Informations générales
Événement : 92e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 600 - Colloques multisectoriels
Description :L’espace francophone international a connu des transformations considérables. En 1960, plus de 90 % des francophones de la planète se trouvaient au Nord, principalement en Europe. À partir de la décennie 1980, nous assistons à une reconfiguration géographique majeure faisant en sorte que l’Afrique compte actuellement plus de la moitié des 343 millions de francophones de la planète. Ce déplacement des plaques tectoniques de l’espace francophone s’explique d’abord par l’importante poussée démographique africaine, à laquelle s’ajoute le fait que la langue française s’est répandue rapidement sur ce continent par le truchement des systèmes d’enseignement qui reposent sur les langues coloniales. Le français, devenu peu à peu langue africaine (Mbembe et Mabankou, 2018), s’inscrit ainsi à intensité variable dans le quotidien des populations d’Afrique francophone avec d’autres langues de communication encore bien vivantes dans plusieurs pays : wolof, dioula, lingala, arabe et bien d’autres. L’important plurilinguisme qui émerge de ces contextes variés favorise les échanges et emprunts, faisant en sorte que l’espace francophone est devenu pluriel… et ça s’entend!
Si plurilinguisme n’est pas un phénomène nouveau, il s’est amplifié avec l’immigration internationale, devenue le marqueur central du tissu social du Québec comme du Canada. L’ISQ (2024) nous apprenait que la croissance démographique du Québec s’expliquait à plus de 99 % par l’immigration. On sait aussi que « l’Afrique est maintenant le deuxième continent en importance du point de vue de l’immigration récente au Canada, ayant surpassé l’Europe, qui occupe la troisième place » (Statcan, 2017, p. 4). Par exemple, 41 % des immigrants permanents admis au Québec en 2023 sont nés en Afrique : Cameroun, Côte-d’Ivoire, République démocratique du Congo de même que les pays du Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie) (ISQ, 2024). Ces pays appartiennent à l’espace francophone, un espace de recrutement de plus en plus privilégié par les politiques migratoires du Québec et du Canada francophone, et un espace qui est lui-même traversé par le plurilinguisme, comme nous l’avons souligné.
Par ailleurs, comparativement à d’autres espaces linguistiques devenus assez tôt polycentriques — les espaces anglophone et lusophone notamment avec l’émergence des normes étatsuniennes et brésiliennes —, la langue française est demeurée jusqu’à récemment unicentrée sur la norme et les standards de la France, voire de Paris. C’est possiblement le Québec avec la création de plusieurs institutions (Conseil de la langue française, OQLF, etc.) qui a le mieux symbolisé cette tendance polycentrique, qui pourrait se répandre comme cela semble être le cas avec la langue française ivoirienne. En somme, plurilinguisme et polycentrisme sont assurément deux forces qui traversent l’espace francophone international et auquel le Québec est loin d’échapper.
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Richard Marcoux (Université Laval)
- Corina Borri-Anadon (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
- Sébastien Arcand (HEC Montréal)
Programme
Accueil
Accueil des participant.e.s
Séance 1 : Tendances du plurilinguisme au Québec et ailleurs
Lors du Sommet de la Francophonie qui s'est tenu Djerba (Tunisie) en 2022, les représentant des états membres et observateurs de cette organisation internationales ont adopté la « Déclaration sur la langue française dans la diversité linguistique de la Francophonie ». Les données de nombreuses enquêtes sociales et recensements nous permettent maintenant d’examiner l’évolution du plurilinguisme au Québec, au Canada et dans plusieurs autres pays. Les communications pour cette séance permettront de faire le point sur ces tendances.
