Aller au contenu principal
Il y a présentement des items dans votre panier d'achat.
Marie-Ève  Brault - Concours de vulgarisation - 2007

Marie-Ève Brault

Université McGill

La télomérase : cure de jouvence ou cancer?

Source : Marie-Ève Brault
En rouge, des séquences d’ADN protégeant le bout des chromosomes.

Concours de vulgarisation de la recherche 2007

Il y a un peu plus de 20 ans, les chercheurs ont découvert une enzyme possédant la capacité de rendre nos cellules immortelles.  Cette enzyme s’appelle la « télomérase ».  Mais attention à ceux qui s’imaginent déjà vivre jusqu’à 200 ans grâce à des injections de télomérase... cette enzyme, mi-protéine mi-ARN, possède aussi son côté sombre ! En effet, la télomérase est le moyen qu’utilisent les cellules cancéreuses pour devenir immortelles.

Pourquoi vieillit-on?

Les cellules de notre corps vieillissent et finissent par mourir.  Nous n’avons qu’à comparer la peau d’un enfant avec celle d’une personne âgée pour s’en convaincre.  Les cellules se divisent constamment pour renouveler notre sang, notre peau, nos os ou autres cellules dont nous avons besoin.  Chaque cellule possède à l’intérieur d’elle-même une horloge qui effectue un tour complet à chaque fois que la cellule se divise.  Lorsque l’horloge atteint un nombre défini de tours, elle s’arrête. La cellule ne peut plus se diviser et devient inactive.  On appelle cet état « sénescence cellulaire ».  À grande échelle, les cellules inactives finissent par interférer avec le fonctionnement normal des tissus, des organes et enfin du corps entier : c’est le vieillissement.  Mais pourquoi la cellule choisit-elle de se diviser un certain nombre de fois seulement ?

Une machinerie imparfaite

Nos cellules renferment à l’intérieur de leur noyau l’ADN qui contient toute l’information qui fait de nous ce que nous sommes.  L’ADN est organisé sous « forme » de gènes qui sont à leur tour compressés en structures, ayant l’aspect de bâtonnets, appelées « chromosomes ».  Tout au bout des chromosomes se trouvent des séquences d’ADN bien particulières qui agissent comme de véritables bouchons servant à protéger les chromosomes.  Ces bouchons sont les « télomères ».  Lorsque la cellule se divise, elle doit faire une copie exacte de son ADN pour la transmettre à ses descendants.  Hélas, la machinerie de copiage de l’ADN n’est pas parfaite !  Cette dernière est incapable de copier l’ADN jusqu’au bout.  Résultat ? Un petit bout de télomère est perdu à chaque division de la cellule. Les télomères sont en quelque sorte des petits gardiens qui se sacrifient pour protéger notre information génétique !  Lorsqu’ils deviennent trop courts et qu’une prochaine division risque d’altérer nos gènes, un signal est envoyé à la cellule qui cesse de se diviser et devient inactive.  L’horloge de la cellule a sonné...

Et la télomérase là-dedans ?

Le raccourcissement des télomères n’est toutefois pas un phénomène complètement irréversible.  C’est là qu’intervient la télomérase aussi surnommée « enzyme de l’immortalité ».  La télomérase est capable d’ajouter des morceaux de télomères aux extrémités des chromosomes afin de contrecarrer la perte causée par les divisions cellulaires.  La longueur des télomères est alors maintenue, l’horloge cellulaire s’arrête et la cellule échappe à son destin temporairement ou parfois même éternellement.  Toutefois, la télomérase n’est active que dans les cellules qui doivent se multiplier abondamment, comme lors de notre développement embryonnaire.  Après notre naissance, la télomérase s’endort dans la majorité de nos cellules, à l’exception des cellules germinales (testicules et ovaires) et des cellules souches.  Le maintien de la longueur des télomères dans les cellules germinales est primordial, il en va de la survie de l’espèce ! Ce sont ces cellules qui contiennent toute l’information génétique qui sera transmise des parents à l’enfant.  Elles doivent donc être capables de se diviser plusieurs fois tout en conservant des télomères intacts pour la prochaine génération.

Un premier point de contrôle

La présence de télomérase active dans certaines cellules est donc essentielle à l’être humain, mais, parfois, ce qui était essentiel à notre survie devient néfaste voire même mortel.  Pendant toute notre vie, nos cellules sont soumises à des agressions de toutes sortes : soleil, tabac, produits chimiques, etc. Ces agressions altèrent notre ADN et causent ce qu’on appelle des mutations, mais la cellule possède des mécanismes de réparation ultrasophistiqués et est en général capable de réparer ces altérations.  Lorsque les dommages sont trop graves et impossibles à réparer, la cellule entre en apoptose, c’est-à-dire qu’elle se suicide afin d’éviter de transmettre les dommages à ses descendants.  Or, il arrive que certaines cellules échappent aux mécanismes de contrôle.  Ces cellules survivent alors qu’elles auraient dû mourir mais elles feront bientôt face à un second point de contrôle... la longueur de leurs télomères!

Un second point de contrôle  

Généralement, les cellules anarchiques qui réussissent à échapper au premier point de contrôle de la cellule ne réussissent pas à aller bien loin.  Heureusement, le raccourcissement de leurs télomères continue et leur propre horloge cellulaire a tôt fait de mettre un frein à leurs grandes ambitions.  Pourtant, environ une cellule sur dix millions réussira à échapper au deuxième point de contrôle en réactivant la télomérase qui dormait profondément.  La cellule devenue cancéreuse sera immortelle et alors libre de se multiplier pour former des tumeurs et envahir les tissus environnants.

La télomérase et le cancer

Les chercheurs ont démontré que la télomérase est réactivée dans plus de 85 % des cancers, incluant le cancer du poumon, du sein, du côlon, de la prostate, des ovaires ainsi que dans les leucémies et les lymphomes. En conservant la longueur des télomères de ces cellules, la télomérase leur assure un potentiel de division infini. À cause de ce rôle-clé de la télomérase dans plusieurs cancers, certains laboratoires tentent de désactiver la télomérase en utilisant diverses stratégies.  Comme la télomérase est endormie dans la majorité de nos cellules, ces stratégies risquent peu d’affecter les cellules saines du corps, contrairement aux traitements actuels qui souvent affectent autant les cellules saines que les cellules cancéreuses. Cure miracle ? Nous devrons patienter encore quelques années pour le savoir.  En attendant, soyez vigilants lorsqu’on vous proposera une nouvelle crème anti-âge à base de télomérase...

Cure miracle ? Nous devrons patienter encore quelques années pour le savoir.  En attendant, soyez vigilants lorsqu’on vous proposera une nouvelle crème anti-âge à base de télomérase...

  • Note : L’auteure désire remercier sa directrice de recherche, le Dr. Chantal Autexier, ainsi que la Fondation Cole et l’Université McGill pour le support financier octroyé dans le cadre de ses études doctorales.