Informations générales
Événement : 92e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 600 - Colloques multisectoriels
Description :On s’inquiète périodiquement des impacts des TIC, mais assez peu de la transformation du rôle de la main. Ce déficit d’intérêt contraste avec le fait que la main a été un sujet d’attention au cours de l’histoire des savoirs, autant chez les scientifiques que les philosophes ou les artistes. Ce colloque serait l’occasion de favoriser les rapprochements entre différents domaines de recherche.
Trois questions clés servent de guide dans l’organisation de ce colloque :
1) Quelles sont les fonctions clés de la main qui sont le plus impactées par les technologies de l’informatique et des communications (TIC), en quoi et comment? De quoi faudrait-il surtout s’inquiéter?
2) Comment des savoirs développés dans des champs disciplinaires « éloignés » peuvent-ils se croiser sur la question de la main (p. ex., arts, sciences et philosophie)?
3) Faut-il se soucier du maintien de l’apprentissage et de l’utilisation de l’écriture manuelle?
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Monique Lortie (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Pascale Delormas (Sorbonne Université)
Programme
Mot de bienvenue
Conférence introductive
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Communication orale
Conférence introductive au colloqueMonique Lortie (UQAM - Université du Québec à Montréal), Pascale delormas (Sorbonne Université)
La main, cette petite fraction du corps humain occupe toutefois une place importante dans le cerveau. Elle a retenu l’attention d’une multitude de disciplines et les transformations numériques en cours risquent d'en modifier profondément ses fonctions, et donc, l’humain lui-même. Cette présentation s’articule en trois temps. (1) Le vocabulaire clé pour aborder la question de la main (2) Une revue des événements/colloques qui se sont penchés sur la question de la main au cours des dernières années. (3) Une cartographie des disciplines concernées par la question de la main.
La main dans l’histoire humaine
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Communication orale
Le succès humain, une affaire de mainsmichèle Drapeau (UdeM - Université de Montréal)
Avec presque huit milliards d’individus occupant tous les continents, la colonisation humaine, en tant qu’espèce, est un succès planétaire extraordinaire. Les premiers modèles d'évolution humaine tendaient à mettre l'accent sur ce qui semblait nous distinguer et nous avantager particulièrement relativement aux autres animaux : notre énorme cerveau et la production de la culture matérielle grâce à nos mains habiles. Ces traits étaient considérés comme primordiaux, mais avec l'accumulation des découvertes paléoanthropologiques en Afrique et ailleurs dans le monde, ce paradigme a été complètement renversé. L'accroissement de la taille du cerveau et le développement de la culture matérielle (et par extension la manipulation fine) ont été déclassés, n’étant que des avancées tardives n'ayant pas contribué initialement à la différenciation de notre lignée de celle des grands singes. Paradoxalement, c'est une accumulation encore plus grande de découvertes fossiles qui nous suggère maintenant que les premières interprétations n'étaient finalement pas si inexactes. En effet, plusieurs études des fossiles d'os de la main et du membre supérieur chez les premiers australopithèques nous révèlent qu'il y a eu une pression sélective qui a transformé les membres de ces australopithèques pour rendre les mains plus habiles. Ces observations ramènent la main et la manipulation aux premières loges de la définition de notre lignée et ont activement contribué au succès planétaire de notre espèce.
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Communication orale
Évolution des capacités de manipulation d'outils au sein de la lignée humaineAmeline Bardo (CNRS - MNHN)
Homo sapiens (~300 Ka) et les hominines plus anciens sont considérés comme les espèces possédant des capacités de manipulation plus complexes que les autres hominidés actuels. En quoi nos capacités manipulatrices manuelles, allant de l’utilisation d’une aiguille avec précision à l’utilisation avec force d’outils sophistiqués tels qu’un marteau ou un couteau, en passant par la confection d’objets artistiques et l’usage d’instruments de musique sont-elles inégalées dans le règne animal ? Comment et pourquoi les humains ont-ils développé de telles capacités de manipulation ? L'outil en pierre a-t-il joué un rôle déterminant dans l'évolution de la main ? Notre compréhension de l'histoire évolutive des hominines est fondée sur la capacité à reconstruire de manière rigoureuse les comportements du passé. Pour cela, les chercheurs se fondent sur les restes squelettiques fossilisés en relation avec les preuves archéologiques disponibles. Toutefois, nous ne savons toujours pas si les caractéristiques morphologiques des fossiles reflètent un répertoire comportemental et des capacités manuelles spécifiques. Lors de cette communication, je présenterai mes recherches sur l'évolution de la morphologie et des capacités de manipulation d’outils au sein de la lignée humaine et une approche interdisciplinaire associant des études comportementales à des analyses morphologiques et biomécaniques de la main d'espèces d’hominidés actuels et d’hominines fossiles.