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Communication orale
Immigration et plurilinguisme : tendances et situation récente au Canada et au QuébecEric Caron-Malenfant (Statistique Canada), Laurent Martel (Statistique Canada)
Tant au Québec que dans les autres provinces du Canada, la migration internationale a joué un rôle de plus en plus important dans le bilan démographique au fil des décennies en raison non seulement de la hausse de l’immigration, mais aussi de celle des décès puis de la baisse de la fécondité. C’est ainsi que le solde migratoire international explique aujourd’hui la quasi-totalité de l’accroissement à l’échelon du Canada. Dans la mesure où la majorité des immigrants viennent de pays qui ne sont pas de tradition anglaise ou française, cette hausse de l’immigration s’est accompagnée d’une diversité linguistique croissante. La communication proposée a pour objectif de dresser un portrait statistique de ces tendances relatives à l’immigration et au plurilinguisme au moyen de données administratives et des recensements de la population pour une sélection d’échelon géographiques au Québec et au Canada hors Québec. »
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Communication orale
2. Le plurilinguisme dans l’angle mort des études sur les dynamiques linguistiques au Québec: les limites de la PLOP comme indicateurLouis Cornelissen (Université Laval), Richard Marcoux (Université Laval)
À la demande du gouvernement fédéral, Statistique Canada a élaboré en 1989 un indicateur nommé « première langue officielle parlée » - un sigle difficile pour l’oreille sensible, soit PLOP. Cet indicateur doit permettre d’estimer la demande potentielle de services gouvernementaux dans l’une ou l’autre des deux langues officielles. Depuis lors, l’utilisation de cet indicateur s’est largement répandue chez les responsables des politiques publiques et dans les milieux scientifiques pour distinguer, en deux blocs distincts, les francophones et les anglophones. Quels sont les limites de l’usage de cet indicateur pour comprendre les dynamiques linguistiques propres au Québec qui ne reconnaît qu’une seule langue officielle? En quoi l’utilisation de cet indicateur peut conduire à masquer certaines transformations du paysage linguistique québécois depuis plus de vingt ans?
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Communication orale
3. Plurilinguisme et langue française. Vers une typologie des grandes agglomérations urbaines en Afrique francophoneJean-Martial Kouamé (Université Félix Houphouët-Boigny), RICHARD MARCOUX (Université Laval)
« La langue française est notre butin de guerre ». Cette citation du grand écrivain algérien Kateb Yacine qui remonte au début des années 1960 a été reprise maintes fois dans la littérature. Plus de 60 ans après les indépendances, cette langue coloniale conserve le statut de langue officielle dans près d’une vingtaine de pays africains, ce qui peut paraître comme un paradoxe. Néo-colonialisme? Possiblement, mais en fait, selon certains, la langue française aurait maintenant le statut de langue africaine (Mbembe et Mabankou 2018). Si l’Afrique est plurielle comme on se plait à le rappeler, la langue française occupe une place différente selon les différents contextes historique, linguistiques et socio-politiques. S’appuyant sur une démarche initiale d’analyse des comportements linguistiques (Bougma et Marcoux, 2022) et s’appuyant cette fois sur les données collectées récemment dans près d’une vingtaine de grandes agglomérations urbaines de l’Afrique subsaharienne et d’une dizaine du Maghreb, nous tenterons de brosser un tableau de la maîtrise de la langue française telle qu’elle est évaluée par les locuteurs mais également de l’utilisation de celle-ci et d’autres langues dans le quotidien des populations (au travail et à la maison).
Séance 2 : Le plurilinguisme et les enjeux en éducation au Québec
L’école est au cœur des principales interventions entourant la langue française au Québec depuis le début des années 1970. Or, le tissu social historique du Québec de même que l’arrivée de populations ayant des bagages linguistiques fort variés depuis plusieurs décennies exigent de se questionner sur son rôle au regard du plurilinguisme. Comment les contextes éducatifs formels, dont la fréquentation du réseau public francophone, contribuent-ils ainsi à soutenir le plurilinguisme et la construction d’une identité linguistique complexe des jeunes et de leurs familles? Quelles sont les spécificités régionales à cet égard?
