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Les bibliothèques des universités situées dans des régions excentrées jouent un rôle distinct dans la réalisation de la mission de l’Université du Québec, et ce, depuis le déploiement initial de celle-ci sur le territoire québécois. Elles assument, entre autres, des responsabilités élargies face à la communauté régionale, c’est-à-dire une mission de pôle régional du savoir qui s’inscrit tout naturellement dans l’ADN d’une bibliothèque universitaire. Cet article s’attardera donc aux rôles multiples de la bibliothèque, modelés par la situation excentrée de son établissement : l’étendue des territoires à desservir, la diversité des besoins des usagers ainsi que les attentes élevées de la communauté professorale et étudiante. Bref, à tout ce qui fait d’elle un incontournable quant à l’avenir des universités en région.

UQAC
Bibliothèque de l'Université du Québec à Chicoutimi. Source : UQAC.

Un avenir ancré dans ses débuts

Dès la naissance des constituantes de l’Université du Québec, la question des bibliothèques et de leurs collections s’est posée. La décennie 1960 était alors une période très vivante dans le domaine de la bibliothéconomie québécoise, avec la création des écoles de bibliothéconomie et avec les discussions de regroupement des bibliothèques des collèges classiques (Brault, 1993). Ainsi, dès 1969, le personnel des bibliothèques des constituantes de l’UQ entreprend la constitution de collections universitaires, en partie par des transferts ou la mise en commun d’ouvrages1. La première moitié des années 1970 est caractérisée par un rattrapage et une actualisation des collections de l’UQAC, du Centre d'études universitaires de Rimouski et du Centre d'études universitaires de l'Ouest québécois (aujourd’hui l’UQO et l’UQAT).  Dès 1970, les principes d’accessibilité élargie, d’interdisciplinarité, de collections soutenant la recherche, d’efficacité et d’économie marquent les intentions des décideurs. Ces universités naissantes, faisant face à de nombreux chantiers simultanés, cherchent rapidement à collaborer. 

Un investissement engagé envers la communauté étudiante 

À l’image de la population étudiante de leur établissement, les bibliothèques d’universités excentrées développent au fil du temps des services adaptés, qui contribuent concrètement à la réussite des étudiant·es de première génération, des étudiant·es autochtones, des étudiants-parents, des travailleurs en processus d’actualisation et de plus en plus des étudiant·es internationaux.

Dans la foulée de la Commission Parent, la création de l’Université du Québec visait à pallier un retard de formation en enseignement supérieur des communautés en région. Ainsi, plus que toute autre université au Québec, les premières constituantes de l’UQ accueilleront, dans les années 1970 et 1980, une majorité d’étudiants de première génération. Malgré l’augmentation du niveau de scolarité dans les régions québécoises, les constituantes de l’UQ accueillent encore aujourd’hui un grand nombre d’étudiants dont les parents n’ont pas fréquenté l’université. Ainsi, en 2022, la part des étudiants canadiens de première génération fréquentant les constituantes de l’UQ se chiffrait à 47 %2.

La proximité physique des universités en région avec plusieurs communautés autochtones inspire dès les débuts des démarches de réconciliation, voire de décolonisation dans les bibliothèques. En 1972, l’UQAC s’attarde aux besoins spécifiques des étudiants des communautés autochtones et s’attache à un « modèle de production, de transmission, de diffusion et de relation d’apprentissage respectant [leur] identité culturelle »3. L’UQAT mène également une démarche d’autochtonisation des espaces de bibliothèque pour développer des environnements inclusifs mettant en valeur la voix et la perspective des peuples autochtones.

Les constituantes régionales de l’UQ ont un mandat d’accessibilité aux études supérieures sur de vastes territoires et auprès de populations fort diversifiées. Les bibliothèques jouent dans ce contexte un rôle clé, permettant de rendre accessible le savoir, que ce soit depuis un village ou dans une métropole régionale. Les services hors campus, le prêt postal et l’accompagnement des étudiants à distance permettent d’égaliser les chances de réussite, amenant la bibliothèque hors les murs.

Bibliothèque de l'Université du Québec à Rimouski. Source : UQAR.

Une bibliothèque portant un rôle régional, tout comme son institution

Une mission de pôle régional du savoir pour une bibliothèque universitaire se construit au sein d’une toile de partenaires collégiaux, publics et privés. Une belle illustration de ce rôle se trouve dans la dénomination même de l’UQAT en 1983, la première à porter le nom d’une région et pas seulement d’une ville. L’UQO a aussi adopté un nouveau nom avec cette intention en 2002.

