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Auteur et co-auteurs
Alexandre Crépeau
Université d’Ottawa
5a. Résumé

Nous explorerons les liens entre travail et cohésion sociopolitique via un dialogue herméneutique entre les écrits de David Graeber et de Simone Weil, qui n’ont jusqu’alors jamais été liés en profondeur. Nous aborderons la bullshitization de l’économie, décrite par Graeber comme la hausse du temps au travail accordé à l’accomplissement de tâches superflues et à l’augmentation des emplois inutiles, dits bullshit jobs. Au-delà de l’insatisfaction au travail, nous démontrerons que ces dernières, avec leurs tâches répétitives, fragmentées ou insignifiantes, entraînent chez leurs occupants une incapacité systémique à porter attention. Pour Weil, la centralité sociopolitique du travail découle du fait qu’il cultive la capacité d’attention. Bien que traditionnellement conçue comme une capacité cognitive, celle-ci permet pour Weil la liberté individuelle et favorise la réceptivité envers autrui, fondement de la qualité du tissu social. Le travail, à l’époque de Weil et à la nôtre, est toutefois orienté par les impératifs du marché : l’indifférence propre à l’individualisme cultivé dans les entreprises néolibérales engendre un déficit de liens entre les travailleurs et une compétition exacerbée. La bullshit job atrophie donc nos capacités d’empathie, entraînant un climat sociopolitique hostile et une incapacité à nous gouverner. Revenir à la notion d’attention chez Weil permet d’élever la valeur du travail au-delà de la nécessité économique et de cerner son importance sociopolitique.