Informations générales
Événement : 92e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 600 - Colloques multisectoriels
Description :• Constat. Un changement de paradigme s’opère : « décolonial·e » s’affiche. En recherche, il apparaît dans les sciences de la culture et de la nature. Le paradigme décolonial provoque une remise en question du paradigme colonial cinq fois centenaire, le cadre de référence de la modernité occidentale. Comme pilier, la recherche est directement concernée et interpellée.
• Contexte. Les crises socioenvironnementales contemporaines ont pris racine dans le paradigme colonial qui s’est érigé violemment en conquêtes, prédations et exploitations de tout : personnes, vivants, territoires, ressources, vie. Inconsciemment ou par déni, la recherche y participe.
• Problématique. Le défi est que la recherche se transforme, par, avec et pour tous·tes, au cœur des solutions socio environnementales. Dans le paradigme colonial, des personnes se sentent exclues et desservies par elle. Selon la chercheure Mi’kmaq Marie Battiste, les savoirs sont insérés dans des structures coloniales, eurocentriques, de recherche. Elle écrit : « Vous ne pouvez être le guérisseur si vous êtes le mal. »
• Problème. Malgré les voix qui appellent à sa décolonisation, la recherche constitue un espace social dont les frontières demeurent étanches aux Autres.
• Question. Comment transformer la recherche pour qu’elle prenne en compte les Autres et s’ouvre à des épistémologies autres?
• Cadre. La théorie de la colonialité-décolonialité du pouvoir et du savoir a un triple avantage : 1) saisir ce qui est rémanent au-delà des décolonisations; 2) réunir les dynamiques coloniales dans une même matrice d’oppressions systémiques : racismes, sexismes-patriarcat, classismes, extractivismes capitalistes; et 3) proposer une solution écosystémique.
• Axes. Quatre perspectives s’avèrent décoloniales : antiracismes, féminismes, indigénismes et environnementalismes. Dans leur déconstruction des pouvoirs-savoirs, elles débusquent la colonialité de la recherche et lui proposent des transformations de justice épistémique.
Dates :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Paul R. Carr (UQO - Université du Québec en Outaouais)
- Gina Thésée (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Charles-Antoine Bachand (UQO - Université du Québec en Outaouais)
- Alexis Legault (UQO - Université du Québec en Outaouais)
- Cler'esa Lamalle (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Mylene Bordeleau (Centre de recherches pour le développement international)
Programme
Ouverture du colloque
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Communication orale
Décolonise ! Décolonisons ! Décolonisez ! Un impératif éthico-épistémologique en recherche scientifiqueGina Thésée (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La recherche scientifique s’est quelque peu démocratisée depuis un certain temps, mais on ne peut pas dire qu’elle se soit décolonisée. Malgré de timides avancées, l’épistémologie scientifique demeure imprégnée de la colonialité rémanente des sciences de la nature, soit le paradigme dominant dans lequel elle a été longuement façonnée. Comme institution hégémonique eurocentriste, à la fois éducative, politique, économique, sociale et culturelle, la recherche scientifique s’inscrit dans les dynamiques pluriséculaires de rapports de pouvoir et de savoir de domination qui ont constitué la matrice néo/coloniale elle-même formée de ce que l’on peut considérer comme les quatre « organes vitaux » de la colonialité : le sexisme machiste; le racisme systémique; le classisme capitaliste; l’extractivisme environnemental. La problématique de la domination, la marginalisation, l’exclusion et l’exploitation de l’Autre, sous-jacentes à la recherche scientifique en contextes de vulnérabilités diverses, ne pouvait pas ne pas être. Le passage du paradigme de la colonialité au paradigme de la décolonialité invite à coconstruire un impératif éthico-épistémologique qui s’adresse spécifiquement à la recherche scientifique. Ancrée dans la théorie de la décolonialité, cette présentation se veut un acte de Résistance-Résilience-Reliance épistémologiques et, en même temps, un appel à un « konbit » de recherche décoloniale!
