Informations générales
Événement : 92e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Le contexte socioéducatif postcolonial est globalement caractérisé par une forme moderne de colonisation de la pensée au mépris des savoirs épistémiques locaux, ancestraux et autochtones (Freire, 1974; Damus, 2023). Cette forme de colonisation de la pensée s’est installée tant dans les espaces de production et de transmission des savoirs reçus (écoles, universités, centres d’études) que dans les espaces de communication et de vulgarisation des savoirs diffus (colloques, journaux, manuels, éditions, revues scientifiques). C’est un contexte qui rappelle le passé colonial et esclavagiste ainsi que le poids de l’héritage colonial dans la construction et l’imposition du savoir du passé au présent (Schmidt, 1984; Morse, 1981; Bormans, 1996), puis, qui interpelle au nécessaire combat intellectuel pour la déconstruction et la décolonisation du savoir (Luste Boulbina, 2013; Iveković, 2012).
C’est dans un tel contexte historique que sera organisé, du 8 au 9 mai 2025, dans le cadre du 92e congrès de l’Acfas, en collaboration avec l’École de technologie supérieure et l’Université Concordia, un colloque scientifique international autour du thème : mémoire de l’esclavage, l’héritage colonial et la décolonisation du savoir. Ce colloque est réalisé conjointement par le Laboratoire interdisciplinaire de recherche en éducation et gouvernance (LIREG) et l’École doctorale Sciences humaines et sociales (SHS) de l’Institut universitaire de formation des cadres (INUFOCAD) avec la collaboration de divers partenaires institutionnels.
Les chercheurs et chercheuses de différentes nationalités et universités en profiteront pour communiquer les résultats de leurs travaux scientifiques et lancer officiellement la revue universitaire multidisciplinaire Revue d’enquêtes et savoirs universitaires multidisciplinaires essentiels (RESUME) : un double espace alternatif de communication et de vulgarisation scientifique, ouvert à un fructueux dialogue entre les différents savoirs épistémiques et alternatifs de l’humanité.
L’aménagement du double espace accessible du colloque CUM2025 et de la revue scientifique RESUME vise à développer des canaux de communication et de vulgarisation accessibles pour des dialogues productifs entre science et société. Pour une science juste et inclusive, il entend faire sortir de l’obscurité une importante somme humaine de savoirs épistémiques essentiels et alternatifs, longtemps asphyxiés par les courants de pensée dominants et les marchés d’édition oligopolistiques. Il propose de promouvoir la justice épistémique et la décolonisation des savoirs humanisés par l’entreprise des enquêtes empiriques et des recherches scientifiques, par l’octroi de la parole et de l’espace aux victimes d’injustice épistémique, par la valorisation des approches décoloniales et réparatrices.
Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Vijonet Demero (Institut Universitaire de Formation des Cadres (INUFOCAD))
- Martin Maltais (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
- Theus Beguens (UNIVERSITE INUFOCAD & PARTENAIRES UNIVERSITAIRES)
- Pierre Michelot Jean Claude (Université Laval)
Programme
Accueil et mots d’ouverture
Mots d'ouverture :
- M. Vijonet Demero, Recteur de l'Université INUFOCAD, Co-organisateur du Colloque 306
- M. Martin Maltais, President de l'ACFAS, Co-organisateur du Colloque 306
- M. Abderrahmane Rida : Vice-Recteur de l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)
- M. Jean Judson Joseph, Directeur de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (DESRS) du Ministère de l'Education nationale et de la Formation professionnelle (MENFP)
Session matin
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Communication orale
L’écriture poétique féminine de werewere-liking : un écho à la décolonialitéTamfolo Roger Coulibaly (Université Alassane OUATTARA)
La colonisation a marqué les mentalités et les attitudes des pays colonisés. À la sortie des indépendances, par le biais de subterfuges et de mécanismes sibyllins, l’ancien colonisateur continue de prendre pied dans les territoires autrefois contrôlés et d’y exercer une certaine influence. Face à cette prise de conscience de la colonialité qui rampe encore dans les mœurs africaines et à la mutation internationale qui participe à l’émancipation de la gente féminine, la production littéraire féministe, tout en œuvrant à les affranchir de la toute-puissance du patriarcat, participe à la décolonialité en libérant l’Afrique des valeurs et attitudes héritées de l’ex-puissance coloniale. Dans cette perspective, Françoise Vergès souligne que « des hommes noirs ont été reconnus par l’État français mais au prix de leur blanchiment » (Le Féminisme décolonial, 2019). Face à cet effacement culturel et identitaire, le féminisme décolonial émerge comme un « choc en retour » (Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, 1955) pour œuvrer à l’affranchissement des normes et valeurs occidentales. En définitive, cette communication se propose d’exposer comment la poésie féminine contribue-t-elle à la décolonialité du savoir et à l’émancipation des femmes ? En quoi remet-elle en question le patriarcat assimilé à une forme de colonisation masculine ? Cette étude analyse comment l’écriture poétique devient un outil de résistance et de redéfinition identitaire à travers la vision féminine.
