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« Si la relève en recherche adopte des pratiques de recherche plus écoresponsables malgré leurs conséquences sur sa carrière, c’est qu’elle considère que la préservation de l’environnement et la lutte aux changements climatiques doivent primer sur les impératifs de production scientifique exigés par l’actuelle culture académique. » Ce passage, tiré du rapport Écoresponsabilité en recherche : constats, solutions et impacts publié par le Comité intersectoriel étudiant (CIÉ) des Fonds de recherche du Québec (FRQ), est au cœur d’une réflexion collective sur la responsabilité environnementale du milieu universitaire et sur l’importance d’une transition verte équitable au sein de la communauté de recherche. Présentation des constats et de la réflexion du CIE au sujet de l’écoresponsabilité en recherche et des impacts à anticiper pour la relève.

Au sein de la communauté de recherche, la relève1 hisse un nouvel enjeu au rang de priorité : l’écoresponsabilité2. En effet, en plus des domaines de recherche liés aux crises écologiques qui gagnent en popularité, des membres de la relève de tous les secteurs manifestent une ferme intention de prendre en considération la responsabilité environnementale dans la façon dont ils mènent leur recherche. La communauté de recherche, avec son haut niveau d’instruction, ne peut ignorer l’urgence des crises environnementales actuelles [1], et se doit de mener sa recherche de manière responsable, en particulier pour les projets financés par des fonds publics.

En 2021, le Comité intersectoriel étudiant des Fonds de recherche du Québec souhaitait documenter les principaux impacts écologiques de la recherche et proposer des options pour se détourner des pratiques les plus nocives. La démarche du CIE a culminé avec la publication en juin 2023 de son rapport Écoresponsabilité en recherche: constats, solutions et impacts. Ce document est basé sur une démarche en trois étapes. D’abord, le CIE a effectué une revue de la littérature et des pratiques écoresponsables existantes dans les institutions. Il a ensuite complémenté cette revue de littérature avec une consultation de spécialistes sur la question. Finalement, le CIE a tenu une discussion avec une trentaine de membres de la relève, principalement au niveau doctoral, lors des Journées de la relève en recherche (J2R) organisées par l’Acfas en 2022. Ce travail a mené à l’élaboration de recommandations à l’intention des FRQ et des universités québécoises. Le CIE a également présenté ses conclusions et ses recommandations à l’occasion de l’édition 2023 des J2R.

La communauté de recherche, avec son haut niveau d’instruction, ne peut ignorer l’urgence des crises environnementales actuelles, et se doit de mener sa recherche de manière responsable, en particulier pour les projets financés par des fonds publics.

Les principaux constats du CIE 

La relève en recherche consultée lors des J2R 2022 a soulevé plusieurs pratiques lui semblant délétères pour l’environnement : l’utilisation de plastique à usage unique dans les laboratoires, les déplacements professionnels et le transit quotidien, ou encore l’utilisation d’une grande quantité d’énergie pour des calculs informatiques de haute intensité. Son intuition était bonne, puisque ces pratiques ont effectivement un fort impact environnemental. Les déchets de plastique générés par la communauté de recherche en biologie, médecine et agriculture totalisaient 5,5 millions de tonnes en 2014 à l’échelle mondiale, ce qui équivaut à plus de 80 % du plastique qui est recyclé dans le monde à chaque année [2]. Les déplacements professionnels, quant à eux, représentent jusqu’à 84 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par les activités de recherche [3, 4, 5]. Dans les domaines concernés, l’entraînement d’une intelligence artificielle, qui nécessite des calculs de haute intensité, peut entraîner des émissions de GES approchant celles du cycle de vie complet de cinq automobiles [6]. On peut aussi ajouter à cette liste l’utilisation d’énergie pour certaines installations de recherche, par exemple les hottes d’évacuation d’air dans les laboratoires.

À certains égards, la relève peut se rassurer. Les déplacements périodiques pour se rendre au lieu de travail, ou même ailleurs dans la province, sont loin d’être les plus dommageables. La très vaste majorité des émissions est plutôt attribuable aux longues distances parcourues en avion pour assister à des conférences ou pour réaliser du travail de terrain. À titre d’exemple, l’Accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement planétaire moyen à 1,5˚ C [7], requiert que les individus limitent leurs émissions totales annuelles à 2 tonnes de CO2 par année. Or, cette quantité est atteinte avec un seul aller-retour vers l’Europe en avion.

À certains égards, la relève peut se rassurer. Les déplacements périodiques pour se rendre au lieu de travail, ou même ailleurs dans la province, sont loin d’être les plus dommageables. La très vaste majorité des émissions est plutôt attribuable aux longues distances parcourues en avion pour assister à des conférences ou pour réaliser du travail de terrain.

Ambitions et craintes de la relève

Le rapport que la relève en recherche entretient avec l’enjeu de l’écoresponsabilité en recherche peut sembler contradictoire. D’une part, comme en attestent les consultations du CIE, la relève est hautement sensibilisée à l’importance de réduire l’impact environnemental de sa recherche. Conséquemment, certains membres de la relève font le choix de revoir leurs habitudes au risque d’affecter l’avancement de leur carrière. Par exemple, ils déclinent une conférence internationale pour éviter de prendre l’avion ou réutilisent du matériel de laboratoire malgré le temps requis pour le lavage. D’autre part, la relève craint les impacts potentiels d’adopter certaines pratiques écoresponsables sur sa réussite professionnelle dans un milieu universitaire hautement compétitif. La relève est en effet particulièrement vulnérable aux changements de pratiques qui vont à l’encontre de la culture de performance présente dans le milieu universitaire, puisque cette communauté sera évaluée encore plusieurs fois lors de demandes de subvention ou d’embauche, et que son succès dépend de ces évaluations.

