Informations générales
Événement : 92e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Les recherches sur les paradoxes suscitent un vif intérêt de la communauté universitaire des sciences de la gestion (Smith et Lewis, 2011; Gail et al., 2024). Toutefois, si l’approche par les paradoxes offre une perspective d’analyse théorique et pratique pour soutenir l’activité des gestionnaires (Girard, 2021), elle soulève des interrogations quant à la démarche de recherche à adopter. Révéler et relever les principales démarches méthodologiques permettraient de faire progresser la recherche et la formation sur les paradoxes. D’où la volonté d’affiner et d’élargir les méthodologies mobilisées, d’exposer les difficultés rencontrées, de présenter des techniques de collecte et des contextes différents, de montrer des preuves de tensions paradoxales, de développer des protocoles fiables et flexibles pour identifier les paradoxes, d’encourager les études à plusieurs niveaux et de pratiquer la réflexivité. Ce colloque est donc l’occasion de travailler et d’échanger sur les preuves de tensions paradoxales (contradictions, interdépendance et persistance) et sur la mise en évidence de protocoles fiables identifiant les paradoxes.
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Karyne Gamelin (UdeS - Université de Sherbrooke)
- Adama Ndiaye (Université de Tours)
- Nadia Girard (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Première partie
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Communication orale
Mot de bienvenue - Les paradoxes de la recherche sur les paradoxesMarco Berti (Nova SBE - Universidade Nova de Lisboa)
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Communication orale
Tensions entre culture de performance et culture d’apprentissage : les défis d’une étude de portée en gestion de la formationRoxane Meilleur (UdeS - Université de Sherbrooke), Anaëlle Moreau (Étudiante au baccalauréat en psychologie, Université de Sherbrooke), Audrey Plourde (Étudiante au baccalauréat en psychologie, Université de Sherbrooke)
Une étude en logement social a mis en évidence la complexe négociation entre culture d’apprentissage et culture de performance. Alors qu’une culture d’apprentissage favorise l’expérimentation et la réflexion en continu, une culture de performance laisserait peu de place à la réflexion collective et au droit à l’erreur (Meilleur, 2021). Dans les écrits, certaines tensions suscitées par une culture de performance sont décrites, sans toutefois expliciter les liens avec la culture d’apprentissage (voir p. ex., Moynihan et al., 2010). Une étude de portée est donc en cours pour tenter de cerner ces tensions en contexte organisationnel. Cette méthode de recherche documentaire, particulièrement adaptée lorsque la littérature disponible est rare et hétérogène, permet de cartographier les écrits existants afin d’identifier des pistes de recherche futures (Arksey et O’Malley, 2005). Cette communication permettra d’exposer les défis et les questionnements ayant émergé au fil de l’étude. Des termes comme « paradoxe », « tension » et « opposition » doivent-ils forcément se retrouver dans l’équation de recherche pour que les écrits identifiés soient pertinents à l’étude des paradoxes ? Les tensions repérées dans les écrits sont-elles toujours de nature paradoxale? La tendance à simplifier la complexité et à privilégier les modèles prédictifs conduit-elle à évacuer des paradoxes? Comment peut-on mettre en œuvre des projets de recherche documentaire qui y soient plus « sensibles »?
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Communication orale
L’analyse des paradoxes organisationnels confrontée à la recherche-action participativeMarc D. Lachapelle (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Au niveau méthodologique, l’analyse des paradoxes fait face à certains défis quant au rôle central que joue le ou la chercheur.euse dans l’analyse, la difficulté d’intégrer d’autres types de données outre les entrevues qui constituent souvent la donnée primaire, et finalement la difficulté à aborder la complexité et le dynamise dans nos recherches. Comme étudiant au doctorat qui entreprend un projet de recherche-action participative, j’ai été personnellement confronté aux manques « d’innovation » et « d’alternatives » d’analyse des paradoxes. Les exemples « classiques » contredisaient plusieurs principes de mon approche qui repose sur un décentrement de mon rôle de chercheur et de l’intégration des savoirs expérientiels des co-chercheur.euse.s dans l’étape d’analyse. Pour cette communication, je propose de présenter le protocole que nous avons développé dans le cadre de ce projet : une analyse narrative et collective. Je souhaite présenter comment cette méthode a émergé de la collaboration, les étapes qui la constituent, les apports et limites que nous avons notés, et finalement comment elle se distingue des approches analytiques classiques… et potentiellement permet de répondre à certaines limites méthodologiques et théoriques actuelles.