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Communication orale
Freins et ressorts dans la restitution des objets culturels et des restes humains congolais emportés durant la colonisationJacques Ngoy Kalumba (Université de Lubumbashi)
Entre 1845 et 1960, plusieurs œuvres d’art ont été emportées par les colonisateurs soit en Belgique soit en Suisse. Nous avons assisté dernièrement à la restitution de la dent de Patrice Emery Lumumba qui a été enterrée à Kinshasa. Ainsi la question suivante a constitué le fil conducteur de notre étude : quelle est la perception des étudiants congolais sur la restitution des biens culturels, rituels et des restes humains en RDC ? Pour répondre à cette question, nous avons mené une étude auprès de 325 étudiants des institutions supérieures et universitaires de Lubumbashi. Le questionnaire portait sur les aspects suivants : l’interprétation de la restitution des biens culturels emportés par les colonisateurs et le rapatriement des restes humains ; les freins et les ressorts liés à ce processus. Les résultats montrent que les participants perçoivent cette restitution comme un signe de reconnaissance morale de la spoliation des objets culturels, de justice sociale pour réparer les erreurs commises, de souveraineté aux propriétaires légitimes, de reconstitution de la mémoire et de l’histoire congolaises, de reconnaissance de spiritualité (rapatrier les divinités, les biens rituels dans leurs terres), d’avancée politique dans la coopération internationale.
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Communication orale
Le Sénégal : Héritage colonial et décolonisation des savoirsModou Pouye (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Le débat autour de la décolonisation des savoirs s’intensifie de plus en plus dans les sociétés africaines à travers un discours qui revendique de plus en plus l’identité autochtone. Le Sénégal, pays de l’Afrique de l’Ouest, a été un bastion important de la colonisation française. La question demeure alors celle-ci : comment procéder à la décolonisation des savoirs et bâtir une civilisation fidèle aux cultures locales ? Sans être exhaustif, cet aperçu met en évidence les défis liés à l’héritage colonial et à la décolonisation des savoirs. Il soulève la problématique des mécanismes de mise en œuvre pour la reconstruction d’une identité historique et culturelle proprement sénégalaise. Ainsi, l’objectif de cette étude est d’analyser les aspects de cet héritage colonial afin de mettre en lumière les actes consentis par les différents acteurs et actrices pour la décolonisation des savoirs. Les résultats ont révélé que, malgré des efforts considérables de décolonisation, des segments importants de l’héritage colonial subsistent, soulignant ainsi l’impératif de redéfinir les relations bilatérales. Notre méthodologie repose sur une approche interdisciplinaire mobilisant l’histoire, l’anthropologie, les études postcoloniales, la sociologie et la science politique pour une analyse approfondie.
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Communication orale
L'intégration éthique de l'intelligence artificielle dans l’éducation : défis et opportunités en HaïtiWilfix Sagard (INUFOCAD)
Le contexte socioéducatif postcolonial est marqué par une colonisation de la pensée qui persiste, influençant les espaces de production et de transmission du savoir, ainsi que les canaux de communication scientifique. Cette réalité souligne à la fois l’héritage colonial et l’urgence d’un combat intellectuel pour la décolonisation du savoir (Schmidt, 1984). Dans ce cadre, l’intelligence artificielle (IA) apparaît comme un outil prometteur, capable de transformer l’éducation et la gouvernance universitaire en Haïti, tout en offrant une perspective décolonisable. Enfin, elle valorise les savoirs locaux en documentant, préservant et diffusant les connaissances ancestrales et autochtones, contribuant ainsi à leur reconnaissance et à leur transmission (Regulus, 2016). L’entraînement éthique de l’IA est essentiel pour éviter la reproduction des biais et des inégalités existants (Mboa Nkoudou, 2016). Cela nécessite d’intégrer des principes d’équité, de justice et de respect des droits humains dès la conception des modèles d’IA (Jobin, Ienca & Vayena, 2019). En facilitant l’accès à l’information, en personnalisant l’apprentissage, en développant la pensée critique et en valorisant les savoirs locaux, l’IA peut contribuer à un système éducatif plus juste, inclusif et adapté aux besoins du pays (Mboa Nkoudou, 2016).
