Informations générales
Événement : 92e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 500 - Éducation
Description :Le Québec représente une société diverse sur le plan culturel et ethnique, une force qui vient néanmoins avec son lot de défis. En effet, dans un contexte de frictions et de polarisations sociales grandissantes (Rousseau et coll., 2022), l’on constate que la société québécoise d’aujourd’hui se retrouve affligée par de nombreux enjeux sociaux dont les conséquences s’observent au sein de différents milieux et institutions. Parmi les grands enjeux nuisant au tissu social québécois, celui du racisme et de la discrimination touchant les minorités visibles et les autochtones s’avère particulièrement tenace et virulent (Groupe d’action contre le racisme, 2020). Parmi les nombreux milieux durement affectés par ces enjeux, le monde de l’éducation est particulièrement notable et vulnérable. L’école se veut un lieu d’éducation et de formation, mais aussi de socialisation qui joue un rôle d’agent de cohésion favorisant l’apprentissage du vivre ensemble (MEQ, 2001). L’expérience socioscolaire des élèves revêt une importance telle qu’elle est indicatrice de leur réussite et de leur épanouissement (Lafortune et Kanouté, 2006). Pourtant, plusieurs études rapportent que les élèves témoignent de racisme à l’école aussi tôt qu’au préscolaire (Husband, 2012; Louis, 2020) et continuent d’en vivre tout au long de leur parcours scolaire, au primaire et au secondaire (Howard, 2014; Bakali, 2020; Toussaint, 2022). Cet enjeu soulève nombre d’inquiétudes chez les acteurs œuvrant en milieu scolaire, chez les familles et chez les élèves, qui se trouvent souvent démunis face à trois grandes questions : Comment le racisme se manifeste-t-il dans les milieux scolaires? Quelles sont les conséquences du racisme sur nos élèves, nos familles et nos milieux scolaires? Comment intervenir pour éliminer le problème et faire avancer la marche vers un changement systémique? C’est à ces questions que ce colloque se propose d’offrir un début de réponse. Précisément, en adoptant une lunette pluridisciplinaire et en examinant des contextes québécois ainsi qu’internationaux dans une perspective comparative.
Ce colloque se veut une occasion de dialogue et d’échange entre les milieux de la recherche et les milieux de pratiques au Québec et ailleurs. Les travaux présentés sont issus de disciplines dont les objets de recherche sont complémentaires (sciences de l’éducation, histoire, travail social, psychologie, sociologie et philosophie) et qui permettront de faire des liens entre les expériences documentées de racisme en milieu scolaire et des pistes d’explication théorique de ces occurrences (théories critiques et antiracistes) (Dei, 1997; Delgado et Stefanic, 1993; Gilborn, 2005). L’objectif est de mieux saisir les réalités des élèves et des acteurs des milieux scolaires et surtout les répercussions des enjeux raciaux sur leur vécu afin, ultimement, de réfléchir aux pistes d’intervention et d’action pouvant concrètement être mises en place afin d’engager le changement.
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Marc Donald Jean Baptiste (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Imane Sahraoui (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Accueil et mot d’ouverture
Racisme systémique, migration et parcours scolaire des jeunes issu·es de l’immigration et des minorités ethniques
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Communication orale
Parcours scolaires et professionnels des immigrants issus d’Amérique latine au Québec : inégalités systémiques et ressources culturelles mobiliséesFabian Salazar (UdeM - Université de Montréal)
Le Québec, en tant que destination migratoire, accueille une communauté croissante d'immigrants issus d'Amérique latine. Cependant, ces derniers font face à des obstacles systémiques qui entravent leur réussite scolaire et professionnelle. Cette présentation analyse les inégalités structurelles qui influencent leurs parcours ainsi que les stratégies et ressources culturelles qu'ils mobilisent pour y faire face. Les jeunes immigrants issus de cette communauté sont sous-représentés dans les programmes enrichis du secondaire et dans l'enseignement postsecondaire, en raison des barrières linguistiques, des microagressions et du manque de reconnaissance culturelle. Sur le plan professionnel, la déqualification des diplômes et les discriminations à l'embauche limitent leur mobilité économique. Cette recherche, basée sur l’ethnographie institutionnelle et l’intersectionnalité, documente ces dynamiques et met en lumière les formes de capital culturel et social mobilisées pour contrer ces inégalités. Elle vise à proposer des recommandations pour adapter les politiques éducatives et professionnelles à la réalité de cette communauté.
