306 - Récit de soi et fabrique de l'illusion : les Mémoires de Mme de Staal-Delaunay
- Jeudi 14 mai 2026
Responsables
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Judith Sribnai
UdeM - Université de Montréal
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Marc-André Bernier
UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières
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Daniel Dumouchel
UdeM - Université de Montréal
L’époque moderne n’a cessé de questionner la place que tient l’illusion dans le récit de soi : se connaît-on jamais assez pour se raconter sans dissimulation ? L’amour-propre ne nous aveugle-t-il pas sur nos travers et nos vanités ? Notre désir de séduire ou de toucher autrui ne nous conduit-il pas à nous arranger avec les faits ? L’illusion peut aussi avoir une fonction thérapeutique ou réparatrice : au moment de raconter sa vie, il est parfois temps de réenchanter son existence, pour soi comme pour ses lecteurs et lectrices.
Les Mémoires de Staal-Delaunay (1684-1750) sont exemplaires de ces manières dont l’illusion investit le récit de soi. De condition modeste mais ayant bénéficié d’une remarquable éducation lettrée, Rose Delaunay passe une grande partie de sa vie au service de la duchesse du Maine. La conspiration de Cellamare, dans laquelle est impliquée la duchesse, conduit Delaunay à la Bastille pour quelques années. Elle y vit une relation amoureuse et y découvre une liberté qu’elle n’a jamais eue auprès de sa maîtresse. Ses Mémoires, rédigés entre 1736 et 1742, racontent les petits mensonges et les grandes dissimulation politiques qui se jouent à la cour de Versailles et de Sceaux, les plaisirs éprouvés à lire et inventer des histoires, les fragilités cachées, les scènes amoureuses qu’on se donne, les tromperies, parfois tragiques, parfois heureuses qui font les relations humaines.
Ce colloque propose d’aborder les Mémoires de Madame de Staal-Delaunay comme le lieu privilégié d’une fabrique de l’illusion. Plusieurs perspectives sont possibles et l’on examinera différentes formes et fonctions que prend l’illusion dans le récit : de la dissimulation des faits à la mise en scène plaisante qui font les fêtes de Sceaux ; du dessillement du personnage aux dramatisations d’une narratrice qui ne cache pas son goût pour le spectacle et la fiction ; des fonctions sinistres de la feinte à ses réconforts ; des dimensions politiques aux formes privées de l'invention.