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Communication orale
Le statut de l’éducation artistique dans le projet de décolonisation du savoirLucson Narcisse (Université Paris Est-Créteil (UPEC))
La colonisation, au-delà de sa matérialité, se tient lourdement par des prétentions culturelles décrivant son projet d' « aliénation culturelle » (Fanon, 2002) des peuples dominés. Quelle que soit la forme sous laquelle elle se présentait et se présente, la colonisation doit être appréhendée aujourd'hui comme étant un véritable colosse abrutissant l'humanité des peuples colonisés. En tirant son contenu des réalités patrimoniales, des expériences ancestrales et des pratiques artistiques (Bamford, 2006), l'enseignement des arts s'avère significatif dans le cadre du projet de décolonisation des savoirs. Alors, l'individu peut-il (re)construire son rapport au monde et à son fonds culturel par les arts ? En quoi l'éducation artistique assure-t-elle à l'opprimé la récupération et la reconnaissance identitaire de sa culture, sans nier, ni survaloriser les autres cultures, mais dans l'horizontalité dialogique avec elles ? Ainsi, fort de cette préoccupation, enseigner les arts constitue une garantie pour la compréhension et la nécessité du projet de décolonisation épistémique.
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Communication orale
Penser la décolonialisation des savoirs écologiques depuis ayitiGreef Bouloge Petion (Universite d'Etat d'Haiti (UEH))
La colonisation de l’Ile d’Ayiti par les Européens a, pendant plusieurs siècles, opprimé la culture des captifs d’une manière générale (Casimir, 2001), ce qui a également occulté les savoirs écologiques locaux. Aujourd’hui encore, la colonialité du savoir (Lander, 2002), en tant que legs de ladite colonisation, continue de perpétuer ce même processus épistémicide au détriment de l’environnement d’Ayiti. Le caractère colonial de ce savoir sur l’écologie se traduit entre autres par la création d’un droit ayitien de l’environnement qui protège principalement les intérêts des capitalistes et qui privilégie les manières coloniales d’habiter la terre (Ferdinand, 2019, p. 224). À l’encontre de cette colonialité des savoirs définissant l’environnement comme un objet marchand à exploiter, Jacques Roumain et Jacques Stephen Alexis (deux intellectuels ayitiens) ont avancé des postulats ontologiques et éthiques ainsi que des perspectives vertes foncièrement décoloniaux à travers leurs romans considérés (à l’instar de Damus) comme « réalité empirique fictive » (Damus, 2012, p. 4) et analysés ici « comme des expressions de la vie fixée dans l’écriture » (Ricoeur, 2013, p. 34).
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Catholicisme, colonialisme et esclavagisme du passé au présent : entre pardon temporel et héritage perpétuel
Les autorités catholiques songent aujourd'hui à demander pardon pour les « erreurs passées » liées au colonialisme et à l’esclavagisme. Quel péché l’Église catholique a-t-elle commis au passé pour penser au présent à demander pardon à répétition ? Visant à retracer les rapports historiques du catholicisme avec le colonialisme et l’esclavagisme du passé au présent, les recherches documentaires et archivistiques effectuées sur cette question révèlent les rôles actifs de l’Église catholique dans la colonisation des Afriques et des Amériques, l’esclavagisation des Nègres et des Autochtones (Mpisi 2008 ; Butsch 1917 ; Rotondaro 2015 ; Preux 2022). Si l’Église catholique reconnait ses « erreurs passées », alors il faut par curiosité intellectuelle chercher à connaitre en profondeur ces erreurs commises. Quelles sont, au passé, les fonctions de l’institution catholique dans la colonisation et l’esclavagisation des Nègres et des Autochtones ? Cette question spécifique s’ouvre à une relecture historiographique susceptible d’élucider les rapports du catholicisme avec le colonialisme et l’esclavagisme du passé au présent, les héritages coloniaux, les héritages perpétuels et les effets pervers de la bulle Romanus Pontifex de 1454 autorisant la colonisation et la « servitude perpétuelle » des Nègres rebondissant sur la société contemporaine.