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Communication orale
Racisme systémique et défis éducatifs : L'expérience des immigrants Haïtiens à Rio de Janeiro (2010-2024)Richemond Dacilien (Université d’Ottawa), Rogério Naques Faleiros (Université Fédérale de l'Espírito Santo)
L’éducation occupe une place paradoxale dans l’expérience des immigrants haïtiens à Rio de Janeiro. Si elle constitue un vecteur potentiel de mobilité sociale, notamment à travers des dispositifs tels que le Programme d’Étudiants-Convenio de Graduation (PEC-G), elle demeure néanmoins un espace marqué par des dynamiques d’exclusion. Une enquête récente révèle que 48 % des Haïtiens interrogés dans cette ville poursuivent ou ont achevé des études supérieures (MIDEQ, 2023, in Dacilien, à paraître).Cependant, leur parcours académique est entravé par de multiples obstacles, dont les discriminations raciales et les barrières linguistiques. Nos recherches mettent en évidence des stratégies d’invisibilisation adoptées par certains étudiants haïtiens, contraints de dissimuler leur nationalité pour éviter les préjugés. Les témoignages recueillis, notamment ceux de « Sonson » et « Pierre » (noms fictifs), soulignent l’ampleur de ces discriminations, qui engendrent un isolement social et limitent leur intégration universitaire. Ce travail met ainsi en lumière la persistance du racisme structurel au sein des institutions éducatives brésiliennes et souligne la nécessité de politiques inclusives visant à garantir un accès équitable et respectueux aux savoirs pour l’ensemble des étudiants, indépendamment de leur origine.
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Communication orale
Les jeunes musulman.e.s face à la loi 21 : Une analyse intersectionnelle de leurs expériences scolaires dans les écoles secondaires publiques québécoisesHana Zayani (UdeM - Université de Montréal)
L’adoption de la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21) en 2019 a suscité de nombreux débats sur la place de la religion dans l’espace public québécois (Leydet, 2020). Cette communication s’intéresse aux expériences des jeunes musulman.e.s dans les écoles secondaires publiques québécoises, un terrain où se jouent des tensions entre la neutralité de l’État et la diversité ethnoreligieuse (Bakali, 2016). En mobilisant le cadre théorique de l’intersectionnalité féministe (Crenshaw, 1989 ; Collins, 2002), nous analysons comment les interactions complexes entre les composantes de l'identité des jeunes musulman.e.s et les multiples facteurs contextuels sociohistoriques et sociopolitiques façonnent leurs expériences scolaires. À travers des entretiens menés avec des jeunes musulman.e.s fréquentant ces écoles, nous explorons les défis qu’ils rencontrent, notamment en termes de discrimination, de stigmatisation et de sentiment d’appartenance (Corbeil, 2018 ; Zayani, 2021). Nos résultats préliminaires révèlent que la loi 21 accentue les inégalités vécues par ces jeunes, particulièrement les filles portant le hijab, en limitant leurs aspirations professionnelles et leur intégration sociale. Cette recherche vise ainsi à mettre en lumière les effets concrets de cette législation sur la scolarisation et l’avenir des jeunes musulman.e.s, et à proposer des pistes pour un environnement éducatif plus inclusif et équitable.
Processus de racialisation, de racisation et d’invisibilisation en milieu scolaire pluriethnique
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Communication orale
Processus de racialisation à l’école primaire à travers une enquête menée auprès d’enseignant·es débutant·es dans le canton de VaudOcéane Haja Maréchal (Département Général de l'Enseignement Obligatoire), Marine Tiavina Maréchal (Université de Lausanne et Haute école Pédagogique Vaud)
L’idée selon laquelle il n’y a pas de racisme en Suisse est une croyance encore partagée, véhiculée par « les récits nationaux longtemps dominants d’un pays réputé être resté en marge du colonialisme et de l’impérialisme » (dos Santos Pinto et al., 2022, p. 29). En conséquence, le racisme y est vu comme un simple « incident », ou limité à l’expression d’une idéologie d’extrême-droite. D’autres, avant nous, ont montré que l’école est un lieu dans lequel les discriminations raciales
sont présentes. Cependant, dans une volonté de questionner notre métier d’enseignant·es face à la (re)-production de ces stéréotypes et pratiques racialisantes, nous avons dirigé notre enquête vers les enseignant·es débutant·es afin de s’intéresser à leur pratique. Cette communication présente les résultats d’une recherche empirique qui met en évidence le processus de racialisation et de discriminations raciales dans l’école vaudoise (Maréchal & Maréchal, 2023). En mobilisant une méthode d’enquête qualitative (Savoie-Zjac, 2011), auprès de six enseignant·es débutant·es primaires en formation à la Haute école pédagogique du canton de Vaud à Lausanne (Suisse), elle a permis d’identifier la manifestation de processus de racialisation dans la pratique rapportée d’enseignant·es, tout en montrant une euphémisation (ou une évacuation) de la question raciale dans les discours au profit du concept de culture. -
