Récemment, les gouvernements, les organismes subventionnaires, les universités et certaines entreprises ont instauré des politiques et plans d’action en matière d’équité, de diversité et d’inclusion réunies sous l’acronyme ÉDI. Puisqu’il s’agit de concepts nouveaux, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver : de quoi s’agit-il? Pourquoi est-ce pertinent de s’y attarder? Qu’impliquent-ils exactement?
Le contexte ayant mené à l’émergence des concepts d’équité, de diversité et d’inclusion
Depuis plusieurs décennies, les féministes de divers horizons soulignent que plusieurs domaines d’emploi ne sont pas accessibles aux femmes ou que celles-ci vivent des obstructions structurelles comme des processus d’embauches et de promotion désavantageux ou encore des climats de travail défavorables. Ces obstructions structurelles ne sont pas causées par un individu en particulier et s’intègrent plutôt dans les structures des organisations à travers une addition de valeurs, de biais et de pratiques. Ces valeurs, biais et pratiques entrainent des situations défavorables qui se constatent dans le quotidien et qui sont mesurables statistiquement à grande échelle. Par exemple, dans le milieu universitaire, les femmes scientifiques sont systématiquement moins citées que leurs confrères et reçoivent en moyenne des subventions de recherche de moindre valeur.
Avec le temps, il a aussi été montré que les obstructions structurelles affectent autant, sinon plus que les femmes, les personnes de groupes historiquement marginalisés par leur appartenance ethnique, leur orientation sexuelle, une situation de handicap, etc. Ainsi, l’égalité des chances dans le milieu de travail et d’étude qu’est l’université est loin d’être atteinte.
Qu’est-ce que l’équité, la diversité et l’inclusion?
L’une des manières de favoriser l’égalité réelle des chances et d’appliquer les principes d’équité, de diversité et d’inclusion. Les mesures d’équité consistent en des pratiques qui visent à contrebalancer les mécanismes culturels qui désavantagent un groupe donné, par exemple celui des femmes. Autrement dit, l’équité consiste à d’offrir les mêmes opportunités à toutes et tous. Quant à la diversité, elle ne peut être envisagée que lorsqu’on se réfère à un groupe. Un groupe diversifié comporte des personnes ayant vécu diverses expériences et s’associant à identités diverses. Devant un problème à résoudre, les groupes diversifiés arrivent souvent à de meilleures solutions que les groupes peu diversifiés, puisqu’ils risquent moins d’adopter un parti pris et qu’ils abordent souvent un plus grand éventail de possibilités. Enfin, l’inclusion est la mise en œuvre de pratiques qui permettent à chaque personne de se sentir valorisée et respectée par sa communauté. Chaque individu est responsable de créer un espace inclusif par ses propos, actions et écrits. L’équité, la diversité et l’inclusion sont l’affaire de toutes et tous, puisqu’elles relèvent autant de l’administration de l’organisation (équité et diversité) que de l’ensemble de ses membres (inclusion).
L’équité, la diversité et l’inclusion sont l’affaire de toutes et tous, puisqu’elles relèvent autant de l’administration de l’organisation (équité et diversité) que de l’ensemble de ses membres (inclusion).
Quel est le lien entre l’identité et l’ÉDI?
L’identité est le concept phare de l’équité, de la diversité et de l’inclusion. Il peut s’interpréter de diverses manières. L’identité est ce qui nous associe à nos semblables et nous distingue des autres. L’identité peut être conçue comme une association à divers groupes (genre, citoyenneté, âge, situation de handicap, orientation sexuelle, etc.), mais cette perception se butte à la critique qu’en pratique, il est difficile de segmenter ces aspects de l’identité : l’identité est un tout qui résonne différemment selon la situation. C’est pourquoi plusieurs intellectuelles vont introduire la notion d’intersectionnalité, qui stipule que les situations oppressantes surviennent aux l’intersection de plusieurs identités et ne peuvent donc pas être décrites par l’addition simple des diverses oppressions segmentées.
L’application des principes d’ÉDI dans les organismes subventionnaires et dans les universités
Dans les organismes subventionnaires comme les Fonds de recherche du Québec et les Conseils de recherche du Canada, les principes d’équité, de diversité et d’inclusion s’appliquent concrètement en tentant de diminuer les biais involontaires dans l’évaluation de candidatures ou en tenant compte du genre dans les projets de recherche. Les biais involontaires sont des associations mentales teintées par l’environnement social dans lequel baignent les individus. À titre d’exemple, à force de voir des hommes scientifiques en sarrau dans les productions culturelles, on en vient à associer le concept de « scientifique » à « homme » et à « sarrau » (comme le démontrent de multiples études de type « Draw a scientist ») et à financer les projets qui correspondent à ces attentes. Ces associations peuvent être contrebalancées par la présence de modèles alternatifs (non-stéréotypés, vrais). Il est également important de tenir compte du genre dans les projets de recherche pour que leurs résultats soient pertinents pour l’ensemble de la population. Historiquement, les recherches médicales ont principalement été menées auprès d’un échantillon d’hommes d’un certain âge, ce qui a eu des conséquences sur l’usage que l’on peut faire de leurs résultats.
Les universités appliquent elles aussi les principes d’équité, de diversité et d’inclusion. Elles le font par exemple dans la conception de plans d’action qui comprennent des cibles à atteindre pour diversifier leur masse d’employés afin de refléter l’ensemble de la population. Les universités encouragent aussi actuellement la création d’espaces inclusifs pour l’ensemble de la communauté universitaire (ex. des toilettes neutres) et appuient de multiples initiatives favorisant l’ÉDI, comme des comités départementaux ou des expositions de promotion de l’ÉDI dans les bibliothèques.
Les universités appuient de multiples initiatives favorisant l’ÉDI, comme des comités départementaux ou des expositions de promotion de l’ÉDI dans les bibliothèques.
Que pouvons-nous faire concrètement comme individus?
En conclusion, que nous travaillions en contexte universitaire ou toute autre organisation, il y a place à l’action. Voici trois pistes de réflexion qui peuvent guider une démarche (itérative et pas nécessairement linéaire) vers la création d’un environnement de travail plus inclusif.
A pour auto-éducation. S’auto-éduquer en menant une réflexion sur ses propres biais et sur les enjeux associés à l’ÉDI. Il s’avère important de favoriser les écrits rédigés par les personnes impliquées.
B pour bilan. Faire un bilan de ses propres motivations quant à l’ÉDI. Aussi, demander un bilan à l’organisation sur ses actions pour favoriser les principes ÉDI et s’informer sur les ressources disponibles.
C pour conversation. Poursuivre la conversation dans son groupe de travail afin de sensibiliser ses collègues. Adhérer ou se créer un groupe de discussion sur les enjeux d’ÉDI pour poursuivre les réflexions.
- Mirjam Fines-Neuschild
Université de Montréal
Mirjam Fines-Neuschild est doctorante à l'Université de Montréal aux études individualisées en physique et communication. Sa thèse porte sur la construction de l’identité et l’appartenance au milieu au regard des enjeux de diversité et l’inclusion dans un Département de physique. Elle a fondé en 2014 le comité Diversité Physique et en 2017 le projet Parité physique qui sensibilise les professeurs et professeures de cégep à des stratégies pédagogiques favorisant l'intérêt des étudiantes pour les carrières scientifiques. Elle est membre du Réseau interuniversitaire québécois pour l’équité, la diversité et l’inclusion (RIQEDI) et du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST).
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