Informations générales
Événement : 92e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Enjeux de la recherche
Description :L’intimidation dans le milieu universitaire est un sujet qui suscite de plus en plus d’attention, en raison notamment de ses impacts sur la qualité du climat d’enseignement-apprentissage (p. ex., Fraguas et al., 2021; Jadambaa et al., 2021). Jusqu’alors, les travaux se sont principalement penchés sur les gestes d’intimidation entre étudiant·es. On en sait beaucoup moins sur ces gestes perpétrés par des professeur·es d’université à l’endroit de leurs propres collègues (Meriläinen et al., 2016).
Les recherches menées dans d’autres contextes professionnels indiquent que les personnes qui subissent de l’intimidation au travail peuvent en venir à se dévaloriser et afficher des problèmes de performance (p. ex., stress important, perte d’estime personnelle; Vartia, 2011) sans compter qu’elles peuvent développer de sérieux problèmes de santé mentale (p. ex., détresse psychologique importante, dépression, anxiété; Bailey et al., 2015; Bonde et al., 2016; Laschinger et Fida, 2014; Liang, 2019). Dans les cas les plus graves, les gestes d’intimidation peuvent mener à des idées et à des comportements suicidaires (Nielsen et al., 2016).
L’on croit dans le milieu que l’intimidation entre professeur·es serait un phénomène commun, mais que les gestes reprochables seraient rarement dénoncés, notamment en raison de craintes de représailles (Gianakos et al., 2022). Cette intimidation qui nous intéresse désigne des comportements abusifs ou irrespectueux qui sont posés par un·e professeur·e et qui cible une collègue professeur·e. Ces gestes sont souvent posés au sein d’une relation asymétrique, où la personne intimidatrice jouit d’un statut de séniorité ou est en position d’autorité. À titre de professeur·es œuvrant en milieu universitaire et dans divers domaines, nous croyons qu’il relève de notre responsabilité de mettre en lumière la fréquence et la nature de cette pratique problématique.
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Catherine Malboeuf-Hurtubise (Bishop’s University)
- Sébastien Béland (UdeM - Université de Montréal)
- Marc-André Éthier (UdeM - Université de Montréal)
- David Lefrançois (UQO - Université du Québec en Outaouais)
- Jonathan Smith (UdeS - Université de Sherbrooke)
Programme
Allocution d’ouverture
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Communication orale
L’intimidation dans le monde universitaire… Non merci!Serge Larrivée (UdeM - Université de Montréal)
En 52 ans de carrière universitaire, je n’ai connu aucun département aux prises avec une culture générale d’intimidation. J’ai cependant été confronté à quelques reprises à des comportements individuels hostiles, bien ciblés, à l’égard de collègues. Sans être pathologiques, ces comportements correspondent à des comportements névrotiques et, à quelques reprises, à des troubles de personnalité, dont le narcissisme. Dans une recherche sur PsycInfo et ERIC, nous avons pu répertorier 46 publications sur le sujet de 2000 à aujourd’hui. Au cours de cette communication, je présenterai quelques exemples… dans le plus grand respect des règles de l’éthique.
Présentations orales
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Communication orale
L’intimidation académique entre professeurs dans le milieu universitaire: bref survol de la littératureMarko Biberdzic (Université Bishop's), Sébastien Béland (Université de Montréal), David Lefrançois (david.lefrancois@uqo.ca), Catherine Malboeuf-Hurtubise (Bishop’s University), Jonathan Smith (Université de Sherbrooke), Marc-André Éthier (Université de Montréal)
L’intimidation dans le milieu universitaire est un sujet qui suscite de plus en plus d’attention. Or, les travaux se sont principalement intéressés aux gestes d’intimidation entre étudiants. On en sait beaucoup moins sur ces gestes perpétrés par des professeur.es à l’endroit de leurs propres collègues. Les recherches menées dans d’autres contextes professionnels indiquent que les personnes qui subissent de l’intimidation au travail peuvent en venir à se dévaloriser et afficher des problèmes de performance, ainsi que développer de sérieux problèmes de santé mentale. Dans les cas les plus graves, les gestes d’intimidation peuvent mener à des idées ou comportements suicidaires. Lors de cette communication, nous dresserons un portait des déterminants de l’intimidation en milieu académique, d’abord en examinant son impact en milieu de travail et les cas spécifiques documentés dans le monde universitaire. Nous présenterons les facteurs intra-individuels et psychologiques pouvant mener à l’intimidation et examinerons ensuite comment le milieu universitaire peut inciter les professeur.es à adopter des comportements d'intimidation à l'égard de leurs collègues. Nous mettrons en évidence des facteurs institutionnels ou systémiques, en expliquant comment le monde universitaire lui-même peut encourager la toxicité et les comportements d'intimidation. Cette présentation servira d’introduction aux présentations et interventions d’experts qui prendront la parole au cours de la journée.