Perspectives décoloniales et pensées africaines
Ce panel explore deux axes principaux. Les deux premiers intervenants se concentrent sur les liens entre décolonialité et pensée africaine, en s'appuyant sur des travaux comme ceux de Joaze Bernadino-Costa et al. (2018) et Bas'Ilele Malomalo. Ils examinent l'influence des penseurs afro-diasporiques (Césaire, Fanon) et des intellectuel·les noir·es et indigènes du Sud global, tout en proposant une relecture des résistances africaines depuis l'Antiquité. Ils mettent également en lumière l'apport de figures comme Cheikh Anta Diop et Eugenio Nkogo Ondó, ainsi que l'impact de cette pensée sur la philosophie de la NaTuRe et la pédagogie de l'africanité. Le troisième intervenant aborde l'approche du genre dans les perspectives décoloniales, critiquant les structures de pouvoir coloniales et valorisant les savoirs alternatifs. Il souligne l'importance des approches interdisciplinaires et des voix féministes pour une justice épistémique et une coopération internationale équitable.
Décoloniser les savoirs dans les écoles et universités africaines
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Communication orale
La colonialité des savoirs dans les manuels scolaires d’histoire utilisés à l’école primaire et secondaire au Rwanda (1971-1994)Eric Mutabazi (Université Catholique de l'Ouest à Angers)
Le Rwanda a connu un génocide en 1994, où plus d’un million de personnes ont été tuées. Bien que les Rwandais partagent des valeurs culturelles, une langue et des mariages interethniques, les causes des conflits ethniques restent multiples. Cette étude se concentre sur la responsabilité des savoirs coloniaux dans ces événements tragiques, à travers l’analyse des manuels scolaires et des ouvrages historiques. D'abord, elle montre comment les colonisateurs ont influencé la perception des Rwandais, en imposant des catégorisations ethniques et en affirmant l’existence d’une "race supérieure". Ces idées ont contribué à détruire les relations interethniques. En effet, l’analyse des ouvrages historiques et des manuels scolaires d’histoire, montrent que ces systèmes politiques créaient des inégalités, divisions et exclusions au sein de la population en considérant les uns comme des « vrais hommes », capables de gouverner, et les autres comme des « sous-hommes » faits pour être dirigés (Gatwa, 2003, Mutabazi, 2010, 2021, 2023). Enfin, nous conclurons par un rappel des valeurs et des savoirs traditionnels rwandais oubliés qui contribuent pourtant à l’unité et à la formation d’une communauté des citoyens des Rwandais (Mutabazi, 2010).
Dîner
Oralité et transmission orale des savoirs
Décoloniser les mentalités
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Communication orale
Déconstruire les discours dominants et transformer la recherche : vers une sensibilité analytique décolonialeMagali Forte (UdeS - Université de Sherbrooke)
Cette proposition explore des pistes de transformation de la recherche scientifique en adoptant un regard critique sur ce qui est conventionnellement accepté comme démarche, positionnement et méthodologie de recherche. À partir de mon enquête doctorale, je remets en question les deux fictions identifiées par Battiste (2013), sur lesquelles le canon eurocentrique académique repose : la doctrine du terra nullius et le mythe de l’objectivité scientifique. Ces piliers du colonialisme néolibéral marginalisent les épistémologies des Autres. Pour perturber ces discours, je définis une posture d’enquête féministe (Braidotti, 2022 ; TallBear, 2014) et post-qualitative (St. Pierre, 2021, 2024), en reliant le posthumanisme féministe critique et les perspectives autochtones. Le paradigme de recherche indigéniste de Wilson (2013), basé sur la responsabilité relationnelle, remet en question la dynamique de production des connaissances dans le monde académique. Les idées du réalisme agentiel de Barad (2007), qui associent savoir et agir, résonnent avec ce paradigme, en insistant sur la nécessité d’adopter une perspective éthico-onto-épistémologique. Cette approche me conduit à articuler une sensibilité analytique (Forte, 2022) qui interroge la conception et le traitement des données en recherche, en visant la décolonisation et la justice épistémique.
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Communication orale
Corps, récits, cultures: Exploration d’une démarche décoloniale et transformative des pratiques de recherche en psychosociologieJeanne-Marie Rugira (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Ma démarche s’appuie sur des approches biographiques, féministes, somatiques et transculturelles pour dépasser « la colonialité du savoir, du pouvoir et de l’être » (Quijano, 2000; Mignolo, 2013), et promouvoir une éthique du savoir plus juste. Les approches biographiques valorisent l’expérience vécue comme une source authentique de savoir, rompant avec l’hégémonie des discours académiques dominants. Les perspectives féministes décoloniales, quant à elles, remettent en question les systèmes patriarcaux et coloniaux en incluant les voix marginalisées dans la construction des savoirs. Mon travail intègre aussi l’importance du corps dans les processus d’apprentissage, en remettant en cause la conception rationaliste du savoir et la séparation cartésienne entre le corps et l’esprit (Bois, 2007; Berger & Bois, 2011). Enfin, les approches transculturelles favorisent l’échange entre différentes traditions épistémiques, permettant une co-construction interdisciplinaire et interculturelle des connaissances. Ces approches convergent pour transformer ma pratique en un espace inclusif et relationnel, où les savoirs autochtones, locaux, critiques et subalternes ont leur place. Mon travail repose sur des valeurs éthiques telles que la réciprocité, l’authenticité, la réflexivité critique et le respect des savoirs traditionnels, remettant en question les hiérarchies épistémiques et co-créant des démarches de recherche inclusives et plurales.