Les bibliothèques universitaires régionales exercent également des responsabilités particulières quant à la gestion de certains fonds d’archives privées, avec des moyens limités. Ces responsabilités les amènent à collaborer de près avec les antennes régionales de Bibliothèque et archives nationales du Québec ou encore avec les sociétés historiques.

Des efforts de développement de collections et de conservation ont par ailleurs été effectués afin de préserver la documentation régionale. On peut penser à la collecte de littérature grise régionale, notamment lors de la dissolution de la Conférence régionale des élus du Saguenay–Lac-Saint-Jean ou encore au moissonnage de sites web de recherche portant sur cette région, par exemple l’Atlas régional du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Ce rôle régional se démarque aussi dans la diversité et l’ampleur des partenariats noués par les bibliothèques universitaires en région, qu’il s’agisse d’ententes de réciprocité avec les autres établissements d’enseignement supérieur régionaux, avec certaines bibliothèques municipales, avec des bibliothèques scolaires ou encore avec des centres intégrés de santé et services sociaux. Enfin, les espaces et les collections des bibliothèques universitaires sont également accessibles aux citoyens et aux entreprises de la région.

Ce rôle régional se démarque aussi dans la diversité et l’ampleur des partenariats noués [...], qu’il s’agisse d’ententes de réciprocité avec les autres établissements d’enseignement supérieur régionaux, avec certaines bibliothèques municipales, avec des bibliothèques scolaires ou encore avec des centres intégrés de santé et services sociaux. 

Un rapprochement avec la recherche

Les dernières années ont été marquées par le développement de différents services de soutien à la recherche dans toutes les bibliothèques d’enseignement supérieur. Cette réalité prend une forme particulière dans les bibliothèques universitaires en région. La créativité émergeant souvent des contraintes conjoncturelles, on voit de plus en plus le personnel des bibliothèques en région s’impliquer auprès des chercheurs. Ce rôle peut aller jusqu’à l’implication directe dans certains projets. On peut citer notamment l’écosystème numérique DÉSIIR (Données environnementales de santé intégrées pour une infrastructure de recherche) à l’UQAC, ou encore l’accompagnement dans la gestion des données de recherche ou divers projets d’envergure en synthèses de connaissances. De tels projets demandent des efforts considérables aux bibliothèques, notamment en matière de développement professionnel et en temps, surtout à l’échelle d’une bibliothèque régionale. Ces efforts portent fruit cependant, en soutenant la compétitivité de la recherche dans nos organisations.

La question de la pérennité des données et la préservation de l’information numérique marqueront sans aucun doute les prochaines années. Sans surprise, les solutions pour les institutions en région passent par les partenariats, le partage de connaissances et la mobilisation des leviers administratifs et académiques. C’est là où les établissements de taille plus modeste bénéficient d’une opportunité unique de contribuer activement, et de plusieurs manières, aux projets des chercheurs. Un accès accru à l’expertise des bibliothèques ne peut que contribuer au succès des travaux des chercheurs universitaires en région.

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Bibliothèque de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Source : UQAT.

Un réseau dans un réseau

Pour offrir un service exemplaire avec des ressources limitées, la solution de prédilection des bibliothécaires est de travailler en collaboration. Que ce soit au sein de l’Université du Québec ou du Partenariat des bibliothèques universitaires du Québec, notamment en ce qui a trait aux avancées technologiques. Pour les bibliothèques de l’Université du Québec, cela se concrétise dès la création de BADADUQ (UQAM) dans les années 1970, un catalogue commun novateur pouvant être interrogé directement par les usagers4. Dès les débuts donc, des préoccupations de ressources limitées amènent à la coopération, à la mise en commun et à l’innovation. 

Les constituantes de l’UQ partagent des valeurs communes, notamment l’accessibilité aux études, mais, plus encore, les universités en région font face à des réalités semblables. Ces éléments amènent une culture d’échange, de partage d’expérience, de prêt de ressources et d’entraide entre les équipes des constituantes. Ainsi, l’expérience vécue avec le système de bibliothèque Aleph a permis de mettre de l’avant les avantages indéniables d’implanter, en mode coopératif, un système commun5. Ceci servira de tremplin au déploiement de la plateforme WMS d’OCLC, dont l’interface publique est connue sous le nom de Sofia, dans toutes les bibliothèques universitaires québécoises en 2019-2020.

