et Vincent Larivière
    Université de Montréal

    Held Barbosa de Souza est bibliothécaire à l’École de technologie supérieure (ETS) et auteure du mémoire de maitrise Analyse bibliométrique de la contribution des postdoctorants canadiens à l’avancement des connaissances, dans le cadre du programme de maitrise en sciences de l’information de l’Université de Montréal.

    Vincent Larivière est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les transformations de la communication savante, professeur adjoint à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal, membre régulier du CIRST et directeur scientifique adjoint de l’Observatoire des sciences et des technologies. Ses recherches portent sur les caractéristiques des systèmes de recherche québécois, canadien et mondial, et sur la transformation, dans le monde numérique, des modes de production et de diffusion des connaissances scientifiques et technologiques. Il est titulaire d’un baccalauréat en science, technologie et société (UQAM), d’une maîtrise en histoire (UQAM) et d’un doctorat en sciences de l’information (Université McGill).

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