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Communication orale
Sur le chemin du rétablissement : l’approche du care décolonial dans l’accompagnement de la santé mentale en MartiniqueLéa Lagier (HEC Montréal)
Depuis une décennie, la Martinique connaît une évolution vers une réhumanisation des
soins en santé mentale, bien que ceux-ci restent influencés par des approches occidentales souvent
déconnectées des réalités locales. Cette recherche explore l’intégration d’une éthique du care
décoloniale dans ces pratiques, en s’appuyant sur les approches transformatives de l’innovation
sociale. Le projet « Le Village du Rétablissement », initié par l’association Tombolo en partenariat
avec le Centre Hospitalier Maurice Despinoy, constitue l’étude de cas principale de cette
recherche. Cet espace communautaire de transition accompagne les patient.e.s en sortie
d’hospitalisation psychiatrique, favorisant leur rétablissement et leur pouvoir d’agir. Plusieurs
concepts théoriques structurent l’angle d’analyse : l’éthique-esthétique du care décoloniale
(Salamanca-Gonzalez, 2021 ; Quijano, 1992), l’innovation sociale à visée transformative (Battesti,
Petrella, Vallade, 2012 ; Besançon & Chochoy, 2019), et la technologie sociale (Pozzebon &
Fontenelle, 2018). -
Communication orale
Penser les fondements esthétiques de la création sculpturale post coloniale chez Christian LattierYoro Emmanuel Gueye (Institut National Supérieur des Arts et de l'Action Culturelle)
La quête insatiable d’une identité de la création plastique contemporaine de Christian Lattier exonérée de toute présomption trouve sa raison d’être dans le primat de la rupture radicale avec la vision européocentriste de l’art postcolonial africain. Repenser la question ontologique de l’originalité de l’œuvre de l’esprit fait entrer cette modernité sculpturale en contradiction avec l’obsession mimétique des normes impérialistes asservissantes qui hantent la mémoire collective. En quoi la déconstruction du matériau conventionnel engendre une implacable renaissance artistique authentique ? Autour de la double conquête révolutionnaire de la matière et de la technique, la merveilleuse découverte de la ficelle redéfinit l’ordre mystificateur de l’expression sculpturale traditionnelle à l’insu du bois, de la terre, du métal, de l’ivoire, de la pierre, etc. Il s’agit de « décoloniser » les mentalités par une réinterprétation épistémologiques des catégories esthétiques assignées aux errements de la pensée dominante. Les travaux de Lattier s’efforcent de convoquer un nouveau paradigme soustrait à toute forme de colonialité à l’effet de se ressourcer au sein d’un modèle de création doué de valeurs culturelles endogènes. A tout point de vue, l’activité créatrice se réinvente un mode inédit de discours éducatif critique à travers un jeu osmotique d’ouverture et de retour vers son essence.
La transformation de la recherche, par, avec et pour tous·tes, au cœur des solutions socioenvironnementales
Panel des étudiant.es
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Communication orale
S’attaquer aux déséquilibres dans la production et la mobilisation des connaissances pour un monde plus égalitaire et durableMylène Bordeleau (Centre de recherches pour le développement international)
Bien que le concept de la localisation des savoirs ne soit pas nouveau, les organismes de financement de la recherche du Nord Global ont depuis la pandémie renouvelé leurs engagements à revoir leurs pratiques dans la production et la mobilisation des connaissances afin de transférer davantage de pouvoirs aux institutions de recherche du Sud Global. Au Centre de recherches pour le développement international, des démarches visant une plus grande localisation des savoirs est en cours, s’inscrivant dans un processus nécessaire de décolonisation des savoirs. Si les savoirs sont synonymes de pouvoir, il est nécessaire de s'attaquer aux asymétries de pouvoir historiques et structurelles qui se perpétuent à travers l'exclusion et la discrimination. Toutefois, plusieurs défis perdurent en maintenant les mentalités qui façonnent la façon dont le Nord Global comprend les défis de développement et influence les valeurs, les comportements et les attitudes qui en découlent. En réfléchissant à ma pratique, et plus largement celle de certains partenaires techniques et financiers, je discuterai différentes avenues et démarches vers une plus grande équité et une décolonisation des pratiques dans la poursuite de nos agendas de recherche. A travers la présentation de leçons apprises et d’exemples, je contribuerai à une réflexion collective et critique face au rôle du financement international dans l’aide au développement.
