Informations générales
Événement : 92e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Au cours des dernières décennies, l’Afrique subsaharienne a enregistré la plus forte progression mondiale en matière de pénétration d’Internet, passant de moins de 1 % de personnes connectées en 2000 à 40 % en 2022. Pour la majorité des Africain·es, l’accès à Internet se fait avec les téléphones intelligents, utilisés par 63 % d’entre eux.
L’essor du numérique en Afrique a des implications politiques majeures. Il transforme notamment les conditions d’exercice de l’action politique et publique en offrant de nombreuses opportunités aux acteurs politiques ainsi qu’à ceux de la société civile. Dans des environnements politiques marqués par des problèmes de gouvernance et de légitimité, l’avènement du numérique a en effet transformé l’engagement politique et citoyen, devenant un levier de mobilisation. Les citoyen·nes s’en servent de plus en plus pour exprimer leurs opinions, organiser et coordonner les mouvements de contestation ou de soutien à un pouvoir ou à une cause, ou encore pour faire de la vérification des faits (fact checking), mettant souvent les gouvernements devant leurs contradictions et leurs insuffisances. Parallèlement, les diasporas africaines affichent une volonté croissante de s’impliquer dans la vie politique de leur pays d’origine. Elles deviennent ainsi, par le biais des médias sociaux, les porte-voix des revendications nationales et panafricaines.
Face aux oppositions et aux contestations citoyennes, particulièrement dans des contextes autoritaires, certains gouvernements restreignent l’accès à Internet et surveillent les communications en ligne à l’aide de logiciels de surveillance sophistiqués. D’autres exploitent ces technologies pour manipuler l’opinion publique ou pour s’en prendre à la société civile, particulièrement présente dans les espaces numériques et vulnérable aux enjeux de sécurisation des données ainsi qu’à diverses formes d’attaques.
Dans ce contexte, l’objectif de ce colloque est d’explorer les opportunités, mais aussi les risques engendrés par l’essor du numérique pour l’action politique des sociétés civiles africaines, à l’échelle nationale mais aussi internationale.
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Anne Calvès (UdeM - Université de Montréal)
- Mamoudou Gazibo (UdeM - Université de Montréal)
- Issiaka Mandé (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Société civile et action politique à l’ère du numérique en Afrique
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Communication orale
Mot de bienvenueAnne Calvès (UdeM - Université de Montréal)
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Communication orale
Le soutien sur les réseaux sociaux des acteurs de la veille citoyenne, « Wayiyan », au capitaine Ibrahim Traoré dans la lutte contre le terrorisme au Burkina FasoYssoufou Sagnon (Université Laval)
Depuis le dernier coup d’État militaire intervenu au Burkina Faso en septembre 2022, un nouvel acteur a émergé au sein de la société civile burkinabè, les « Wayiyan » qui signifie en langue nationale mooré « sortez ». Ces jeunes « des ronds-points » se sont donnés pour objectif d’accompagner le capitaine Ibrahim Traoré dans sa lutte contre le terrorisme en protégeant son pouvoir contre toute tentative de déstabilisation. Le terme « Wayiyan » signifie par extension « sortez, il y a un danger qui mérite l’apport de tous pour le contrecarrer ». Ainsi, à chaque alerte de tentative de déstabilisation supposée ou réelle, ces « Wayiyan » prennent d’assaut les ronds-points et autres lieux stratégiques de la capitale burkinabè et lancent des appels en direct sur les réseaux sociaux invitant les autres soutiens du régime à les rejoindre pour faire échec à un éventuel coup d’État contre le capitaine Ibrahim Traoré qu’ils estiment être résolument engagé dans la lutte contre le terrorisme et l’indépendance réelle du Burkina Faso. Comment ces jeunes se servent-ils des opportunités que leur offre le numérique pour lancer leur mobilisation? Comment leur présence sur les réseaux sociaux transforme-t-elle l’espace public burkinabè? Comment leur soutien sur les réseaux sociaux est-il reçu par les acteurs politiques, notamment le gouvernement du capitaine Ibrahim Traoré? Ce sont autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre dans cette communication.
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Communication orale
Digitalisation et conflits armés dans le Sahel : le cas du centre du MaliYalla Yalla Sangare (Université Sainte-Anne)
Le Mali est plongé depuis 2012 dans une crise multidimensionnelle. La mauvaise gouvernance et la fragilité de l’État postcolonial, l’intervention de l’OTAN en Libye, les rébellions dans le Nord, le djihadisme, les coups d’État à répétition sont souvent mentionnés comme étant la cause de la situation actuelle. L’objet de cette présentation est de traiter un angle mort de la crise malienne : l’impact de la digitalisation et de l’utilisation de différentes plateformes numériques par les acteurs. La libéralisation des médias après 1991 et la digitalisation posent toute sorte d’enjeux. Il existe une confusion entre le journalisme rigoureux et le commentaire. L’apparition d’influenceurs la multiplication de fausses nouvelles renforcent la méfiance entre les communautés dans le centre Mali. L’utilisation par les groupes armés et l’ensemble des acteurs de la crise des plateformes digitales aggravent les conflits inter et intracommunautaires. Les opérations documentées de désinformations par les pays étrangers ajoutent de la confusion. Les tentatives d’encadrement de l’écosystème numérique par les autorités ont donné des résultats mitigés. Il est important de noter que la digitalisation a aussi eu un impact positif. Les populations locales parviennent parfois à attirer l’attention de l’opinion et des autorités sur leur situation. Au-delà du Mali, la digitalisation est plus que jamais devenue un catalyseur de l’instabilité dans le Sahel.
