Informations générales
Événement : 92e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Enjeux de la recherche
Description :Alors que de plus en plus d’études portent sur la validation d’outils d’évaluation de la santé mentale et du mieux-être des autochtones, on constate que les études épidémiologiques ou d’évaluation de programme reposent souvent sur des outils n’ayant pas fait leurs preuves chez ces populations. Les paradigmes de recherche eurocentristes ne permettent pas de capter adéquatement les expériences des membres des populations autochtones. Des études d’évaluation de programme reposant sur des paradigmes autochtones de recherche existent, mais sont difficilement conciliables avec les méthodes basées sur les données probantes, qui s’inscrivent dans un paradigme scientifique essentiellement eurocentriste.
Dans cette veine, les communautés d’intervenant·es autochtones partenaires des responsables du présent colloque soulèvent de nombreuses limites aux protocoles d’évaluation proposés en vue de mesurer l’efficacité de programmes (protocoles trop longs, interprétation variable des énoncés, non-adéquation culturelle). Les équipes de recherche peinent à proposer des alternatives conciliant la pertinence culturelle et les exigences du monde scientifique actuel. L’incohérence entre les façons de faire occidentales en termes d’évaluation clinique ainsi que les façons d’être et d’agir autochtones sont souvent soulignées. L’adaptation d’outils de mesure apparaît comme un pas dans la bonne direction, mais elle génère des solutions incomplètes, du point de vue autant de la recherche que clinique.
Il s’avère donc nécessaire de reconsidérer nos pratiques d’évaluation. Le développement de méthodes et d’outils s’inscrivant dans des épistémologies autochtones semble incontournable pour permettre la réalisation de recherches qui appuieront réellement des pratiques d’intervention culturellement sécuritaires par, pour et avec les Premières Nations et les Inuit·es (PNI).
Ce colloque se veut donc un espace de réflexion et d’échange visant à se dégager des préjugés occidentaux inhérents aux pratiques de recherche. Sous forme de panels et d’activités de coconstruction, entrecoupés de présentations scientifiques et appuyés par des exemples concrets d’évaluation par, pour et avec les PNI, il réunira des acteurs autochtones et allochtones concernés par le mieux-être des PNI issus de divers milieux (chercheurs, gestionnaires de services sociaux et cliniciens). Ces intervenant·es aux expertises variées (psychoéducation, travail social, éducation, psychologie, dépendance) s’engageront dans une réflexion sur ces enjeux importants que sont la mesure et l’évaluation. Ces réflexions viseront la coconstruction de solutions concrètes, applicables dans divers domaines et cliniquement pertinentes. Ancré dans une approche participative et collaborative, le colloque mettra les savoirs autochtones au premier plan, grâce à la participation de nombreux partenaires de recherche PNI. Ultimement, le colloque vise l’amorce de la coconstruction d’un modèle d’évaluation culturellement sécuritaire pour les PNI.
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Mathilde Garneau (UdeS - Université de Sherbrooke)
- Pascale Alarie-Vézina (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
- Marie-Pier Bellefleur (Université McGill)
- Hannah Fraser-Purdy (Université McGill)
Programme
Conférence d’ouverture
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Communication orale
Perspectives autochtones des pratiques d'évaluation psychosocialeJulie Rock (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Les cadres d’évaluation psychosociale les plus souvent utilisés s’inscrivent dans une perspective eurocentrée qui ne correspond pas aux réalités et aux enjeux des Premières Nations et des Inuit. La prise en considération des traumatismes historiques engendrés par les politiques coloniales et assimilatrices ainsi que leur transmission intergénérationnelle est essentielle à la compréhension des différentes problématiques contemporaines auxquelles font face les Premiers Peuples.
Dans une approche holistique, cette présentation permettra une réflexion sur l’importance de développer des modèles d’évaluation qui trouvent leur ancrage dans les langues, les cultures; celles-ci étant considérées comme des facteurs de protection du mieux-être des Premières Nations et des Inuit. Cette présentation sera axée sur le respect, l’entraide et le partage; elle permettra d’ouvrir la discussion sur des pistes et bonnes actions pour coconstruire des modèles d’évaluation avec les Premiers Peuples (CVR, 2015).