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Communication orale
Contributions pédagogiques et épistémologiques autochtones au développement de l’écocitoyennetéAdolfo Agundez-Rodriguez (Université de Sherbrooke), Alexis Legault (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Le mémoire de maîtrise (Legault, 2025) s’intéresse au développement de l’écocitoyenneté chez les individus ayant participé à la Grande Marche pour la protection des forêts, un mouvement environnemental impliquant des membres autochtones (Nation innu et Nation atikamekw) et allochtones. À travers des entretiens semi-dirigés, cette étude de cas collaborative montre que l’engagement citoyen pour la protection du territoire a le potentiel de promouvoir une diversité de savoir-agir écocitoyens, comprenant des connaissances écologiques, des compétences en structuration et communication narrative, ainsi que des savoir-être axés sur l’empathie et l’inclusion. Les résultats révèlent également les apports pédagogiques issus de l'intégration des visions du monde autochtones au sein de la Grande Marche, en particulier en ce qui concerne le développement de connaissances écologiques et de savoir-être en lien avec le rapport entre l’humain et le territoire. Ces conclusions soulignent l'importance de l’éducation à l’écocitoyenneté offerte par les mouvements environnementaux impliquant des membres des Premiers Peuples. Cela soulève des interrogations sur l’intégration des épistémologies autochtones et décoloniales dans l’éducation à l’écocitoyenneté, ainsi que sur le rôle central des mouvements sociaux dans la construction du savoir-agir écocitoyen.
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Communication orale
L’expérience socioscolaire de jeunes d’origine haïtienne en processus d’acculturation dans le contexte de racialisation au ChiliIvette Doizi (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Ce projet de thèse du doctorat en éducation vise à élucider comment l'héritage du colonialisme imprègne l’expérience socioscolaire de jeunes de deuxième génération, à la fois, en un processus d’acculturation et dans un contexte de racialisation. Les caractéristiques de cette expérience de jeunes d’origine haïtienne au Chili. Les jeunes d’origine haïtienne vivent leur expérience socioscolaire en contexte de ségrégation spatiale et sociale (Bertrand, 2017) et de ségrégation scolaire (Corvalán, 2021). Ces jeunes sont également victimes des violences racistes (Pavez-Soto, 2018 ; Corvalán, 2021) et ils sont dans un contexte de racialisation et d'adaptation scolaire et sociale à l'école au Chili (Pavez-Soto, 2019). Nous pouvons constater que le cadre théorique culturaliste, seul, n’aborde pas les problématiques associées aux différents niveaux de racisme (relationnel, institutionnel, sociétal, civilisationnel (Scheurich et Young, 1997). Et, en ce sens, la méthodologie de recherche culturaliste est élaborée principalement « à propos de » et « sur » les communautés racialisées, mais « sans » et « aux dépens » d’elles (Thésée et Carr, 2016).
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Communication orale
Circulation des savoirs oraux en contexte académiqueCler'esa Lamalle (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La circulation des savoirs oraux reste relativement importante mais lorsqu’il s’agit de les replacer dans un contexte académique avec des grilles d’évaluation bien précises, nombre d’entre nous qui travaillons sur des sujets en lien avec nos territoires d’origine (Antilles, reste de la Caraïbe, Afrique), nous trouvons face à un dilemme : continuer nos recherches quitte à être pénalisé·e·s en raison du non-respect de la rigueur scientifique ou abandonner et se focaliser sur des sujets qui nous importent moins.
