Informations générales
Événement : 92e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Avec la montée du néolibéralisme et la prédominance de la logique marchande dans tous les domaines de la vie sociale, la promotion des valeurs de liberté et de pluralisme, mais aussi d’autonomie, de responsabilité et de justice sociale, s’opérationnalise de plus en plus à travers le langage de la diversité qui agrège progressivement de nouveaux thèmes tels que l’« inclusion » et l’« équité ». Malgré le caractère positif et consensuel des grammaires institutionnelles qui composent les initiatives étiquetées « équité, diversité et inclusion » (EDI), des travaux s’inscrivant dans le champ des approches critiques de la diversité apportent des éclairages permettant d’analyser les dimensions discursives, idéologiques et organisationnelles des politiques d’EDI comme étant constitutives de la gouvernementalité néolibérale des institutions publiques.
Ce champ d’investigation dynamique est d’ailleurs en développement dans la littérature anglophone, mais aussi de plus en plus dans les sphères transnationales et éducatives. Les références aux politiques d’EDI opèrent comme justification permettant une institutionnalisation pérenne ou, à tout le moins, durable d’un ordre social discriminatoire et dont la reproduction affecte les espaces institués de résistance, voire de remédiation. Il importe donc de comprendre comment les discours de la diversité permettent d’expliquer l’exercice quotidien des discriminations dans les sphères éducatives. Également, de quelles visions et représentations se nourrissent-ils? Quels sont les enjeux et les défis face à la mise en œuvre des politiques étiquetées EDI dans les institutions éducatives? Comment ces dispositifs s’intègrent-ils au langage et aux discours aspirationnels de l’égalité des chances? Quels en sont les écueils et les contradictions? Comment les individus et les groupes catégorisés comme « issus de la diversité » appréhendent-ils les dispositifs qui les visent?
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Fahimeh Darchinian (UdeM - Université de Montréal)
- Marlène Larochelle (UdeM - Université de Montréal)
- Karine Fofou (UdeM - Université de Montréal)
Programme
Accueil et mot de bienvenue
Équité, diversité et inclusion dans le milieu universitaire
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Communication orale
La formation obligatoire des professionnel·les immigrant·es : analyse critique de la colonialité du pouvoir universitaireMarlène Larochelle (UdeM - Université de Montréal)
Afin de poursuivre légalement leur carrière au Québec, la majorité des personnes immigrantes détentrices d’un titre professionnel (PI) doivent compléter un programme universitaire « d’actualisation des compétences ». Ainsi, des universités québécoises (re)forment des milliers de travailleuses et travailleurs immigrants lorsque les ordres professionnels ne reconnaissent pas leurs compétences « étrangères ». Ces PI – redevenu·es étudiantes et étudiants – doivent négocier leur (re)professionnalisation alors même qu’iels se trouvent minorisé·es et déclassé·es socialement.
Cette communication propose un regard critique préliminaire des programmes d’actualisation des compétences offerts à l’Université de Montréal. L’analyse des observations menées en classe met en exergue la reproduction culturelle qu’imposent les pratiques enseignantes de même que la protection du territoire qui s’opère par le contrôle des frontières professionnelles. Elles laissent également entrevoir des stratégies de résistance qui soulignent la négociation dynamique et continue de la (re)professionnalisation. Au final, la formation offerte hiérarchise les savoirs professionnels acquis en marge des pratiques québécoises : cet épistémicide (Sousa, 2010) conduit à une stérilisation de l’identité professionnelle, mais surtout, force plusieurs PI à céder à la colonialité du pouvoir universitaire.