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Communication orale
Identifier les contradictions paradoxales dans le discours des gestionnaires : l’apport de l’analyse structurale.Frédéric Yvon (UdeM - Université de Montréal)
Cuhna et Putnam (2019) mettent en gardent les chercheur.e.s adoptant une approche paradoxale : la recherche sur les paradoxes risque de s’enliser si elle consiste à illustrer le modèle proposé par Smith et Lewis (2011) qui a connu un grand engouement. La lecture de ce texte nous encourage à explorer des démarches inductives à l’exemple de Girard (2022) qui a adopté une démarche de théorisation ancrée pour faire émerger des contradictions paradoxales dans la gestion du changement basé sur la mobilisation du personnel. Dans cette communication, nous allons essayer de relever le défi méthodologique de formaliser des tensions paradoxales locales et spécifiques, sans chercher automatiquement un alignement sur le modèle de Smith et Lewis (2011). Pour ce faire, nous avons procédé à une analyse secondaire de deux échantillons de données obtenues par des entretiens semi-directifs. Pour traiter ces données, nous avons appliqué la méthode d’analyse structurale (Piret, Nizet et Bourgeois, 1996). Toutes les oppositions ont été recensées dans le contenu d’entretiens réalisés auprès directions d’établissement primaire : treize dans le Canton de Genève et sept dans le Canton de Fribourg. La communication présentera la démarche d’analyse, discutera les résultats obtenus et leurs limites. Notre codage permet de confirmer que l’analyse structurale est une démarche prometteuse pour la mise en évidence des paradoxes dans le discours des gestionnaires… à certaines conditions.
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Communication orale
Gestion des paradoxes organisationnels : questions épistémologiques, méthodologiques et perspectivesAdama Ndiaye (Université de Tours)
Il existe un intérêt patent envers l’étude des paradoxes. Cependant malgré cet engouement, la question relative à l’approche méthodologique est peu abordée. L’objectif de cette communication est d’aborder les questions épistémologiques et méthodologiques que posent la gestion des paradoxes. Pour répondre à cette problématique, deux points vont être abordés. Tout d’abord, nous allons aborder les questions épistémologiques. Elles permettent de statuer sur la position du chercheur et d’aborder la nature des principes pour se saisir des paradoxes. Ensuite, nous allons mettre en évidence les questions d’ordre méthodologique. Elles impliquent de préciser la place du contexte d’étude, l’analyse processuelle et la collecte des données. Enfin, nous allons explorer la place qu’occupe le niveau d’analyse. In fine, en guise de contribution, nous allons aborder l’approche multiniveau. Cette dernière va être illustrée par l’étude de conflits interpersonnels.
Dîner
Deuxième partie
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Communication orale
Témoignages authentiques venant des gestionnaires, vraiment?Benoit Cherré (École des Sciences de la Gestion (ESG) - UQAM), Nathalie Lemieux (ESG UQAM)
Les recherches qualitatives s’appuient généralement sur des entrevues individuelles. Dans le cadre de nos recherches, les principaux répondants sont des gestionnaires en exercice. Malgré toute la rigueur méthodologique, comment s’assurer de la qualité des données, particulièrement dans des études portant sur les paradoxes? Il appert que les gens ont souvent tendance à se décrire sous leurs beaux jours, voire à décrire une perfection. Des mécanismes de défense semblent alors en présence. Afin de dépasser l’image aliénée et d’amener une autoréflexion, la réalisation des entrevues s’avère délicate. Dans le cadre de recherches portant sur les paradoxes, il n’est pas rare que les répondants ressentent une perte d’autonomie et un manque de sens au travail. Cette aliénation peut affecter l’image de soi et apporter ainsi des distorsions dans les discours. Comment alors trouver la vérité de soi-même dans leur discours?
Nos expériences démontrent qu’il faut parfois cumuler les sous-questions de la grille d’entrevue et en faire émerger de nouvelles afin de dégager une profondeur. Cela implique d’engager une conversation avec le répondant. Pour reprendre les mots de Savoie-Zajc (2021 : 282), « l’entrevue est vue comme une occasion de construire conjointement du sens; les interlocuteurs se verront alors comme des collaborateurs ». Cette communication sera l’occasion d’échanger sur les bonnes pratiques ainsi que sur les trucs et astuces.
