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Marco Romagnoli, Université Laval, Catherine Charron, Forges de Montréal

Les articles du dossier sont réunis et publiés sous le titre Penser l'après-COVID-19 [PDF].

[Tous les articles du présent dossier, coordonné par Catherine Girard, Isabelle Laforest-Lapointe et Félix Mathieu, ont été publiés initialement dans le journal La Presse, du 4 au 20 mai 2020, sous le titre La relève pense le Québec de l'après-COVID-19]

Le Québec est « sur pause » depuis deux mois, et notre regard se dirige de plus en plus vers l'après-COVID-19. Des réflexions concrètes s'ébauchent quant à la revitalisation du secteur touristique, mis à mal par la fermeture des frontières et par les interdictions de déplacement. Les flux des voyageurs sont immobiles et la mosaïque du secteur touristique mondial – composée d’hôtels, de restaurants, de musées, de sites patrimoniaux – accuse de fortes pertes sur tous les plans.

« Ça va bien aller », le slogan consacré sous forme d’arc-en-ciel évoque la promesse d’un retour éventuel à la « vie normale ». Il nous fait penser au jour convoité où l’on pourra à nouveau sortir avec nos amis, ou simplement éviter les longues files au supermarché. Mais l’enjeu véritable, tant touristique que moral, est de savoir si on continuera à voyager comme on le faisait avant cette pandémie. 

Tourisme de masse : un modèle dépassé

Au royaume du tourisme de masse, il est impossible de ne pas voir d’un œil nouveau les pratiques qui découlent, par exemple, du tourisme de croisière. Un coup de barre pour un changement de cap s’impose. Ce type de tourisme avait atteint une telle force qu’il prenait la forme d’un tsunami, tant humain qu’environnemental. Plusieurs mouvements de contestation, comme #TouristsGoHome à Barcelone ou à Venise, ont émergé dans ces villes littéralement envahies chaque année. 

Le tourisme de masse a engendré l’éclosion d’une haine de l’étranger chez les résidents locaux, et parfois même une forme de racisme à leur égard. La COVID-19 amplifiera-t-elle ce phénomène? Dans tous les cas, le tourisme de masse a des effets pervers : les commerces locaux qui bénéficient des retombées ont développé une dépendance face à ce modèle d’affaires. Souhaiterons-nous accueillir de nouveau cette marée humaine pour des motifs purement économiques? Ou la solution résiderait-elle plutôt dans une véritable « diète touristique »? La COVID-19 nous commande une réflexion fondamentale à ce sujet. 

Souhaiterons-nous accueillir de nouveau cette marée humaine pour des motifs purement économiques? Ou la solution résiderait-elle plutôt dans une véritable « diète touristique »?

Tourisme culturel régional : l’achat local pour une renaissance économique

Au Québec, les agences touristiques régionales s’activent déjà pour se démarquer et promouvoir les attraits de leur région. On peut voir par exemple Tourisme Côte-Nord jouer avec les mots dans une publicité mêlant les spécificités régionales et les consignes de la santé publique (1 marsouin = 2 mètres). Et ceci n’est que le début d’une campagne de promotion nationale encore plus vaste. Plus que jamais, on peut s’attendre à ce que les artistes, les artisan-e-s et les entreprises culturelles locales se fassent les porte-étendards du patrimoine québécois, dans toute la variété qui l’anime. Leur rôle sera d’attirer les visiteurs afin de relancer l’économie locale. 

...on peut s’attendre à ce que les artistes, les artisan-e-s et les entreprises culturelles locales se fassent les porte-étendards du patrimoine québécois, dans toute la variété qui l’anime. Leur rôle sera d’attirer les visiteurs afin de relancer l’économie locale.

Tel qu’annoncé par les autorités publiques, l’ensemble des festivals et des événements culturels sont maintenant annulés pour la saison estivale prochaine. Il faudra faire preuve d’inventivité et de résilience, alors que ces grands événements, certes lucratifs, incarnent aussi une fierté aux couleurs locales ou régionales. Et ce ne sont pas que les géants de l’industrie qui écopent ; la saison des Pow-Wow des Premiers Peuples ne pourra pas davantage pas avoir lieu cette année. C’est là qu’on voit que la COVID-19 atteint toutes les cultures et chacun de leur mode d’expression. 

Tourisme solidaire et durable

La COVID-19 modifiera les comportements humains en général, et donc les comportements touristiques en particulier. On ne visitera plus de la même manière, ni pour les mêmes raisons. Au Québec, le mouvement de solidarité qui se ressent pourrait prendre la forme d’un appui encore plus massif pour la consommation locale, et se traduire par un tourisme régional accru. Espérons que notre gouvernement et diverses ses agences investissent massivement dans la promotion des régions et de leur attrait culturel afin de sensibiliser la population à l’immense beauté qu’elles renferment. 

Repenser la mobilité collective post-COVID-19 impose de faire des choix empreints de durabilité et de solidarité sociale. Elle engage à se satisfaire des produits et des lieux près de chez soi, plutôt que de vouloir à tout prix consommer ce qu’on ne retrouverait qu’ailleurs. Il s’agit d’une opportunité pour nous redécouvrir.

De consommateurs boulimiques de voyages sous l’emprise d’une voracité d’apparence, saurons-nous opter pour une façon de voyager qui soit plus responsable, durable et sensible tant pour notre environnement que pour les êtres humains qui l’habitent?

De consommateurs boulimiques de voyages sous l’emprise d’une voracité d’apparence, saurons-nous opter pour une façon de voyager qui soit plus responsable, durable et sensible tant pour notre environnement que pour les êtres humains qui l’habitent?


  • Marco Romagnoli
    Université Laval

    Marco Romagnoli est doctorant en ethnologie et patrimoine à l'Université Laval. Il bénéficie de la boursier Vanier.

  • Catherine Charron
    Forges de Montréal

    Catherine Charron est ethnologue et co-directrice des Forges de Montréal.

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