Recommandations du CIE

Malgré sa motivation, la relève en recherche peut seulement agir sur les mesures individuelles d’écoresponsabilité. Les mesures structurantes, qui ont le plus d’impact, relèvent d’instances supérieures. Le rapport du CIE est donc ponctué de douze recommandations adressées aux FRQ et aux universités. Ces dernières ont pour but l’atténuation des impacts environnementaux de la recherche effectuée ou financée au Québec, et ce, avec un minimum de conséquences nuisibles pour la relève et les chercheuses et chercheurs. Dans leur ensemble, elles visent l’élimination des barrières administratives et culturelles aux pratiques écoresponsables plutôt que l’introduction de contraintes supplémentaires pour la communauté de recherche. Par exemple, il est recommandé d’adapter certains critères d’évaluation de l’excellence en recherche afin d’éviter que le dossier des personnes sensibles à l’écoresponsabilité soit perçu comme moins compétitif.

L’ampleur de la crise climatique actuelle impose de revoir nos pratiques de recherche. Le CIE est confiant qu’il est possible de les changer sans affecter négativement la relève, et de développer du même coup une recherche axée sur la qualité et non la quantité de résultats. 

CIE
Les membres du Comité intersectoriel étudiant (CIE) des Fonds de recherche du Québec / Crédit photo : Gracieuseté FRQ

 

Souhaitez-vous en savoir plus ?

Le CIE vous invite à consulter son rapport complet ainsi qu’un autre récent article sur la question.  


Références
  1. Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). (2023). Synthesis Report of the IPCC Sixth Assessment Report (AR6).
  2. Urbina, M. A., Watts, A. J., & Reardon, E. E. (2015). Labs should cut plastic waste too. Nature, 528(7583), 479-479.
  3. Burtscher, L., Barret, D., Borkar, A. P., Grinberg, V., Jahnke, K., Kendrew, S., ... & McCaughrean, M. J. (2020). The carbon footprint of large astronomy meetings. Nature Astronomy, 4(9), 823-825, https://doi.org/10.1038/s41550-020-1207-z
  4. Cluzel, F., Vallet, F., Leroy, Y., & Rebours, P. (2020). Reflecting on the environmental impact of research activities: an exploratory study. Procedia CIRP, 90, 754-758.
  5. Achten, W. M., Almeida, J., & Muys, B. (2013). Carbon footprint of science: More than flying. Ecological indicators, 34, 352-355.
  6. Strubell, E., Ganesh, A., & McCallum, A. (2020). Energy and Policy Considerations for Modern Deep Learning Research. Proceedings of the AAAI Conference on Artificial Intelligence, 34(09), 13693-13696. 10.48550/ARXIV.1906.02243.
  7. Paris Agreement to the United Nations Framework Convention on Climate Change, Dec. 12, 2015, T.I.A.S. No. 16-1104.
  • 1Nous appelons « relève » l’ensemble de la communauté étudiante ou postdoctorale réalisant des activités de recherche ou intéressée par une formation en recherche.
  • 2Prise de conscience des impacts environnementaux de certaines actions et adoption consciente de comportements permettant d’atténuer ces impacts.

  • Membres du Comité intersectoriel étudiant (CIÉ)
    Fonds de recherche du Québec

    Le comité intersectoriel étudiant (CIÉ) est un comité statutaire commun aux conseils d’administration des trois Fonds de recherche du Québec (FRQ) – Nature et technologies, Santé, Société et culture. Il se compose d'une douzaine d’étudiantes et d’étudiants provenant de domaines d’études variés. Les membres du CIE étudient aux quatre coins du Québec et réalisent des études collégiales, universitaires (1er, 2e ou 3e cycle) ou encore postdoctorales.

    Yan Bertrand
    Candidat au doctorat en santé publique, Université de Montréal
    Membre du Conseil d’administration du Fonds de recherche du Québec – Santé
    Membre depuis 2020

    David Carpentier
    Candidat au doctorat en science politique, Université d’Ottawa
    Membre du Conseil d’administration du Fonds de recherche du Québec – Société et culture
    Membre depuis 2021

    Catherine Cimon-Paquet
    Candidate au doctorat en psychologie, profil recherche (Ph.D.), Université du Québec à Montréal
    Membre depuis 2022

    Maëlle Corcuff
    Candidate au doctorat en sciences de la réadaptation, Université Laval
    Membre depuis 2022

    Marie-Violaine Dubé-Ponte
    Étudiante au doctorat en sciences infirmières, Université Laval
    Membre depuis 2022

    Gabrielle Duguay
    Étudiante au doctorat en psychologie, profil recherche (Ph.D.), Université du Québec à Trois-Rivières
    Membre depuis 2021

    Félix Proulx-Giraldeau
    Postdoctorant en bioinformatique, Université de Montréal
    Membre depuis 2022

    Virginie Houle
    Étudiante au baccalauréat en sciences du langage, Université du Québec à Chicoutimi
    Membre depuis 2022

    Mathilde Jutras
    Postdoctorante en océanographie biogéochimique, University of Hawaii at Manoa
    Membre du Conseil d’administration du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies
    Membre depuis 2020

    Lawrence Labrecque
    Étudiante au doctorat en kinésiologie et au doctorat de 1er cycle en médecine, Université Laval
    Membre depuis 2020

    Samuel Leduc-Frenette
    Candidat au doctorat en sciences de la Terre, Institut national de la recherche scientifique
    Membre depuis 2020

    Simone Têtu
    Étudiante au baccalauréat en mathématique et physique, Université McGill
    Membre depuis 2020

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