Les défis d’évaluer : l’exemple de l’évaluation du programme Sage Usage
Développé via une approche collaborative, Sage Usage est un programme novateur qui vise à soutenir les adultes des Premières Nations et des Inuit dans leurs choix en matière de consommation de substances psychoactives. Les activités du programme peuvent être animées entre autres dans le cadre de séjours de ressourcement sur le territoire, une modalité de prestation qui fait actuellement l’objet d’une étude d’évaluation. Plusieurs stratégies ont été mises en place pour rendre les pratiques d’évaluation des effets du programme culturellement sécuritaires, mais certains défis demeurent. Des intervenantes et intervenants impliqués dans l’évaluation du programme présenteront les défis rencontrés lors de la passation des questionnaires et les solutions mises en place. Ils partageront leurs réflexions pour soutenir la mise en œuvre de pratiques d’intervention cohérentes avec les valeurs et les besoins des communautés des Premiers Peuples.
Initiatives inspirantes auprès des enfants, des jeunes et des adultes autochtones : Des exemples en évaluation clinique et en psychométrie
Diverses organisations autochtones et équipes de recherche ont développé des pratiques d'évaluation par, pour et avec les Premiers Peuples. Quatre panelistes, Isabelle Bernard, doctorante à l'Université de Moncton, Pamela Charlong, directrice du centre Walgwan, un centre de thérapie pour jeunes autochtones situé à Gesgapégiag, Liliana Gomez-Cardona, chercheuse à l'INSPQ et, anciennement, à l'Institut Douglas, et Barbara Kotsoros, assistante infirmière cheffe au CHUM, présenteront et discuteront d'initiatives prometteuses d'évaluation clinique et de recherche dans les domaines du mieux-être holistique, des dépendances et de la santé mentale des enfants, des jeunes et des adultes autochtones. Entre autres choses, la discussion portera sur le développement, l'utilisation, l'adaptation ou la validation des outils d'évaluation développés par et pour les Autochtones, soit l'"Aaniish Naa Gegii : l'indicateur de santé et de bien-être des enfants (the Children's Health and Well-being Measure) (ACHWM)", les outils "Évaluation du mieux-être des Autochtones (ÉMA)TM (Native Wellness Assessment (NWA)TM)" et "La vie est sacrée (Life is Sacred)" et la "Growth and Empowerment Measure" (GEM), ainsi que sur l'accompagnement en télépratique de la clientèle autochtone située en régions éloignées et requérant des soins liés aux dépendances.
Dîner
Parole à la relève : des exemples d’études empiriques et tirées de la littérature scientifique
Des étudiantes autochtones et allochtones de la relève s'intéressant à des questions de recherche liées à la mesure, à l'évaluation clinique et à l'évaluation de programme auprès des Premières Nations et Inuit présenteront les résultats de diverses études empiriques ou tirées de revue de la littérature scientifique.
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Communication par affiche
Pratiques d'évaluation des facteurs associés au mieux-être des populations autochtones à la suite d'un traitement en dépendance : constats tirés de la littératureHannah Fraser-Purdy (McGill University), Mathilde Garneau (Université de Sherbrooke), Bianca Lahaye (UdeS - Université de Sherbrooke), Evan Marchand (Université de Sherbrooke)
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Communication par affiche
Pratiques d'évaluation des effets d'interventions familiales pour les jeunes autochtones ayant des difficultés liées à l'usage de substances : exploration de la littératureMarie-Pier Bellefleur (Université McGill), Hannah Fraser-Purdy (McGill University), Mathilde Garneau (Université de Sherbrooke)
En réponse au besoin pressant d'interventions culturellement sûres pour les jeunes autochtones aux prises avec des problèmes de dépendance dans le contexte post-pandémique, nous avons entrepris une revue exploratoire de la littérature scientifique et grise qui visait à répondre à deux questions : 1) Quels sont les programmes familiaux disponibles pour les jeunes autochtones des régions du CANZUS (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, États-Unis) ainsi que leur efficacité, et 2) Quels sont les éléments et les pratiques associées avec des résultats positifs chez les jeunes et leurs familles? Cette revue a confirmé le fait que les services culturellement sûrs et adaptés, de plus que l’inclusion des familles dans les interventions sont bénéfiques pour les jeunes. Les études revues ont également démontré que les parents impliqués dans le processus d’intervention en ressentaient eux aussi des bienfaits, notamment dans le domaines de la communication, de leurs propre capacités d’adaptation, ainsi que dans leurs compétences parentales. Cependant, comme les pratiques d'évaluation ont un impact sur la validité des résultats d'une étude scientifique et considérant le fait que les pratiques d'évaluation en contexte de recherche ne sont pas nécessairement culturellement sécuritaires pour les Premiers Peuples, nous examinerons les pratiques d’évaluation utilisées dans ces études pour mesurer les effets des programmes sur les jeunes qui y ont participé ainsi que sur leurs familles.