Décoloniser la gestion scolaire : repenser les structures éducatives à la lumière de la mémoire de l’esclavage et de l’héritage colonial
Intégration des savoirs locaux en didactique du français : un regard critique sur les méthodes d’enseignement-apprentissage de la lecture au premier cycle
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Communication orale
L'impact du colonialisme français sur l'esclavage et la traite négrière au MarocMajda El HACHIMI (Faculté des lettres et sciences humaines Université Mohamed V Rabat)
Les puissances coloniales en Afrique ont décidé d’abolir la traite négrière et d’assécher les sources de l’esclavage. En effet, à partir du milieu du XIXe siècle, la traite des esclaves n’était plus souhaitable et, après qu’elle ait été la première à fournir au Nouveau Monde un nombre important d’esclaves pour garantir le succès des investissements économiques dans les plantations américaines, les - les mouvements anti- esclavagistes ont brandi l’étendard de la liberté et de la fin de l’esclavage. Le Maroc, en tant que partie de l'Afrique et du monde islamique, a été impliqué dans l'expansion progressive de l'idéologie de l'abolition de l'esclavage lorsque les Européens transformaient ces régions en colonies dans le contexte du nouveau développement économique en Afrique en général et au Maroc en particulier, a pris plusieurs dimensions qui ont fait entrer en collision le processus d'abolition avec la structure sociale et économique des sociétés africaines d'une part, et les difficultés d'élimination de la traite négrière atlantique d'autre part. C'était à l'époque où la traite négrière transsaharienne et méditerranéenne se poursuivait encore. [...] À travers cette étude, nous allons illustrer l’influence exercée par la France dans la répression de la traite des esclaves au Maroc et de quelle manière la présence coloniale a impacté la question d’esclavage, conduisant le Maroc à l’abolition officielle de l’esclavage.
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Communication orale
Synthèse du colloque scientifique international sur la mémoire de l'esclavage, l'héritage colonial et la décolonisation du savoir par Dr Nathalis WambaNathalis Wamba (City University of New York)
Synthèse du colloque scientifique international sur la mémoire de l'esclavage, l'héritage colonial et la décolonisation du savoir
Dr Nathalis Wamba
City University of New York, USA
Session matin
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Communication par affiche
Le rôle des pédagogies régénératrices et réparatrice dans la décolonisation de l’éducation à la citoyenneté mondialeObrillant Damus (Université d'État d'Haiti)
L’éducation à la citoyenneté mondiale vise à ouvrir les jeunes à la diversité des savoirs, des croyances, des ontologies et des civilisations, laquelle contribue notamment à la durabilité humaine et planétaire. Afin de contenir les potentialités destructrices de l’éducation néolibérale actuelle (Nussbaum, 2011; Bosio & Waghid, 2023; Damus, 2024) dont on sait que la face cachée constitue une menace pour notre planète, nous devons renforcer l’éducation à la citoyenneté mondiale en la dotant d’une dimension régénératrice et réparatrice grâce à laquelle les jeunes et les adultes s’efforceront de combattre davantage leurs pratiques égoïstes et de réduire la distance entre eux et nous (de privilégier l’unité et la solidarité humaines), en harmonisant leurs intérêts avec ceux des autres, en luttant contre les régimes de colonialité (colonialité réligieuse, colonialité ontologique et épistémique), en accordant plus de sens au vivre ensemble et au vivre relié (universalisme relationnel) au détriment du vivre pour soi. Une éducation à la citoyenneté mondiale régénératrice et réparatrice sera le fruit d’une alliance épistémique entre le Nord global et le Sud global. Cette éducation doit stimuler la liberté de mondification des futurs citoyens du monde en leur permettant d’imaginer des systèmes culturels, sociaux, économiques, religieux et politiques, régénérateurs et réparateurs.