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Communication orale
Expériences de socialisation langagière d’élèves issus de l’immigration plurilingues en classe d’accueil : conciliations linguistiques et positionnements identitairesAlexa Ahooja (Université McGill)
Plusieurs études démontrent que les élèves issus de l’immigration plurilingues peuvent vivre de l’exclusion scolaire due à une incompréhension de leur vécu sociolinguistique et de leurs identités multiples (Allen, 2006; 2007; Steinbach, 2010; Archambault et al., 2019). C’est dans cette optique que la présente étude ethnographique s’est penchée sur les interactions quotidiennes à l’école et à la maison (165 heures d’observation) de deux élèves en classe d’accueil du secondaire pendant une année scolaire. Les données comprennent des notes de terrain et des entretiens avec les élèves, leurs parents et leurs enseignantes (n = 7). L’analyse thématique des données (Muir-Fereday & Cochrane, 2006) a permis d’examiner les expériences de socialisation langagière des élèves participants (Duff, 2007) —notamment les liens entre leurs pratiques linguistiques et leurs positionnements et appartenances identitaires. Les résultats indiquent que les élèves étaient socialisés à utiliser et apprendre uniquement le français. De plus, celles-ci mobilisaient principalement le français à l’école et à la maison à des fins scolaires, mais aussi sociales—contredisant ainsi la perception de certains participants dont leur enseignante. Vu le manque d’occasions de déployer leur répertoire linguistique de manière authentique et de discuter de leurs multiples appartenances en classe, il est possible que les élèves participants n’aient pu s’investir dans une identité sociolinguistique mixte à l’école.
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Communication orale
Traitement de la diversité linguistique à l’école : une typologie des pratiqués éducativesCorina Borri-Anadon (UQTR), Catherine Gosselin-Lavoie (Université de Montréal), Danial Nabizadeh (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Dans un contexte marqué par un discours publique en transformation quant à la diversité linguistique au Québec, le concept des idéologies linguistiques apparait être un outil heuristiquement riche pour éclairer les différents rapports à la diversité linguistique au sein de l’école québécoise. Après avoir présenté certains encadrements en vigueur et avoir présenté quelques données quant à la présence de la diversité linguistique à l’école québécoise, nous aurons recours au cadran des idéologies linguistiques d’Armand (2021) et du continuum du translanguaging de Garcia et Lin (2016) afin de proposer une typologie des différentes pratiques éducatives au regard de leur traitement de la diversité linguistique. Des ressources pédagogiques prototypiques seront présentées pour exemplifier le propos.
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Communication orale
Quand des élèves s'attaquent aux discriminations linguistiques dans leur école : quels obstacles, quels facilitateurs?Marilyne Boisvert (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Il ne date pas d'hier que l'école incarne un espace où des rapports de pouvoir se construisent sur la base de différences linguistiques (Bourdieu, 1982; Blanchet, 2016). L'idéologie monolingue et mononormative véhiculée par et dans l'école, comme les relations asymétriques entre élèves et acteur·trices scolaires, ont le potentiel d'y accentuer les inégalités sociales linguistiques.
Pour mieux comprendre comment amenuiser ces inégalités au Québec, des études en didactique ont été menées auprès d'enseignant·es (ex. : Thibeault, Maynard et Boisvert, 2022). Elles ont été utiles pour légitimer le plurilinguisme des élèves, mais force est d'admettre qu'elle ont peu impliqué ces derniers·ères dans le processus de recherche, alors qu'il s'agit d'une clé afin de rendre les contextes éducatifs formels un endroit propice à la négociation et à la redistribution du pouvoir (Freire, 1974; 2013).