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Communication par affiche
Pratiques d'interventions familiales pour les jeunes autochtones ayant des difficultés liées à l'usage de substances : un protocole de revue systématique des écritsMarie-Pier Bellefleur (Université McGill), Cynthia Binette (UdeS - Université de Sherbrooke), Hannah Fraser-Purdy (Université McGill), Mathilde Garneau (Université de Sherbrooke), Bianca Lahaye (Université de Sherbrooke)
Les données post-pandémiques révèlent des changements notables dans plusieurs facteurs qui influencent la santé mentale des jeunes autochtones, comme l'usage de substances. L'esprit de communauté, la connexion culturelle et l'implication de la famille semblent agir comme facteurs de protection importants. Il apparaît donc pertinent de développer des interventions qui sont culturellement adaptées pour les jeunes autochtones à risques ou aux prises avec des difficultés liées à l'usage de substances. En réponse à ce besoin, cette revue systématique vise à identifier les pratiques d'intervention familiale les plus prometteuses pour soutenir ces jeunes. Le but de cette présentation par affiche est de présenter le protocole de cette revue systématique, afin de valider la démarche et de recueillir la rétroaction des personnes intervenantes et chercheuses auprès des jeunes autochtones.
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Communication par affiche
Adaptation culturelle d’une mesure du bien-être des enfants en fonction des réalités et de la culture d’une communauté WolastoqiyikIsabelle Bernard (Université de Moncton)
Malgré la croissance continue de la population pédiatrique autochtone au Canada, ceux-ci sont toujours confrontés à d'importantes disparités ancrées dans les injustices historiques. Afin de combler ces disparités et améliorer leur santé et bien-être, il est crucial de mener des recherches culturellement sécuritaires et adaptées qui prennent en compte la diversité culturelle au sein des communautés autochtones. Cette étude s'est centrée sur les enfants de la communauté de la Première Nation malécite du Madawaska. Notre objectif était d'évaluer la pertinence culturelle d'une mesure de la santé et du bien-être ainsi que de déterminer les révisions nécessaires. Un échantillon de neuf enfants âgés de 8 à 16 ans, deux soignants et un aîné a été recruté. À l’aide d’un processus de « Cognitive Debriefing », nous avons examiné leur compréhension des 62 questions du questionnaire ACHWM francophone pour les Premières Nations. Toutes les préoccupations et suggestions ont été notées, et les items étaient examinés lorsqu’au moins deux enfants proposaient une solution similaire. Au total, 22 questions ont été considérées pour modification et 14 (22,6 %) ont été adaptées selon les recommandations des participants. Nos résultats soulignent l’importance d’adapter les mesures de bien-être aux réalités culturelles autochtones, permettant ainsi de recueillir des données pertinentes et d’orienter les interventions selon les besoins spécifiques de chaque communauté.
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Communication par affiche
Dep-ado adaptée pour les jeunes des Premières Nations : validation factorielle et constats pour la pratiqueCynthia Binette (Université de Sherbrooke), Mathilde Garneau (UdeS - Université de Sherbrooke), Myriam Laventure (Université de Sherbrooke), Chantal Plourde (Université du Québec à Trois-Rivières), Joël Tremblay (Université du Québec à Trois-Rivières)
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Communication par affiche
Considérations historiques, culturelles et conceptuelles liées à l'évaluation du stress post-traumatique chez les jeunes autochtonesAnne Colpron (UdeS - Université de Sherbrooke), Mathilde Garneau (Université de Sherbrooke)
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Communication par affiche
La reconnexion au territoire et la mobilisation du sentiment autochtone dans le cadre d’une intervention ciblée portant sur l’usage de substances psychoactivesNadine Blanchette-Martin (CISSS Chaudières-Appalaches), Arielle Malouin-Bongo (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Chantal Plourde (Université du Québec à Trois-Rivières)
La problématique de recherche portera sur l’impact du volet ressourcement du programme d’intervention Sage Usage sur la mobilisation de l’identité autochtone des participants cheminant dans un processus holistique et réflexif face à une ou des problématiques de consommation de substances psychoactives. Le ressourcement est un séjour en territoire ancestral de cinq jours dans le cadre du programme Sage Usage où en plus des interventions ciblées et culturellement adaptées du programme se déroulent. L’objectif de cette recherche est d’évaluer auprès d’une population adulte s’identifiant comme Autochtone et qui désire entamer une réflexion sur leur consommation à l’aide de ces quatre variables évaluées lors du ressourcement en territoire : le sentiment de sécurité culturelle des participants, l’intérêt pour les pratiques culturelles, le sentiment d’appartenance à l’identité autochtone et le sentiment de confiance face à sa capacité à changer ou maintenir les habitudes d’usage. Ces données seront recueillies à partir de questions qualitatives et quantitatives qui porteront sur l’expérience vécue lors de la reconnexion au territoire et des pratiques culturelles diversifiées telle que les tentes de sudation, la pêche sur la glace, etc.