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Communication orale
La vérification des faits : Usage de la « VAR » dans un contexte de défiances politique et médiatiqueSokhna Seck Sarr (Université Gaston Berger -)
«Si la VAR (Vidéo Assistant Referees en anglais) a été créée pour régler définitivement les erreurs d’arbitrage dans le football…Si les médias rechignent à déconstruire les déclarations…,les populations, elles, veillent au grain.. (Sud quotidien, 24 octobre 2024). Se pose alors la question à savoir comment la VAR est mobilisée, dans un contexte exacerbé par la défiance politique et médiatique.
L’étude postule que la VAR s’inscrit dans le registre des « petites phrases » de la stratégie politique, mais aussi dans les pratiques de vérification des faits initiées par des pro-amateurs. Le corpus constitué de VAR interpellent des personnalités politiques ou médiatiques qui ont tenu des déclarations contradictoires: Macky Sall et Ousmane Sonko, ou encore de « transhumants » rattrapés par leurs propos : Aissata Tall Sall, et Idrissa Seck et de journalistes devenus des chroniqueurs partisans : Yerim Seck et Bougane Gueye Dany. Les VAR les plus virales en période pré et post-électorale en particulier sur You Tube sont mobilisées dans ce corpus.
Les résultats démontrent que les auteurs de ces VAR sont des militant.es influenceurs dotés de compétences médiatiques. La VAR sert certes a vérifier les propos des hommes politiques mais donne lieu à des polémiques notamment dès que le contexte « s’effondre». In fine, les VAR sont des objets ambivalents, elles déprécient la réputation des acteurs politiques et peuvent servir de cadre de redevabilité politique.
Société civile et action politique à l’ère du numérique en Afrique
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Communication orale
De la dissidence exilée à l’activisme numérique : Une approche sociohistorique de l’engagement politique de la diaspora camerounaiseWilliam Kankeu Fonkoua (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L’activisme politique de la diaspora camerounaise s’inscrit dans une dynamique de longue durée, façonnée par les évolutions politiques nationales et les mutations technologiques globales. Dès l’époque postcoloniale, des exilés politiques ont structuré des réseaux transnationaux d’opposition, d’abord à travers la presse et les cercles associatifs. Avec l’essor du numérique, ces pratiques se sont transformées, favorisant une mobilisation plus immédiate et transfrontalière. Cette communication propose une analyse sociohistorique des répertoires d’action et des logiques de mobilisation de la diaspora camerounaise à l’ère numérique. À partir d’une analyse documentaire, elle examine l’influence des crises politiques successives, depuis le multipartisme des années 1990 jusqu’aux contestations postélectorales récentes, sur l’intensification de cet activisme. Elle identifie les acteurs pionniers, leurs stratégies d’action et leurs modes de légitimation. En mobilisant les théories des mouvements sociaux et de l’activisme digital, cette étude propose une mise en perspective comparative avec d’autres mobilisations numériques africaines, notamment au Sénégal et au Burkina Faso. Elle vise ainsi à éclairer les mutations contemporaines de l’engagement politique transnational et à interroger les liens entre diaspora, espace public numérique et recompositions politiques nationales.
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Communication orale
Gouvernance de l’espace public numérique au Gabon : entre désir de régulation et dérives autoritairesRiva Vianney M’BOUMBA M’BOUMBA (Groupe des recherches sur les enjeux de la communication)
Le développement des outils numériques a profondément transformé les modalités du débat public en Afrique (Kiyindou ; 2009). Au Gabon, l’usage croissant des réseaux sociaux et les plateformes de partage de vidéos a fait émerger de nouvelles formes de mobilisation citoyenne, élargissant ainsi l’expressivité politique du corps social (Granjon ; 2017). Les forums de discussions en ligne en tant que vecteurs d’information et d’opinion constituent de véritables agora numériques, amplifiant ainsi une offre de parole que la médiation classique ne permettait pas. Cependant, cette mutation de l’espace public numérique suscite des interrogations en matière de gouvernance, entre d’une part, la volonté affichée des autorités publiques de réguler l’expression publique, et le risque que ces mécanismes de régulation constituent des restrictions et de musèlement des voix critiques, d’autre part. Les arrestations des activistes Landry AMIANG, Stéphane NZENG en 2024 et celle plus récemment de Novelas Overmax illustrent fort à propos cet état de fait. En nous appuyant sur une analyse des textes législatifs et réglementaires, des rapports ainsi que des contenus web, complétée par des entretiens semi-directifs avec des acteurs concernés, notre recherche vise à éclairer les dynamiques de régulation du débat public numérique au Gabon et leurs implications pour la démocratie.