Partant de ce constat, il nous a semblé justifié de mener une recherche-action participative qui place en son coeur la voix des jeunes. Une équipe composée de 17 élèves de première à la cinquième secondaires d'un milieu régional, au Centre-du-Québec, a planifié et mis en place des actions dans leur école afin de valoriser la diversité linguistique et d'affirmer leur identité linguistique complexe. Cette communication se propose de rapporter les résultats préliminaires de l'étude, découlant d'entretiens et d'observations. Notre regard sera porté sur les obstacles et les facilitateurs à la démarche.
Séance 3 : Le plurilinguisme et ses effets sur la langue française au Québec
La langue québécoise, si elle a su s’affirmer et possiblement initier le phénomène de polycentrisme de la langue française, elle s’est elle-même modulée depuis plusieurs années par les formes variées des jeunes, notamment ceux des communautés immigrantes. La série de balados de Jérôme 50 « Ainsi soit chill » l’illustre parfaitement (Ainsi soit chill (radio-canada.ca)). Cette séance regroupera principalement les principaux spécialistes du Québec de façon à tenter de tracer les principales tendances socio-linguistiques et lexicologiques qui traversent la société québécoise.
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Communication orale
Entre usage et prescription : enjeux sociolinguistiques sur la norme du français québécoisDavy Bigot (Université Concordia)
Depuis les années 1960, la question de la norme du français québécois fait débat. En 1965, l’Office de la langue française recommandait d’aligner cette norme sur le français standard international (FSI), tandis qu’en 1977, l’Association québécoise des professeurs de français proposait un standard basé sur l’usage des Québécois. À ce jour, aucune de ces approches ne fait consensus. Toutefois, des recherches récentes révèlent l’existence d’une norme québécoise distincte, ni strictement populaire, ni calquée sur le FSI. Dans cette présentation, nous proposons de dresser un état des lieux de ces travaux. Après un retour sur le débat entourant la norme linguistique du français québécois, nous fournirons une description sociolinguistique en m’attardant sur ses traits phonétiques et grammaticaux. Enfin, les implications didactiques d’un standard québécois dans l’enseignement du français au Québec seront abordées.
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Communication orale
Discours sur la réception du Dictionnaire du chilleur: entre légitimité et délégitimationYulia Bosworth (Binghamton University)
Le Dictionnaire du chilleur, paru chez Le Robert Québec en octobre 2024 et signé par Jérôme 50, nom d'artiste de l'auteur-compositeur-interprète Jérôme Charette-Pépin, recense les pratiques langagières des jeunes du Québec. Cet ouvrage, dont la valeur a été soutenue par des linguistes et des langagiers confirmés, n’a pas tardé à susciter une couverture médiatique favorable et enthousiaste, et ce, dans un contexte sociolinguistique marqué par des idéologies linguistiques principalement conservatrices. À partir d’un corpus constitué d’articles de presse, d’émissions de télé et de radio, d’entrevues dans les médias traditionnels ainsi que sur les réseaux sociaux, j’aborde la construction discursive de la légitimité de l’ouvrage et du positionnement de l’auteur par les différents acteurs concernés. L’analyse du discours met en évidence les attitudes et les représentations (...). Je me penche notamment sur les propos dépréciatifs et accusateurs ciblant l’inclusion des termes issus du plurilinguisme qui caractérise le parler des jeunes locuteurs, et dont la fréquence des emprunts, aussi bien à l’anglais qu’aux langues de l’immigration, serait plus élevée que ce que l’on observe habituellement dans la langue courante, surtout dans le contexte du vernaculaire montréalais. Plus précisément, j’examine les discours autour des accusations d’appropriation culturelle et, en particulier, de la représentation négative des usages issus des langues des communautés culturelles.
Table ronde : Quelles sont les conditions pour qu’un pays ou une région participe au polycentrisme de la langue française?
Le Québec a une histoire singulière qui semble lui avoir permis, au cours des dernières années, d’affirmer la spécificité de sa langue et de contribuer au polycentrisme de la langue française. Quelles sont alors les conditions pour qu’un pays ou une région participe au polycentrisme de la langue française dans l’espace francophone?