Réseautage
Ouverture de la seconde journée du colloque
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Communication orale
Combien ça coûte encore pour le Groenland ? La démocratie et le décolonialismePaul Carr (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Repenser l’éducation dans la crise socioéconomique et environnementale
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Communication orale
Les « petits gestes », moyens et outils transformatoires à réévaluer en éducation relative à l'environnementBlandine Tchamou (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Les préoccupations environnementales sont devenues critiques ces dernières années, affectant toutes les populations. Lorsque les communautés abordent ces enjeux, elles se concentrent principalement sur la gestion des déchets en raison des pollutions qu’ils génèrent. Les réponses des institutions, dominées par un « mode de gouvernance techno-scientifique verte », sont souvent basées sur des technologies spectaculaires (Amy Zhang, 2024), une approche inadéquate à la pollution, que Gareth Hardin (1968) définit comme l’ajout d’éléments indésirables dans l’espace commun. Il soutient que cette question nécessite une transformation de l’éthique des valeurs sociales plutôt que des solutions techniques. Le classisme dans les réponses à la pollution reflète la colonialité (Fals Borda, 1990) du savoir et du pouvoir, en excluant les contributions des Suds. Cette situation, similaire à la biolégitimité décrite par Didier Fassin (1998), enferme les problèmes et leurs solutions dans un cadre institutionnel, rendant tout ce qui en sort illégitime. Cette communication vise à démontrer les préjudices de cette colonialité des savoirs, qui prive les chercheurs des Suds de légitimité et des moyens nécessaires pour développer une didactique de gestion des déchets, essentielle face à la pollution croissante.
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Communication orale
Des capabilités politiques et collectives pour l’Anthropocène : repenser l’éducation émancipatrice dans le contexte des crises socioécologiquesCharles-Antoine Bachand (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Depuis le dernier rapport du GIEC (2023), les dimensions sociales et politiques de l’Anthropocène et des crises qu’elle engendre sont incontournables. Selon Chakrabarty (2021) et Latour et Schultz (2022), l’Anthropocène modifie notre conception des activités humaines, remettant en question l’éducation et la recherche, notamment celles visant l’émancipation et la justice sociale (Freire, 1968/2021). L’éducation doit adopter de nouvelles fondations théoriques et philosophiques, intégrant les exigences des grilles décoloniales (Stein et al., 2023). Cette communication explore les implications d’une « éducation en » Anthropocène, en plus d’une « éducation à » l’Anthropocène. Comment concilier « bien commun » et participation citoyenne dans ce contexte ? Quelle notion de « vie bonne » dans un monde menacé par les actions humaines (Stein et al., 2022) ? Nous discuterons de l'impact de ce contexte sur les pratiques d’enseignement et la recherche en sciences de l’éducation. Le concept de capabilités politiques et collectives (Deveaux, 2021) pourrait offrir des perspectives fertiles pour la recherche et l’éducation à l’écocitoyenneté. Nous envisagerons comment ces capabilités peuvent influencer la recherche et l’action citoyenne dans l’Anthropocène, tout en soulignant les risques de dépolitisation de l’éducation (Bozec, 2016). L’éducation doit, plus que jamais, reconnaître l’interdépendance du politique, du social et de l’écologique pour contribuer à un monde plus habitable et juste.
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Communication orale
Le potentiel de l’approche à « double-regard » en conservation bioculturelle, à l’avènement des aires de protection et de conservation autochtones au QuébecMarie-Michèle Voyer (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette recherche s'inscrit dans une démarche décoloniale visant à prendre conscience de l’héritage colonial des savoirs et à développer de nouvelles perspectives épistémologiques en valorisant les savoirs, la documentation et les expériences autochtones. Elle propose une revue de littérature sur la conservation bioculturelle, en mettant l’accent sur la protection des cultures et des langues autochtones, considérées comme des « ressources naturelles » (Maffi, 2010). Soutenue par diverses instances internationales, la conservation de la biodiversité et de la diversité culturelle est vue comme une réponse à la perte de biodiversité et un impératif pour la réconciliation et l’autodétermination des peuples autochtones. Cependant, elle présente des défis (Convention on biological diversity, 2018 ; Tran et al., 2020). L'approche à "double-regard" soutient les projets de conservation autochtones, comme les aires protégées au Québec, et promeut une éthique de coexistence et de coproduction de savoirs (Hall et al., 2015). En s’appuyant sur les recherches d’Eric N. Liberda et de détenteurs de savoirs autochtones, cette étude propose un modèle de gouvernance qui renforce les pratiques de conservation en donnant aux Premières Nations un pouvoir-agir, libéré par le colonialisme, pour augmenter leurs chances de succès (Díaz et al., 2015).
