541 - L’empathie historique en enseignement des sciences humaines pour s’ouvrir à la diversité des sociétés et de leur territoire : pour une voie qui intègre les arts et la culture?

Les auteurs des programmes québécois des sciences humaines et sociales (SHS) au primaire et au secondaire décrivent plusieurs finalités éducatives de la géographie et de l’histoire. Pour atteindre ces finalités, l’enseignement et l’apprentissage se font entre autres par le recours aux documents écrits, visuels ou médiatiques et aux ressources du milieu (monuments, artéfacts, cinéma, œuvres d’art, sortie de terrain, musées, etc.). À l’aide d’un appareillage méthodologique, ces ressources peuvent encourager les élèves à construire leurs interprétations des réalités sociales et territoriales en partageant leurs interrogations et leurs interprétations en classe. Toutefois, ces activités cognitives ne peuvent laisser de côté la part occupée par l’affectif dans la compréhension des réalités sociales actuelles et passées en SHS au primaire et au secondaire. Par conséquent, ce colloque a pour but de réfléchir et d’échanger sur les frontières sémantiques et études sur une empathie fondée sur une perspective disciplinaire et interdisciplinaire pour ancrer les pratiques enseignantes dans une approche pluraliste de l’enseignement des SHS et encourager le jugement raisonné et l’ouverture sur le monde (Endacott et coll., 2024). Dans ce mot de bienvenue, nous exposerons un état de la question sur l'empathie historique et nous présenterons les objets d'études des différent·e·s intervenant·e·s du colloque.

Dans le contexte muséal, il existe divers exemples d’initiatives et de projets visant à promouvoir l’empathie. Ces actions s’inscrivent dans un mouvement plus large, soutenu par les recommandations des principaux organismes professionnels nationaux et internationaux ainsi que par d’autres associations du domaine muséal (Bondil et Meunier, 2023). Il convient de souligner que le monde des musées se caractérise par une grande diversité d’approches, de contextes et de cultures. Parmi ces différents exemples, le Musée Holocauste Montréal (MHM) offre un programme éducatif intitulé Trouver refuge au Canada qui aborde l’empathie historique auprès d’élèves du secondaire. La communication se propose de présenter les résultats de la participation d’élèves d’écoles secondaires anglophones de la région montréalaise au programme éducatif muséal Trouver refuge au Canada du MHM. L’enquête s’appuiera sur les travaux du chercheur turc Hüseyin Calışkan et de ses collègues (2019, 2023) qui ont développé un questionnaire pour mesurer l’empathie historique auprès des adolescent·e·s et des adultes. Les résultats exposés permettront de cerner les retombées de ce programme pour aider à développer l’empathie historique des jeunes du secondaire.

Cette présentation contribuera à la réflexion sur l’empathie en histoire en apportant la perspective des études cinématographiques qui depuis une vingtaine d’années s’intéressent à ce concept à travers des recherches multidisciplinaires. Les théories de l’immersion et de la simulation cognitive (Decety, 2011; 2020) et leur application au cinéma (Freedberg, Gallese 2007; Gallese, Guerra, 2019) suggèrent que l’empathie repose sur la capacité du cerveau à simuler les émotions d’autrui via les neurones miroirs. Les travaux de Smith (1995) et Carroll (2008) explorent la cognition et l’engagement émotionnel à travers une approche philosophique et narratologique. Erll (2011), quant à elle, envisage le cinéma comme un vecteur mémoriel façonnant et transmettant des souvenirs historiques. Enfin, les recherches de Bordwell et Thompson (2014) soulignent comment les choix esthétiques participent à la construction de l’empathie historique au cinéma. Ces perspectives théoriques permettront d’examiner plusieurs questions : quels mécanismes cinématographiques sont en jeu dans la production d'empathie, notamment dans le cadre de films historiques? Comment les choix esthétiques et narratifs influencent-ils ces processus? Quelles sont les limites du cinéma pour une empathie historique authentique et quels en sont les pièges? Ces questions seront traitées à travers l’analyse filmique comparative à partir d’une sélection de quatre films sur la Shoah.

Cette communication retracera les relations compliquées entre l'histoire en tant que discipline universitaire et la fiction en tant qu'objet artistique depuis le XIXème siècle, en pointant les enjeux institutionnels, politiques et culturels que cela implique. Elle ouvrira ensuite sur les perspectives historiographiques et didactiques nouvelles ouvertes par la prise au sérieux des fictions historiques - audiovisuelles en particulier - dans le cadre de la recherche et de l'enseignement de l'Histoire.

Cette intervention entend montrer l’apport du médium vidéoludique dans l’exploration d’expériences géographiques et historiques par le prisme du sensible. Le rôle central des émotions dans les jeux vidéo sera exploré sous trois aspects principaux : l’expérience sensible des joueurs dans l’environnement de jeu, la quête émotionnelle guidant la conception de jeux, et les apports de la recherche en géographie et en histoire dans la création d’univers immersifs. Les jeux vidéo, à l’intersection des intentions des concepteurs de jeux et des ressentis du public, offrent l’expérience d’une géographie sensible où la recherche en sciences humaines et naturelles contribue à la profondeur des mondes.