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Communication orale
Vécu paradoxal du gestionnaire : schématiser pour faire le pont entre la théorie et la pratiqueÉlyse Casavant (UQAM), Nadia Girard (UQAM - Université du Québec à Montréal), Jean-Serge Polisi (Université de Sherbrooke)
Des gestionnaires/étudiants d’un microprogramme de 3e cycle universitaire sont exposés à l’approche paradoxale dans le cadre d’un cours visant à identifier des repères de gestion adaptés à une réalité complexe. À titre de professeure, nous observons que la schématisation permet de représenter la situation problème et de donner un nouveau sens, une nouvelle compréhension à une situation de gestion. L’expression visuelle facilite la prise de conscience des tensions paradoxales et permet une conceptualisation concrète et dynamique des paradoxes (Pradies et al., 2023).
Deux gestionnaires d’expérience qui ont suivi le cours à l’hiver 2024 présenteront la schématisation de leur situation de gestion paradoxale et témoigneront de leur vécu d’apprenant, notamment l’ancrage et les limites de l’application de ces apprentissages un an après avoir complété le cours.
Des entrevues amorcées auprès de la première cohorte (hiver 2022) peinent à illustrer la magie qui semble avoir lieu en classe. Les témoignages de la professeure et des étudiants finissants visent à orienter la discussion sur une méthodologie de recherche qui pourrait mettre en lumière l’apport de l’approche paradoxale comme outil ou processus d’analyse.
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Communication orale
Le développement de la capacité d’agir des gestionnaires de proximité dans le contexte du réseau de la santé québécoisFlorence Plamondon (École des Sciences de la Gestion (ESG) - UQAM)
La phase exploratoire de cette présente recherche portait sur la formation donnée en milieu de travail, auprès d’une centaine de gestionnaires, avec pour sujet les tensions paradoxales liées au développement de la capacité d’agir (DCA), soit « un processus qui valorise la prise d’initiatives en misant sur l’actualisation de compétences qui contribuent à l’atteinte d’un but collectif (dans une perspective évolutive) » (Girard, 2021, p.193). L’observation du déroulement de ces ateliers a permis de constater, entre autres, que la volonté des gestionnaires de développer leur capacité d’agir était à géométrie variable.
Cette phase exploratoire nous a mené à nous questionner sur l’observation tangible du DCA et des paradoxes sous-jacents. Notre questionnement repose donc sur le rôle du job crafting, qui correspond aux « changements physiques ou cognitifs que les individus opèrent dans les tâches ou les limites relationnelles de leur travail » (Wrzesniewski et Dutton, 2001, p.179), dans la manière dont les gestionnaires de proximité composent avec les paradoxes (Soniya et Zubin, 2022). Ainsi, en demandant aux gestionnaires de nous raconter comment ils « bricolent », nous explorons une stratégie de collecte de données nous permettant de capter de manière plus tangible comment ils composent avec les paradoxes.
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Communication orale
Transformer les paradoxes en moteurs de découverte : Communication de clôtureKaryne Gamelin (UdeS - Université de Sherbrooke)
Ce troisième colloque sur l’approche des paradoxes vise un partage des connaissances et la présentation de travaux de recherche sur la thématique de l’approche des paradoxes afin de renforcer les choix épistémologiques et méthodologiques afin de faire progresser la recherche et la formation sur les paradoxes. La communication de clôture permettra de revenir sur les principaux thèmes abordés durant le symposium, tout en ouvrant des perspectives pour la suite des recherches et des pratiques.
Nous y mettrons en lumière l'importance de développer des méthodologies rigoureuses et transparentes pour identifier les tensions paradoxales, en explorant les outils variés présentés au cours des échanges. Une attention particulière sera portée à la question des paradoxes potentiellement induits par les chercheurs, afin de renforcer la réflexivité et la traçabilité dans nos protocoles méthodologiques.
Enfin, la clôture permettra de souligner l'importance d'élargir la communauté scientifique travaillant sur l'approche des paradoxes. Nous chercherons à poser les bases d’un réseau durable, où jeunes chercheurs et experts pourront collaborer, partager des pratiques et s’inspirer mutuellement pour faire progresser les approches méthodologiques et épistémologiques.