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Communication orale
Le pouvoir dans la culture académique : vecteur de désolidarisation et de bullying ?Stéphanie Demers (UQO - Université du Québec en Outaouais)
L’intimidation (le bullying) en milieu de travail intéresse les chercheur·euses depuis la fin des années 1980, mais peu d’entre eux ont porté attention à leur propre milieu de travail comme contexte potentiellement propice à ce phénomène. Pourtant, les caractéristiques des structures universitaires (dont la collégialité décisionnelle, l’évaluation par les pairs, la promotion, la concurrence pour le financement de la recherche, la diversité des paradigmes théoriques, par exemple) reposent sur des relations interpersonnelles potentiellement empreintes d’asymétries et de jeux de pouvoirs (Keashly et Neuman, 2010). Or, l’hégémonie néolibérale conditionne des attentes et conventions relatives à la production scientifique, les inscrit dans la verticalité des rapports de pouvoir au sein de l’université. Les injonctions systémiques à l’accélération et à l’avancement individuel, tendent ainsi à alimenter une atomisation croissante du chercheur, de la chercheuse devenu·e « entrepreneur·e de soi-même » aux dépens des valeurs collaboratives qui forment les communautés scientifiques (Lemon et Barnes, 2021; Zawadzki et Jensen, 2020). Cette communication vise à explorer la dynamique entre la culture académique, ses conventions formelles et informelles et les rapports de pouvoir qui en découlent et contribuent au phénomène du bullying académique.
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Communication orale
L’intimidation entre collègues en milieu universitaire : les difficultés d’application de la protection contre le harcèlement psychologique au travailLeslie-Anne Barber (Université du Québec en Outaouais), Julie Bourgault (Université du Québec en Outaouais), Anne-Marie Delagrave (Université Laval), Diane Gagné (Université du Québec à Trois-Rivières)
Bien que l’intimidation ne soit pas expressément visée par la Loi sur les normes du travail (LNT), elle peut constituer une forme de harcèlement psychologique lorsqu’elle répond à la définition législative. C’est à l’employeur qu’incombe l’obligation de prévenir et de faire cesser le harcèlement au travail. La LNT prévoit un recours pour la victime qui réussit à démontrer qu’elle a subi un tel comportement. Toutefois, même lorsqu’une situation de harcèlement psychologique est constatée, la plainte déposée sera rejetée si l’employeur démontre qu’il a pris les moyens raisonnables à cette fin. Depuis 2024, la loi prévoit le contenu minimal de la politique de prévention du harcèlement que l’employeur doit adopter, et d’ici la fin 2025, celui-ci devra identifier et prendre en charge les risques psychosociaux. Or, la mise en œuvre de ces obligations en milieu universitaire est complexe. Les valeurs de collégialité, d’autonomie et de liberté académique sont en tension avec le lien de subordination inhérent au droit de direction reconnu aux employeurs en droit québécois. Ce contexte peut compliquer l’imputabilité des obligations légales en matière de harcèlement psychologique. Cette présentation exposera le cadre juridique applicable en matière de prévention du harcèlement entre collègues professeur.e.s, ainsi que les défis et zones grises liés à l’application des normes législatives en milieu universitaire pour contrer l’intimidation.
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Communication orale
Personnalités sombres et intimidation en milieu académiqueCynthia Mathieu (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Certains individus, par leur façon d’être, rendent les milieux de travail toxiques. Il existe en effet des profils d’individus, qui, bien qu’ils puissent être charismatiques peuvent expliquer, du moins en partie, la présence de comportements d’intimidation en milieu de travail. Cette présentation se concentrera à identifier les caractéristiques des individus faisant partie de la « Dark Triad » et le rôle que jouent ces traits de personnalités sur les gestions d’intimidation et de harcèlement en milieu de travail. La présentation se basera tant sur les études menées par la chercheure dans plusieurs milieux de travail ainsi que sur les recherches portant sur le sujet du harcèlement en milieu académique. Au cours de cette présentation, les moyens utilisés par ces individus afin d’entrer dans les organisations seront présentées ainsi que les mécanismes inhérents au monde académique qui expliquent et favorisent les comportements d’intimidation de la part de professeur.e.s envers leurs collègues. Des recommandations seront offertes afin d’aider les organisations à minimiser les risques d’intimidation entre professeur.e.s.