Identité et communication
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Communication orale
Ce que la main peut : geste, langage et corps empêchésOlivia Lewi (INSEI)
Dans le cadre du projet de recherche Polycom (Toubert et al, 2022) dont les résultats ont mis en évidence l’importance du toucher dans les interactions entre professionnels et élèves avec polyhandicap (Atlan et al., 2024), nous souhaiterions développer l’apport des sciences du langage pour analyser le fonctionnement et l’interprétation des gestes des mains dans le cadre d’interactions scolaires à travers un corpus dans lequel dix élèves en situation de polyhandicap ont été filmés à trois reprises pendant une séance de classe au sein d’une unité d’enseignement. En croisant l’approche phénoménologique, des outils de la sémiotique et de la linguistique multimodale, nous montrerons en quoi le tournant praxéologique des sciences du langage permet d’approcher une pensée du corps et d’envisager les possibles ouverts en termes d’apprentissage à partir de l’analyse des variations de touchers.
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Communication orale
Le monde à portée de main : l’haptique au coeur des catachrèses informatiquesVeronica Estay-Stange (Université Paris Cité)
Il s’agit de mettre en évidence le rôle central de la fonction haptique, dont la main est la source et le modèle, dans le développement des nouvelles technologies. Définie comme la stimulation de la peau par des mouvements exploratoires au contact d’un objet, la fonction haptique dépasse le domaine tactile pour s’étendre aux autres cantons sensoriels. Elle se trouve à l’œuvre lorsque l’activité perceptive a pour visée l’ap-préhension des formes ou la composition d’« esquisses » phénoménologiques qui permettent l’intégration des percepts à l’univers du sens. Je postulerai que, dans les nouvelles technologies, le passage du tactile au visuel et, au-delà, au cinétisme corporel, s’opère sans solution de continuité grâce à une réduction considérable des mouvements de la main qui ouvrent pourtant sur une grande diversité d’opérations : « entrer », « sortir », « ouvrir », « fermer », « avancer », « reculer », « naviguer » ou « surfer » … Loin de se limiter à un seul domaine sensoriel, ces mouvements impliquent tout le corps, mobilisant une hapticité interne ou bien une représentation cognitive des gestes corporels d’ordre haptique. Je suggèrerai que cette représentation cognitive du somatique est de l’ordre de la catachrèse, dont le champ lexical déployé autour des nouvelles technologies atteste l’existence. Le résultat de ces catachrèses cognitives et lexicales qui trouvent leur foyer dans le simple « doigté », est l’illusion que le monde est véritablement à portée de main.
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Communication orale
Approche sémio-discursive des fonctions de la main comme marqueur d’identité, de communication et de pouvoirPascale Delormas (Sorbonne Université)
Étant donné l’environnement numérique dans lequel nous évoluons, on peut se demander dans quelle mesure sont remises en cause les fonctions de la main comme indice de l’identité de l’individu, dans les relations de communication et dans les modes de manifestation du pouvoir religieux ou juridique. Ainsi, par exemple, l’identification de la singularité de l’individu par la lecture des lignes de la main ou celle des empreintes digitales, l’intercompréhension soutenue par les usages spécifiques du pouce ou de l’index ou la démonstration de force liée à l’image du poing brandi ou de la main levée sont-elles autant de manifestations culturelles dont nous sommes peut-être les derniers témoins.
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Communication orale
Main-tenance : entre contrôle et laisser-faire dans la création numériqueJohann Baron Lanteigne (Indépendant)
Dans ma pratique, la main est bien plus qu’un simple outil d’interaction avec le numérique : elle est le point de tension entre contrôle et spontanéité, entre technique et expression. En détournant des outils industriels pour développer des systèmes de création en temps réel, je cherche à réintroduire une physicalité dans l’expérience numérique, à reconnecter le geste à la matière virtuelle. Cette conférence explorera le rôle de la main dans mon travail, en tant qu’interface entre le corps et la technologie, et interrogera comment elle façonne notre relation aux environnements immersifs.
Dîner
Impact des transformations
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Communication orale
Impact des technologies numérique sur la main et la santé•Pierre Yves Thérriault (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)Lucas, un adolescent de 15 ans, est passionné de jeux vidéo. Chaque jour, il passe plusieurs heures sur sa console ou son téléphone pour jouer. Lucas commence à ressentir une douleur à son pouce de la main droite. Elle devient plus intense, au point qu'il lui est maintenant difficile de jouer sans gêne. Ses parents remarquent qu'il se plaint souvent de douleur au poignet et qu'il a du mal à tenir son téléphone. Il consulte un médecin qui indique qu'il présente les symptômes typiques d’un « Game thumb ». L’implantation des technologies numériques a transformé le rapport que l’humain entretien avec les objets pour réaliser les activités journalières. À travers la revue de ces nouvelles pathologies, l’objectif est de porter un regard critique sur les liens entre la main, les technologies numériques et la santé. La présentation brossera un portrait de celles-ci, souvent d’ailleurs nommées en lien avec l’action posée ou l’objet utilisé. La question de la prise en charge, qui inclut des traitements conservateurs comme des interventions plus invasives, sera abordée. La prévention s’avère une avenue salutaire pour poser des gestes efficaces auprès de cette nouvelle réalité. Enfin, quelques stratégies d’intervention possibles seront dégagées.