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Communication orale
Création d'un bureau de responsabilité sociale dans la formation en sciences infirmières pour un changement durableAnne-Laurie Beaubrun (Université McGill), Jayalakshmi Caliaperumal (Université McGill), Amanda Cervantes (Université McGill), Kimani Daniel (Université McGill), Josée Lavallée (Université McGill), Catherine-Anne Miller (Université McGill), Irène Sarasua (Université McGill), Jodi Tuck (Université McGill)
Le racisme et la discrimination existent dans les systèmes de santé. Des initiatives comme le Principe de Joyce conduisent au changement, appelant à l'humilité culturelle, à la sécurité et l'éducation dans les soins de santé. Récemment, des institutions universitaires ont élaboré des plans stratégiques en équité, diversité, inclusion et antiracisme dans le contexte d’un dialogue mondial sur ces enjeux. Elles se sont engagées dans un processus de vérité et réconciliation, notamment en réponse aux 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Parallèlement, l’Association canadienne des écoles de sciences infirmières a publié des normes en matière d’humilité culturelle et de sécurité culturelle dans la formation infirmière.
Nous proposons une réflexion sur notre expérience liée à la création d’un bureau en responsabilité sociale, en tant qu’infirmières, enseignantes et directrice inaugurale, dans une institution universitaire de renommée internationale. Nous évoquerons les défis liés à l’arrimage entre les orientations stratégiques et leur mise en oeuvre ainsi que le manque de clarté du mandat de ces bureaux au sein d’organigrammes complexes, rendant leur implantation difficile et leurs efforts vulnérables.
Nous soutenons que pour une implantation durable et cohérente de principes de justice sociale dans les programmes de formation, les bureaux en responsabilité sociale doivent être dotés d’un mandat transversal clairement défini. -
Communication orale
Les politiques d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) dans l’enseignement supérieur : enjeux, bilan et perspectivesKarine Fofou (UdeM - Université de Montréal)
Alors que le Canada jouit d’une image globalement positive en matière d’accueil et d’intégration des minorités ethnoculturelles, la persistance de barrières systémiques, auxquelles font face les membres des groupes sous-représentés, demeure préoccupante. Or, la discrimination, sous toutes ses formes, interroge le pacte social démocratique qui est au fondement du vivre-ensemble. Les institutions universitaires, qui détiennent un rôle historique en matière de défense des droits humains, n’échappent pas à ces phénomènes de discrimination systémiques. Forts des constats précédents, les institutions universitaires occidentales, nord-américaines en particulier, ont mis en place des plans d’actions « équité, diversité et inclusion » (EDI), et renforcé, depuis les années 2000, les actions visant à augmenter le recrutement et la rétention d’étudiants et de professionnels appartenant aux groupes historiquement sous-représentés. Afin de mieux comprendre les leviers et les freins afférents à la mise en œuvre des politiques d’EDI dans l’enseignement supérieur, j’ai effectué une recension des écrits relatifs à la mise en œuvre de ces politiques dans les universités occidentales, nord-américaines en particulier. Cette communication a pour objectif de présenter, d’un point de vue critique, les principaux résultats de la revue de littérature ainsi que les perspectives de recherche qui en découlent.
Réflexions épistémologiques autour des enjeux et défis de l’EDI
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Communication orale
Quand nommer est accusé de blesser. Résistances autour d’une recherche sur le racisme en milieu scolaire au Québec.Geneviève Audet (UQAM), Caroline Beauregard (UQAT), Alicia Bostwain-Kyte (Université McGill), Barbara Dejean (Université McGill), Philip Howard (Université McGill), Fasal Kanouté (Université de Montréal), Gina Lafortune (UQAM - Université du Québec à Montréal), Jean-Baptiste Marc Donald (UQAM), Evens Mensah (UQAM), Imane Sahraoui (UQAM)
Cette communication rend compte des défis qui ont jalonné les premières étapes d’une recherche sur l’expérience des élèves noirs au préscolaire-primaire au Québec. L’étude visait à comprendre les dynamiques de racisme touchant ces élèves dès leur entrée à l’école et à soutenir l’agentivité des acteurs pour transformer les pratiques et politiques qui concourent aux inégalités raciales. Dès l’écriture du projet, l’équipe s’est interrogée sur sa faisabilité et les stratégies à mettre en œuvre pour la réaliser dans un contexte global de déni du racisme. Comme il s’agissait d’une recherche-action ethnographique en milieu scolaire, nous anticipions des défis d’accès aux écoles en raison des réticences du personnel à se laisser observer. Et, en effet, depuis les demandes d’approbation éthiques jusqu’aux premières tentatives d’approches des milieux scolaires et communautaires, qui constituent le terrain de recherche, les réactions ont révélé l’existence d’un malaise à aborder frontalement la question du racisme. Cette problématique semble remettre en cause un certain ordre des choses et un idéal de cohésion et de « vivre-ensemble ». La communication mettra en évidence comment la violence raciste persiste sous des pratiques apparemment inoffensives. Elle abordera aussi les percées qui ont pu se faire dans certains milieux et les conditions qui les ont permises.