Écopédagogie et décolonialité : savoirs autochtones, justice environnementale et pratiques éducatives émancipatrices
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Communication orale
Vers une pédagogie postcritique autochtone : affirmation de la résilience et de la persévérance face à l’oppression systémiqueSaja Farhat (UdeM - Université de Montréal)
La pédagogie critique, en dénonçant les injustices et structures oppressives, a sensibilisé aux réalités systémiques des jeunes Autochtones. Cependant, elle peut générer cynisme et impuissance, limitant leur persévérance scolaire. Ma réflexion explore comment une pédagogie postcritique peut remédier à ces effets, en misant sur l’affirmation et la résilience, pour offrir un cadre éducatif plus éthique et adapté. Développée par Felski (2015) et Hodgson et al. (2018), la pédagogie postcritique privilégie une approche affirmative, valorisant ce qui mérite d’être préservé. Dans le contexte autochtone, il s’agit de reconnaître les injustices sans réduire les élèves à des victimes, en soulignant leur capacité à s’épanouir. Je défends l’idée que cette pédagogie peut mieux répondre aux défis éducatifs des jeunes Autochtones, en mettant l'accent sur l’autonomie, l’émancipation et la participation active des élèves dans leur parcours éducatif. En m’appuyant sur les théories de la reconnaissance de Taylor (1994) et Honneth (1996), j’insiste sur l’importance de la reconnaissance culturelle et identitaire dans leur réussite scolaire. J’intègre également les travaux de Rancière (1991) sur l’égalité immédiate et ceux d'Iris Marion Young (1990) sur la justice comme non-domination. En conclusion, cette approche réconcilie critique et affirmation, ouvrant une nouvelle voie pour l’éducation autochtone.
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Communication orale
Les enjeux d'une pensée interculturelle critique dans l'éducation environnementaleLuiz Artur dos Santos Cestari (Université Féderal de Pernambouc)
Ce travail montre que la décolonisation de l’éducation environnementale soulève des problèmes où il est plus facile de défendre éthiquement les cultures et groupes résistants à la colonisation que de construire une nouvelle épistémologie autour de cette position. Après plus de dix ans depuis Discours environnementalistes dans l'éducation (Amorin & Cestari, 2013), nous constatons que la littérature environnementale, avec ses discours et valeurs contradictoires, s'est de plus en plus intégrée à la littérature critique en éducation au Brésil. La décolonisation de la pensée est désormais perçue comme un enjeu majeur pour l’éducation et résonne avec l’éducation relative à l'environnement. En suivant Boaventura de Souza Santos sur l'écologie des savoirs (Santos, 2010a), nous repensons l'émancipation sociale, en abordant l’interprétation de la colonialité selon Walter Mignolo, tout en soulignant des divergences avec lui. Mignolo propose un paradigme de l’autre plus radical, mais la dialectique entre régulation et émancipation dans la modernité occidentale complique la notion d’altérité absolue, sauf dans les religions. L’influence de l'anthropologue brésilien Viveiros de Castro nous rappelle que décolonisation et valorisation des savoirs locaux sont essentielles pour une éducation environnementale inclusive. Le défi reste de construire une épistémologie dans un terrain théorique oscillant entre rupture et continuité sous l'influence des eurocentrismes.
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Communication orale
Lier diversité biologique et culturelle : L’apport des peuples afrodescendants et des mobilisations environnementales pour la défense des territoires à la COP16 de CaliRaphaël Canet (Cégep du Vieux Montréal), Alexandre Fabien Gagné (Cégep du Vieux Montréal), Carolina Iacovino (Cégep du Vieux Montréal), Esther Illary Altamirano Cueto (Cégep du Vieux Montréal), Héloïse Labarre (Cégep du Vieux Montréal), Basile Papillon-Christin (Cégep du Vieux Montréal), Camille Perrault (Cégep du Vieux Montréal)
La COP 16 sur la biodiversité, tenue en Colombie en octobre 2024, a permis d’évaluer si la politisation de la biodiversité pourrait modifier le rapport de domination entre nature et société imposé par la modernité occidentale (Foyer, 2010). Bien que la tâche soit immense dans un monde marqué par la polycrise (Morin et Kern, 1993 ; Godin, 2023), la Colombie, hôte de la conférence, a offert des perspectives novatrices. Le gouvernement de Gustavo Petro, arrivé au pouvoir en 2022, a favorisé une approche inclusive du processus de négociation. Une attention particulière a été portée aux peuples afrodescendants du Pacifique, qui, dans leurs luttes pour défendre leur territoire, associent diversité biologique et identité culturelle, engageant ce qu'Escobar (2018) appelle une lutte ontologique radicale pour la vie. Les mouvements autochtones de la région andine et amazonienne, prônant un décentrement épistémique vers le pluriversel (Bourguignon et Colin, 2016), ont également joué un rôle clé. Ces mouvements sociaux ethnico-territoriaux nous invitent à dépasser la vision dualiste et coloniale de l’Occident, et à avancer vers une transition socio-écologique. Cette communication présente les résultats de notre recherche empirique menée à Cali, lors du processus onusien et des événements parallèles, tels que le Forum social mondial sur les économies transformatrices (FSMET) et la Rencontre internationale des économies pour la vie (Ecoovida).