Le programme québécois de géographie, tant au primaire qu’au secondaire, poursuit la finalité d’outiller intellectuellement les élèves face à des problématiques territoriales, c’est-à-dire des enjeux sur « la façon dont les humains s’approprient, organisent, aménagent et transforment le territoire » (Laurin, 2001, p. 220). Dans une optique de formation citoyenne, les élèves sont ainsi encouragés à développer leurs capacités à raisonner géographiquement afin de prendre position et d’agir sur divers enjeux. Notre recherche doctorale sur cette faculté intellectuelle chez des élèves québécois a mis en lumière l’importance du sentiment géographique, un rapport affectif aux enjeux et aux acteurs concernés par ceux-ci, dans le déploiement du raisonnement géographique (Fillion, 2024). Après une brève présentation du contexte de la recherche, cette communication se concentre sur les manifestations d’empathie des élèves lors de l’étude d’un enjeu territorial. À ce titre, les participant·es de l’étude témoignent d’une prise en compte de la vulnérabilité des acteurs concernés par la délocalisation des industries ou par l’agrandissement d’un site d’enfouissement de déchets. Cette capacité à raisonner en se projetant dans la perspective des autres, en comprenant leurs besoins et leurs réalités, sera ensuite mise en dialogue avec le concept d’empathie géographique (Déry, Hartmann et Bagoly-Simó, 2021).

Les enfants d’aujourd’hui sont aux prises avec nombre de bouleversements et de catastrophes qui menacent l’humanité (p.ex., guerres en Ukraine et au Levant). Considérés comme des menaces existentielles, ces évènements génèrent maints questionnements de la part des enfants, qui cherchent, comme les adultes, à donner du sens à leur monde. Or, la capacité à donner un sens aux évènements sociaux actuels est liée à celle de s’interroger sur les phénomènes rémanents ou révolus, d’enquêter sur eux, de les comprendre, entre autres à la lumière du fonctionnement des sociétés anciennes. Cette capacité est notamment influencée par l’empathie (c.-à-d., la capacité de s’identifier à autrui et à ressentir ses émotions) et à l’empathie existentielle (c.-à-d., la capacité à avoir de l’empathie pour les questionnements existentiels d’autrui). Les approches artistiques permettent de soutenir le développement de l’empathie des élèves du primaire, permettant l’exploration des émotions et l’expression de celles-ci par un moyen alternatif à la parole. Elles permettent aussi d’aborder les thèmes relatifs au sens de la vie et de la mort à l’école. Dans cette présentation, des pistes de réflexion seront offertes quant à l’utilité des arts pour susciter l’empathie (générale, existentielle) chez les élèves du primaire et comment cette empathie peut promouvoir, à son tour, l’apprentissage des sciences humaines et sociales, à travers les sujets sensibles comme le sens de la vie et la mort.

Depuis 2017, les élèves de cinquième secondaire au Québec ont l’obligation de suivre un cours

d’Éducation financière (EF). Plusieurs auteur·e·s en EF soutiennent qu’un examen des inégalités

financières, dont celles liées au genre et à l’endettement, peut inciter les élèves à discuter d’enjeux

controversés, contribuant ainsi à la formation de citoyen·ne·s critiques. Or, notre analyse du

programme québécois révèle une orientation individuelle de l’EF, négligeant les dimensions sociales

des enjeux financiers. De plus, notre regard sur le matériel pédagogique proposé par les maisons

d’édition et sur certains sites Internet d’institutions liées aux enjeux du programme met également

en évidence la présence limitée d’enjeux financiers controversés liés au genre et à l’endettement.

Ainsi, nous présentons un projet de recherche qui se déploie sur les deux prochaines années et

proposons des pistes de réflexion pour offrir la possibilité aux enseignant·e·s et aux élèves d’aborder

le thème des inégalités financières en classe d’EF, dont celles liées au genre et à l’endettement

personnel et collectif.

Cette proposition de communication est issue des recherches effectuées dans le cadre de ma maîtrise en sciences de l’éducation à l’UQAR. L’objectif de mon projet, qui est de décrire l’empathie historique exprimée par des élèves de cinquième secondaire qui étudient une situation historique du 20^e siècle soulevant d’importants enjeux citoyens. Si les programmes québécois d’histoire misent sur le développement de compétences et d’habiletés intellectuelles associées à la pensée historienne, aucune recherche ne s’est pleinement consacrée à la portée citoyenne de l’enseignement et l’apprentissage de l’empathie historique au Québec. Nous proposons donc des outils conceptuels et méthodologiques visant l’exploration du potentiel de l’empathie historique pour développer des outils cognitifs et affectifs favorisant l’exercice d’une citoyenneté démocratique par les jeunes du Québec. La problématique permettra de poser les choix des concepts et méthodes qui ont encadré la réalisation d’entretiens de groupe centrés sur l’analyse d’une situation historique, soit le voyage du MS Saint-Louis en 1939. La présentation des outils méthodologiques invitera aussi à une réflexion sur la pertinence de reconnaître et de valoriser la parole des jeunes qui développent leur posture citoyenne à l’aide de l’histoire.

Médiateur d’éléments de culture, l’enseignant participe, par ce rôle important, au développement de la pensée critique de ses élèves, mais aussi à leur curiosité et à leur ouverture sur le monde. Choisir les objets de culture qui seront à même de rejoindre l’affect de l’élève permet non seulement d’ancrer les apprentissages, mais peut aussi constituer un tremplin vers l’autre, vers de nouvelles perspectives et façons de voir le monde.

Depuis quelques années, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), dont le mandat est de rassembler, conserver et partager l’histoire et la culture du Québec, cherche à faciliter ce travail de passeur culturel de l’enseignant. Création de plateformes numériques, cocréation d’activités culturelles et éducatives, développement de métadonnées pour simplifier le travail de recherche : l'objectif est de faire profiter ses collections aux classes du Québec, qui renferment des sources primaires précieuses pour l’enseignement de l’univers social.

Cette présentation visera à démontrer de quelle façon l’approche culturelle à l’enseignement constitue une méthode pouvant participer au développement de l’empathie historique chez l’élève, et de quelle façon cela peut se traduire concrètement au sein de projets culturels et éducatifs.

Nous ferons un bilan de l'ensemble des communications à la fin de la journée.