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Communication orale
Les nouvelles technologies entrainent une recartographie des aires motrices de La main au profit d’une sur-représentation du pouce et de l’index!David Fortin (UdeS - Université de Sherbrooke), David Fortin (Université Sherbrooke)
Contrairement à l’image que l’on se fait du cerveau, il s’agit d’un organe en constante mutation, en perpétuel remodelage. Ce remodelage cérébral – la neuroplasticité – est un phénomène fondamental présent durant la vie entière d’un individu, qui est directement tributaire de l’utilisation que l’on fait de son cerveau, et donc par extension, de son corps. La fonction de la main est évidemment grandement influencée par ce phénomène. Pensez aux virtuoses de guitare, piano ou violon, aux artistes illustrateurs ou peintres : Leur dextérité et leur habileté dépassent de loin celle du commun des mortels ne pratiquant pas ces activités de haute précision manuelle qui, à force de pratiques et de répétition, induisent donc un remodelage conséquent au niveau des centres de commande de la main situés dans le cerveau. Le même type de raisonnement s’applique évidemment à la calligraphie. Très bien, mais que se passe t’il si une autre activité vient faire compétition et déplace le temps consacré à ce type de tâches manuelles au profit d’une tâche autre? Celle de pianoter sur des écrans digitaux par exemple? Cela peut-il entrainer une diminution des aptitudes calligraphiques, par exemple? Après une revue des mécanismes permettant la neuroplasticité, nous réviserons les évidences de la littérature scientifique quant à l’effet produit par les technologies digitales sur la fonction de la main. Nous verrons que ces effets sont mesurables, conséquents et potentiellement durables.
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Communication orale
La main au travail face aux nouvelles technologiesMonique Lortie (UQAM - Université du Québec à Montréal)Lorsqu’il est question des nouvelles technologies, le regard dominant est de nature économique (productivité, évolution du marché des emploi) ou sociologique (division du travail, autonomie). Souvent, ce regard prolonge celui développé pour analyser les grandes transformations antérieures : industrialisation au XIXe,siècle, mondialisation, progrès de l’automatisation. Le rôle de la main en termes d’expression des savoirs et savoir-faire y est relativement peu abordé, et cela demeure le cas avec le développement des outils numériques et de l’IA. Ces derniers suscitent de nombreuses études et débats, tout à fait pertinents, mais où la question du travail manuel y est peu abordée, au-delà des prédictions quant à son futur. L’objectif de la présentation est de réexaminer le rôle du travail manuel. La présentation s’articule sur trois portraits/cartographies : (1) Les principales prédictions et de leur potentiel de réalisation. (2) Les regards portés sur le travail manuel et leur impact sur les décisions (3) Les grandes fonctions de la main au travail, en particulier au niveau de la prise d’information, des communications non verbales, du symbolisme et des décisions d’action. En discussion, nous aborderont les champs de connaissance développées en ergonomie ou en Human Factors qui demeurent d’actualité pour questionner les impacts des nouvelles technologies sur le travail impliquant la main.
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Communication orale
Les mains, véhicule d'aide au discernement managérialChristophe Roux-Dufort (Université Laval)En réponse aux limites des principaux modèles classiques de décision, des tentatives ont été faites afin d’examiner le processus de décision à l’aune du concept de discernement dans un contexte managérial. Miller (2020) le présente comme le produit combiné de la réflexion, de l’intuition et des valeurs pour guider les décisions. En somme, le discernement est une quête d’alignement des décisions avec les valeurs fondamentales personnelles, organisationnelles ou communautaires et prend toute sa place dans des situations ambiguës ou complexes, là où les outils analytiques et rationnels ne suffisent pas à gérer les tensions éthiques, relationnelles et stratégiques. Or le discernement résulte du jeu de mouvements intérieurs subtils chez celui qui discerne, certains contribuant à l’éloigner de ses valeurs et d’autres au contraire favorisant son alignement. Plusieurs travaux s’inspirant de l’approche du leadership esthétique soulignent ainsi le rôle central du corps et des émotions en complément de la raison comme support du travail de discernement. Nous proposons alors que les mains puissent jouer le rôle de véhicule de discernement en mettant en avant sa triple fonction d’organe sensoriel, psychique et spirituel. Dans cette communication, nous revisitons les travaux qui fondent ces propriétés manuelles et identifions en quoi elles peuvent servir à assister le gestionnaire dans certaines décisions impliquant un discernement.