Présentations orales
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Communication orale
Que cache la première vague de réponses au sondage « L’intimidation académique entre professeurs dans le milieu universitaire au Québec »?Marko Biberdzic (Université Bishop's), Sébastien Béland (UdeM - Université de Montréal), David Lefrançois (Université du Québec en Outaouais), Catherine Malboeuf-Hurtubise (Université Bishop's), Jonathan Smith (Université de Sherbrooke), Marc-André Éthier (Université de Montréal)
De nombreuses études sur l’intimidation à l’université ont été menées et portent généralement sur le point de vue des étudiants (par exemple, Marraccini et al., 2015 ; May et Tenzek, 2018). Le phénomène de l’intimidation entre professeurs d’université, quant à lui, a suscité moins d’intérêt au sein de la communauté de recherche. Cela est surprenant, car il est reconnu comme l’un des plus anciens vices du monde académique dans certains romans de campus (campus novels), tels que Small World(Lodge, 1984).
Un groupe de professeurs dirigé par Catherine Malboeuf-Hurtubise (Université Bishop) a récemment décidé d’explorer cette question auprès des universités de la Belle Province. Ce projet, qui adopte une méthodologie mixte, se concentrera sur la partie quantitative dans le cadre de cette communication.
Deux éléments seront présentés. D’abord, le sondage intitulé « L’intimidation académique entre professeurs dans le milieu universitaire au Québec », élaboré à l’automne 2024, a été diffusé au cours des premiers mois de l’année 2025. La première vague de collecte étant terminée, les principaux résultats descriptifs seront exposés dans cette communication. Ensuite, différents défis, tels que l’échantillonnage et certains choix liés au contenu du sondage, seront discutés. Des analyses statistiques plus avancées seront également suggérées afin d’alimenter la réflexion sur les travaux futurs.
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Communication orale
L'agressivité et la nature humaine: perspective évolutionniste et éthologique du développement de l'intimidation, de l'enfance à l'âge adulteFrançois Bowen (UdeM - Université de Montréal)
Au travers du regard de la psychologie évolutionniste et de l’éthologie humaine, nous tenterons de répondre à deux questions : 1) Dans quelle mesure l’agressivité et l’intimidation font-elles partie d’un processus adaptatif pour le jeune comme pour l’adulte? 2) Dans quelles conditions ces comportements d’intimidation deviennent-ils totalement inadaptés, tant pour l’environnement social que pour l’individu qui agit de la sorte? La réponse à ces questions se trouve en partie dans notre histoire biologique. Cette dernière offre un cadre explicatif complémentaire aux autres théories du développement du comportement humain actuellement employées pour décrire et comprendre les comportements d’intimidation.
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Communication orale
Mobbing et actes d’intimidations implicites perpétrés au sein des structures universitaires et la mobilisation des modes de prévention et règlement des différendsMélanie Bourassa Forcier (ENAP - École nationale d'administration publique)
Le phénomène de « mobbing », décrit par la Professeure Ève Séguin comme « un processus concerté d’élimination d’un employé, qu’il vaut mieux appeler la ‘cible’ »1, est documenté, mais toujours peu discuté au sein du milieu universitaire. En octobre 2024, au terme d’une année de revue de la littérature jurisprudentielle, doctrinale et de la littérature crise, couplée à des entrevues semi-dirigées, les parties prenantes de l’écosystème universitaire ont été réunies dans le but de discuter du phénomène, d’expériences vécues et de solutions potentielles et optimales. Nous proposons de présenter le phénomène au travers de la jurisprudence québécoise et canadienne en identifiant le rôle, parfois latent, des structures institutionnelles dans la perpétration de ces actes. Il est ressorti de nos travaux que les modes de prévention et règlement des différends représentent des alternatives efficaces au recours aux instances formelles universitaire ou aux tribunaux pour mitiger les conséquences ressenties par les « cibles ». L’intervention sera basée sur le compte-rendu produit à la suite des journées de formation tenues les 2, 3 et 4 octobre 2024 dans le cadre desquelles les parties prenantes étaient réunies pour aborder différentes thématiques sujettes à enjeux au sein de la communauté universitaire québécoise.