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Communication orale
Décoloniser la f/Francophonie en décolonisant les propos coloniaux racisés, racisants et raciste d’Onésime ReclusVojtěch Šarše (Université Charles)
La francophonie ou bien l’institution internationale de la Francophonie sont considérées par la majorité de public général (francophone ou non) d’être un corpus de connaissances portées par une langue représentant une nation, la République française, ancienne puissance coloniale. En conséquence, dans notre contribution, nous problématiserons la langue, les métaphores et les comparaisons avec lesquelles Reclus a créé des images de la France et de ses colonies. Nous montrerons qu’il a repris le narrative colonial employé dans son époque pour glorifier la grandeur de son pays natal au profit des nations colonisées. Nous nous concentrerons principalement sur l’établissement des liens de pouvoirs, dominé-dominant, que le géographe, en soutant l’idée de la mission civilisatrice, de la suppériorité de la nation colonisatrice et de l’Afrique exotisée et primitive, a mis en valeur. Nous prouverons ainsi que les citations des ouvrages d’Onésime Reclus doivent être contextualisées et employées avec la précaution due à leur caractère impérialiste définissant en effet l’étendu de la sphère d’influence de la France colonisatrice.
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Communication orale
Décolonisation épistémique et mémoire culturelle : Perspectives sur la résistance intellectuelle kabyle face à l'héritage colonial françaisRabah Tabti (Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou)
La colonisation française en Algérie a profondément transformé les structures épistémiques des communautés kabyles, instituant un processus systématique de négation et de marginalisation des savoirs autochtones. Cette communication interroge les mécanismes de résistance développés par la société kabyle pour préserver ses connaissances traditionnelles et reconstruire son héritage intellectuel. La problématique centrale réside dans la compréhension des stratégies de survie épistémique face à un appareil colonial qui visait à déconstruire et invalider les systèmes de connaissance locaux. Comment les communautés kabyles ont-elles résisté à la suppression de leurs savoirs et développé des pratiques de préservation culturelle ? Notre recherche postule trois hypothèses principales : premièrement, que la transmission orale a constitué un rempart essentiel contre l'effacement culturel ; deuxièmement, que les pratiques linguistiques et culturelles ont permis de maintenir un corpus de connaissances autochtones ; troisièmement, que les mouvements contemporains de décolonisation intellectuelle renouvellent les perspectives épistémiques kabyles. La méthodologie combine une analyse historique critique des archives coloniales, des études ethnographiques sur les pratiques de transmission culturelle et une approche interdisciplinaire intégrant l'histoire, l'anthropologie et les sciences sociales.
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Communication orale
Décolonisation du savoir en Haïti : réflexion critiqueVijonet Demero (Institut Universitaire de Formation des Cadres (INUFOCAD))
Depuis son apparition dans la littérature, la notion de décolonisation du savoir a attiré l’attention de plusieurs chercheurs en sciences humaines et sociales. Elle se définit comme étant une théorie de la connaissance qui interroge les modes historiques, épistémologiques et méthodologiques de production du savoir notamment dans le monde académique (Broadbent, 2017). Elle peut être comprise suivant trois modèles : (a) le modèle de la déconstruction ou la critique de la raison sociale, (b) le modèle de l’émancipation et de la désobéissance épistémique, et (c) le modèle de la circulation et de la migration (Mbonda, 2019). Selon les colonisateurs, seules les normes occidentales déterminent ce qui est connaissance (Heleta, 2018 ; Dreyer, 2017). Ces normes sont présentées comme universelles et supérieures aux connaissances locales et indigènes. Dans cette perspective, le projet de décolonisation du savoir varie selon les pays, son histoire et le contexte. Cette communication présente une réflexion critique de la décolonisation dans le contexte haïtien et l’illustre par des exemples typiques. J’examine aussi le questionnement du traditionnel, l’apport des connaissances indigènes, le complexe d’infériorité, la mentalité coloniale, etc. La méthodologie retenue consiste en un examen de la littérature sur la décolonisation en Haïti en utilisant des plateformes telles que Google Scholar, Eric, psyched, et d’autres bases de données.