Dîner
Lianes et cannibales : pour une philosophie et une épistémologie de la rencontre
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Communication orale
Lianes et Cannibales : pour une philosophie et une épistémologie de la rencontreJean-François Dupeyron (Université de Bordeaux)
Les approches décoloniales ont pénétré la philosophie occidentale, générant des tensions en interrogeant des fondations idéologiques comme l’idée du « miracle grec » comme base unique de la philosophie, le monopole occidental de la pensée rationnelle et le primat absolu de l’universel humain des Lumières. La déconstruction des savoirs colonialisés, bien que nécessaire pour établir une justice épistémique, rencontre des obstacles, tels que le traditionnalisme, l’ethno-philosophie (Hountondji, 1977) et l’identitarisme. Pour les surmonter, nous proposons de revenir à une anthropologie des « branchements » (Amselle, 2001), soulignant la puissance des liens et des créolisations dans l’histoire humaine, comme le montre le lyannaj antillais (Touam Bona). À travers un exemple philosophique (Montaigne et les « Cannibales »), nous illustrerons cette méthode d’épistémologie de la rencontre, combinant anthropophagie culturelle (O. De Andrade, 1928) et recherche pluriverselle d’une humanité commune. En somme, nous réfléchirons à une histoire dialogique des pratiques philosophiques, libérée de l’enfermement monologique, et chercherons à « nous réunir » en donnant à ce qui nous réunit le pouvoir de nous toucher, de nous faire penser (Starhawk & Stengers, 2019).
Perspectives féministes
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Communication orale
Décoloniser l’esprit pour un mieux-vivre en contexte interculturel : Une autoethnographie, voie de réappropriation des héritages du système matrilinéaire des pays d’AfriqueBénigne Kangaj (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
La colonisation a profondément modifié les structures sociales africaines en imposant un modèle patriarcal et une vision binaire des relations humaines. Ce processus colonial a cherché à affaiblir et détruire les systèmes matrilinéaires. Le travail de décolonisation de l'esprit, tel que décrit par Ngũgĩ wa Thiong’o (1986), est crucial pour repenser nos systèmes de valeurs, savoirs et structures identitaires hérités du colonialisme (Saidi, 2020). Cette communication explore, via une approche autoethnographique, la réappropriation du système matrilinéaire comme voie de décolonisation et de transformation personnelle et collective dans un contexte interculturel. Le système matrilinéaire, qui prédominait dans de nombreuses sociétés africaines pré-coloniales (Tène, 2020), conférait un statut social par la lignée maternelle, l’autorité masculine étant souvent exercée par l'oncle maternel (Bubote, 2016). Si la colonisation a duré plusieurs décennies, la décolonisation de l’esprit peut être un processus de plusieurs siècles (Larivière, 2019). L’approche autoethnographique permet de relier l'expérience personnelle aux contextes socioculturels larges (Bouqentar, 2021 ; Dubé, 2016 ; Champagne-Poirier, 2016). Réapproprier ces héritages renforce l'estime de soi culturelle et préserve la diversité des systèmes matrilinéaires en tant que patrimoine humain.
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Communication orale
Récits de vie de femmes quilombas : leur rôle dans la préservation et dans la transmission des savoirs ancestrauxEluza Maria Gomes (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Déconstruction des pratiques éducatives : regards croisés sur l’élève à risque
Nous souhaitons remercier Eluza Maria Gomes pour la prise en charge de la traduction du portugais vers le français de la communication de Cleidiane Mauricio Dos Santos.