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Communication orale
Le fardeau de l’authenticité : Négociations identitaires des jeunes femmes musulmanes à Montréal dans un Québec en quête de diversitéAmira Bensahli (Femmes du monde à Côte-des-Neiges)
Au-delà des débats souvent polarisés et polarisants sur la laïcité dans l’espace public québécois, les femmes musulmanes composent une diversité de parcours et d’expériences qui restent largement invisibilisées. En analysant les récits de vie de jeunes femmes musulmanes à Montréal, j’explore leur négociation identitaire et les stratégies mobilisées pour évoluer dans une société où leur présence est fréquemment questionnée, voire contestée. Cette communication examine comment ces femmes naviguent avec résilience entre leur héritage familial, leurs valeurs religieuses et culturelles, et les attentes normatives imposées par la société d’accueil. Vivant avec le « fardeau de l’authenticité », ces femmes doivent constamment prouver qu’elles incarnent une identité acceptable aux yeux des autres, oscillant entre des attentes contradictoires. Cette obligation tacite de justification permanente façonne non seulement leurs trajectoires personnelles, mais aussi leur accès à un sentiment d’appartenance collectif. En donnant une place à la parole de celles qui sont rarement entendues, cette communication contribue à une réflexion plus critique des dynamiques identitaires, des rapports de pouvoir et des défis du pluralisme dans une société en mutation.
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Communication orale
Violences épistémiques et politiques de la mémoireSaaz Taher (University of Toronto)
En 2020, dans le sillage du mouvement antiraciste incarné par Black Lives Matter, plusieurs sociétés occidentales sont témoins de contestations visant la présence de statues de personnalités historiques liées à l’entreprise esclavagiste, colonialiste et raciste. Certains groupes militent pour leur retrait, estimant nécessaire de remettre en question cet héritage colonial, tandis que d’autres y voient un effacement de l’histoire, dénonçant une imposition idéologique « woke ». Quel cadre idéologique façonne les débats sur la mémoire publique et l’héritage colonial en Suisse ? Qui détient l'autorité pour valider ou contester cet héritage, et sous quelles conditions? À travers les concepts d’ignorance blanche et de résistance épistémique (Mills, 1997 ; Medina, 2013), cette analyse examine les discours publics sur le déboulonnement de statues dans deux cantons suisses romands entre 2020 et 2022. Elle montre comment ces discours génèrent une violence épistémique, invisibilisant les voix des communautés noires et marginalisant les perspectives antiracistes sur la mémoire coloniale.
Dîner libre (repas offert aux personnes conférencières)
Équité, diversité et inclusion dans le milieu scolaire
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Communication orale
Regard critique ethomathématique sur les pratiques enseignantes pour les élèves nouvellement arrivé·es au QuébecFlorence Croguennec (UdeM - Université de Montréal), Rola Koubeissy (Université de Montréal)
Les élèves nouvellement arrivés au Québec (ENA) font face à un double défi en mathématiques : s’approprier les concepts, s’intégrer à la culture curriculaire. Or, dans un contexte multiethnique, l’enseignement des mathématiques ne peut se détacher des réalités culturelles (Gorgorió et Planas, 2005). Il est essentiel d’examiner comment les pratiques d’enseignement, influencées par les contextes socioculturels (D’Ambrosio, 2017 ; Elbers et de Haan, 2005), peuvent favoriser l’inclusion des ENA et soutenir le développement des compétences disciplinaires. Nous présentons les résultats d’un projet de recherche sur les perceptions et pratiques des enseignant·es en contexte multiethnique québécois. Les données ont été recueillies par entretiens de compréhension (Kaufman, 2007) et groupes de discussion (Robo, 2007), et nous nous concentrons ici sur deux entretiens concernant l’enseignement des mathématiques. S’appuyant sur l’ethnomathématique (D’Ambrosio, 2017) et la pédagogie critique (Freire, 1971), l’analyse montre que Farah, l’enseignante négocie entre acculturation à la société québécoise et reconnaissance des savoirs mathématiques culturellement diversifiés. Elle déploie des pratiques, reconnaissant, à un certain point, des savoirs issus de contextes culturels variés. Nous analysons ses pratiques et discutons de la manière dont les savoirs sociomathématisés peuvent favoriser des rapports démocratiques en classe (Bernstein, 2007), dans une optique de justice socioscolaire.