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Communication orale
Analyse de l’héritage colonial des épistémologies occidentales : de la pédagogie socioconstructiviste à une pédagogie combitiste. Vers une décolonisation épistémique des pratiquesMichbordy Jules (INUFOCAD)
Indépendante depuis 221 ans, Haïti continue à souffrir de l’héritage de la colonisation dans sa culture, son mode de gouvernance mais aussi ses pratiques éducatives. En effet, avec l’influence de certains pays occidentaux sur des secteurs clés nationaux, renforcés par la maladie mentale post-esclavagiste (Belizaire, 2008) de certains acteurs, le système éducatif fonctionne encore, malgré certaines réformes initiées, selon le schéma colonial qui visait à diffuser une conception suprématiste de la culture occidentale sur les cultures des pays anciennement colonisés. Ainsi, dans la foulée de l’apparition de nouvelles pédagogies au niveau des pays occidentaux, les différents systèmes éducatifs tentent de faire des réformes, leur permettant de mieux positionner leur système scolaire sur l’échiquier mondial. En effet, parmi les différentes approches pédagogiques qui se sont émergées, le socioconstructivisme s’impose comme une approche participative et dynamique de l’apprentissage, considérant que l’apprentissage doit partir des perceptions que l’apprenant a de sa réalité et de son vécu, tout en favorisant les interactions entre apprenant-formateur et apprenant-apprenant (Doise & Mugny, 1981).
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Communication orale
Décoloniser le savoir : le rôle crucial de la reconnaissance dans la justice réparatriceAude Malkoun-Henrion (indépendante)
Au Canada, la reconnaissance des Premières Nations, Métis et Inuits reste essentielle, notamment dans le cadre de processus de réconciliation comme la Convention de Règlement Relative aux Pensionnats Indiens (2006-2020) et les actions découlant de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2024).... Je propose donc ici une reconfiguration conceptuelle : la reconnaissance doit être comprise comme un processus cognitivo-pratique et constitutif de l’agentivité, plutôt qu’un acte normatif validant des identités ou des accommodements, des droits, selon des normes préétablies. Contrairement à l’approche normative, qui peut imposer des normes d’adaptation et reproduire des rapports de domination, cette nouvelle perspective met l’accent sur la transformation qualitative du savoir mutuel et des relations sociales. Inspirée des intuitions d’Aristote et de Hegel, cette approche favorise une co-construction de l’agentivité libre, incompatible avec la reproduction des structures de domination... Cela ouvre un nouveau champ de recherche en faveur d’une justice épistémique et sociale. Cette approche enrichit aussi les théories de la justice réparatrice en leur fournissant des outils conceptuels et pratiques pour contester les structures coloniales sous couvert d’inclusion. La reconnaissance devient ainsi un vecteur de décolonisation du savoir, transformant les relations sociales et épistémiques pour bâtir une véritable égalité.
Dîner libre
Session après-midi
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Communication orale
Enjeux communicationnels de la patrimonialisation de la mémoire de l’esclavagePierre Michelot Jean Claude (Université Laval)
Le patrimoine issu de la traite négrière et de l’esclavage, selon l’UNESCO, peut devenir « un vecteur de réconciliation, d’éducation et de développement » (UNESCO, 2014, p. 9). Cette communication s’intéresse à la patrimonialisation de la mémoire de l’esclavage en tant que phénomène de communication publique, en analysant comment les discours publics contribuent à la construction sociale de cette mémoire dans sa dimension patrimoniale. À partir d’études de cas menées auprès d’institutions publiques haïtiennes comme l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN) et le Bureau national d’ethnologie (BNE), cette recherche met en lumière deux enjeux principaux. D’une part, la marginalisation de la mémoire victimaire de l’esclavage se traduit par une invisibilisation des objets culturels associés à la souffrance des esclaves, au profit d’une célébration des symboles de la résistance et de la fierté nationale, tels que les monuments de la révolution haïtienne. D’autre part, un décalage persiste entre les discours internationaux qui insistent sur la reconnaissance des tragédies de l’esclavage et les narratifs locaux qui privilégient une lecture héroïque de l’histoire, occultant une partie essentielle de cette mémoire. En mobilisant une approche critique de la communication patrimoniale, cette communication propose une analyse du rôle des pratiques discursives dans la construction d’une mémoire collective et inclusive.