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Communication par affiche
Un espace suffisamment sécurisant ? Une analyse des dynamiques de pouvoir et de la collaboration dans la communauté de pratique Atautsikut en santé mentale jeunesse au NunavikYouma Konaté (Université McGill)
La santé mentale (SM) des jeunes Inuits est une préoccupation croissante au Canada et les services existants peinent à répondre adéquatement à leurs besoins. L’un des principaux enjeux tient aux défis rencontrés par les travailleurs de première ligne qui soutiennent ces jeunes, notamment la charge de travail, la communication, la rétention du personnel, ainsi que la collaboration interprofessionnelle et interculturelle, compliquant ainsi l’accès et la prestation des soins en SM pour les jeunes Inuits. Le projet en cours, Atautsikut (« être-ensemble » en Inuktitut), une communauté de pratique (CdP) axée sur la SM et le bien-être des jeunes au Nunavik, vise à renforcer les capacités des travailleurs de première ligne Inuit et non-inuits, tout en favorisant la collaboration et le soutien interprofessionnels au sein de ce groupe. Cette présentation porte sur les résultats d’une étude intégrée au projet Atautsikut, qui cherche à identifier les facilitateurs et les obstacles à la création d’espaces de dialogue « suffisamment sécurisants » pour favoriser l’émergence des savoirs locaux au sein de la CdP. En mobilisant la notion de contact zone de Somerville et Perkins (2003) pour théoriser le site des échanges interculturels et le concept de border work pour analyser le travail émotionnel et intellectuel de la collaboration interculturelle, cette étude examine de manière critique les dynamiques de pouvoir qui façonnent la collaboration dans le domaine de la santé mentale et du bien-être des jeunes au Nunavik. Les résultats soulignent l’accessibilité linguistique, la participation et la confiance comme thèmes clés, mettant en lumière le border work complexe nécessaire pour combler les écarts culturels et professionnels. Cette recherche contribue à une meilleure compréhension de la collaboration entre Autochtones et allochtones dans les contextes coloniaux et apporte des pistes de réflexion pour les futures initiatives de CdP dans les communautés autochtones.
Et maintenant, coconstruisons pour un modèle d’évaluation culturellement sécuritaire
Pour débuter cet atelier, Dr. Christopher Fletcher présentera la démarche participative du développement du modèle IQI de la santé et du bien-être du Nunavik ainsi que ses résultats et les constats issus de cette initiative.
Par la suite, en petites équipes, personnes conférencières et participantes vont échanger sur des questions liées à la mesure et à l'évaluation en contexte clinique et de recherche par, pour et avec les Premiers Peuples. À partir des présentations et des discussions ayant eu cours dans la journées et inspirées par la démarche du modèle IQI, les personnes participantes identifieront des pistes pour décoloniser les pratiques d'évaluation et jetteront les bases d'un modèle d'évaluation culturellement sécuritaire.
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Communication orale
Le modèle IQI de la santé et du bien-être du NunavikChristopher Fletcher (Université Laval)
Cercle de parole final : les réflexions d'une partenaire et d'une chercheuse d’expérience à l’issue de la journée
Sur la base des réflexions partagées tout au long de la journée et dans l'atelier de co-construction, des expertes cliniciennes et chercheuses partageront leurs perspectives sur les messages clé pour une évaluation culturellement sécuritaire. Elles identifieront les prochains pas à franchir pour les milieux cliniques et de recherche.