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Communication orale
Processus de stigmatisation : l'inadaptation de l’architecture scolaire face à la neurodivergenceMylène Charette (UdeM - Université de Montréal)
Au Québec, la valorisation de la diversité, de l’équité et de l’inclusion est au coeur des préoccupations gouvernementales. Ces valeurs sont prônées notamment dans le système scolaire. Toutefois, une hausse importante des diagnostics d’autisme et de TDAH est remarquée chez les jeunes, mais n’étant pas soustraite à une règlementation gouvernementale, la conception des écoles secondaires régulières considère très peu les besoins particuliers de la neurodiversité. Une analyse comparative a été menée sur quatre écoles implantées dans le Grand Montréal, afin de définir le portrait architectural de l’école secondaire contemporaine ainsi que d’explorer leur qualité inclusive. Les résultats obtenus montrent que les besoins particuliers ne sont pas tous considérés dans la conception de ces écoles, mais que la cognition spatiale, la socialisation et la sensorialité sont des besoins partiellement couverts. En revanche, le retrait, les opportunités et les différentes modalités sociales sont peu valorisés dans l’aménagement scolaire. Le deuxième volet de la collecte de données, soit des photovoix menés par des adolescents·es neurodivergents·es, permettra d’explorer leurs routines spatiales et sociales ainsi que leur expérience architecturale au prisme de leurs besoins, ce qui contribuera aux connaissances actuelles et permettra de proposer un modèle architectural optimisé et inclusif de l’école secondaire régulière.
Conférence plénière de Sirma Bilge et Fahimeh Darchinian
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Communication orale
Interpellations raciales à l’heure de l’université néolibéraleSirma Bilge (UdeM - Université de Montréal)
Dans la continuité de mes travaux antérieurs (voir par exemple ma contribution au numéro de Sociologie et Sociétés dirigé par Darchinian et Doytcheva, 2023), cette conférence explore les formes d’interpellation des universitaires racialisé·es au sein du régime de diversité propre à l’université néolibérale. J’adopte une approche fanonienne de l’interpellation raciale, qui se distingue de l’analyse universaliste d’Althusser et dialogue avec des travaux plus récents.
Parmi les questions soulevées figurent : Quels types de structures d’opportunités sont façonnées par l’institutionnalisation des champs de savoir minoritaires et par la montée des discours et des agendas en matière d’équité, diversité et inclusion (EDI) dans l’académie néolibérale ? Quels types de structures de sentiments et d’aspirations institutionnelles ces initiatives génèrent-elles ? Comment les universitaires racialisé·es négocient-ils/elles ces développements, envisagés à travers le prisme des interpellations raciales ?
J’accorde une attention particulière aux contours de la position intenable dans laquelle ces universitaires sont placé·es : à la fois sommé·es d’émuler les normes blanches et d’incarner une diversité inoffensive. Enfin, j’examinerai comment cette double contrainte conduit à des formes d’auto-cannibalisation, par lesquelles les universitaires racialisé·es internalisent et reproduisent les injonctions contradictoires de l’université néolibérale pour tenter d’y survivre.
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Communication orale
La citoyenneté raciale au prisme des étudiantes musulmanes à MontréalFahimeh Darchinian (UdeM - Université de Montréal)