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Communication orale
L'épistémologie des sciences comme outil de décolonisation du savoir : Enjeux pour l'éducation en République d'HaïtiMax Rosebert Shoewer Lubin (Universite INUFOCAD)
Haïti, premier État noir indépendant, porte en elle une histoire marquée par l’esclavage et le colonialisme, dont les effets se manifestent encore aujourd’hui dans les dynamiques éducatives et épistémologiques. Ce travail explore comment l'épistémologie des sciences peut être mobilisée pour repenser et décoloniser le savoir dans le contexte haïtien. En interrogeant les théories épistémologiques du positivisme, du constructivisme et du pragmatisme, nous proposons une réflexion critique sur leur potentiel à déconstruire les paradigmes éducatifs hérités de l’époque coloniale. Dans le cadre haïtien, l'éducation est souvent façonnée par des cadres eurocentriques qui négligent les spécificités culturelles et historiques locales. Nous soutenons qu’une approche constructiviste, intégrant les expériences individuelles et collectives des apprenants, peut répondre aux besoins d’une société postcoloniale en quête de sens et de souveraineté culturelle. À travers des projets collaboratifs et des méthodologies participatives, il est possible de co-construire un savoir ancré dans les réalités locales tout en valorisant la pensée critique et la créativité. Cette communication s’inscrit dans une réflexion plus large sur la manière dont Haïti peut tirer parti de son héritage historique pour construire une éducation qui réponde aux défis contemporains tout en affirmant sa singularité dans le concert des nations.
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Communication orale
Récits alternatifs et décolonisation du savoir : stratégies narratives dans Écrire en pays dominé de Patrick Chamoiseau et La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar SarMajda Meftahi (Laboratoire d'Études et de Recherches sur l'Interculturel, Université Chouaib Doukkali, El Jadida-Maroc)
Cette communication propose d’examiner comment la littérature contemporaine francophone participe au processus de décolonisation du savoir à travers la réappropriation et la réécriture de la mémoire de l’esclavage et du colonialisme. Notre étude s’articulera autour de trois axes principaux. Premièrement, nous examinerons comment ces récits contemporains proposent une nouvelle épistémologie de la mémoire, en confrontant les archives coloniales officielles aux mémoires orales et aux savoirs ancestraux. L’analyse portera particulièrement sur la manière dont ces œuvres réhabilitent les traditions orales caribéennes et africaines comme sources légitimes de connaissance historique. Deuxièmement, nous analyserons les procédés stylistiques et narratifs spécifiques - fragmentation du récit, polyphonie des voix narratives, intertextualité décoloniale - qui permettent de subvertir les codes du roman occidental. Nous montrerons comment ces choix formels participent à une décolonisation de l’écriture elle-même, en créant des espaces textuels hybrides qui échappent aux catégories génériques traditionnelles. Enfin, nous étudierons comment ces œuvres construisent une « contre-histoire » qui réhabilite les épistémologies non-occidentales, notamment à travers la valorisation des cosmogonies caribéennes chez Chamoiseau et des traditions intellectuelles africaines chez Sarr.
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Communication orale
Le vaudou dans le paysage socioculturel haïtien : une religion dans la tourmenteDave Delong (Université Publique Départementale Sud ci-devant UPSAC (Cayes, Haïti))
Le texte aborde la marginalisation du vaudou en Haïti, une religion centrale dans la culture haïtienne, mais non reconnue institutionnellement. Le vaudou souffre également d’une marginalisation épistémique, où son savoir, transmis oralement, peine à se faire une place dans la société dominée par le christianisme. La transmission de ce savoir est de plus en plus difficile, notamment face à l’omniprésence des religions chrétiennes dans les médias et les écoles et autres espaces. Pourtant, le vaudou joue un rôle fondamental dans la culture haïtienne et doit être reconnu non seulement comme une religion mais aussi comme un symbole de résistance et d’identité culturelle. Ce travail s'efforcera de démontrer comment le vodou, bien que central dans la culture haïtienne, continue de souffrir d'une invisibilité institutionnelle et d'une stigmatisation persistante. En outre, il ne sera pas question ici d'explorer en profondeur la dimension spirituelle des religions en Haïti, dont la complexité dépasse largement le cadre de cette étude, mais plutôt d'analyser le vodou à travers son rôle culturel et social, tout en soulignant les défis auxquels il est confronté dans le contexte contemporain.
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Communication orale
Le Vodou Ayisyen: une psychologie de la libération noire ancestrale et contemporaineKay Thellot (Prensip Minokan)
Je centre mon travail sur la réappropriation de la pratique magico-religieuse (Onna, 2016) et spirituelle du Vodou comme une épistémologie complète servant de psychologie de la libération noire pour les personnes qui en ont fait l’élaboration. Incubé dans le sein de l’expérience colonial des captifs Africains dans la colonie française de Saint-Domingue, ces personnes ont conçu le Vodou qui deviendra spécifiquement Aysiyen. Ils y ont méticuleusement archivé, mémorisé, codé, préservé, et adapté la philosophie, la perspective et l’ascendance africaine à l’époque et aux lieux de leur quotidien (Casimir, 2020). […] Mon étude actuelle du Vodou à travers l’optique de la psychothérapie souligne les courants transculturels, existentiels, humanistes, narratifs et somatiques de cette pratique afro-diasporique pour soutenir le bien-être, le développement identitaire et la socialisation des Noirs dans un environnement intentionnellement hostile (Van der Kolk, 2014).
