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Érik Harvey-Girard - Concours de vulgarisation - 2009
Lauréat

Érik Harvey-Girard

CREDP - Centre de recherche et d’enseignement sur les droits de la personne

Les poissons ont la mémoire longue

La tête bien pleine du poisson-couteau" src="/sites/default/files/prix-concours/vulgarisation/2009/projet/erik_harvey_poisson.jpg">

Dans la nature, la lutte pour la survie est un souci pour toutes les espèces, et de ce fait, maintes stratégies ont été développées au cours de l’évolution. Par exemple, mémoriser qui sont nos amis dans notre entourage permet d’éviter le stress et les dépenses inutiles d’énergie. Et ce, même les poissons-couteaux bruns savent le faire…Ces étranges créatures vivent dans les eaux turbides de l’Amazonie et génèrent des courants électriques dans l’eau afin d’analyser leur environnement. Ils peuvent ainsi se localiser, détecter des proies minuscules et communiquer avec leurs congénères. Chacun émet une onde électrique quasi-sinusoïdale à une fréquence qui lui est spécifique : de 600 Hz à 800 Hz pour les femelles et de 800 à 1000 Hz chez les mâles. Ce fait confère à tous une « identité électrique » facilement reconnaissable par leurs pairs. De plus, les poissons-couteaux bruns peuvent modifier temporairement la fréquence de cette onde électrique selon les besoins. Ils peuvent d’ailleurs moduler cette onde en signal d’avertissement que l’on nomme « chirp ».Considérés comme des poissons sociaux, ils vivent en petits groupes. Les mâles ont cependant tendance à être territoriaux. Lorsqu’un inconnu s’approche, sa présence est rapidement détectée grâce aux ondes électriques qu’il émet. Le résidant montre sa dominance territoriale en avertissant l’intrus par des « chirps » afin de le repousser. Si l'inopportun demeure sur place tout en demeurant pacifique, au bout d’un certain temps, le maître des lieux cessera d’émettre son signal d’avertissement. Il s’habitue à la présence de l’autre, il apprend à reconnaître l’étranger comme un de ses compagnons.Pour tester cet apprentissage au laboratoire, nous avons remplacé l’intrus par une paire d’électrodes à travers lesquelles nous faisions passer un courant sinusoïdal pour simuler la signature d’un intrus. L’onde électrique était présentée pendant un certain temps au cours duquel on comptait le nombre de « chirps » émis par le poisson. Au début, il répondait fortement au stimulus, mais graduellement, il réduisait le nombre de signaux émis.Au fil des jours, le poisson commençait sa « journée de travail » sensiblement de la même façon. Il émettait beaucoup de « chirps » au début pour diminuer graduellement jusqu’à se taire complètement. Par contre, chaque jour, sa réponse diminuait de plus en plus. Éventuellement, le poisson ne réagissait plus au stimulus.Sachant que chaque poisson-couteau brun émet son onde électrique à une fréquence spécifique, est-il possible qu’un poisson s’habitue à une fréquence particulière et continue d’émettre des « chirps » aux autres fréquences? Si c’est le cas, il serait capable de s’habituer à un intrus spécifique, mais de réagir à un autre arrivant de façon indépendante. Nous l’avons testé en habituant un poisson à une onde électrique émise à une fréquence spécifique jusqu’à qu’il soit silencieux. Puis, nous lui avons présenté des ondes électriques à des fréquences différentes. Dans chaque cas, le poisson réagissait fortement. Donc, il s’habitue à des stimulations, mais peut encore réagir aux autres fréquences électriques.  Dans la nature, un poisson-couteau brun mâle apprend, mémorise et adapte ses réponses d’agression spécifiquement en fonction d’un nouvel intrus. Ce type d’habituation se produit grâce à son télencéphale, une zone encore peu étudiée chez les poissons. Aussi, cette expérience détruit complètement le mythe que les poissons n’ont qu’une mémoire de quelques secondes. Dans cette expérience, les poissons avaient une mémoire d’au moins trois jours, c’est-à-dire que même sans présenter de stimulus, ils en gardaient encore le souvenir trois jours plus tard.