Communication orale
De la méfiance à la confiance dans la note scolaire. Des catégorisations d’élèves racisés en situation d’échec scolaire par les enseignants en Belgique francophoneCaroline De Pascale (UCL)
Le jugement professoral est défini comme une catégorisation scolaire et sociale (Glevarec, 2019), entendu comme système de classement (Zirotti, 1980) qui est produit au travers de l’interaction scolaire et lie la note chiffrée à l’attitude de l’élève ainsi que les représentations professorales du futur scolaire de l’élève et du fonctionnement de l’institution (André, 2011). En Belgique francophone le redoublement est particulièrement prégnant puisqu’il touche en moyenne un élève sur deux à l’âge de 15 ans, et particulièrement les jeunes garçons de milieu populaire (Bricteux et al., 2020). L’échec scolaire s’assortit de traitements disciplinaires particuliers pour les jeunes racisés, qui a lieu sous le prisme du contrôle et d’un appel à l’autorité (Foy, 2023). Ce faisant, les dimensions pédagogiques et disciplinaires sont liées.A partir d’un terrain ethnographique composé d’observations et d’entretiens nous analyserons les déclinaisons des diagnostics concernant les difficultés et besoins scolaires des élèves, selon l’appartenance à un groupe minoritaire/majoritaire. Nous montrerons que c’est sous le prisme de la méfiance envers les élèves et leurs familles que peuvent se comprendre des formes particulières de catégorisation visant à expliquer l'échec par le comportement, puis à tenter de le contrôler via disciplinarisation, la réorientation ou la mobilité scolaire vers d'autres établissements.
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Communication orale
Perceptions d’élèves noir.e.s du préscolaire-primaire sur des enjeux de non-intervention en milieu scolaire pluriethnique au Québec : « les adultes ne nous voient pas»Marc Donald Jean Baptiste (UQAM - Université du Québec à Montréal), Gina Lafortune (Université du Québec à Montréal), Imane Sahraoui (Université du Québec à Montréal)
Cette communication propose de présenter et d'analyser l'une des tendances dominantes dans les perceptions des élèves noir.e.s en début de scolarité concernant les enjeux de non-intervention des adultes en milieu scolaire, documentées dans le cadre d'un projet de recherche-action en cours (Lafortune et al., 2022-2025). Nous nous appuyons sur une combinaison de données recueillies sur deux années d'étude ethnographique dans trois écoles primaires au Québec par l'intermédiaire d’observations, d'ateliers créatifs individuels (n = 68) et de groupe (n=5), réalisés avec une trentaine d’élèves. L'analyse préliminaire met en évidence un enjeu de non-intervention des adultes de l’école face à des situations de racisme vécues par ces élèves dans le milieu scolaire (conflits, insultes, exclusions). S’inscrivant dans une approche théorique critique de la race (Dei, 1997; Delgado et Stefanic, 1993 ; Gilborn, 2005 ; Nieto, 2002) et celle du racisme anti-Noir (Dumas et Ross, 2016), cette communication propose de discuter des mécanismes du racisme systémique, mettant en évidence les voix des personnes concernées qui sont les élèves noir.e.s sur les dynamiques d'invisibilisation et de banalisation qu’ils confrontent dans leur expérience scolaire. L’accent est mis aussi sur les stratégies utilisées par ces derniers pour faire face à ces enjeux.
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Communication orale
Déconstruire le racisme systémique en milieu scolaire : Identité noire, résistances et perspectives pour une éducation antiracisteBarbara Dejean (Université McGill)
Le système scolaire québécois s’inscrit dans un héritage colonial et ségrégationniste qui continue d’influencer la construction de l’identité noire, l’expérience éducative et l’accès à une éducation véritablement équitable. En mobilisant la Théorie Antiraciste Critique (TARC), nous examinerons comment les institutions scolaires perpétuent, consciemment ou non, des inégalités structurelles qui affectent l’appartenance, l’estime de soi et la trajectoire de vie des jeunes Noirs. Une attention particulière sera portée à l’histoire des politiques éducatives, aux mécanismes contemporains de racisation dans l’éducation et aux défis que représente la transformation d’un système dont les bases mêmes reposent sur des inégalités structurelles et des dynamiques d’exclusion. Nous analyserons comment ces logiques façonnent les expériences scolaires des élèves noirs, contribuant à invisibiliser leurs référents culturels, à entraver leur réussite académique et à limiter leurs trajectoires éducatives et sociales. Enfin, cette communication ouvrira des pistes de réflexion pour repenser l’éducation dans une perspective antiraciste. Il s’agira également d’interroger le rôle des différents acteurs : travailleurs sociaux, enseignants, directions d’école, décideurs politiques et communautés concernées dans la transformation des institutions scolaires et la reconnaissance des identités noires
Dîner libre