Le travail en réseau permet au personnel des bibliothèques universitaires en région d’élargir leurs horizons, les possibilités de services et leurs zones d’expertises. À titre d’exemple, pensons à la mise en commun des expertises en soutien aux revues savantes via le Réseau Circé qui permettra à des revues de plus petites universités de recevoir des services de haut calibre, en collaboration avec leur bibliothèque locale.

Afin de réaliser leur mission, les bibliothèques d'universités en région doivent s’ancrer dans un réseau de bibliothèques universitaires fort et varié qui constitue une porte d’entrée vers la littérature scientifique mondiale, essentielle à l’accomplissement des missions d’enseignement et de recherche. La force du Partenariat des bibliothèques universitaires du Québec est de soutenir directement des services pertinents et des collections offertes à l’échelle de la province.

Des partenaires internes essentiels

Le maillage et la collaboration avec les autres services de l’université incarnent la proximité dans l’expérience étudiante. La centralisation du Centre d’aide à la réussite dans certaines bibliothèques ou encore l’organisation d’évènements tels que la Soirée de la lutte contre la procrastination à l’UQO (en coopération avec les Services aux étudiants et le Centre de soutien et d’innovation en pédagogie universitaire) sont des exemples d’actions concrètes mises en place dans les institutions régionales.

Pénurie de main-d’œuvre et dévouement 

Malgré des enjeux majeurs de recrutement, les bibliothèques des universités en région réussissent à tirer leur épingle du jeu et à « répondre présent » aux défis énumérés ci-haut. Le manque de main-d’œuvre créée toutefois une pression additionnelle sur les employés – des personnes dévouées et investies qui se consacrent à de multiples dossiers dans un contexte de ressources limitées, portées par le souci d’offrir le meilleur service possible à leur communauté universitaire. 

Le fait que les formations technique et universitaire en sciences de l’information ne soient pas offertes en région, conjugué à une diminution du nombre de cohortes de formation disponibles nuisent à l’attractivité d’une main-d’œuvre qualifiée. Même s’il arrive fréquemment que des candidats issus des régions démontrent de l’intérêt à suivre ces formations, l’obligation d’une relocalisation dans un grand centre en décourage malheureusement plus d’un. Dans un tel contexte, l’accès à une formation à distance nous apparaît essentiel.

Conclusion

De la création de l’UQ à aujourd’hui, les bibliothèques universitaires en région contribuent activement à la réalisation de la mission de leur établissement. 

Parmi les défis, rappelons qu’elles sont confrontées à de multiples enjeux telle une pénurie de main-d’œuvre qualifiée tout en ayant un devoir de répondre aux besoins variés de leur communauté universitaire avec des ressources limitées et un vaste territoire à desservir. 

Parmi, les solutions, mentionnons l’accès à distance aux formations technique et universitaire en sciences de l’information pour contribuer à la pérennité de ces bibliothèques et aux services offerts. Et bien sûr, le maintien d’une culture de travail collectif, le partage de valeurs communes, l’investissement des employés et une inventivité quotidienne sont les forces premières qui permettront assurément aux bibliothèques universitaires en région de relever les défis de demain. 

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Bibliothèque de l'Université du Québec en Outaouais. Source : UQO.
Bibliographie  
  • Boisvert, D. et Seguin, B. (2010). Implantation en mode coopératif d’un système de gestion de bibliothèques dans huit établissements du réseau de l’Université du Québec (UQTR, UQAC, UQAR, UQO, UQAT, ETS, INRS, ENAP). Documentation et bibliothèques, 56(2), 49-62. https://doi.org/https://doi.org/10.7202/1029132ar
  • Bourdon, M.-C. (2019, 29 mars). Qui se souvient de Badaduq? https://actualites.uqam.ca/2012/qui-se-souvient-de-badaduq/
  • Brault, J.-R. (1993). Les bibliothèques universitaires du Québec : 25 ans de coopération. Documentation et bibliothèques, 39(3), 141-152. https://doi.org/https://doi.org/10.7202/1028749ar
  • Centre d'études amérindiennes. (1992). Présence amérindienne à l’Université du Québec à Chicoutimi : Rapport présenté à la Commission Royale sur les Peuples autochtones. Université du Québec à Chicoutimi.
  • Direction de la recherche institutionnelle, Université du Québec. (2023). Portrait de la population étudiante selon l'enquête ICOPE 2022 [présentation PowerPoint].
  • Lapointe, R. (1969). En longeant les rayons. Université du Québec à Chicoutimi. 
  • 1

    Lapointe, 1969.

  • 2

    Direction de la recherche institutionnelle, Université du Québec, 2023, p.4.

  • 3

    Centre d'études amérindiennes, 1992.