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Communication orale
Inclure pour exclure au cœur d’un processus de colonisation: pourquoi sommes-nous soit hyperactifs soit hypo-actifs envers les élèves considérés à risque?Judith Beaulieu (Université du Québec en Outaouais), Dany Boulanger (UQO - Université du Québec en Outaouais), Cleidiane Mauricio dos Santo (Université du Québec en Outaouais), Luca Tateo (Université Oslo)
Dans cette communication, la colonisation est vue comme un processus idéologique niant la différence inter-individuelle et culturelle, entraînant des injustices épistémiques (Tateo et Marsico, 2022). Nous analysons la tension idéologique entre surproduction et sous-production de sens (Bakhtin, 1990; Tateo et Marsico, 2013) autour du signe vide que représente l’élève à risque (Barthes, 1991; Derrida, 1967). En nous appuyant sur la thèse de Beck (1992) sur les sociétés à risque, nous montrons qu’il s’agit d’une tentative de surveillance sociale et de gestion des trajectoires d’élèves perçus comme des menaces. Nous identifions des indices discursifs, mettant en évidence les jeux de langage (Bourdieu, 2001) où l’enfant est l’objet de désinvestissement ou de surinvestissement, selon l’interprétation de sa trajectoire. Ces extrêmes reflètent une même attitude décontextualisante et colonisatrice envers l’élève. Nous soulignons les zones invisibles (Boulanger, 2023, 2025) générées par ces extrêmes et les injustices épistémiques (Fricker, 2007), et concluons sur la nécessité de déconstruire ce discours en favorisant la participation des enfants et de leurs représentants, pour décoloniser l’intervention et la recherche, en adoptant une posture dialogique et phénoménologique.
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Communication orale
De l'intégration à l'inclusion en contexte de formation technique au Brésil : des pratiques éducatives fondées sur la justice épistémique et la dialogicalitéDany Boulanger (Université du Québec en Outaouais), Cleidiane Mauricio dos Santos (UQO - Université du Québec en Outaouais), Luca Tateo (Université d'Oslo)
Dans le cadre de cette communication, nous considérons la colonisation comme un processus idéologique de monologisation de l’expérience conduisant à la négation de la différence inter-individuelle et culturelle, donc à différentes formes d’injustice épistémique (Tateo et Marsico, 2022; Tricker, 2007), et dont les discours et outils sont associés au paradigme de l’intégration scolaire (Ryan, 2006; Shields, 2022). Le principe de dialogicalité (Bakhtin, 1990; Neves-Pereira, M. S. et Pinheiro, 2023) est plutôt au service d’une perspective inclusive et à la promotion de la justice épistémique (Jackson, 2008; Kirk et Osiname, 2022). Nous présenterons les résultats préliminaires d’une étude doctorale effectuée à l’un des instituts du Federal Network of Vocational and Technical Education au Brésil auprès d’étudiant.e.s de métiers techniques EHDAA (expression utilisée au Québec), de professeurs et de coordonnateurs. Nous mettrons en évidence les tendances contrastées associées à l’adoption, dans le cadre de pratiques éducatives, d’une perspective centrée sur l’intégration VS sur l’inclusion en lien avec l’approche pédagogiques des professeurs et l’expérience étudiante en termes de justice épistémique. Nous conclurons en nuançant ce portrait plutôt dichotomique du rapport entre intégration et inclusion en mettant en perspective les trajectoires de pratiques d’enseignant.e.s passant d’un pôle à l’autre et effectuant des synthèses en fonction des conditions systémiques en place.
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Communication orale
Coloniser la voix: variation stylistique et injustice épistémique d’élèves considérés à besoins spéciauxJudith Beaulieu (Université du Québec en Outaouais), Dany Boulanger (UQO - Université du Québec en Outaouais), Cleidiane Mauricio Dos Santos (Universidade Federal da Bahia), Luca Tateo (Université d'Oslo)
Dans une perspective bourdieusienne, la colonisation est vue comme l’imposition symbolique d’une réalité sociale univoque via des discours, pratiques et outils institutionnels, reflétant des rapports de domination. En insistant sur les fondements idéologiques du discours, nous mobilisons le concept de variation stylistique (Halliday et al.) pour souligner les inégalités sociales dans la capacité des enfants à besoins spéciaux à s’exprimer et à générer des connaissances sur eux-mêmes. Nous illustrons ces injustices épistémiques (Fricker, 2007), sources d’oppression (Dotson, 2014), dans des contextes québécois et brésilien. En référence à la structure de situation (Halliday et Hassan, 1989), nous montrons comment la capacité d’expression de l’enfant dépend de la structuration de la situation par l’adulte en contexte pédagogique, reflétant une logique de stratification sociale. Enfin, dans une perspective post-structuraliste, nous voyons la déviance par rapport à la norme (Boulanger, 2024) comme une opportunité de déconstruction et de dialogue (au sens bakhtinien), favorisant l’émancipation de l’enfant.