Lutter contre le racisme en milieu scolaire : les pistes et les stratégies des acteurs pour la justice sociale en contexte éducatif
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Communication orale
Former aux racismes les personnes œuvrant dans l’institution éducative : exploration de défis et leviers pour le développement de la conscience critiqueYue Huang (Université de Montréal), Julie Larochelle-Audet, (UdeM - Université de Montréal), Hana Zayani (Université de Montréal)
Les derniers mois ont été marqués par la résurgence de discours publics racistes ciblant notamment les personnes immigrantes. Ce contexte nous amène dans cette communication à explorer les défis et les pistes pour former aux racismes les personnes œuvrant dans l’institution éducative. Pour les accompagner dans le développement de leurs compétences, nous postulons d’abord qu’il est essentiel d’examiner comment les rapports de pouvoir entre groupes influencent la production des savoirs (Godrie et Dos Santos, 2017) et des normes (Butler, 2005) qui (re)produisent les racismes à l’école et dans la société. Puisant dans les théories critiques, nous postulons aussi que l’école peut être un lieu fécond pour la résistance et la transformation sociopolitique; ce qui implique le développement de la conscience critique (Freire, 2021). À partir d’exemples empiriques issus de projets de recherche et d’activités de formation, notre communication vise à explorer différents défis rencontrés et des leviers proposés par certaines perspectives critiques antiracistes et féministes pour développer cette conscience critique et ainsi être à même de : constater les conséquences du racisme pour les personnes y étant confrontées (Stanley, 2022), débusquer la supposée neutralité épistémologique qui prévaut dans le milieu de l’éducation (Dei et al., 2001) et, ultimement, partager les stratégies pour la création et l’entretien de ce que hooks (2023) appelle les « communautés aimantes ».
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Communication orale
Aborder les enjeux de racisme en milieu scolaire : sensibilisation et dialogue par le biais du théâtre-forumLéa Lefevre-Radelli (Université Laval)
Ma présentation portera sur l’enseignement des « sujets sensibles » ethnoculturels, qui font émerger des traumatismes sociaux et historiques (Cote-Meek 2014) liés notamment au racisme et aux génocides. Les recherches ont montré qu’en enseignement supérieur, les étudiants racisés et autochtones vivent des mécanismes de discrimination et de stigmatisation au niveau individuel et institutionnel. Prenant conscience de ces réalités, certains enseignants se sentent démunis pour enseigner de manière respectueuse et non stigmatisante certains thèmes ethnoculturels sensibles. Plusieurs questions émergent : comment faire pour inclure l’expérience des étudiants issus du groupe concerné, mais sans les stigmatiser? Comment réagir face à des propos discriminatoires énoncés en classe? Quelle posture adopter en tant qu’enseignant ne faisant pas partie du groupe minorisé dont il est question? Je présenterai ainsi mon projet de recherche actuel, visant à aborder ces enjeux en milieu collégial par le théâtre-forum, une méthode de théâtre d’intervention créée au Brésil dans les années 1970 par Augusto Boal. Cela permettra d’explorer plusieurs pratiques porteuses, par exemple de créer un lien de confiance préalable dans la classe, de clarifier d’emblée sa posture et son identité ethnoculturelle, et de mettre de l’avant l’agentivité des groupes opprimés afin de ne pas en véhiculer une image victimaire.
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Communication orale
Soutenir les enfants face au racisme anti-noir dans les écoles : une étude qualitative à MontréalLerona Dana Lewis (Université d’Ottawa)
Les partenariats entre parents et écoles, ainsi que l'implication des parents dans les activités académiques, sont essentiels pour le bien-être social et émotionnel des enfants (Barger & Kim, 2019). Cependant, tous les parents ne sont pas accueillis de la même manière. Lorsque des parents noirs dénoncent le racisme anti-Noirs dans les écoles, ils sont souvent perçus comme « intimidants, agressifs et mal informés » (Love & Annamma, 2021, p. 182). Cette présentation porte sur une étude qualitative qui examine la manière dont les parents soutiennent leurs enfants face au racisme anti-noir dans les écoles québécoises. Elle s’appuie sur la Black Feminist Thought (Collins, 2000) et la perspective des Affective Economies de Sara Ahmed (2004), qui expliquent comment, de point de la vue socio-culturel, les émotions renforcent les dynamiques de pouvoir et limitent le succès des parents dans leurs négociations avec le personnel scolaire. Une analyse narrative des données qualitatives relève une normalisation du racisme vécu par les jeunes enfants noirs, ainsi que des schémas d'intimidation raciale menant souvent à leur exclusion scolaire. Les réflexions des parents appellent à des actions immédiates pour lutter contre le racisme notamment le retrait des enfants environnements scolaires préjudiciables.