  • 4

     Bourdon, 2019.

  • 5

    Boisvert et Seguin, 2010.


  • Nathalie Villeneuve
    UQAC

    Détentrice d’une maîtrise en histoire de l’Université de Montréal, Nathalie Villeneuve œuvre depuis 20 ans dans le domaine documentaire et patrimonial canadien. Historienne, archiviste et gestionnaire, elle a travaillé pendant une douzaine d’années à Bibliothèque et archives Canada, où elle a notamment occupé le poste de conseillère principale du sous-ministre adjoint/chef de l’exploitation et de directrice de la Préservation numérique et des archives audiovisuelles, avant d’effectuer un retour dans sa région d’origine. Depuis plus de 6 ans, elle est directrice des Services de la bibliothèque de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), où elle a la responsabilité de la bibliothèque universitaire, du service des archives et de la gestion documentaire, ainsi que de l’équipe d’accompagnement pédagogique et des technologies éducatives. Elle est également codirectrice du Carrefour de l’enseignement et de l’apprentissage de l’UQAC. Reconnue pour son approche collaborative, elle a eu la chance de travailler avec une grande diversité de professionnels et de contribuer à la réalisation de projets d’envergure.

  • Isabelle-Annie Levesque
    UQAR

    Isabelle-Annie Levesque est directrice du Service de la bibliothèque de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Titulaire d’une Maîtrise en sciences de l’information spécialisée en gestion stratégique de l’information, elle a tout d’abord évolué en entreprise privée pour ensuite joindre l’UQAR et y occuper, dès 2009, le poste de Bibliothécaire-coordonnatrice, traitement documentaire et systèmes. Depuis sa nomination en tant que directrice du Service de la bibliothèque en 2018, elle a privilégié le développement de nouveaux services en soutien à la recherche, s’est impliquée dans l’implantation et le déploiement du support institutionnel en gestion des données de recherche (GDR) et a pris part à de nombreux autres projets à l’UQAR. Reconnue pour son leadership mobilisateur, elle veille au bien-être de son équipe, contribuant à instaurer un climat de travail harmonieux et stimulant.  Avec cette équipe, qui compte vingt-cinq employé.es réparti.es entre les campus de Rimouski et de Lévis, elle aspire à offrir les services et ressources documentaires répondant le mieux possible aux besoins diversifiés de la communauté universitaire.

  • Miriam Lefebvre
    UQAT

    Miriam Lefebvre occupe les fonctions de coordonnatrice des bibliothèques et des moyens d'enseignement au sein de la bibliothèque partagée du Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue et de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) depuis 2024. Elle est titulaire d'un DESS en sciences comptable de l'UQAT et membre de l'ordre des comptables professionnels agréés (CPA). Elle découvre le monde des bibliothèques, lors d’un passage à la bibliothèque municipale de Rouyn-Noranda, en tant que directrice générale en 2023. Séduite par ses valeurs et par l’expertise des gens qui le composent, elle décide de s'engager à accompagner les communautés collégiales et universitaires dans la réussite éducative en priorisant l’accessibilité à des ressources de qualité dans un environnement convivial et dynamique. Son expérience acquise au cours des 10 dernières années dans le secteur privé, principalement en développement de structures administratives et en gestion des opérations pour des entreprises de services (ingénierie et conseil de gestion), représente un atout mis à profit au quotidien. Son équipe vous dira qu'elle sait faire preuve d'un leadership bienveillant et de courage managérial pour bâtir un service fort qui sait s'adapter autant aux enjeux qu'aux besoins des communautés. 

  • David Fournier-Viger
    UQO

    David Fournier-Viger est actuellement directeur du service des bibliothèques de l’UQO, où il conduit la transformation des services pour en faire un véritable moteur d’apprentissage et d’innovation. Titulaire d’une Maîtrise en sciences de l’information, spécialisée en bibliothéconomie, et d’un Baccalauréat en Histoire, David œuvre dans le monde de l’enseignement supérieur depuis 2005. Au fil de sa carrière, il a développé une expertise solide en technologies éducatives, gestion documentaire et soutien à l’usager. Anciennement à la tête des bibliothèques de l’UQAT pendant près de six ans, il a mené des projets structurants en développement de collections, partenariats et modernisation des espaces. Reconnu pour son leadership collaboratif, il valorise l’inclusion, l’engagement des équipes et l’amélioration continue. Passionné par l’innovation, il considère la bibliothèque comme le cœur vivant du campus et un lieu où savoir et créativité se rencontrent.

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