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Communication orale
Le français aux Comores : un héritage colonial complexeMohamed Ali Fahadi (UdeM - Université de Montréal)
Le comorien est la langue maternelle de presque tous les Comoriens qui vivent aux Comores, l’arabe étant la langue de la religion musulmane pratiquée principalement par les oulémas religieux ressortissants des pays arabes. Ces deux langues sont devenues officielles quelques années après l’officialisation du français, de façon permanente en 1992. Quelles sont les perceptions actuelles des locuteurs vis à vis du français? Quelle est l’influence du français dans l’éducation, l’identité personnelle et culturelle? Quels sont les défis que rencontrent les locuteurs dans des contextes professionnels et éducatifs? Les résultats montrent que les représentations du français restent les mêmes dans la mesure où beaucoup le considèrent comme une source de civilisation et un moyen d’accès à la science, pendant que d’autres le voient comme une domination néocoloniale. A propos de son impact dans le monde éducatif, le manque d’une bonne maitrise entraine de l’absentéisme, du désintérêt et parfois l’abandon des études. Malgré l’enseignement du français à tous les niveaux scolaires, on note un bilinguisme déséquilibré dans la mesure où il y a un écart très marqué entre la maitrise et la pratique du français et du comorien.
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Communication orale
Le tambour, symbole de liberté : un patrimoine historique et culturel des peuples autrefois opprimésJohn Sley Pierre (AGENCE CULTURELLE TRACES ET MÉMOIRES)
Le tambour a toujours été un symbole de liberté et de résistance au sein des communautés noires. Aux côtés des instruments à cordes, il a galvanisé l’esprit combattant de ceux qui l’ont porté, jouant un rôle fondamental dans l’émancipation des Noirs. Présent lors des grands moments de révolte et d’affirmation identitaire, il a rythmé des événements majeurs tels que les congrès des clairières, appelé « cérémonie du Bois Caïman » à Saint-Domingue en 1791, ou encore l’insurrection de mai 1848 en Martinique. Dans une démarche essentielle de décolonisation du savoir, des terminologies et des perceptions, cette réflexion met en lumière une réalité fondamentale : c’est la quête incessante de liberté, inhérente à l’humanité, qui explique la présence persistante du tambour dans les cultures afro-descendantes. Ni l’esclavage ni la colonisation ne peuvent être considérés comme les véritables vecteurs de cette transmission. Certes, ces systèmes oppressifs ont forcé la dispersion de cet instrument depuis l’Afrique vers les Amériques, mais ils ne devraient en aucun cas être perçus comme des sources d’héritage.
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Communication orale
Récits brisés, voix retrouvées : une analyse rhétorique de l’exposé des motifs de la loi TaubiraYvan Tchanga (UdeM - Université de Montréal)
L’esclavage est l’un des moments les plus sombres de l’histoire de l’humanité. Cette période a été marquée par l’oppression, la violence, la déshumanisation et la négation de la dignité humaine. La traite transatlantique, qui a duré plus de 400 ans, a eu des conséquences dévastatrices sur les sociétés africaines, européennes et américaines, et a laissé des traces indélébiles dans les mémoires collectives. Cet exposé des motifs, rédigé avec une remarquable technicité descriptive et narrative, aura marqué les esprits et mis en lumière le pouvoir rhétorique dans la prise de décision politique. En appliquant une méthodologie d’analyse rhétorique, sur base de la théorie des trois preuves d’Aristote (ethos, pathos et logos), ma présentation examinera comment l’oratrice repositionne la marginalisation des communautés afrodescendantes dans le cadre de la justice historique et des réparations symboliques. J’explorerai la construction de l’ethos de Taubira (son image dans le discours) ainsi que les émotions (le pathos) suscitées par son texte législatif. J’analyserai, in fine, les éléments constitutifs de son logos (les arguments développés).